Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés de me voir sur la même ligne que MM. François Pupponi et Camille de Rocca Serra. Face à la difficulté et à l’intérêt que représente le titrage des biens, certains dispositifs, qui ont incité à la régularisation, n’ont pas prouvé leur efficacité. Le groupement d’intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété, le GIRTEC, a été créé en 2007. Il apporte aux notaires et aux héritiers un soutien technique indispensable, qui s’est révélé cependant insuffisant tant la tâche est ardue. Si l’on peut dire aujourd’hui que la situation est en voie d’amélioration, le rythme des régularisations reste en effet peu satisfaisant au regard du nombre de cas encore à traiter.
Dans certaines communes de Corse, le taux de biens non délimités dépasserait les 50 %. D’après le cadastre actuel, sur 378 000 propriétaires privés – hors collectivités et personnes morales –, on a dénombré 95 000 comptes au nom de personnes nées avant 1900, qui représentent 367 000 parcelles et 229 000 hectares. Vous comprenez ainsi le problème qui se pose en Corse. En 2015, on estimait encore à 34 % la proportion des parcelles corses dont le propriétaire était une personne décédée. Il s’agit d’un véritable handicap pour le développement de l’île compte tenu de ses difficultés particulières : l’insularité, le relief – qui rend difficile sa traversée d’est en ouest et du nord au sud, comme je m’en suis rendu compte à plusieurs reprises –, mais également l’émigration, de nombreux Corses étant partis sur le continent, en Europe, en Amérique du Sud ou dans le reste du monde, ce qui entraîne des difficultés pour le droit de propriété.
Ces situations inextricables, où des biens peuvent avoir une centaine de propriétaires, sont très dommageables pour les biens eux-mêmes, puisqu’ils ne sont pas entretenus, mais aussi pour le développement économique. Comment un agriculteur peut-il investir dans un champ de clémentines et y entretenir les arbres si on ne connaît pas le propriétaire ? Il s’agit d’un vrai problème pour le développement de l’île. C’est là que réside l’intérêt général, cher Charles-Amédée de Courson. Nous avons tout intérêt à ce que la Corse se développe : cela servira les Corses et le bien général des Français.
Je suis, pour ma part, un adepte du principe des matriochkas : on peut être à la fois breton, français et européen, cela ne pose pas de problème. On peut avoir plusieurs identités à la fois.
Je sais bien que nous touchons là à l’héritage des Lumières, mais celui-ci remonte à deux siècles. La loi Le Chapelier a tout de même interdit en France les syndicats pendant fort longtemps, et il a fallu une lutte mémorable pour qu’à la fin du XIXe siècle on ouvre le droit à la création des syndicats. Or, vous le savez bien, l’interdiction contenue dans cette loi a été promulguée pour empêcher la formation de corps intermédiaires entre le citoyen et l’État. J’ai l’impression qu’il se produit aujourd’hui la même chose vis-à-vis de nos cultures d’origine. Pour ma part, la diversité ne m’a jamais posé problème.