Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 15h00
Abrogation de la loi relative à la majoration des droits à construire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

…les dépenses pour se loger explosent. La spéculation immobilière, encouragée par des décennies de défiscalisation et de politiques complaisantes, assèche l'offre. Le financement du logement social est malmené.

Dans ce contexte, les décisions à prendre sont d'une tout autre nature que cette augmentation de 30 % des droits à construire, qui repose sur l'idée, chère à la droite, que la puissance publique n'a pas à financer la construction ou le logement social et qu'il suffit de laisser les coudées franches aux propriétaires et aux promoteurs pour réduire le mal-logement. De fait, le rapporteur de la commission des lois du Sénat l'a signalé, le nombre de communes ayant finalisé et donc validé la procédure de majoration s'élèverait, au début du mois de juillet, à… un.

En outre, « il n'a été porté à la connaissance du rapporteur » de la commission des lois du Sénat saisie pour avis, « aucun cas d'application de cette majoration dans les communautés urbaines dont on aurait pu légitimement penser qu'elles étaient les plus concernées par ce dispositif » ; ce sont les termes mêmes de son rapport.

S'il suffisait d'attendre le bon vouloir des bailleurs pour loger nos sans-abri, ça se saurait !

Au vu de ces premiers résultats, comment accorder le moindre crédit à la droite lorsqu'elle prétend que la mesure permettrait de faire sortir de terre 40 000 logements ?

Il faut dire que ce chiffre rond de 40 000 a été calculé par l'ancienne majorité avec une méthode bien particulière : il sera atteint si 66 % des communes concernées appliquent cette majoration à 50 % des projets en l'utilisant à 100 % de ses capacités pour des habitations de 100 mètres carrés en moyenne… On mesure le sérieux de ce chiffrage reposant sur pas moins de quatre hypothèses induites.

Quoi qu'il en soit, les chiffres dérisoires de la mise en application du dispositif montrent qu'il est rejeté par les élus locaux. Ils montrent aussi que cet accroissement de la constructibilité n'aura guère que des effets d'aubaine. Il sera possible à certains d'agrandir leur terrasse, de créer un parking ou d'ajouter une véranda au mépris des règles urbanistiques antérieures, mais ces petites facilités n'augmenteront en rien l'offre réelle de logement.

Tout au contraire, cette disposition risque bien d'inciter les propriétaires à la rétention : l'augmentation des droits à construire entraîne automatiquement une hausse de la valeur vénale des terrains, qui se répercute sur le prix de vente et de location des logements aux particuliers. Alors que rien dans la loi ne les incite à vendre, les propriétaires voient la valeur foncière de leur bien augmenter : pourquoi se sépareraient-ils subitement d'un placement qui fructifie ? On voit donc que la mesure, à l'inverse de l'effet recherché, porte le risque de ralentir un peu plus une offre de logement déjà peu dynamique en zone tendue.

Pire, si cette loi n'était pas abrogée, un effet inflationniste sur le prix des logements. À l'heure où les Français consacrent en moyenne près d'un tiers de leurs ressources à payer leur toit, les députés communistes et du Parti de gauche s'insurgent contre un mécanisme qui accroît les prix du foncier et nourrit donc un peu plus l'augmentation des loyers et des prix de vente.

Faut-il rappeler à l'ancienne majorité que le logement est le principal poste de dépense des ménages et que cela a des effets en cascade sur la vie quotidienne ? Cela oblige en effet bien souvent les familles à rogner sur l'alimentation et la santé mais aussi les transports ou les vacances.

Ce renchérissement aurait également des conséquences pour les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Ces derniers, en particulier, verraient le coût de leurs programmes fortement alourdi. Dans un contexte de désengagement financier de l'État et d'assèchement des crédits bancaires, cette mesure réduirait d'autant leurs capacités de construction de logements sociaux. Ce serait d'autant plus absurde qu'une majoration de la constructibilité est déjà possible pour le parc social comme pour les logements à haute performance énergétique.

Vous le voyez, les arguments ne manquent pas pour voter très rapidement la suppression du dispositif des 30 %. Du reste, de nombreux sénateurs de la droite et du centre ne se sont pas opposés à cette abrogation, donnant discrètement quitus à la nouvelle majorité pour rattraper les errements du passé. Les députés communistes et du Parti de gauche appuient sans aucune réserve cette suppression.

Il nous semble d'ailleurs que la loi Boutin mériterait le même sort. Considérée par les organismes HLM comme un véritable désastre, elle a bouleversé le fonctionnement du parc social en lui appliquant des critères de financiarisation et en faisant exploser les surloyers. Aujourd'hui, bien des locataires sont littéralement écrasés par ces charges et la mixité sociale de l'habitat est plus que jamais menacée.

Cette loi a aggravé la précarité locative des locataires solvables en abaissant les plafonds de ressources et en instaurant des contrats de location de trois ans non renouvelables. À quand un projet de loi d'abrogation de la loi Boutin ? C'est une question que nous posons au Gouvernement.

Au cours de cette législature, les députés communistes et du Parti de Gauche feront des propositions en faveur du logement qui trancheront radicalement avec celles de la droite.

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