Nous avons déjà longuement abordé cette question mais je crois utile, après le déjeuner, d'y revenir : les idées se seront peut-être affermies, si bien que nous allons poursuivre dans les meilleures conditions le débat sur les motifs économiques de licenciement.
Jusqu'à présent, le juge ne s'autorisait généralement pas à vérifier si le motif économique invoqué par l'entreprise était fondé, ne vérifiant pas s'il était réel et sérieux. À ce jour, du seul fait de la loi, le juge se borne uniquement à se prononcer sur le respect de la régularité de la procédure.
L'amendement n° 984 , présenté par l'ensemble du groupe RRDP, fait suite à la proposition de loi déposée par le même groupe il y a quelques mois, visant à ce que l'autorité administrative s'assure que le motif économique justifiant le licenciement collectif est réel et bien sérieux. Nous avons travaillé pendant plusieurs semaines à la rédaction de cette proposition de loi, sous l'égide du président de notre groupe, M. Schwartzenberg, et nous pensons qu'elle est des plus raisonnables.
L'amendement n° 984 s'appuie sur l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Viveo, qui a estimé que « le défaut de motif économique », c'est-à-dire l'absence de justification réelle, peut conduire lui aussi à prononcer la nullité du licenciement.
Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette décision consacrant la possibilité d'une nullité au fond a été cassée par la Cour de cassation par un arrêt du 3 mai 2012, soit quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle.
L'arrêt est ainsi motivé : « Attendu qu'en vertu de ce texte seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique… »
Cette position de la Cour de cassation a été souvent critiquée, non dans cet hémicycle mais par la doctrine. Par ailleurs, et cela renforce mon argumentation, deux décisions récentes, similaires, ont procédé à la même analyse que la cour d'appel de Paris dans l'affaire Viveo : un arrêt de la Cour d'appel de Reims du 3 janvier 2012, dans l'affaire Sodimecal, et un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 22 mai 2012, dans l'affaire Leader Price.
Toutefois, la position de la Cour de cassation pouvant s'appuyer sur l'adage « pas de nullité sans texte », il paraît utile de renforcer l'actuel projet de loi en s'assurant que les juridictions seront habilitées à apprécier la validité de l'accord collectif majoritaire ou du document élaboré par l'employeur, au regard à la fois de la procédure suivie et de l'exactitude du motif économique.