La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 984 à l'article 13.
Sur l'amendement n° 984 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public, ainsi que sur la série d'amendements identiques nos 5251 rectifié et suivants.
Les deux scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l'amendement n° 984 .
Nous avons déjà longuement abordé cette question mais je crois utile, après le déjeuner, d'y revenir : les idées se seront peut-être affermies, si bien que nous allons poursuivre dans les meilleures conditions le débat sur les motifs économiques de licenciement.
Jusqu'à présent, le juge ne s'autorisait généralement pas à vérifier si le motif économique invoqué par l'entreprise était fondé, ne vérifiant pas s'il était réel et sérieux. À ce jour, du seul fait de la loi, le juge se borne uniquement à se prononcer sur le respect de la régularité de la procédure.
L'amendement n° 984 , présenté par l'ensemble du groupe RRDP, fait suite à la proposition de loi déposée par le même groupe il y a quelques mois, visant à ce que l'autorité administrative s'assure que le motif économique justifiant le licenciement collectif est réel et bien sérieux. Nous avons travaillé pendant plusieurs semaines à la rédaction de cette proposition de loi, sous l'égide du président de notre groupe, M. Schwartzenberg, et nous pensons qu'elle est des plus raisonnables.
L'amendement n° 984 s'appuie sur l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Viveo, qui a estimé que « le défaut de motif économique », c'est-à-dire l'absence de justification réelle, peut conduire lui aussi à prononcer la nullité du licenciement.
Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette décision consacrant la possibilité d'une nullité au fond a été cassée par la Cour de cassation par un arrêt du 3 mai 2012, soit quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle.
L'arrêt est ainsi motivé : « Attendu qu'en vertu de ce texte seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique… »
Cette position de la Cour de cassation a été souvent critiquée, non dans cet hémicycle mais par la doctrine. Par ailleurs, et cela renforce mon argumentation, deux décisions récentes, similaires, ont procédé à la même analyse que la cour d'appel de Paris dans l'affaire Viveo : un arrêt de la Cour d'appel de Reims du 3 janvier 2012, dans l'affaire Sodimecal, et un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 22 mai 2012, dans l'affaire Leader Price.
Toutefois, la position de la Cour de cassation pouvant s'appuyer sur l'adage « pas de nullité sans texte », il paraît utile de renforcer l'actuel projet de loi en s'assurant que les juridictions seront habilitées à apprécier la validité de l'accord collectif majoritaire ou du document élaboré par l'employeur, au regard à la fois de la procédure suivie et de l'exactitude du motif économique.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que si nous adoptions cet amendement, le juge ne pourrait plus se prononcer. Mais la loi en vigueur ne lui permet pas de se prononcer sur la réalité et sur le motif sérieux et réel du licenciement. Aussi s'agit-il de donner le pouvoir au juge administratif de vérifier le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l'employeur.
Ce serait là, de la part de la majorité, donner un signe important. Nous avons longuement discuté du gel du dividende en cas de procédure de maintien dans l'emploi. M. le ministre et vous-même, monsieur le rapporteur, avez expliqué qu'il y avait une ligne de crête à ne pas franchir. Il a par conséquent été décidé de ne pas la franchir ; dont acte. Il a été également décidé de ne pas franchir celle concernant le remboursement en cas de non-utilisation du CICE.
Notre proposition sur le contrôle du motif économique de licenciement nous paraît raisonnable et nous permettra de bien marquer notre volonté.
La durée de votre intervention n'était en tout cas pour sa part pas très raisonnable, monsieur Carpentier.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement.
Nous avons longuement débattu de cette question, je serai donc bref. Je ne vous ai pas convaincu, apparemment. Si vous avez parfaitement résumé le sujet en ce qui concerne l'arrêt Viveo, nous ne nous trouvons plus dans la situation où, à la suite de la cassation par la chambre sociale de la Cour de cassation dudit arrêt, l'on pouvait regretter que le seul jugement sur l'absence de motif économique justifiant un licenciement collectif se faisait au niveau des contentieux individuels, aux prud'hommes, et ne pouvait donc donner lieu qu'à réparation.
Cette possibilité de réparation changera : si nous ne donnons pas à l'administration la responsabilité du motif économique, nous lui donnons en revanche énormément de pouvoirs pour agir en amont, et je les ai rappelés tout à l'heure. Nous proposons donc une forme de réponse à la question posée par l'arrêt Viveo : nous donnons tous les pouvoirs possibles à l'administration pour peser sur le contenu du plan social, en lui donnant la possibilité de le renchérir en fonction des moyens du groupe, en fonction de l'utilisation du 1 % formation ou du crédit d'impôt compétitivité emploi.
Seulement, nous avons fait le choix de ne pas donner à l'autorité administrative le soin de vérifier que le motif économique justifiant le licenciement collectif est réel et sérieux, pour les deux raisons que j'ai déjà évoquées : d'une part, cela priverait le juge judiciaire de la possibilité d'agir en ce sens et donc de décider une indemnisation en faveur des salariés ; d'autre part, cette décision devrait être prise à un stade où il est moins facile d'établir la réalité et le sérieux de ce motif.
Votre proposition ne nous semble pas nécessaire parce que, grâce au texte, la juridiction administrative, j'y insiste, aura vraiment le pouvoir de peser. En même temps, les droits à indemnisation restent pleinement garantis. J'ai par ailleurs déjà indiqué que l'administration avait la possibilité de refuser l'homologation si elle constatait une évidente infraction à la loi, c'est-à-dire si elle considérait que le chef d'entreprise s'était placé à tort sous l'égide de l'article L. 1233-3 du code du travail.
Il faut donc en rester à l'équilibre actuel. Nous avons essayé, avec notre collègue Robiliard, d'aboutir à une rédaction déplaçant un peu la frontière afin que le juge administratif contrôle tout de même un peu le motif économique, tout en évitant la confrontation avec la juridiction judiciaire. C'est pourquoi la commission maintient son avis défavorable.
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis défavorable.
Le groupe GDR votera l'amendement de M. Carpentier en souhaitant, car il s'agirait d'un signe très fort, que la gauche, dans toutes ses composantes, se retrouve sur un amendement qui se justifie amplement. Dès lors que l'autorité administrative ne peut pas examiner le motif économique du licenciement, il est bien évident que la porte est ouverte à toutes les autres justifications. On ne trouve pas dans le texte le verrou que nous jugeons indispensable pour combattre les licenciements boursiers.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 984 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 26
Nombre de suffrages exprimés 26
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 9
Contre 17
(L'amendement n° 984 n'est pas adopté.)
Sur la série d'amendements identiques nos 2174 et suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 5251 rectifié .
Cet amendement s'inspire du même principe que l'amendement n° 3276 que nous avons défendu ce matin juste avant la levée de la séance. Il s'agit de prévoir le maintien des sanctions actuelles en cas de PSE insuffisant : la nullité du licenciement avec, au choix du salarié, la réintégration ou bien une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 5259 rectifié .
Le projet de loi prévoit qu'en cas d'annulation de la décision de validation ou d'homologation, le salarié a droit à la réintégration sous réserve de l'accord des parties, et qu'à défaut le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans préjudice, évidemment, des indemnités normalement dues, car il s'agit en l'occurrence de la réparation d'un préjudice.
En retenant un montant d'indemnité au moins égale à six mois, le projet de loi se conforme en apparence au droit en vigueur, c'est-à-dire aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. En réalité, le texte s'écarte du régime de sanction de la nullité, défini à l'article L. 1235-11 du code du travail qui dispose :
« Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
« Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. »
Nous proposons, avec cet amendement, de maintenir ce droit, et qu'en cas d'annulation de la validation ou de l'homologation s'applique le régime de sanction de la nullité, lequel ouvre droit, au titre du préjudice subi par le salarié, à une indemnité équivalente à douze mois de salaires bruts.
Nous avons déjà eu cette discussion ce matin. Le texte n'a pas vocation à récrire l'ensemble du droit du travail, Dieu merci. Il n'y a aucun recul par rapport au droit en vigueur. En cas de règlement judiciaire, une indemnité équivalente à six mois de salaire est prévue et, dans les autres cas, c'est bien une indemnité de douze mois de salaire qui est prévue. Quant aux règles de réintégration, elles restent les mêmes : elles sont au choix du salarié sauf si elles sont impossibles matériellement. Avis défavorable.
Même avis.
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 5251 rectifié et 5259 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 28
Nombre de suffrages exprimés 26
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 4
Contre 22
(Les amendements identiques nos 5251 rectifié et 5259 rectifié ne sont pas adoptés.)
L'alinéa 168 de l'article 13 dispose que l'annulation de la décision de validation donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Cette notion d'accord des parties est évidemment problématique.
La Cour de cassation, on le sait, a eu l'occasion de préciser qu'il était nécessaire de faire une distinction entre le licenciement injustifié sans cause réelle et sérieuse, d'une part, et le licenciement nul, d'autre part. Dans le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour a indiqué que la réintégration n'était pas de droit, mais subordonnée à l'accord des deux parties. C'est cette solution qui a été retenue en cas d'annulation, c'est-à-dire de nullité, des décisions de validation ou d'homologation.
Or, en cas de nullité du licenciement, la réintégration est aujourd'hui de droit. Qui dit nullité dit réintégration : le salarié qui le demande doit être réintégré, même si l'employeur s'y oppose. La raison en est simple : le licenciement annulé est censé n'avoir jamais été prononcé et le salarié n'avoir jamais été évincé de l'entreprise. La poursuite du contrat de travail s'impose donc logiquement au juge comme à l'employeur en cas de nullité du licenciement.
C'est à l'évidence la solution qu'il faudrait retenir dans le cas qui nous intéresse, celui d'une décision d'annulation. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2183 .
Je vais répéter ce que j'ai déjà dit, en espérant me faire comprendre ; je reconnais qu'il n'est pas facile de comparer précisément cette nouvelle disposition avec le droit actuel.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce point avec mon collègue Denys Robillard, et nous avions même envisagé de déposer un amendement identique au vôtre. Mais je vous confirme, après vérification, que dans tous les cas actuels de nullité du plan social, c'est-à-dire en cas d'absence ou d'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, c'est bien une indemnisation de douze mois qui sera versée. C'est dans les autres cas de nullité externe que l'indemnisation pourra être de six mois.
Même avis.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 4
Contre 27
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2244 .
Ces amendements veulent supprimer une disposition du texte qui permet aux organisations syndicales de bénéficier d'un recours à l'expertise financé par l'employeur. Je ne comprends pas votre position : vous souhaitez peut-être qu'il ne soit financé qu'à 80 % ?
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2206 et 2214 , qui font l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement, n° 5620.
Sur le vote de ces amendements, ainsi que sur le vote de l'article 13, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 2206 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2214 .
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 5620 .
J'espérais que vos amendements seraient défendus avec plus de fougue, puisque je voulais – et je veux toujours – leur donner un avis favorable, messieurs les députés.
Ces amendements de cohérence me paraissent tout à fait utiles et je me permets simplement de les compléter par un sous-amendement de cohérence. Nous allons donc, ensemble, être doublement cohérents.
Si nous les avions défendus, vous auriez peut-être changé d'avis ! (Sourires)
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement et sur les amendements ?
La commission ne veut pas porter atteinte à la convergence qui est en train de se réaliser et émet donc un avis favorable.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 180 et 181, qui fixent au 1er juillet 2013 l'entrée en vigueur du nouveau régime des licenciements économiques : il s'agit d'une dérogation au principe selon lequel une loi entre en application dès sa promulgation.
Puisque nous combattons l'article 13, comme nous le répéterons dans un instant, au moment des explications de vote, nous devrions à première vue nous en réjouir. Mais ce n'est pas le cas, puisqu'il s'agit en réalité d'une revendication du Medef, qui sait d'ores et déjà que les employeurs disposent de trois mois pour préparer leur PSE.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2317 .
Je vous indique que, sur le vote des amendements identiques n° 3917 et 3925 , portant article additionnel après l'article 13, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 2309 et 2317 ?
Je me réjouis de cet amendement, qui ouvre la voie à une entrée en vigueur du dispositif plus rapide encore que celle que nous avions prévue. Comme cette loi sera promulguée aux alentours du 15 mai, le dispositif entrerait en vigueur dès le 15 mai, au lieu du 1er juillet. J'imagine que cela préjuge le vote que vous allez émettre.
Trop d'empressement pourrait nuire à la qualité de notre travail. Avis défavorable.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 4
Contre 31
Madame la présidente, pourriez-vous nous accorder une suspension de séance, afin que notre groupe s'accorde sur le vote de l'article ?
La demande est de droit lorsqu'elle est formulée par un président de groupe.
Article 13
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vais maintenant mettre aux voix par scrutin public l'article 13 tel qu'il a été amendé. Le scrutin est ouvert.
Madame la présidente, nous avions demandé la parole pour une explication de vote !
Pardon ! Vous avez raison, je vous avais même accordé une suspension de séance dans cet esprit. C'est effectivement un oubli de ma part.
La parole est donc à M. Marc Dolez.
