N'en déplaise à notre collègue Apparu, la proposition de loi sénatoriale que nous examinons aujourd'hui est importante, car elle tourne la page après cinq années d'errance en matière de politique du logement et d'urbanisme.
Cinq années de mesures-gadgets, de mesures-slogans : il suffit de se souvenir de la maison à un euro qui devait concrétiser la France des propriétaires ou des éloges du crédit hypothécaire à quelques mois de l'explosion de la crise des subprimes. La loi sur les 30 % est venue en bout de course allonger la liste par cette mesure inflationniste et spéculative qu'il nous appartient, à la suite de nos collègues sénateurs, d'accompagner au cimetière des mesures mortes nées.
Le président Sarkozy était un président d'intuition. Les cinq années écoulées ont été jalonnées de bonnes intuitions aussitôt gâchées par la confusion et l'agitation. La bonne intuition est que la construction est un enjeu majeur pour sortir de la crise du logement : la crise du logement est une crise de l'offre et on ne s'y attaquera sérieusement qu'à condition de lever les blocages qui pèsent sur l'offre. Bien sûr, il y a l'urgence. Bien sûr, il y a la nécessité d'innover mais les pouvoirs publics ne seront à la hauteur de la situation que si et seulement si nous levons les blocages dans la construction et si, à la différence du précédent gouvernement, nous ne baissons pas le budget du logement et nous ne mettons pas en cause les moyens du 1 % logement.
En dernière minute, le président Sarkozy a fait voter par sa majorité une mesure automatique, une mesure mal taillée et à la mise en oeuvre délicate, contre l'avis de tous et sans avoir jamais démontré son efficacité. C'était une excellente mesure de conférence de presse : sur le modèle du « travailler plus pour gagner plus », la loi du 20 mars nous proposait de « densifier plus pour loger plus ». Malheureusement, l'urbanisme est un art un peu plus compliqué…
Les semaines et les mois qui viennent nous donneront l'occasion de le démontrer en mobilisant de nombreux outils laissés en déshérence, en soutenant et en responsabilisant les élus bâtisseurs. Je souhaite aujourd'hui m'en tenir à un point : la question foncière. La loi du 20 mars 2012 proposait de bonifier les droits à construire des particuliers volontaires en dehors de tout projet, de toute logique d'ensemble, de tout urbanisme de projet.
Tout laisse à penser que la nécessité est ailleurs : la mobilisation du foncier public et privé, la lutte contre la rétention, la bonne régulation de la plus-value foncière, autant d'éléments qui doivent ensemble faire l'objet, à mes yeux, d'une loi foncière.
Assigner des objectifs de construction, faire sortir certaines villes du malthusianisme, faire du renouvellement urbain et limiter l'étalement urbain, cela suppose de donner aux élus en première ligne, d'abord les maires et les présidents d'EPCI, des outils pour agir et pour maîtriser les évolutions immobilières et foncières.
Nous attendons beaucoup des propositions du Gouvernement en matière de mise à disposition, madame la ministre, du foncier public. Au cours des cinq dernières années, je ne vous cacherai pas que le scepticisme a grandi, particulièrement de ma part, à chaque annonce faite par le précédent gouvernement chaque année du grand plan de mise à disposition du foncier public, jamais mis en oeuvre, neutralisé par un État devenu schizophrène.
Je ne doute pas de la volonté et de l'engagement du Gouvernement. Vous pouvez compter sur notre soutien et notre vigilance, madame la ministre, pour la mise à disposition des terrains publics qui constitueront un puissant levier pour l'augmentation de la construction de logements, et particulièrement de logements sociaux.
Mais il faut aussi mobiliser le foncier privé. Pour cela, les outils existent, ce sont les établissements publics fonciers. Je fais crédit au précédent ministre, Benoist Apparu, d'avoir engagé un effort de rationalisation de ces outils. Une généralisation est nécessaire et les établissements publics fonciers doivent être placés en première ligne dans la bataille du doublement de la production de logements.
La mobilisation du foncier privé est un travail de fourmi qui fait se rencontrer la puissance publique, les opérateurs privés et les propriétaires. Il faut évidemment renforcer les leviers de la puissance publique, permettre aux opérateurs de faire leur métier et d'acquérir, selon la valeur d'usage et non la valeur future, les terrains qui permettront de construire les futurs logements.
En tournant, chers collègues, la page de cette loi du 20 mars, comme nous y invitent nos collègues sénateurs, nous choisissons de passer au travail sérieux pour faire avancer enfin la cause du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)