Nous avons évoqué cette question lors des travaux en commission. La première mouture de l'amendement de notre rapporteure avait été retirée au profit de celle que nous avons sous les yeux et dont la proposition du Gouvernement diffère peu.
Je voudrais répéter ce que j'ai dit en commission et lors de la discussion générale. La volonté de la rapporteure et du Gouvernement est unanimement partagée : nous avons le devoir de nous pencher sur la situation créée par la décision du 4 mai. En revanche, je crains fort que l'amendement n° 71 rectifié ne soit l'amendement de tous les dangers.
Cet amendement maintient une partie civile alors qu'a disparu toute raison pour qu'il y ait un procès pénal. Or l'existence d'une partie civile est intimement et de manière incontournable liée à un tel procès. Que ce procès se soit conclu par une décision ou par une autre, y compris la relaxe, qu'il ait donné lieu ou non à une amnistie, puisqu'il est fait référence à cette notion dans l'exposé sommaire, toujours est-il qu'il existe à la base une incrimination pénale ayant débouché sur un procès pénal, avec deux parties au procès, la personne mise en cause et la partie civile. Il n'y a pas de partie civile sans procès pénal.
Je comprends que vous ayez envisagé cette mesure et, dans le fond, nous aimerions pouvoir vous rejoindre, mais c'est l'amendement de tous les dangers. Comment voulez-vous que les auteurs des faits qui bénéficient aujourd'hui – c'est scandaleux mais c'est ainsi – du fait qu'il n'y a plus d'incrimination pénale, au moment où, du fait de cet article de loi, ils se retrouveraient devant le juge civil, ne saisissent pas à nouveau les juridictions, cour d'appel ou Cour de cassation, en vue d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Si ce nouvel article de loi fait l'objet d'une QPC et que le Conseil constitutionnel prononce une nouvelle censure, c'est la double peine pour les victimes !
J'adhère à mille pour cent aux souhaits de la commission et du Gouvernement, mais je vous alerte sur l'extrême fragilité juridique de ce qui est proposé. Je ne sais pas ce qu'il faudrait proposer mais, très sincèrement, je ne pourrai pas, et je crois que le groupe UMP ne pourra pas voter un amendement qui est, au sens étymologique du terme, monstrueux sur le plan juridique.