Merci, madame la présidente, il est effectivement important que notre groupe puisse dire très clairement ce qu'il pense de cet article 13.
Le licenciement économique est actuellement encadré par des textes législatifs et des jurisprudences constantes. Le projet de loi que nous examinons a pour effet d'affaiblir fortement cet encadrement.
L'article 13 constitue en quelque sorte une rupture avec les acquis historiques du modèle social français. Il est à lui seul la démonstration de l'offensive hélas réussie du Medef à l'encontre d'un système construit au fil des ans dans l'intérêt des salariés. Il conduit inévitablement à une refonte régressive de très grande ampleur du code du travail et de la législation du contrat de travail et des licenciements.
À l'opposé de l'intitulé de ce projet de loi, cet article accentue ce que nous appelons la « flexi-précarité » des salariés au service de la rentabilité financière des entreprises, et sécurise le droit de licencier à moindre coût des employeurs. Bref, il s'agit d'une procédure express pour les plans sociaux. C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'article 13 est un article scélérat.
Alors même que les plans de licenciements se multiplient dans le pays, c'est désormais par accord d'entreprise que le contenu de ces plans sociaux pourra être fixé. De plus, il sera dorénavant impossible de contester le motif économique du plan social. En effet, la prétendue homologation ou validation administrative ne viendra sanctionner que le respect des termes de l'accord d'entreprise, et non l'existence d'un réel motif économique du licenciement. C'est pourquoi nous combattons résolument cette disposition et qu'il y aura demain une mobilisation de grande ampleur à l'appel des organisations syndicales non-signataires contre cet article et bien d'autres qui figurent dans ce texte.
Nous nous opposons, mais nous proposons également. Nous considérons qu'il faudrait aller dans une autre direction. Tout d'abord en définissant de manière plus restreinte le motif économique, qui doit être strictement limité aux difficultés économiques graves mettant en cause la survie de l'entreprise. Il faut également accorder un droit d'intervention aux comités d'entreprise leur permettant de suspendre la procédure de licenciement si le motif économique est inexistant, ou lorsque l'employeur refuse de mettre en oeuvre des propositions alternatives qui protègent mieux l'emploi.
Pour toutes ces raisons, notre opposition à cet article et aux dispositions qu'il contient est résolue et déterminée.
La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour un rappel au règlement.
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Il eût été fort dommage de ne pas entendre les explications de nos camarades GDR.
Mais il demeure que le vote allait commencer. Que penserait un juge administratif de l'annulation d'un scrutin informatique qui était engagé ?
Monsieur Taugourdeau, le scrutin n'est pas annulé, personne d'ailleurs ne saurait le faire. Monsieur Chassaigne a demandé une suspension de séance pour que son groupe détermine son vote sur l'article. Il l'a déclaré en séance et cela figure au compte rendu. C'est une erreur de la présidence – qui sait les reconnaître – de ne pas avoir spontanément donné la parole au groupe GDR dès la reprise de la séance pour une explication de vote.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour une explication de vote, si M. Taugourdeau ne s'y oppose pas.
Nous voterons contre l'article 13, pour deux raisons.
Tout d'abord, l'accord national interprofessionnel avait fixé en quelques phrases le cadre dans lequel les procédures de licenciement collectif pouvaient se faire. Les choses étaient claires. Dans ce projet de loi, treize pleines pages sont consacrées à la refonte des procédures de licenciement pour motif économique. Pourtant, les outils comme le contenu du PSE ou les mesures d'accompagnement faisant l'objet d'un accord collectif existaient déjà dans le code du travail. Vous réorganisez ce qui existait déjà, à savoir les accords de méthode. De la même manière, la faculté pour l'employeur de procéder par acte unilatéral est déjà très fréquemment utilisée.
Une nouvelle fois, vous avez réinventé quelque chose qui existait déjà dans le code du travail, comme vous l'avez fait pour les conventions de revitalisation.
La deuxième raison de notre opposition à cet article est que les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur un certain nombre de délais que vous avez remis en cause.
C'est pourquoi nous ne voterons pas l'article 13.
Cet article a été longuement discuté.
Depuis le début de nos longs travaux, nous cherchons à améliorer le texte. L'article 13 réintroduit avec force l'administration du travail dans les procédures en les réglementant de façon plus contraignante. C'est d'ailleurs dénoncé par certains à l'extérieur de cet hémicycle qui ne veulent pas que du bien à ces évolutions. Pour notre part, nous nous en réjouissons.
Effectivement, certaines questions juridiques se posent, notamment quant aux juridictions qui seront compétentes pour appliquer ces dispositions.
Pour ce qui me concerne, je voterai pour cet article, mais le groupe écologiste est divisé sur ce sujet et certains de ses membres s'abstiendront.
Madame la présidente, je vous ferai juste remarquer que vous avez laissé beaucoup de temps tout à l'heure à notre collègue pour défendre son amendement. Si vous lui aviez laissé un peu moins de temps, je pense que l'amendement aurait été adopté.
Je n'ai même pas parlé sur cet amendement !
Ce n'était plus nécessaire, la majorité était à nouveau présente.
S'agissant de l'article 13, beaucoup des questions posées par le groupe GDR ou le groupe UMP n'ont pas trouvé de réponse, qu'il s'agisse du chevauchement des juridictions ou des délais. Nous sommes déçus que le rapporteur ait eu une réponse assez fumeuse sur le remboursement des aides. J'ai hâte de connaître précisément son argumentation sur ce sujet, parce ce que ce qu'il nous a dit était très loin d'être clair.
Toujours est-il qu'au vu de ces approximations sur une modification extrêmement lourde des licenciements collectifs, notre vote sera négatif sur cet article.
En 1986, j'avais milité contre l'abrogation de l'autorisation administrative de licenciement. Dix ans plus tard, nous nous sommes rendu compte, entre spécialistes du droit du travail, que nous avions eu tort car cela avait permis le développement d'une très belle jurisprudence par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Peut-être penserons-nous la même chose dans dix ans des mouvements qui entourent aujourd'hui la réforme du droit du licenciement. Je ne vais pas vous dire quelle organisation de la procédure j'aurais préférée, mais je vais vous dire pourquoi il me paraît intéressant de voter cet article.
Tout d'abord, avec la recherche du dialogue et la possibilité d'un accord collectif, nous sommes assez proches de ce qui se passe dans les entreprises. Souvent, un protocole de fin de conflit permet de se mettre d'accord sur les termes d'un PSE. La loi a été anticipée et nous ne faisons que formaliser ce que les partenaires sociaux ont inventé dans la pratique.
Ensuite, nous organisons la sécurité de deux façons. D'abord en prévoyant que, lorsqu'il y a un accord, il doit s'agir d'un accord majoritaire. Ensuite en imposant, y compris pour les accords, un contrôle de l'administration. Nos discussions ont abouti à porter le délai de huit à quinze jours, ce qui donne à l'administration les moyens d'effectuer son contrôle. Cela crée de la sécurité au profit de tout le monde, salariés comme employeurs.
Il sera très difficile à un employeur de ne pas être loyal dans la procédure d'information et de concertation, tout simplement parce que cela aboutirait à un refus d'homologation de la DIRECCTE, et qu'un tel refus interdirait les licenciements. Le mécanisme met en place un moyen de contrôle au moins identique à celui dont disposent aujourd'hui les salariés quand ils saisissent le président du TGI en référé.
Enfin, il y aura un véritable contrôle juridictionnel, mais je ne vais pas le développer afin de respecter mon temps de parole de deux minutes.
Notre collègue Cavard l'a expliqué, cet article est extrêmement important. Il modifie profondément nos procédures concernant les licenciements collectifs.
Par certains aspects, cette réforme est positive, car l'État va pouvoir de nouveau prendre position, mais un certain nombre d'interrogations et de risques existent à terme.
Il est dommage que cet article n'intègre pas plusieurs éléments que le groupe RRDP avait proposés, comme le gel du versement des dividendes ou le contrôle des fonds publics dans le cadre du CICE. Malheureusement, le Gouvernement et le rapporteur ont également refusé la vérification du motif économique, qui est un point très important pour nous.
Il faut emprunter un chemin de crête et nous comprenons donc le rejet de ces amendements. Le vote du groupe RRDP sera donc majoritairement favorable à cet article, mais pour ma part je m'abstiendrai.
Cette nuance risque de ne pas avoir beaucoup d'effet dans l'hémicycle !
Je vais maintenant mettre aux voix l'article 13, tel qu'il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 28
Contre 9
(L'article n° 13, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, n° 3916 et suivants, tendant à insérer un article additionnel après l'article 13, et sur lesquels j'ai déjà annoncé un scrutin public.
J'annonce d'ores et déjà que, sur l'amendement n° 2917 rectifié et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 3917 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3925 .
Même avis.
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques, sur lesquels un scrutin public a déjà été annoncé.
J'annonce d'ores et déjà que sur l'amendement n° 3764 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 2917 rectifié .
Cet amendement propose de compléter l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1235-5 du code du travail en fixant un plancher à l'indemnité due à un salarié victime de licenciement abusif. Cette indemnité ne pourra être inférieure à six mois de salaire brut, sans condition d'ancienneté.
Nous l'avons déjà dit : nous récusons la logique du barème en matière d'indemnisation des licenciements abusifs. Néanmoins, avec cet amendement de repli, nous proposons une légère amélioration du dispositif existant.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2925 rectifié .
Même avis.
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2917 rectifié et 2925 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 7
Contre 32
(Les amendements identiques nos 2917 rectifié et 2925 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de deux amendements identiques. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 3765 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3773 .
Cet amendement s'inscrit dans la continuité des propos que nous avons tenus sur le rôle de l'administration et le besoin de donner à celle-ci des moyens matériels et le périmètre d'intervention nécessaire pour remplir la fonction qui lui sera désormais dévolue – je pense en particulier aux DIRECCTE.
Au vu du faible respect du droit du travail par les employeurs et de la dégradation importante des conditions d'exercice de leurs missions par les inspecteurs et contrôleurs du travail, cet amendement propose de consolider et d'accroître les attributions et l'indépendance de ces derniers, en modifiant et en ajoutant certains articles dans le code du travail.
Tout d'abord, il convient d'ajouter une mention des contrôleurs du travail dans les articles L. 8112-1 et L. 8112-2 du code du travail relatifs aux attributions et pouvoirs des inspecteurs du travail.
Deuxièmement, il est nécessaire de rétablir la rédaction de l'article L. 8112-1 du code du travail antérieure à la recodification prétendument à droit constant de 2008. Les inspecteurs et contrôleurs du travail sont chargés de veiller à la bonne application de l'ensemble des dispositions du code du travail, et pas seulement des dispositions légales, comme pourraient le laisser entendre plusieurs articles du code, dont l'article L. 8112-1, recodifiés en 2008.
Troisièmement, il convient d'étendre les attributions et pouvoirs des inspecteurs et contrôleurs du travail aux conventions et accords collectifs non étendus.
Quatrièmement, cet amendement introduit dans la loi les stipulations de l'article 3 de la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail signée par la France, relatif aux fonctions des agents de l'inspection du travail.
Cinquièmement, il introduit dans la loi, conformément à la Constitution, les stipulations de la convention n° 81 de l'OIT relatives à l'indépendance des agents de l'inspection du travail dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi que les principales conditions de service qui en découlent, notamment l'organisation du service en sections territoriales et généralistes.
Enfin, il convient de remplacer, en application de ce principe d'indépendance, les mots « le DIRECCTE » par les mots « le directeur départemental du travail et de l'emploi » ou « l'inspecteur du travail » dans toutes les dispositions du code du travail relatives à l'application de la législation du travail, selon des modalités définies par un décret en Conseil d'État.
En définitive, notre amendement s'inscrit pleinement dans la volonté du Gouvernement de redonner à l'administration tout son rôle. Encore faut-il donner à cette dernière ce que j'appellerai, pour reprendre une expression utilisée la semaine dernière, une boîte à outils.
La commission n'a pas retenu ces amendements. L'indépendance de l'inspection du travail est garantie par des textes de niveau supérieur à la loi que vous avez rappelés, monsieur Chassaigne. S'agissant de l'organisation des services du ministère, elle ne relève pas de la loi.
Cependant, je suis comme vous éminemment attaché à l'indépendance de l'inspection du travail : elle est fondamentale et doit être préservée comme un bien précieux.
Chacun voit bien que le lien de ces amendements avec le projet de loi est relativement limité.
Puisqu'il est question de l'administration, des pouvoirs des DIRECCTE et, au sein de ces dernières, de l'inspection du travail, je veux simplement dire que j'aurais plaisir à ce que nous puissions débattre du rôle de l'inspection du travail et de la manière de la rendre plus efficace sur un certain nombre de grands sujets actuels. Quand je dis « plus efficace », ce n'est pas pour remettre en cause la personne des inspecteurs et inspectrices du travail, loin de là ! Je veux parler de la capacité à travailler ensemble pour lutter contre un certain nombre de délits très compliqués mais extrêmement graves ; je pense par exemple à l'utilisation de main d'oeuvre par des mécanismes en cascade, depuis un donneur d'ordre, jusqu'à un cinquième ou sixième sous-traitant, qui rend très difficile l'identification des responsabilités et la lutte contre ces formes de trafic – mais je n'entre pas dans les détails.
