Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, le 17 juillet dernier, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à abroger la majoration de 30 % des droits à construire instituée par la loi du 20 mars 2012, et dont l'initiative revient à nos collègues sénateurs.
L'Assemblée avait adopté cette loi le 6 mars dernier dans des conditions pour le moins acrobatiques. Ultime texte voté sous la précédente législature, cette loi instaure, sauf décision contraire de la collectivité, une majoration de 30 % des droits à construire pour l'agrandissement et la construction de bâtiments à usage d'habitation sur les terrains couverts par un document d'urbanisme. Ce dispositif temporaire devait s'éteindre au 1er janvier 2016.
Ce dispositif de majoration des droits à construire a vocation à s'appliquer sur la totalité du territoire, tout en laissant aux responsables locaux la maîtrise de la décision. Mais, contrairement aux dispositifs existants, la charge de la preuve est inversée, la majoration étant de droit neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi. La collectivité, commune ou EPCI, ne délibère que pour refuser l'application de la majoration ou pour la limiter à une partie de son territoire.
Dans les six mois suivant la promulgation de la loi, soit le 20 septembre 2012 au plus tard, le conseil municipal – dans l'exemple d'une commune – doit mettre à disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 %. Le public dispose alors d'un mois pour formuler ses observations. Le maire présente ensuite la synthèse de ces observations. La majoration forfaitaire des droits à construire est applicable huit jours après cette séance de présentation, et au plus tard à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, soit le 20 décembre 2012, sauf si le conseil municipal décide à l'issue de cette présentation de ne pas appliquer la majoration sur tout ou partie de son territoire.
Venons-en aux critiques que l'on peut adresser à ce dispositif, qui sont assez largement partagées, comme en témoignent les débats en commission des affaires économiques la semaine dernière.
D'abord, la loi du 20 mars 2012 a été adoptée dans une grande précipitation, sans réelle concertation avec les acteurs concernés. Elle a été accueillie avec scepticisme par les milieux professionnels et les représentants élus des collectivités locales. Tant sur le fond que sur la méthode, la majoration de 30 % des droits à construire apparaît comme une réponse inadaptée aux défis de la crise du logement dans notre pays.
Sur la méthode d'abord, le choix d'instaurer une mesure uniforme, de portée générale et à caractère automatique va à l'encontre des efforts engagés depuis plusieurs années, quelles qu'aient été les majorités, pour promouvoir des règles d'urbanisme fondées sur la concertation, le respect des spécificités locales et la prise en compte des exigences de développement durable.
La majoration peut en effet s'appliquer sans délibération du conseil municipal, puisque le mécanisme repose sur une décision implicite. Comme vous pouvez l'imaginer, cette situation ne peut que mettre en danger les cohérences territoriales issues des documents d'urbanisme – PLU et SCOT – établis sur la base d'équilibres délicats et concertés au plan local. Et ce d'autant que la loi du 20 mars 2012 permet à une commune membre d'un EPCI compétent en matière de PLU d'aller à l'encontre de la décision qu'il aurait prise !
Il s'agit là d'une direction totalement contre-productive, qui vient compromettre les efforts engagés de longue date par de nombreuses collectivités pour promouvoir l'échelon intercommunal en matière d'urbanisme. J'ajoute qu'aucune disposition ne vient garantir l'articulation entre les différents documents d'urbanisme existants, en particulier le SCOT. Cela représente au final une véritable régression du droit de l'urbanisme.
Sur le fond, ensuite, l'objectif affiché de la loi du 20 mars 2012 était d'encourager l'offre de logements en favorisant par des allégements réglementaires la densification des constructions. Or le dispositif de majoration qu'elle propose ne s'inscrit dans aucune stratégie globale d'optimisation de l'utilisation des surfaces, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour parvenir à surmonter la crise du logement. Sur cet objectif, majorité et opposition pourraient se rejoindre.
La majoration de 30 % s'inspire d'une technique de dépassement des règles de constructibilité d'ores et déjà utilisée à trois reprises dans le code de l'urbanisme sans que l'articulation entre les différents dispositifs et leur impact ne soient évalués ni pris en compte.
Ces trois facultés de majoration visent à favoriser la production de logements sociaux, à promouvoir des constructions répondant à des critères de performance énergétique et à encourager l'agrandissement ou la construction de logements en zone urbaine, notamment en zone urbaine tendue.
Ces dispositions restent inchangées et peuvent être utilisées par les collectivités intéressées par la perspective de majorer les droits à construire sur une partie de leur territoire. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Au-delà de ces aspects juridiques, j'ajouterai qu'au cours des auditions que j'ai menées, tous mes interlocuteurs sans exception ont souligné l'effet d'aubaine que la majoration de 30 % des droits à construire représente pour les propriétaires, dont la valeur des biens sera mécaniquement accrue. Et tous ont décrit des comportements de surenchère et d'attentisme qui ne manqueront pas d'accroître les tensions sur un marché foncier qui n'en a vraiment pas besoin.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que la commission des affaires économiques se soit prononcée favorablement sur l'initiative de nos collègues sénateurs dont je vais maintenant présenter brièvement le contenu.
Auparavant, je souhaiterais faire une remarque sur le calendrier d'examen de cette proposition de loi. Certains, dans les rangs de l'opposition, ont déploré une forme de précipitation dans l'examen de ce texte.