Intervention de Bernard Gérard

Séance en hémicycle du 18 février 2013 à 21h30
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Gérard :

Il répondait à un objectif de rationalisation et de simplification de la vie territoriale : il s'agissait d'en accroître l'efficacité et la lisibilité aux yeux de nos concitoyens, incapables de se repérer dans notre complexité administrative. Avec près 37 000 communes, 100 départements, 26 régions et près de 3 000 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sans oublier les divers services déconcentrés de l'État, l'empilement de nos strates, à nul autre pareil en Europe, était un frein à notre développement et représentait un coût devenu inacceptable dans le contexte budgétaire actuel.

Lors de cette réforme, l'opposition dénonçait la création d'un élu hybride qu'elle accusait de tous les défauts. Dans son rapport, M. Popelin note même : « le conseiller territorial figurera sans doute au rang des curiosités de l'histoire du droit électoral de notre pays. » Il faut croire que cela vous a inspirés. Vous vous êtes empressés de supprimer ce conseiller territorial dans une proposition de loi essentiellement démagogique. On aurait pu penser que c'était pour revenir à une formule plus classique. Mais vous instituez comme nouveau mode de scrutin le scrutin majoritaire binominal homme-femme. Quelle curiosité ! Aucun pays n'y a jusqu'à présent pensé ; vous, vous le créez. Élus ensemble, ils peuvent même être punis ensemble, au mépris de tous les principes généraux du droit, la faute de l'un pouvant entraîner la sanction de l'autre.

À notre tour donc de dénoncer ce mode de scrutin pour le moins curieux et même fantaisiste. Comment penser qu'il sera aisé pour deux personnes solidaires avant leur élection et indépendantes lors de l'exercice de leur mandat d'agir sur un même territoire ? Vous défendez la création de ce binôme en mettant en avant l'exigence de la parité voulue par la Constitution. Certes, la parité est essentielle. Certes, tout le monde constate que les femmes sont sous-représentées dans les conseils généraux. Certes, il faut agir pour y remédier. Toutefois, la solution proposée n'est pas satisfaisante. Elle ne vient pas simplifier l'exercice de ce mandat pourtant essentiel au service de nos concitoyens. Ceux-ci auront le sentiment dans bien des cas de ne plus être représentés alors que là est pourtant l'essentiel.

En agissant ainsi, vous confondez action pour une meilleure intégration de la parité et précipitation. Comment ne pas craindre une confusion voire une compétition au sein du binôme dans l'exercice par chacun des conseillers de son mandat ? Comment ne pas craindre les doublons ? Bref, plutôt que de rationaliser le travail des élus comme nous le proposions avec le conseiller territorial, vous le compliquez à l'envi et peut-être même au détriment de la qualité du service rendu à nos concitoyens, ce qui n'est pas souhaitable.

Le Sénat a exprimé toutes ses réticences à cet égard en rejetant le principe du binôme homme-femme, estimant qu'un autre mode de scrutin pourrait tout aussi bien répondre à cet objectif de respect de la parité comme c'est le cas pour les élections régionales.

En outre, ce mode de scrutin binominal homme-femme est lourd de conséquences pour la carte cantonale, comme l'indique le rapport : « En conséquence, la mise en oeuvre de la réforme nécessitera de procéder au remodelage de l'ensemble des cantons que compte notre territoire. Une telle opération n'a jamais été réalisée depuis la création des cantons en 1789 ». Avec le binôme vous multipliez par deux le nombre de conseillers départementaux ; en contrepartie, vous divisez par deux le nombre de cantons. Vous procédez ainsi à un redécoupage répondant à des critères démographiques. Or, ceux-ci affaiblissent considérablement les territoires ruraux, en contrevenant au principe de proximité entre élu et territoire qui se trouve au coeur des élections cantonales depuis deux siècles. Vous supprimez même le sens donné au mot « canton » !

Dans les territoires ruraux, le conseiller général est un élu de terrain qu'à l'image du maire, l'on vient consulter pour tel ou tel problème. Mais, en secteur urbain, qui sera donc surreprésenté par le biais de votre réforme, cela est beaucoup moins évident.

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