Je ne souhaite pas que ces amendements soient adoptés, puisqu'ils ne présentent pas de lien véritablement étroit avec le texte initial, mais je veux aussi dire combien je suis fier d'être à la tête d'un ministère qui comprend en son sein ce grand corps de l'inspection du travail.
Nous avons achevé l'examen de l'article 13 et allons entamer celui de l'article 14. Dans quelques heures, nous examinerons donc l'article 16. Ce dernier est extrêmement important, car nous pensons qu'il se caractérise par une stratégie d'évitement du juge.
Nous aurons l'occasion de nous expliquer sur ce point mais, afin d'éclairer totalement la représentation nationale sur cet article, il serait normal que Mme la garde des sceaux puisse être présente pour nous donner son propre éclairage. Je m'y prends un peu à l'avance, madame la présidente, pour que Mme la garde des sceaux puisse prendre ses dispositions afin de nous rejoindre lorsque nous examinerons l'article 16.
Nous en venons à l'article 14, sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
Cet article part d'une bonne intention : la recherche d'un repreneur. Décidément, l'ANI a été conçu pour les grosses entreprises. Pour rechercher un repreneur, il faut avoir eu des problèmes. À ce propos, je veux souligner que les chefs d'entreprises peuvent aussi commettre des erreurs en toute bonne foi : il ne faut jamais leur faire de procès d'intention, ni généraliser si quelques uns – une infime minorité – peuvent se comporter de façon malhonnête.
Pour cette recherche d'un repreneur, aucun délai n'est prévu. Pourtant, nous aimerions qu'il y en ait ! Rechercher un repreneur ne veut rien dire, à moins d'engager dans le même temps une réforme des tribunaux de commerce. En effet, une fois que le tribunal de commerce a placé une entreprise en liquidation et qu'elle tombe aux mains d'un liquidateur, le temps pour retrouver un repreneur est compté.
Peut-être faut-il aussi réformer la profession de liquidateur judiciaire. Chaque année, en France, de 3 à 6 milliards d'euros d'actifs sont liquidés et détruits : cette somme représente quasiment le double du montant annuel des aides publiques à la création d'entreprise identifiées par la Cour des comptes, qui s'élève à environ 2,7 milliards d'euros d'après le rapport d'information que j'ai rédigé avec Fabrice Verdier. Il faut donc absolument réformer la profession de liquidateur judiciaire. Le mandataire pourrait d'ailleurs être nommé par les banques, ce qui les inciterait peut-être à faire un peu plus attention aux financements qu'elles accordent dans les périodes difficiles.
S'agissant de l'avertissement du comité d'entreprise, la mise en concurrence de repreneurs doit parfois rester très confidentielle : c'est pourquoi il me semble un peu compliqué d'en informer un grand nombre de personnes.
Pour nous, l'article 14 est purement incantatoire. En effet, le groupe qui envisagera de fermer un site – même rentable – devra chercher un repreneur sans être soumis à une obligation de résultat. Par ailleurs, la loi n'impose aucune obligation au repreneur en matière de maintien des emplois et des conditions de travail. Certes, le comité d'entreprise sera informé des démarches, mais il rendra un simple avis sans pouvoir s'opposer à un projet de reprise défavorable aux salariés. La démocratie sociale devrait au contraire permettre au comité d'entreprise de présenter des alternatives à la reprise du site,…
C'est bien ce qui est prévu !
…grâce à une expertise financée par l'entreprise.
Plus fondamentalement, comment accepter la fermeture de sites rentables ? Les salariés devraient – c'est l'une des propositions fortes que nous avançons – disposer d'un droit de veto sur de telles dispositions. Face aux fermetures scandaleuses des sites rentables de Petroplus et de Florange, le Président de la République s'était engagé, en février dernier, à inclure dans une loi l'obligation de cession de tels sites. Même cette mesure minimale ne figure pas dans le présent projet de loi.
Les fermetures d'usines déferlent dans le secteur industriel. Depuis 2009, 384 sites ont été détruits : l'ensemble de l'appareil productif de notre pays est menacé. Pourtant, bon nombre de ces usines – comme PSA à Aulnay-sous-Bois – sont rentables : leur seul problème est de ne pas répondre suffisamment aux exigences des actionnaires, qui réclament des taux de profit à deux chiffres. Je pourrais prendre d'autres exemples, en particulier celui de l'équipementier automobile Delphi implanté en Seine-Saint-Denis et en Alsace, que je connais bien car il a été un temps implanté dans la circonscription dont je suis l'élu. Ce groupe américain, filiale de General Motors, a lancé un plan social pour délocaliser sa production en Pologne, car il considère que sa rentabilité serait bien supérieure dans ce pays.
C'est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche préconisent un dispositif le plus drastique possible, en inscrivant dans la loi l'interdiction pour ces groupes bénéficiaires de licencier et de fermer des sites.
Lors des débats en commission, il nous a été vertement reproché de ne pas approuver l'article 14,…
…qui crée une obligation pour les employeurs voulant fermer un site de rechercher un repreneur. Mais, avec cet article, il n'est pas question d'empêcher les patrons voyous – il y en a, même s'il y en a de vertueux – de liquider des sites industriels rentables pour restreindre la concurrence ou faire des profits – les fameux licenciements boursiers. Il n'est pas question d'empêcher des licenciements qui ne se justifient absolument pas quant à la survie de l'entreprise. Il n'est pas question non plus de les obliger à « trouver » un repreneur. Il n'est question que de les obliger à « rechercher » un repreneur.
Chacun sait que cette disposition aura des résultats calamiteux. Ceux qui ne voudront pas trouver de repreneur parce qu'ils visent la fermeture sèche d'un site passeront outre, les exemples sont nombreux. Si les salariés de la papeterie M-Real dans l'Eure ne s'étaient pas mobilisés pour trouver un repreneur, il n'y en aurait pas eu. On a vu la logique de Mittal avec la sidérurgie lorraine, qui a « serré les boulons ». On connaît d'avance le scénario quand il y a un repreneur possible. L'obligation de rechercher un repreneur figurait, certes, dans le programme de François Hollande. À l'origine, il s'agissait d'obliger à céder le site « au repreneur dont le projet aura été validé par le tribunal de commerce et approuvé par un avis positif des instances représentatives du personnel. » Mais je pense que mes camarades socialistes connaissent cette proposition par coeur.
Cette obligation a disparu, vidant la mesure de toute portée. C'est par bricolage qu'elle a été ajoutée à l'ANI pour donner l'illusion que les gigantesques concessions au patronat avaient quelque contrepartie. Mais cette contrepartie aurait eu à s'appliquer même sans l'ANI. Quel est le gain net pour les salariés ? Il n'y en a pas. C'est pour des raisons de conditionnement que cet article figure dans votre projet de loi, un article qui est à l'ANI ce que l'édulcorant est au médicament.
L'article 14, conformément à l'article 12 de l'ANI, lequel ne consacrait que cinq phrases à la reprise de sites rentables, envisage une obligation de chercher des repreneurs préalablement à la fermeture d'un site. Le comité d'entreprise est informé de cette recherche. Il peut recourir à un expert pour se faire assister dans ce processus et il est informé des offres éventuelles de reprise sur lesquelles il peut émettre un avis.
Les députés du groupe UDI sont particulièrement attachés au processus de revitalisation. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement demandant au Gouvernement de remettre à la représentation nationale un rapport contenant une évaluation des actions de revitalisation des bassins d'emploi. Cela permettra d'apporter des améliorations utiles en termes de montants financiers des contributions engagées pour revitaliser les territoires, de gouvernance et de partenariat avec les régions et les autres collectivités locales. Nous avons déposé un autre amendement appelant l'attention sur la nécessité pour les entreprises de verser un montant substantiel pour la revitalisation des bassins d'emploi en cas de licenciements collectifs affectant l'équilibre de ceux-ci.
Enfin, nous souhaitons que soit reprise une partie d'une proposition de loi déposée il y a quelques années par Gérard Cherpion et Gaëtan Gorce, prévoyant le triplement du montant de la contribution financière à verser aux entreprises.
S'agissant de la tactique politique, il est heureux de constater que nos collègues de la gauche de la gauche ne sont pas dupes de la manière dont le Gouvernement a abordé ce sujet dans ce projet de loi. Il faut espérer que nos collègues socialistes François Brottes et Guillaume Bachelay, qui travaillent sur ce sujet dans le cadre d'une proposition de loi qui, je l'espère, aura plus de sens, fassent des propositions intelligentes d'ici au mois de juin.
L'inscription du dispositif dans la loi est utile, mais il ne faut pas imaginer que, subitement, la recherche d'un repreneur se fera grâce à ce dispositif. Elle se faisait par le passé, souvent à l'instigation des élus, ou du chef d'entreprise lui-même lorsqu'il souhaitait ne pas contribuer à la désindustrialisation d'un bassin d'emploi.
Je ne puis que soutenir une telle démarche. J'observe cependant qu'il faudrait aller plus loin, comme l'a dit Arnaud Richard, en réfléchissant aux obligations faites aux entreprises qui quittent le site d'activité d'agir pour le bassin d'emploi, notamment en matière de formation des salariés qui vont se retrouver, éventuellement, dans une courte période de chômage. Il faut également leur offrir la possibilité de se former sur le nouvel outil de travail, en cas de reprise.
Ce serait un geste d'accompagnement fort utile aux salariés, afin de leur permettre de participer à la vitalité d'un bassin d'emploi.
Je suis très surpris que vous minimisiez ainsi la portée de cette disposition. Relisez l'alinéa 4 !
Lorsque l'entreprise « envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, l'entreprise,… [recherche un repreneur] ». Est-ce que cela existe aujourd'hui ? Non !
C'est une innovation très importante. On ne peut pas, dans ce pays, fermer un site sans chercher de repreneur. Tel est le sens de l'article 14.
Vous estimez que les conséquences sont insuffisantes. Un détail vous a semble-t-il échappé, monsieur Chassaigne. On parle d'un projet de licenciement. Dans ce cas, l'article 13 s'applique, vous ne pouvez être que d'accord avec moi. Or l'article 13 accorde une sorte de droit de veto en exigeant que, dans le cadre d'un plan social, il y ait soit l'accord de la majorité des salariés, soit une homologation de l'administration. On se situe bien dans ce cadre, avec des délais. Les choses sont parfaitement claires et s'inscrivent dans un dispositif qui prévoit des pouvoirs très importants ; nous en avons longuement débattu, même si vous n'avez pas partagé nos conclusions : nécessité d'approbation des syndicats représentant plus de 50 % des salariés ou homologation de l'administration.
L'article 14 confère des pouvoirs nouveaux aux salariés et au comité d'entreprise, qui peut recourir à un expert, lequel pourra les aider à juger des offres. En cas de non-respect de cette obligation, l'administration pourra ne pas homologuer un plan social en l'absence d'effort de recherche d'un repreneur.
Il a beaucoup été question d'une proposition de loi en préparation, à l'initiative de notre excellent collègue François Brottes, qui va traiter de la partie code du commerce. Ici, nous parlons des entreprises et du code du travail. Cette proposition de loi doit prévoir qu'un administrateur judiciaire interviendra dans la procédure, sans doute le plus en amont possible. M. Taugourdeau souhaitait que les mandataires judiciaires soient nommés par les banques, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Mais il existe des procédures de prévention. Lorsque l'on anticipe les difficultés, lorsque l'on n'est pas encore en règlement judiciaire, il est possible de demander la nomination d'un administrateur judiciaire qui sert d'intermédiaire avec les banques, ce qui est particulièrement utile pour les entreprises de taille moyenne.
À un moment donné, la décision sera prise de nommer un administrateur judiciaire qui, avec le chef d'entreprise ou se substituant à lui si celui-ci est de mauvaise foi dans la recherche d'un repreneur – on se souvient tous de la situation de Florange – recherchera un repreneur. En aval, la justice du commerce, et Mme la garde des sceaux proposera une réforme des tribunaux de commerce, décidera in fine si l'entreprise doit ou non céder le site au regard de l'intérêt des salariés, de la protection de l'emploi et de la préservation de ses intérêts stratégiques.
L'article 14 pose le principe de l'obligation de rechercher un repreneur et en tire les conséquences. La procédure que nous mettrons en place dans le cadre du code du commerce réglera à la fois la capacité de se substituer au chef d'entreprise et d'en tirer les conséquences en aval, et si tel n'est pas le cas – M. Richard a parlé de son amendement portant sur la revitalisation – de renchérir le coût et les moyens mis en oeuvre pour la revitalisation, la dépollution et le reclassement des salariés.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2458 .
L'article 14 ne donne pas suffisamment de moyens pour que la recherche d'un repreneur se fasse effectivement. Le comité d'entreprise est associé au processus de recherche, mais il en est seulement informé. Il peut aussi recourir à l'assistance d'un expert-comptable désigné dans le cadre de la procédure de licenciement afin qu'il analyse le processus de recherche, la méthodologie, qu'il apprécie les informations mises à la disposition du repreneur potentiel et qu'il étudie les projets de reprise.
Pourquoi ne pas confier au comité d'entreprise un rôle beaucoup plus important en lui permettant lorsqu'il constate un défaut de recherche de repreneur d'ester en justice ? Pourquoi ne pas proposer, à l'instar des propositions formulées par le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, de confier au tribunal de commerce le soin de trancher…
Non.
…sur la rentabilité du site et de désigner un mandataire chargé de rechercher des offres de reprise ?
La loi Dutreil de 2005 permet déjà aux communes de préempter des fonds de commerce, fonds artisanaux, baux commerciaux. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif permettant aux communes de transférer leur droit de préemption aux salariés en cas de création, de transformation d'entreprise en entreprises sous statut coopératif ? À cet égard, nous déposerons prochainement une proposition de loi prévoyant un droit de préemption des salariés sur les entreprises. Sans négliger les difficultés juridiques que soulève la question de la cession des sites rentables, nous sommes persuadés que l'article 14 est très insuffisant. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
Il s'agit en fait d'une forme de faux-semblant qui ne s'accompagne pas des mesures qui auraient été indispensables pour véritablement imposer la recherche d'un repreneur.
Même avis.
Que l'on ne se méprenne pas : je suis tout à fait favorable à la recherche de repreneurs,…
Il faut voter l'article, alors !
…mais évidemment contre la destruction d'entreprises. On détruit trop facilement des entreprises à l'heure où il faudrait tout recycler. Reprendre une entreprise coûte moins cher que d'en créer une.
Qui, monsieur le rapporteur, attestera ou contestera la bonne foi en matière de recherche d'un repreneur ? En principe, il faut fermer un site pour des raisons économiques ou de gains de rentabilité, pas uniquement pour plaire aux actionnaires si les chiffres sont insuffisants. Il ne faut pas non plus, se focaliser que sur les grandes entreprises. Est-ce que le blocage de la fermeture d'un site ne risque pas de fragiliser la totalité du groupe ?
En ce qui concerne le retour de la puissance publique, je ne demande que cela, monsieur le ministre. Pour Technicolor, j'avais demandé à vos collègues l'instauration d'un moratoire pour empêcher la fermeture de l'usine le temps que les repreneurs puissent monter leur projet. Le moratoire n'a pas été déclaré, l'entreprise a été placée en liquidation judiciaire et l'agglomération a été obligée de racheter l'usine et les matériels pour permettre de continuer à travailler sur le projet.
(Les amendements identiques nos 2450 et 2458 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 5415 .
Dans le cadre d'un licenciement collectif affectant par son ampleur un bassin d'emploi, le montant de la contribution de l'entreprise affectée à la revitalisation du territoire doit pouvoir être au moins aussi important que le montant des indemnités de licenciement, légales et extra-légales, versées aux salariés.
L'idée sous-jacente – et j'espère que nos collègues François Brottes et Guillaume Bachelay la reprendront dans leur future proposition de loi – est d'établir une caisse commune départementale afin que l'ensemble des fonds affectés à la revitalisation des bassins d'emploi puissent être mutualisés.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. Il est clair qu'il devra y avoir un renchérissement minimal des indemnités versées pour la revalorisation, sans doute d'ailleurs au-delà de ce que vous envisagez par cet amendement.
La commission l'a repoussé, principalement parce qu'elle a considéré que cette question serait traitée dans la proposition de loi en gestation que vous évoquez.
Défavorable.
(L'amendement n° 5415 n'est pas adopté.)
L'alinéa 4 de l'article 14 est rédigé de bien curieuse manière : « Lorsqu'elle envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, l'entreprise mentionnée à l'article L. 1 233-71 recherche un repreneur et en informe le comité d'entreprise dès l'ouverture de la procédure d'information et consultation prévue à l'article L. 1233-30. »
De façon étonnante, il suggère que c'est le plan social qui susciterait la fermeture du site. Or chacun sait que c'est l'inverse : c'est parce qu'un site ferme qu'un plan de licenciement est décidé. Aux termes de cet alinéa, le projet de fermeture d'un établissement est envisagé comme une modalité ou une étape du plan de sauvegarde de l'emploi.
C'est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 1293 .
J'entends dire que les réseaux sociaux commentent certains choix des députés dans ce débat. Moi, je voudrais saluer le travail que les uns et les autres mènent et la façon dont ils contribuent à améliorer le texte.
Cet article est très important, j'aimerais insister sur ce point. Vous comprenez bien quelle est sa charge symbolique. Nous avons tous en tête des traumatismes liés à des fermetures où il n'y a pas eu de recherche de repreneur.
Il faut bien voir que le texte crée une nouvelle obligation. Certains déplorent qu'elle ne s'applique qu'aux entreprises de plus de mille salariés, mais nous considérons que c'est déjà une bonne chose. Du reste, tous les cas de fermetures que nous avons en tête concernaient des entreprises de plus de mille salariés.
L'expert nommé pour assister le comité d'entreprise est chargé d'analyser l'ensemble du processus de recherche d'un repreneur. Aux termes de l'alinéa 6, le comité d'entreprise peut émettre un avis et formuler des propositions, lesquelles peuvent porter sur des offres de reprise. Ensuite, comme je vous l'indiquais, une procédure prévoit que le tribunal de commerce se substitue à l'employeur s'il ne recherche pas sérieusement de repreneur.
Rappelons enfin que l'article 14 s'insère dans une procédure prévue à l'article 13 : tout l'arsenal que nous avons décrit tout à l'heure, qu'il s'agisse du droit de veto ou de l'autorisation de l'administration, s'applique donc.
Peut-être que le sens des commentaires s'inversera quand vous aurez voté cet article.
Avis défavorable.
Comme André Chassaigne l'a souligné à l'instant, nous considérons que le dispositif proposé est largement insuffisant.
J'ai mis en cause l'alinéa 4 et vous m'avez répondu, en toute logique, monsieur le rapporteur, sur le rôle de l'expert auprès du comité d'entreprise. En fait, j'ai fait une confusion et c'est l'alinéa 3 que j'ai cité. Il indique : « Lorsqu'elle envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement ». Or nous considérons que c'est le processus inverse : pour nous, la décision de fermeture intervient avant le licenciement collectif.
Madame la présidente, vous me donnez la parole alors même qu'un orateur de mon groupe s'est déjà exprimé, et je tiens à vous en remercier car cela n'a rien d'automatique.
J'appelle l'attention de M. le ministre et de M. le rapporteur sur le problème que pose la rédaction de cet article. Il ne vise pas seulement la fermeture d'un site mais la fermeture d'un site accompagnée d'un licenciement collectif. Or, depuis quelques mois, nous assistons à un phénomène clairement identifié : les grands groupes contournent la procédure de licenciement collectif lorsqu'ils ferment des sites. Ils imposent notamment la mobilité, pratique qui va être confortée par les dispositions votées dans les articles précédents.
Je vais prendre un exemple très précis, et bien connu, celui de SANOFI. Le groupe a procédé à des suppressions d'emplois par centaines pour ne pas dire par milliers sans qu'il y ait eu un seul licenciement, tout simplement en combinant procédures de mobilité, de départ anticipé, d'accompagnements divers.
Le projet de loi concerne les entreprises de plus de mille salariés, donc pour l'essentiel des groupes qui ont une certaine importance, et je suis persuadé que toutes les dispositions prévues seront détournées, dans la mesure où elles associent fermeture du site et licenciements.
Que ce soit « un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement », ou à l'inverse « la fermeture d'un établissement ayant pour conséquence un projet de licenciement collectif », cela me paraît signifier à peu près la même chose, même si, comme vous, j'ai été troublé à la première lecture de cette formulation.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, dès lors qu'il y a une fermeture d'établissement avec ou sans projet de licenciement « sec », il y a au sens du code du travail un projet de licenciement, ce qui entraîne l'application de toutes les dispositions de l'article 13 et donc de toutes les protections qui y sont liées.
Vos craintes concernant la rédaction de cet alinéa n'ont donc pas lieu d'être.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, nos 1305 à 1314 , sur laquelle je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 1306 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 1314 .
Nous proposons de rédiger l'alinéa 4 de la manière suivante : « Art. L. 1233-90-1 – Lorsqu'elle envisage la fermeture d'un établissement ayant pour conséquence un licenciement collectif, l'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-71 est tenue de rechercher un repreneur. Elle informe le comité d'entreprise de ses projets de fermeture et de reprise dans les plus brefs délais. ».
Cet amendement comporte deux propositions.
D'une part, comme à l'amendement précédent, il précise que c'est le licenciement collectif qui fait suite à la fermeture d'un site, et non l'inverse.
D'autre part, il prévoit que l'entreprise informe le comité d'entreprise de ses projets de fermeture et de reprise non pas dès l'ouverture de la procédure d'information et consultation mais « dans les plus brefs délais ». On voit mal ce qui justifierait un délai dans la saisine des instances représentatives du personnel alors même que la situation est d'une exceptionnelle gravité puisqu'elle implique une fermeture de site et un plan de licenciement.
Qu'est-ce qui peut expliquer qu'on autorise une manoeuvre dilatoire de la part des décideurs quant à la fermeture d'un site alors même que les auteurs du projet de loi vantent l'information des salariés et leur association au processus décisionnel ? Chacun sait pourtant qu'un maximum de temps est nécessaire pour parer aux innombrables difficultés auxquelles les salariés sont confrontés lors de tels événements et pour organiser des procédures de reclassement.
J'annonce d'ores et déjà que, sur l'amendement n° 1295 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1306 et 1314 ?
Nous avons largement débattu avec M. Dolez de cette question. Que les mots soient placés dans un ordre ou dans un autre, la phrase signifie à peu près la même chose.
M. Dolez est professeur de droit. J'ai besoin pour ma part d'explications plus précises !
Excellente explication de M. le rapporteur.
Avis défavorable.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 1303 .
Même avis.
Cet amendement est essentiel à nos yeux. Il propose de compléter l'alinéa 5 de façon que le recours à un expert-comptable dans le cadre du processus de recherche d'un repreneur soit utile. Il est nécessaire de faire figurer dans la loi que les activités menées par le comité d'entreprise ne doivent pas avoir lieu en pure perte. L'employeur doit tenir compte des propositions des salariés.
Cet amendement n'a rien de révolutionnaire puisque tenir compte ne signifie pas être contraint par les propositions du comité d'entreprise, mais il se justifie d'autant mieux que les exemples de contre-projets élaborés par les salariés se sont multipliés ces derniers mois.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2695 .
La commission a repoussé ces amendements, les estimant moins protecteurs que le texte. Je confirme, si c'est ce que vous souhaitiez, que l'employeur devra non seulement tenir compte des propositions mais aussi répondre de manière motivée au comité d'entreprise. C'est ce que prévoient l'ensemble des textes relatifs aux procédures d'information et de consultation. Le fait de le réécrire sans préciser ce que cela implique au regard du droit serait moins protecteur que le renvoi aux procédures d'information-consultation.
Je confirme que la nouvelle procédure d'information-consultation ainsi créée en portera tous les droits, notamment la nécessité de formuler un avis motivé et d'apporter des réponses précises aux demandes des salariés.
Même avis.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine demande un scrutin public sur les amendements identiques n° 3714 et suivants.
Le groupe Union des démocrates et indépendants demande un scrutin public sur l'amendement n° 5417 ainsi que sur l'amendement n° 5418 .
Enfin, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine demande un scrutin public sur l'ensemble de l'article 14.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2687 et 2695 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 4
Contre 45
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3722 .
Cet amendement propose de supprimer le quatrième alinéa du nouvel article L. 1233-90-1 du code du travail.
En effet, l'article 14 est supposé favoriser les reprises d'établissements menacés de fermeture, et le quatrième alinéa de l'article L. 1233-90-1 impose au comité d'entreprise de rendre son avis dans un délai court et fixe issu lui-même du nouveau délai court et préfix institué par l'article 13.
De nouveau, le présent projet de loi encadre l'action des instances représentatives du personnel dans des délais qui entravent à l'évidence la bonne conduite de ces missions.
Pourtant, le comité d'entreprise ne fait qu'émettre un simple avis, non contraignant, et sans pouvoir ester en justice, sur les offres de reprises formalisées. Reconnaissons qu'en matière de cogestion, d'association des salariés au pilotage économique, la disposition est minimale ! Si en plus la formalisation de cet avis sur les offres de reprise est encadrée dans des délais par définition trop courts, cette disposition aura finalement l'effet inverse à celui recherché.
Ainsi, alors que vous affichez une mesure censée permettre l'association des instances représentatives, vous faites montre au contraire d'une certaine défiance envers ces consultations, considérées non seulement comme inutiles, puisque seul un avis est rendu, mais également chronophages.
Encadrer l'ensemble des interventions des comités d'entreprise dans le temps ne constitue pas le meilleur moyen de valoriser ces instances, et ne permet pas non plus une bonne association des salariés à la gestion de l'entreprise. Vous cherchez à développer dans ce pays un dialogue social à votre sauce !
Ce n'est pas un ragoût !
Monsieur Chassaigne nous parle à nouveau des délais.
Je vous épargnerai le calcul que j'ai fait hier soir à une heure tardive, mais laissez-moi tout de même vous rappeler quels sont ces délais : cent onze jours pour un plan social dans une entreprise de plus de deux cent cinquante salariés ; puis deux mois pour agir en justice, soit soixante jours ; trois mois pour le tribunal administratif, soit quatre-vingt-dix jours ; trois mois pour la cour d'appel, soit quatre-vingt-dix jours. Nous en sommes donc déjà à trois cent cinquante et un jours. Ensuite vient le recours devant le Conseil d'État, qui dure en moyenne deux cent quarante jours. Nous disposons donc de cinq cent quatre-vingt-onze jours pour travailler sur un projet de reprise.
Votre remarque aurait été totalement pertinente avec un délai de vingt-et-un jours, car il est impossible de trouver un repreneur dans un tel délai. Mais en l'occurrence, les délais accordés à l'administration puis à la justice administrative laissent beaucoup de temps pour trouver un repreneur. L'avis est donc défavorable.
Également défavorable.
Nous avons pris acte hier, au petit matin, et à nouveau cet après-midi, des délais très précis que le rapporteur nous a présentés.
Ainsi que je le rappelle souvent, nous expertisons les propos qui sont tenus ici. Nous remercions d'ailleurs M. le rapporteur pour la précision de ses réponses. Je ne doute pas qu'en fonction de l'expertise que nous ferons, nos collègues sénateurs…
N'oubliez pas les sénatrices !
…les sénateurs et sénatrices – merci pour ce rappel – seront en mesure de revenir sur les propos que vous tenez. En effet, l'analyse du texte faite par de très nombreux juristes ainsi que des organisations syndicales n'aboutit absolument pas aux délais que vous formulez aujourd'hui.
Je ne mets bien entendu pas en doute votre sincérité ni votre honnêteté ; mais peut-être faudra-t-il « gratter » davantage pour déterminer quelle analyse est dans le vrai, entre celle que je soutiens et la vôtre – cette dernière sortant du chapeau en plein débat, il faut bien le reconnaître.
C'est faux : elle était dans mon chapeau depuis le début ! (Sourires.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 7
Contre 43
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 5417 .
Ainsi que je l'ai déjà expliqué dans mon propos liminaire sur l'article 14, il s'agit de reprendre en partie une proposition de loi déposée par Gérard Cherpion et notre collègue désormais sénateur Gaëtan Gorce.
Cette disposition transcende l'ensemble des clivages politiques et donnera à réfléchir à François Brottes et Guillaume Bachelay, je l'espère. Elle prévoit que, dans le cadre d'un licenciement collectif affectant par son ampleur l'équilibre d'un bassin d'emplois, l'entreprise, qui en a souvent la capacité financière, doit être mobilisée, en partenariat avec les collectivités locales, dans des actions de revitalisation du territoire.
Dans l'hypothèse où aucune convention de revitalisation ne serait conclue entre l'État et l'entreprise, Francis Vercamer et moi proposons d'augmenter la contribution financière versée de quatre à six SMIC mensuels par emploi supprimé.
Cet amendement, reprenant sur ce point une proposition du Conseil d'orientation pour l'emploi de mai 2009, nous semble aller dans le bon sens.
Il nous paraît donc pertinent de voter cette disposition avant que la proposition de loi préparée par François Brottes et Guillaume Bachelay ne soit déposée à l'Assemblée.
J'ai déjà expliqué quel serait le contenu de la proposition de loi à laquelle nous travaillons avec nos collèges Brottes, Bachelay et d'autres encore.
Les montants que nous avons en tête vont au-delà de ceux que vous annoncez, monsieur Richard. Vous avez raison de dire que l'augmentation est très consensuelle ; peut-être le sera-t-elle moins à l'avenir car, concrètement, vous envisagez 2 000 euros de plus.
Tout dépend de la situation, naturellement, mais il nous semble que pour inciter les entreprises à céder des sites rentables, il faudra sans doute aller au-delà de ces 2 000 euros supplémentaires.
Sur le fond, nous sommes donc extrêmement favorables à votre proposition ; mais nous renvoyons son examen à la discussion de la future proposition de loi.
Avis identique.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 5417 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 10
Contre 41
(L'amendement n° 5417 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 5418 .
Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur l'ensemble des actions relatives à la revitalisation accomplies sur les territoires.
De nombreuses choses ont en effet été accomplies ces dernières années. Il nous semble donc nécessaire d'établir un bilan après l'adoption de la présente loi, au-delà de ceux qui peuvent déjà être faits par le Fonds national de revitalisation des territoires.
Je pense en effet qu'un tel rapport serait utile à nos collègues de la gauche, avant le dépôt de leur proposition de loi.
La commission n'a pas donné un avis favorable à cette proposition ; je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'elle l'ait réellement examinée, même si nous en avons discuté lors de la réunion de la commission.
Cela me paraît toutefois être une bonne idée car, au-delà de la proposition de loi dont nous parlons, il serait utile que nous fassions ce bilan, qui est extrêmement important pour nos collectivités locales et la vie des territoires.
Même si le Gouvernement et son administration risquent ainsi d'avoir du travail supplémentaire, je souhaite donner un avis favorable à cet amendement.
Ce rapport permettra en effet d'éclairer le passé et une partie de l'avenir, mais également les conditions de mise en oeuvre de la proposition de loi en cours d'élaboration.
Un travail de cette nature peut se révéler tout à fait utile, d'autant plus que des travaux ont déjà commencé. Il existe donc quelques éléments d'évaluation qui permettront, une fois compilés et synthétisés, d'apporter au Parlement l'information qu'il demande aujourd'hui.
Comme pour le précédent amendement, je voterai en faveur de celui qui nous est présenté, car nous savons quels dégâts peuvent provoquer les fermetures de sites dans certains territoires. C'est une préoccupation majeure pour nombre d'élus locaux, et naturellement pour les habitants. Je voterai donc pour cet amendement.
Nous voterons en faveur de cet amendement. Je rappelle qu'il y a de cela quelques années, des réunions intéressantes étaient organisées au niveau du ministère sur l'évaluation permanente de ce système, particulièrement des conventions de revitalisation. Le rapport envisagé dans cet amendement devrait être établi en se fondant sur cette expérience.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 5418 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 55
Contre 1
(L'amendement n° 5418 est adopté.)
Avant de passer au vote sur l'article, la parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Chartier a bien montré l'importance de la revitalisation et de la reprise d'entreprises.
L'accord national interprofessionnel qui est la base de notre travail, même si nous ne sommes pas là pour le retranscrire comme des greffiers, n'avait pas restreint la mesure prévue à l'article 14 aux entreprises de plus de mille salariés. Or comme notre territoire compte beaucoup d'entreprises de moins de mille salariés il serait intéressant de prévoir pour ces entreprises-là des mesures d'aide et de reprise.
Il me semble que l'article L. 1233-90-1 est rédigé à l'envers. En effet, il est écrit que le projet de licenciement collectif a pour conséquence la fermeture d'un établissement. Je me demande si ce n'est pas plutôt la fermeture de l'entreprise qui a pour conséquence les licenciements.
Pour ce qui nous concerne, nous nous abstiendrons sur cet article.
Je vais maintenant mettre aux voix l'article 14, tel qu'il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 49
contre 0
(L'article n° 14, amendé, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 15.
La parole est d'abord à M. Jean-Charles Taugourdeau.
L'article 15 vise à allonger la durée du congé de reclassement pour les entreprises de plus de mille salariés. Est-ce cela la sécurisation de l'emploi ?
Depuis le début de l'examen de ce texte, il n'est question que de changement de site par la mobilité, de chômage, de seuil, de délais et seulement pour les très grandes entreprises, à tel point que le Gouvernement annonce déjà des mesures choc pour les TPE et PME – quarante-quatre mesures. On nous dit qu'il s'agit d'un accord historique pour la sécurisation de l'emploi et la compétitivité dont on ne parle plus ; est-ce bien utile de « sortir » encore quarante-quatre nouvelles mesures, ou bien celles-ci auront-elles juste du mal à réparer les dégâts causés à l'encontre des TPE et PME ?
Monsieur le ministre, quand on allonge la durée du congé de reclassement dans les entreprises de plus de mille salariés, c'est-à-dire celles qui licencient le plus en ce moment – encore qu'on ne parle jamais des emplois qui ne sont pas créés –, à partir de quand ces personnes seront-elles comptées comme demandeurs d'emploi ? Si j'ai bien compris, elles le seront au bout de douze mois et non neuf, ce qui serait une façon élégante d'infléchir la courbe d'augmentation du chômage.
L'article 15 contient des dispositions connues puisqu'elles sont déjà introduites dans la jurisprudence du droit du travail. C'est donc la transposition d'une jurisprudence que je ne peux que soutenir.
Historiquement, le droit du travail s'est construit dans les luttes visant à protéger les salariés les plus fragiles. Je pense bien entendu à la protection des enfants, des femmes, des personnes malades ou handicapées. La consolidation de ce droit du travail est un des socles du modèle social français.
Dans cette philosophie, en cas de plan de licenciement, le droit du travail protège actuellement les salariés en fonction de leur situation personnelle. Sont épargnés les plus anciens, ceux qui sont injustement écartés du marché du travail, les salariés avec des familles et des enfants à charge.
L'alinéa 2 de l'article 15 s'attaque à cet héritage progressiste et humaniste en mettant sur le même plan le critère de compétence professionnelle. C'est la raison de notre opposition à l'article 15.
L'article 15 pourrait passer pour anodin. Il porte la durée du congé de reclassement de neuf à douze mois, mais la durée minimale reste de quatre mois. En réalité, il constitue ce qu'un membre du Bureau national du parti socialiste, Gérard Filoche,…
Il y avait longtemps que vous n'en aviez pas cité ! Mais comme dit Mme Fraysse : à chacun le sien !
…appelle « un des aspects les plus vicieux et les plus réactionnaires de ce projet de loi ».
En effet, aux termes de cet article, dans l'ordre des licenciements économiques : « L'employeur peut privilégier un de ces critères, en particulier celui des qualités professionnelles, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. »
Le critère des qualités professionnelles n'a aucun contour précis, à l'inverse de celui de qualification professionnelle. Ce qui devrait être retenu, ce sont en effet non seulement des critères sociaux – situation familiale et financière du salarié – mais aussi des critères de qualification, ou d'acquis de l'expérience, basés sur des diplômes, des grilles de métier avec des niveaux, des coefficients, des échelons.
Il s'agit d'introduire ici de l'objectivité, le contraire de ce qui est inscrit depuis très longtemps dans le code du travail. On peut dire que c'est ouvrir la porte à l'arbitraire. Ce dispositif laisse les mains libres à l'employeur a fortiori dans la mesure où aucun critère ni mode d'appréciation desdites compétences n'est précisé dans le projet de loi. On s'éloigne de plus en plus du motif « non inhérent à la personne du salarié ».
Cela remet en cause les textes et la jurisprudence actuelle ainsi que la pratique des services du ministère du travail chargé de l'accompagnement des mutations économiques et de l'inspection du travail.
Avant d'aborder l'examen de cet article, il faut donc poser plusieurs questions. Qui, dans la négociation, a été demandeur de cette évolution ? S'agit-il des syndicats ou du Medef ? Pour reprendre votre langage, s'agit-il des partenaires sociaux et lesquels ? En quoi cette modification des critères de licenciement relève-t-elle de la sécurisation de l'emploi ?
Monsieur Chassaigne, il s'agit purement et simplement de la reprise de la jurisprudence, mais vous avez raison de souligner qu'au début des négociations ce n'était pas le souhait du Medef. La négociation a évolué, le texte final retenant la notion de compétence professionnelle, ce qui pouvait s'éloigner de la jurisprudence et rendre les choses beaucoup plus arbitraires. Dans le projet de loi, il est question des « qualités professionnelles », ce qui est strictement la jurisprudence d'aujourd'hui. Le débat est difficile et cruel quand il s'agit de fixer des ordres de licenciement. Chaque fois que c'est possible, il faut privilégier les critères sociaux, c'est-à-dire licencier en dernier ceux qui auront le plus de mal à retrouver du travail. Mais, dans le même temps, il faut garder les qualités professionnelles, c'est-à-dire les compétences professionnelles essentielles au fonctionnement de l'entreprise pour qu'elle puisse être viable. Voilà le dilemme auquel auront à faire face les partenaires sociaux, et les représentants du personnel quand ils sont associés à ce genre de discussion.
Sur les amendements identiques nos 2728 et suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie des amendements identiques nos 2728 , 2736 et 5447 .
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 2728 .
Nous avons retiré les amendements précédents visant à supprimer l'article 15 car en fait ce sont les alinéas 1 et 2 qui ne nous conviennent pas.
L'article L. 1233-5 du code du travail prévoit les critères d'ordre des licenciements économiques. À défaut d'accord collectif, l'employeur doit déterminer après consultation des représentants du personnel les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Il énonce ensuite que ces critères doivent notamment prendre en compte les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes en situation de handicap et des salariés âgés, les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Ces prescriptions légales ont été complétées par la jurisprudence qui a en quelque sorte encadré les marges de manoeuvre de l'employeur. Selon un arrêt du 14 janvier 1997 de la chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur doit retenir sans que cette liste soit limitative, la totalité des critères légaux et ne peut privilégier l'un d'entre eux qu'à la condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères.
Dans un arrêt du 2 mars 2004, la chambre sociale a réaffirmé ce second principe en indiquant que l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements à condition de tenir compte de chacun d'entre eux.
La nouvelle rédaction de l'article L. 1233-5 prévoit que l'employeur peut privilégier un de ces critères, en particulier celui des qualités professionnelles. Cette modification nous semble extrêmement inquiétante parce que la possibilité de privilégier le critère des qualités professionnelles n'est pas compréhensible dans le cadre d'un licenciement pour motif économique.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2736 .
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 1 et 2 de l'article 15 qui privilégient les critères de qualités professionnelles dans les critères d'ordre des licenciements. Cette disposition va à l'encontre du principe qui a toujours régi les licenciements jusqu'ici et qui visait à ce que les salariés qui ont le plus de difficultés sociales et le plus de charges de famille puissent prioritairement conserver leur emploi.
Donner priorité aux qualités professionnelles dans les critères de licenciement, c'est inverser cette logique et donner droit à la logique de sélection des salariés les plus performants et de mise au rebut des salariés les plus fragiles. Vous comprendrez donc que nous ne pouvons pas soutenir une telle logique. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer les alinéas 1 et 2 de l'article 15.
Ces qualités professionnelles ne dépendent pas du flair du chef d'entreprise : il doit y avoir des critères précis, conformément à une jurisprudence ancienne, celle du 24 février 1993. En cas de contestation, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix. Ce sont des dispositions protectrices pour les salariés : il s'agit de protéger le plus possible ceux qui auraient du mal à retrouver un emploi tout en conservant les compétences indispensables à l'entreprise.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, j'ai envie de vous poser une question : pourquoi ne pas en rester à la jurisprudence de la Cour de cassation ?
Cette solution serait la meilleure. L'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, à condition de tenir compte de chacun d'entre eux : cela a été réaffirmé en 2004. Le fait d'inscrire dans la loi « en particulier celui des qualités professionnelles » vient évidemment mettre l'accent sur un critère plutôt qu'un autre.
Je comprends ce que vous dites, mais mieux vaudrait en rester à la jurisprudence. Je ne comprends pas bien, à moins de comprendre trop bien, cette insistance sur les qualités professionnelles qu'on veut introduire dans la loi.
Il ne faut pas être naïf. Chacun sait qu'on aura là un moyen d'écarter des salariés qui pourraient être gênants.
D'ailleurs, je vais vous livrer les résultats d'une étude sur les institutions représentatives du personnel, conduite sur 2 929 établissements de plus de vingt salariés. Cette étude montre un écart de salaire de plus de 10 % en défaveur des délégués syndicaux. Des blocages de carrière pénalisent également les syndicalistes et entraînent des pertes de revenu. La différence de salaire est plus forte pour les représentants des syndicats réputés les plus combatifs : elle est ainsi de 20,6 % pour les représentants CGT et de 12,3 % pour ceux de la CFDT. Les données portant sur les salaires des représentants d'autres syndicats n'ont pas été retenues, car non significatives.
Pourquoi ces chiffres ? Pour vous montrer la réalité de la vie dans l'entreprise. Quand on veut pénaliser des salariés trop combatifs, on en trouve le moyen. On instrumentalisera donc le texte pour pouvoir le faire.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3648 .
Pour fixer l'ordre des licenciements, à défaut de dispositions dans l'accord de branche ou d'entreprise, l'employeur définit des critères après consultation du comité d'entreprise.
Aux termes du projet de loi, il pourrait privilégier la compétence professionnelle, sous réserve de tenir compte des autres critères listés à l'article L 1233-4 du code du travail : ancienneté de service dans l'établissement, charge de famille…
Actuellement, l'employeur ne peut pas instituer de hiérarchie entre les différents critères légaux. Il a l'obligation de prendre en compte l'ensemble des critères, comme l'a indiqué la chambre sociale de la Cour de cassation le 24 février 1993. Néanmoins, il a la faculté de privilégier certains critères après avoir pris en compte chacun de ceux-ci, selon un arrêt de la chambre sociale du 18 mai 1993, sans se limiter au critère unique de l'ancienneté ou de la valeur professionnelle, comme l'a établi la chambre sociale le 13 juillet 1993 et le 3 décembre 1992. C'est donc seulement après avoir pris en considération l'ensemble des critères applicables que l'employeur est en droit de privilégier, par exemple, celui des qualités professionnelles, selon un arrêt de la chambre sociale du 18 mai 1993, vous l'avez d'ailleurs rappelé, monsieur le rapporteur.
Cet article est extrêmement préoccupant : avec ce texte, la loi permettra expressément que le critère de qualité professionnelle soit privilégié, avant même la prise en compte des critères sociaux.
Nous considérons que ce critère n'est pas recevable, car le motif du licenciement n'est pas inhérent à la personne du salarié.
Pour notre part, nous proposons que la loi privilégie expressément les critères sociaux pour fixer l'ordre des licenciements dans les licenciements pour motif économique.
Je le dis avec passion à mes collègues, cet article constitue un recul extrêmement grave qui aura des conséquences pour les salariés, en particulier pour ceux qui rencontrent des difficultés sociales. Je pense aussi aux familles monoparentales. Parce qu'elles auront eu un engagement syndical, ou seulement une certaine combativité dans l'entreprise, ces personnes-là seront licenciées en premier lieu. C'est quelque chose, chers collègues, que vous ne pouvez pas laisser passer. J'en appelle à votre conscience, à vos valeurs, aux valeurs défendues à gauche : ces valeurs, il faut les manifester en refusant cet article.
Défavorable.
On ne vous a pas beaucoup entendu là-dessus, monsieur le ministre. J'aimerais bien vous entendre. Autant on peut comprendre vos arguments sans toujours les partager, autant sur ce point j'ai du mal à vous comprendre.
Qu'est-ce qui empêche d'en rester à la jurisprudence de la Cour de cassation ? Pourquoi devrait-on ajouter cette mention des « qualités professionnelles » qui est la porte ouverte à toutes les dérives qu'André Chassaigne vient de signaler ?
Soit vous me dites que c'est dans l'ANI et qu'il ne faut pas y toucher – on connaît alors l'origine de cet ajout, c'est le Medef –, soit vous me dites que nous pouvons conserver une version conforme à la tradition de notre droit du travail depuis de nombreuses décennies et il faut en rester à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Je ferai remarquer au rapporteur et au ministre que, comme vous le disiez si bien, monsieur le rapporteur, dans la nuit de samedi à dimanche, « il est temps que nous reprenions nos débats de manière forte et argumentée ». Il était deux heures vingt-sept du matin…
Notre collègue Chassaigne a raison : sur ce point-là, il faut quand même l'avis de la commission et celui du ministre. En revanche, je ne laisserai pas mes collègues du Parti communiste stigmatiser une fois de plus les patrons…
M. Dolez est au Front de gauche et non au Parti communiste, ce que je regrette ! (Sourires.)
Il ne faut pas stigmatiser les chefs d'entreprise qui, contrairement à ce qu'on peut dire un peu trop souvent, ont un coeur énorme. Ils sont, eux aussi, humains : l'humanisme n'est pas réservé à la gauche. Il faut rester équilibré dans ce débat sur ce point.
Si je ne me suis pas exprimé à ce stade, c'est parce que vos amendements remettent en question la jurisprudence à laquelle vous faites allusion. En effet, vous écrivez que les trois premiers critères doivent être privilégiés : vous rompez donc l'équilibre de la jurisprudence.
L'objectif des partenaires sociaux, me semble-t-il, en tout cas l'objectif du Gouvernement est justement de « cristalliser » la jurisprudence de la Cour de cassation, soit l'arrêt 44 084 du 2 mars 2004 selon lequel l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, à condition de tenir compte de chacun d'entre eux.
C'est la raison pour laquelle je ne m'exprimais pas sur votre amendement, qui ne me paraît pas aller dans le sens de cette cristallisation. Je m'exprimerai ensuite sur l'amendement n° 1193 qui revient sur cette question. L'objectif n'est pas du tout d'aboutir à ce que M. Chassaigne décrivait avec une grande fougue. Comme tel n'est pas le texte que je défends, sa fougue s'exprimait contre je ne sais quel fantôme planant au-dessus de nos têtes. Le fantôme de l'injustice ne reste pas toujours immatériel, d'ailleurs, on le rencontre parfois réellement.
Voilà pourquoi, monsieur Dolez, je ne m'étais pas exprimé.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l'amendement n° 1193 .
Après le teasing fait par M. le ministre, je défendrai cet amendement déposé par la délégation aux droits des femmes.
Il vise à supprimer à l'alinéa 2 les mots « , en particulier celui des qualités professionnelles ». Il nous semble injustifié de fixer par la loi le critère à privilégier dans l'ordre des licenciements en cas de licenciement économique. Ce critère doit être apprécié in concreto au cas par cas. Par ailleurs, user du critère des qualités professionnelles signifie user d'un critère dont il a été constaté qu'il est défavorable aux femmes. En effet, le récent rapport du défenseur des droits sur l'évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine montre que l'évaluation des qualités et compétences est majoritairement défavorable aux femmes. C'est un argument supplémentaire pour adopter cet amendement.
La commission est bien sûr favorable à cet amendement. Monsieur Chassaigne, vous avez dit avec beaucoup de force que nous devions veiller à ce que la fixation des critères protège les salariés les moins qualifiés : cet amendement qui va concerner aussi les femmes apporte la protection que vous souhaitiez, même s'il ne va pas aussi loin que vous le proposiez. Il laisse l'entreprise choisir ses critères avec la nécessité de suivre des critères objectifs, qui ne se résument pas aux compétences mais englobent les qualités professionnelles.
Je vais faire très attention aux expressions que j'utilise. J'ai donc déjà dévoilé une partie de mes intentions par teasing (Sourires.) L'objectif des partenaires sociaux était vraiment de faire en sorte que cette jurisprudence acquière la force supérieure de la loi ; il ne s'agissait pas de modifier les éléments ou les priorités de cette jurisprudence.
Je vais donc répéter ce que j'ai dit à M. Dolez, en faisant très attention car on nous lira sur ce sujet, en se référant aux débats pour éclairer l'analyse de tel ou tel contentieux personnel et l'utilisation des critères. La manière dont auront été utilisé ces critères devra être appréciée par le juge de manière extrêmement précise et objective.
Comme je l'ai dit à M. Dolez, cette disposition reprend la jurisprudence constante selon laquelle l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, à condition de tenir compte de chacun d'entre eux – d'objectiver chacun d'entre eux, comme on dit dans le jargon –, notamment le critère tiré des qualités professionnelles. Le « notamment » ne le met pas au-dessus des autres mais à égalité avec les autres.
Compte tenu de ce que je viens de dire de l'objectif du législateur, cet amendement peut être adopté, car il ne modifie pas l'équilibre souhaité. Il a déjà été interprété de manière négative et il ne faut pas que ce soit le cas.
Je donne donc un avis favorable à cet amendement, dans les conditions de description juridique que j'en ai faites.
Notre interprétation négative, monsieur le ministre, visait la rédaction que vous nous proposiez dans le projet de loi où vous ajoutiez « en particulier celui des qualités professionnelles ».
Nous nous sommes exprimés et nous avons défendu un amendement qui aurait permis de privilégier les critères sociaux. Cela étant, nous allons voter pour cet amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste, premièrement, parce qu'il empêche la dérive permise par la rédaction initiale du projet de loi, et, deuxièmement, parce qu'il vient consacrer l'équilibre établi par la jurisprudence de la Cour de cassation.
(L'amendement n° 1193 est adopté.)
L'amendement est adopté à l'unanimité.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l'amendement n° 979 .
Je me réjouis de l'adoption de l'amendement précédent. Thierry Braillard et mon groupe avaient déposé l'amendement n° 979 pour préciser les choses, dans le cas où celui du groupe socialiste n'aurait pas été adopté. Cela étant, notre amendement peut être maintenu car il permet aussi de préciser et de clarifier les choses.
Très franchement, cher collègue, j'imagine qu'il s'agit d'un amendement de repli par rapport au précédent. Par ailleurs, si l'on se réfère à la jurisprudence, le vôtre n'est pas très protecteur car il renvoie à deux articles du code du travail mais pas à l'idée de fixer des critères très précis et objectifs. En voulant écrire la jurisprudence de cette manière, il pourrait avoir l'effet inverse de celui que vous recherchez.
Pour ces deux raisons, je souhaiterais que vous puissiez le retirer. Il renvoie à l'article L.222-2 du code du travail sur les aptitudes et à l'article L.222-4 sur les informations personnelles.
Monsieur le rapporteur, il me semble que vous faites allusion à l'amendement suivant, n° 980.
Dans ce cas, j'ai donné aussi un avis défavorable à l'amendement suivant.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous donner une précision à M. Carpentier concernant l'amendement n° 979 ?
Je maintiens l'avis défavorable qu'a exprimé la commission sur cet amendement.
(L'amendement n° 979 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Merci de me donner la parole pour une petite explication de vote sur cet article 15 qui a évolué grâce à la discussion. Sa version initiale était inacceptable pour les raisons que nous avons indiquées. À partir du moment où, avec cet article 15, la loi va consacrer un principe établi par la jurisprudence de la Cour de cassation, nous n'avons pas de raison de nous y opposer.
Monsieur le ministre, nous allons voter pour cet article – je me permets d'insister sur ce point parce nous n'allons pas en approuver beaucoup – ce qui ne préjuge pas de l'appréciation globale que nous portons sur le projet de loi.
En fait, cet article 15 réinvente l'eau tiède puisque les critères de qualités professionnelles existent déjà. La jurisprudence a précisé que l'ordre des critères tel que fixé par la loi ne s'imposait pas à l'employeur et que ce dernier avait la possibilité « de privilégier le critère de la valeur professionnelle des salariés à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères. »
Monsieur le rapporteur, cette jurisprudence est même antérieure à 1993 puisqu'elle date de 1990 – vous étiez très jeune – et elle est restée constante.
Le passage de neuf à douze mois du congé de reclassement est en soi positif. Cela étant, très objectivement, sur nos territoires et dans nos secteurs, il était constamment appliqué depuis la création du contrat de sécurisation professionnelle.
Nous nous abstiendrons donc sur cet article.
(L'article 15, amendé, est adopté.)
Madame la présidente, compte tenu du fait que l'arrivée de M. Bocquet renforce la présence du groupe GDR, nous souhaiterions avoir une suspension de séance pour nous répartir le travail. Notre tâche est très lourde dans cette discussion où nous intervenons énormément.
Je souhaiterais renchérir sur cette demande et solliciter une suspension d'une dizaine de minutes pour réunir mon groupe.
Article 15
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)
La suspension de séance qui vient d'avoir lieu devait prendre fin à dix-sept heures trente-cinq. Soit la pendule de l'hémicycle montre une défaillance, soit il y a des choses qui nous échappent ! Je comprends bien que l'article 16 divise profondément le PS et qu'à cet instant, le risque d'un vote négatif se fait plus que jamais sentir. Mais cette situation inadmissible prouve combien notre demande de renvoi en commission était fondée. Cela nous aurait donné le temps d'approfondir nos travaux sur ce texte d'une grande importance.
Il est fondé sur l'article 58, alinéa 1 de notre règlement. Il ne s'agit pas de dénoncer les procédés d'obstruction qui ralentissent le travail de notre assemblée, comme cette longue suspension de séance (Sourires), mais de rappeler que nous avons demandé tout à l'heure, compte tenu de l'importance de l'article 16, que la garde des sceaux vienne nous donner son éclairage sur le sujet. Cela semble absolument indispensable. En revanche, s'il faut attendre la séance de vingt et une heures trente pour que Mme Taubira nous rejoigne, il est évident que nous l'accepterons.
Nous en arrivons aux interventions sur l'article 16.
La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
Puisque tout le monde est en pleine forme, après une telle interruption, je voudrais poser une question : le fait de compliquer le code du travail aboutit-il forcément à une sécurisation de l'emploi ? Je n'en suis pas très sûr.
Plus on encadre le travail, moins il y a d'emplois créés. Le grand tort, en France, est de ne parler jamais que des emplois supprimés, pas des emplois qui ne sont pas créés. Or je doute fortement, monsieur le ministre, que les chefs d'entreprise de moins de 49 salariés aient très envie aujourd'hui de passer le seuil des 50 salariés. Nos collègues écologistes savent qu'il y a parfois dans la nature des équilibres très subtils. Moi, je trouve dans la complexité du code du travail, dans les difficultés qu'il y a à créer justement du travail, des déséquilibres, des oppositions qui nuisent à la création d'emplois.
Cet article apporte des aménagements concernant les contentieux judiciaires relatifs au droit du travail. Je souscris volontiers à la volonté des partenaires sociaux à ce sujet telle qu'elle est exprimée dans l'article 25 de l'ANI. Mais des amendements ont été déposés sur l'article 16 du présent projet de loi qui à mon sens en rompent l'équilibre général. Ces amendements étendent les exceptions de fond à l'application de la prescription biennale des actions relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail, pour y inclure notamment des actions en requalification du contrat de travail.
Il s'agit de secteurs où le recours aux CDD d'usage successifs est autorisé par le code du travail, comme les instituts d'études de marché et de sondages d'opinion. Mais je comprends que les sondeurs d'opinion n'aient guère la cote en ce moment auprès de vous… Ces secteurs sont victimes d'une évolution de la jurisprudence très insécurisante. En effet, depuis janvier 2008, la Cour de cassation exige que le juge du fond vérifie que le recours à des contrats d'usage successifs soit justifié par « des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ». Ce caractère objectivement temporaire ne peut plus être présumé, comme auparavant, par le seul rattachement de l'employeur à l'un des secteurs énumérés par le code du travail.
Or, les sociétés d'études de marché et de sondages d'opinion ont régulièrement recouru aux CDD d'usage pour les emplois d'enquêteurs, ce qui se comprend d'ailleurs, sans avoir, conformément au code du travail et à la jurisprudence antérieure, à justifier pour chacun d'eux d'éléments concrets et précis. Cette jurisprudence récente, par hypothèse rétroactive, fait donc courir un risque juridique significatif de requalification en CDI de l'ensemble des CDD d'usage conclus avec les enquêteurs pendant les cinq années précédentes.
La prescription biennale du projet de loi permettait, en contrepartie d'une surcotisation employeurs de 0,5 point pour les CDD d'usage de moins de trois mois, acceptée par la profession, de limiter un risque économique structurel pour l'ensemble des entreprises d'études de marché et sondages d'opinion.
Finalement, ces amendements remettent en cause la globalité du texte. Nous attendons la position du Gouvernement et le sort qui leur sera réservé pour déterminer notre position.
Cet article est scandaleux. En effet, il réduit carrément les délais de prescription de toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail.
Il ne s'agit pas d'une mesure qui viserait à empêcher, de manière voilée, que les salariés se présentent devant un juge pour faire valoir leurs droits : il est tout simplement décidé de les en empêcher, en enfermant l'action en justice dans de très courts laps de temps ! Vous proposez de revenir à la bonne vieille méthode appliquée entre 1910 et 1971, qui consiste à abréger les délais en matière d'action prud'homale – ce qui est bien entendu une revendication patronale depuis de nombreuses années.
Or, dans un contrat à exécution successive comme le contrat de travail, des délais aussi courts produisent des effets disproportionnés : tous les trois ans, l'employeur est amnistié de ses manquements si le salarié n'a pas saisi le juge. À l'évidence, notre proposition de loi d'amnistie syndicale n'a pas été accueillie avec la même bienveillance… C'est d'autant plus grave qu'on sait parfaitement que les salariés en emploi saisissent très rarement le juge contre leur employeur. Ce n'est qu'une fois le contrat de travail rompu qu'ils se risquent à saisir les tribunaux.
Ce dispositif nous fait glisser vers un droit du travail dont les violations ne seront pas sanctionnées faute de temps et de moyens juridiques pour que les salariés lésés saisissent les juridictions compétentes. C'est bien l'effectivité des règles de droit qui est en jeu.
Je ne résiste pas à l'envie de vous répéter les propos d'un éminent militant du parti socialiste, dans un entretien à la presse régionale : « Même Fillon n'avait pas fait ça ! Les PSA, les Goodyear, les Mittal et tous les autres ne pourront même plus se défendre comme aujourd'hui. Avec ce texte, le patron pourra faire son plan social lui-même, en définir les modalités, les délais, et il lui suffira de trouver un syndicat même pas majoritaire pour le signer et l'entériner. Oui, l'entériner ! Comme le fera le DIRECCTE, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, cette espèce de sous-préfet qu'ils installent à la direction du travail. Et pour contester ce plan, il faudra aller devant le tribunal administratif, et non plus devant la chambre sociale. Ça prendra trois ans. En trois ans, tout le monde sera dehors et plus personne n'y pensera ! »
Il ajoute encore : « C'est une honte, cet accord ! Aucun gouvernement de gauche n'avait encore attaqué à ce point le code du travail. Je sais ce que je dis : j'ai été inspecteur du travail pendant près de trente ans ». Il s'agit de Gérard Filoche !
Chacun a le sien…
Nous avons de nombreuses raisons de nous opposer à cet article 16. En particulier, il permet, en cas de litige entre le salarié et l'employeur, de recourir à un mécanisme transactionnel qui aura pour effet d'éteindre le recours judiciaire. Peu importe le contournement de la procédure de licenciement, ou l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement : la transaction interrompra le cours de la justice. On pourrait résumer cela d'une double formule : indemnisation forfaitaire pour le salarié licencié ; négation du rôle du juge.
En cas de contentieux judiciaire visant à contester le licenciement, les parties pourront, lors de l'audience de conciliation, choisir de mettre un terme définitif au litige, en contrepartie du versement d'une indemnité forfaitaire préétablie en fonction de l'ancienneté. Les employeurs pourront ainsi dénaturer la phase de conciliation, en en faisant une phase de transaction au cours de laquelle ils proposent au salarié qui ose saisir les prud'hommes une indemnisation forfaitaire de son licenciement en guise de compensation. En d'autres termes, rien n'est discuté ; le juge prud'homal ne concilie plus, il homologue. Cette disposition est une véritable négation de son rôle actif dans la conciliation, qui consiste notamment à questionner le salarié, dans l'objectif de rétablir celui-ci dans l'intégralité de ses droits.
Sur l'amendement n° 2552 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin public est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj.
J'ai pris soin, tout au long des soixante-quatre heures de ce débat, d'intervenir sur les différents articles avec bonne foi. Appréhendant article par article les dispositions qui nous sont soumises, j'ai constaté honnêtement – ce fut parfois l'objet d'un débat avec nos collègues du groupe GDR – que ce texte comportait des avancées, qui, si elles peuvent être considérées insuffisantes, sont aussi – je reprends une expression que j'ai souvent employée – « un pied mis dans la porte » avant d'aller plus loin.
C'est donc avec la même franchise que je dirai que cet article 16 suscite de très vives inquiétudes. C'est la seule véritable régression de ce texte, qui revient sur un droit acquis. Le délai de prescription était, hier, de trente ans. Depuis 2008, il est de cinq ans. À l'époque, dans les rangs socialistes, nous disions qu'il fallait peut-être conserver, en matière de droit du travail, un délai de dix ans. Comment donc aujourd'hui accepter une telle réduction quand on est attaché au fonctionnement des instances prud'homales et à la défense des salariés lors de la rupture du contrat de travail, à la suite de laquelle ont lieu 90 % des saisines de ces instances ? Il s'agit alors d'obtenir le versement d'un salaire dû mais non versé, le paiement d'heures supplémentaires qui n'auraient pas été comptabilisées, de saisir le juge à propos de pauses ou d'autres avantages dont le salarié aurait été privé. Bref, il s'agit de reconstituer les droits pleins et entiers du salarié, y compris en termes de cotisations sociales.
Réduire à deux ans le délai de prescription, c'est pour le moins atypique, pour le moins inédit. Un propriétaire peut, pendant cinq ans, réclamer à un locataire les loyers impayés. En revanche, pour des salariés, le délai de prescription serait réduit à deux ans !
On le sait, cet article est la contrepartie de l'accord, dans cette logique du donnant-donnant qui fonde l'équilibre général du texte.
Cependant, j'espère que certains des amendements déposés permettront de vider cette disposition de sa substance. Je le dis de manière parfaitement sincère et en conscience : je ne peux accepter ce qu'apporte ce article.
L'article 16 prévoit des aménagements qui concernent les contentieux judiciaires relatifs au droit du travail. En matière de contentieux des licenciements, il introduit, conformément aux stipulations de l'article 25 de l'ANI, le principe d'une proposition d'accord entre les parties lors du passage devant le bureau de conciliation. Il est proposé de prévoir le versement d'une indemnité dont le montant est déterminé en référence à un barème qui tient compte de l'ancienneté.
Les députés du groupe UDI ont déposé un amendement qui vise à préciser que le montant de l'indemnisation doit être laissé à l'appréciation du juge prud'homal. J'imagine qu'un certain nombre de collègues y souscriront.
Le sujet est effectivement très important. Si la suspension demandée par le groupe socialiste a été si longue, c'est certainement à cause de cet article.
Selon nous, le recours à un barème doit être entendu comme une possibilité offerte au juge pour déterminer le montant de l'indemnité, librement apprécié en fonction des circonstances de fait du litige examiné ainsi que du préjudice subi. J'ignore si c'était bien l'objet de cette longue suspension de séance, mais je peux comprendre qu'il ne soit pas évident, au sein de la majorité, d'arrêter une position sur cet article.
Nous arrivons à un moment intéressant du texte, et les débats avancent à un bon rythme. On peut au moins considérer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que notre groupe a contribué à améliorer ce texte, mais, comme nous l'avions annoncé, sans dénaturer l'accord. Nous sommes presque tous intervenus pour dire que nous respections le dialogue social et qu'il n'était donc pas question, pour nous, de modifier ce qui a fait l'objet d'un accord.
Cela dit, monsieur le ministre, nous abordons, avec l'article 16, un sujet extrêmement sensible. Il pose un certain nombre de problèmes – vous êtes peut-être, dans cet hémicycle, celui qui le sait le mieux – qui touchent aux acquis sociaux et aux délais de prescription.
Vous le savez, monsieur le ministre, le groupe écologiste a largement et activement contribué à l'amélioration de ce texte. Cependant, le sujet que nous abordons est, à nos yeux, extrêmement important, pour ne pas dire plus. J'espère que la discussion sur cet article nous permettra de prendre une position constructive et positive, sur l'article et sur le texte en général.
Effectivement, madame la présidente, monsieur le ministre, nous abordons un article important. Jusqu'à présent, nous avons cherché, les uns et les autres, des accords, des avancées, essayant de nous tenir sur la ligne de crête qu'évoquent régulièrement M. le ministre et M. le rapporteur.
Cet article 16 concerne des points essentiels, puisqu'il touche aux dispositions relatives aux contentieux judiciaires. Il figure, on le sait bien, parmi les contreparties importantes imposées, d'une certain manière, par le patronat aux organisations syndicales. Je ne citerai que l'une de celles-ci, que nous avons auditionnée ensemble, avec le rapporteur : elle nous a dit clairement que ces mesures n'étaient pas favorables aux salariés, qu'elles procédaient d'une vision financière du patronat, enrobées par la perspective d'embauches dans les PME. Les représentants syndicaux auditionnés, d'une organisation pourtant signataire de l'accord, nous demandaient expressément d'amender cet article, sur ce thème.
Nous avons d'autres questions, sur d'autres points de l'article, notamment la barèmisation, mais je n'ai pas le temps de développer cela maintenant. Pour ma part, je serai extrêmement attentif à la discussion des différents amendements. Je pense en tout cas que cet article 16 doit vraiment être modifié.
Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons repoussé l'idée d'un gel du versement des dividendes, repoussé l'idée d'un contrôle de l'utilisation des aides publiques et, notamment, la possibilité de sanctionner une mauvaise utilisation du CICE. Nous avons également repoussé la vérification du motif économique des licenciements. Je crois que cette fois, nous pouvons avancer, tous ensemble. La majorité peut modifier quelques-unes des dispositions qui sont l'objet de cet article 16. Ce ne sera pas de nature à dévoyer ce texte ; bien au contraire, il en sera enrichi. Je suis sûr que l'ensemble des partenaires sociaux, y compris les représentants du patronat, accepteront que le législateur puisse modifier quelques-unes de ses dispositions.
Sur l'amendement n° 3103 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons à une série d'amendements de suppression.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 2552 .
Nous avons déposé des amendements de suppression pour un certain nombre de raisons qu'Alain Bocquet a déjà indiquées, et pour un certain nombre d'autres encore.
Comme le souligne le Syndicat de la magistrature, l'article 16 prévoit, pour le règlement des litiges relatifs au licenciement, que l'employeur et le salarié peuvent convenir d'un accord, ou le bureau de conciliation proposer d'y mettre un terme par un accord, lequel prévoit le versement au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant – je l'ai déjà dit – est déterminé sur le fondement d'un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié.
Ce dispositif est en réalité sans équivalent dans le domaine judiciaire en ce qu'il prédéfinit les termes et conditions de l'accord susceptible d'intervenir. Certes, il n'a, a priori, vocation à intervenir qu'au stade du bureau de conciliation, le salarié ayant toujours la possibilité de refuser l'application du barème et de choisir de porter son affaire devant le bureau de jugement. Il est cependant évident, selon le Syndicat de la magistrature, que le barème à venir deviendra la référence, implicite mais incontournable, devant les bureaux de jugement lorsqu'il s'agira de déterminer le montant des dommages et intérêts à accorder au salarié abusivement licencié ; la tendance naturelle des conseillers réunis pour délibérer de l'affaire sera évidemment de se référer au barème pour évaluer ces dommages et intérêts. Cet effet de contamination du bureau de jugement par le barème amplifiera le mouvement qui est ainsi amorcé en faveur d'une tarification forfaitisée de l'indemnisation du licenciement abusif, tellement souhaitée par les employeurs en raison de la prévisibilité du risque contentieux qu'elle leur assure. Il n'est pas admissible que cet objectif de sécurisation des entreprises prévale sur le principe général du droit des obligations, largement consacré par la jurisprudence européenne, qui exige la réparation intégrale et adéquate du préjudice résultant d'un fait fautif et qui s'oppose donc, en cas de licenciement injustifié, à la forfaitisation des dommages et intérêts.
Nous avons donc déposé des amendements de suppression de cet article 16, article lui aussi scélérat.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2560 .
Défavorable.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 2552 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, nos 3103 et suivants.
Je vous annonce d'ores et déjà que je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public sur les amendements identiques n° 3526 et suivants.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 3103 .
Notre amendement vise à supprimer les articles relatifs à la rupture conventionnelle, qui permet à un employeur et à un salarié de se quitter d'un commun accord. Il est vrai que, sur le papier, la rupture conventionnelle paraît séduisante. Jusqu'alors, en effet, il n'y avait que deux solutions pour rompre un CDI : de la part du salarié, la démission, sans pouvoir toucher les allocations chômage ; de la part de l'employeur, le licenciement, à condition de trouver un motif un tantinet crédible. Même si les deux parties s'entendaient sur les modalités de départ, il était impossible de licencier sans invoquer un reproche, au risque de voir les Assédic refuser d'indemniser le nouveau chômeur.
Nous considérons cependant que ce type de rupture est une supercherie. Le déséquilibre inhérent au contrat de travail fait qu'il existe en pratique peu de possibilités pour un salarié de conduire l'employeur à accepter la rupture conventionnelle plutôt qu'une démission. Par contre, l'employeur dispose de moyens de pression pour convaincre le salarié d'accepter cette modalité à la place d'un licenciement. Elle peut ainsi devenir pour l'employeur un moyen de contourner ses obligations légales et la législation sur le harcèlement moral. Un salarié victime de discrimination, de harcèlement, de conditions de travail indignes et illégales pourrait, du fait de cette situation intenable, accepter les modalités d'une rupture conventionnelle plutôt que faire valoir ses droits devant les autorités compétentes. Tel est le piège tendu par ce dispositif.
Cette modalité de rupture n'offre donc aucun droit nouveau au salarié et sa banalisation au cours de la période récente est plus inquiétante qu'encourageante. Nous pensons pour notre part indispensable de supprimer ce dispositif dangereux pour les droits des salariés et leur dignité.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3111 .
Ces amendements visent à supprimer l'article 16 de ce projet de loi, et à le remplacer par des dispositions supprimant les dispositions du code du travail relatives à la rupture conventionnelle. Mais M. le ministre nous a dit que ce dispositif serait évalué avant que les partenaires sociaux réfléchissent à son avenir.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Même avis.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3534 .
Les alinéas 1 à 7 de l'article 16 visent à modifier l'article L. 1235-1 du code du travail. Ces alinéas prévoient qu'en cas de litige entre l'employeur et un salarié afférant au licenciement de ce dernier, un accord pourra être conclu entre les parties à l'occasion de la conciliation. Ce dispositif, apparemment redondant avec les dispositions de l'actuel article L. 1411-1 du code du travail, est en réalité sans équivalent dans le domaine judiciaire en ce qu'il prédéfinit les termes et conditions de l'accord susceptible d'intervenir.
Certes, a priori, il n'a vocation à jouer qu'au stade du bureau de conciliation, le salarié ayant toujours la possibilité de refuser l'application du barème et de choisir de porter son affaire devant le bureau de jugement. Il est cependant évident que le barème à venir deviendra la référence, implicite mais incontournable, pour les bureaux de jugement, lorsqu'il s'agira de déterminer le montant des dommages et intérêts à accorder aux salariés abusivement licenciés. La tendance naturelle des conseillers réunis pour délibérer de l'affaire sera évidemment de se référer au barème pour évaluer le montant des dommages et intérêts.
Par cet effet de contamination, le barème amplifiera l'évolution déjà amorcée des procédures qui passent devant le bureau de jugement, lesquelles tendent à déboucher sur une tarification forfaitisée de l'indemnisation du licenciement abusif. Cette évolution est fortement souhaitée par les employeurs car elle leur assure une grande prévisibilité du risque contentieux.
Pourtant, il n'est pas admissible que l'objectif de sécurisation des entreprises prévale sur le principe général du droit des obligations, largement consacré par la jurisprudence européenne, qui exige la réparation intégrale et adéquate du préjudice résultant d'un fait fautif et s'oppose donc, en cas de licenciement injustifié, à la forfaitisation du montant des dommages et intérêts.
Outre cette grave dérive, le dispositif institué par l'article 16 pose aux moins deux sérieuses difficultés juridiques. D'abord, il porte atteinte aux missions du juge conciliateur. Ensuite, il comporte un critère inadapté d'appréciation du préjudice.
Monsieur le député, je vous rassurerai sur deux points. D'abord, et des amendements ultérieurs le préciseront, ce barème n'est qu'une référence. Il n'est qu'indicatif. C'est vrai quel que soit l'épithète qu'on lui applique : nous avons retenu, par un amendement, un terme que vous avez vous-même choisi, celui de « référence ».
Deuxièmement, ce dispositif s'ajoute aux indemnités légales et conventionnelles. Il ne s'agit certainement pas de l'y substituer ! Le barème ne s'imposera donc pas au juge.
Troisièmement, la conciliation permet de ne pas ouvrir le dossier. Dans ce cas, on peut parvenir à un accord : le salarié bénéficiera alors des indemnités légales et conventionnelles, plus le montant prévu par le barème. Le seul critère que l'on peut alors retenir est l'ancienneté. Si la procédure dépasse le stade de la conciliation, le dossier du salarié est pris en considération : on va alors considérer le préjudice, et d'ailleurs le projet de loi répète que le juge des prud'hommes doit réparer le préjudice subi.
Je crois que vos inquiétudes sont infondées : l'avis de la commission est donc défavorable.
Même avis.
Je précise, après l'intervention de M. le rapporteur, que le principe même du barème entre en opposition frontale avec la mission conciliatrice du juge prud'homal. Il faut rappeler que la conciliation est justement sa mission première, avant même celle de juger : c'est ce qui ressort de l'article L. 1411-1 du code du travail. Cette mission implique que le bureau de conciliation recherche les termes d'un accord adapté, au cas par cas, en fonction des spécificités de chaque litige. C'est d'ailleurs ce que souligne une jurisprudence constante de la Cour de cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi estimé, dans une décision du 28 mars 2000, que « la conciliation, préliminaire obligatoire de l'instance prud'homale, est un acte judiciaire qui implique la participation active du bureau de conciliation à la recherche d'un accord des parties préservant les droits de chacune d'elles ».
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 3526 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Sur les amendements identiques nos 5126 , 5128 et 5134 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l'amendement n° 4783 rectifié .
L'amendement n° 4783 rectifié concerne le cadre de la conciliation. Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons beaucoup parlé de dialogue : nous essayons de ne pas opposer les différentes parties, employeurs ou salariés. Ici, certes, nous sommes sur des sujets sensibles : il peut y avoir conflit quand l'affaire est portée devant telle ou telle juridiction. Il importe donc de redonner pleinement sa force à la conciliation, pour qu'un maximum d'affaires puissent être réglées grâce à cette procédure.
Nous considérons que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, rabaisse la conciliation à une simple procédure d'enregistrement qui ne laisse pas de place à la discussion. L'affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement. Nous proposons donc cet amendement pour redonner toute sa force à la conciliation, ce qui n'empêche pas, si cette procédure n'aboutit pas, de passer à une autre étape. Il me semble que cela correspond tout à fait à l'esprit de ce projet de loi.
La commission n'a pas retenu cet amendement. Je confirme qu'il sera toujours possible de mener une procédure de conciliation sans utiliser le barème. Il vaut donc mieux créer une voie de conciliation rapide et simple. Par la suite, si les parties souhaitent se concilier sur un montant supérieur à celui du barème, libre à elles. Je crois donc que les précisions proposées par cet amendement ne sont pas nécessaires.
Mesdames et messieurs les députés, je ne voudrais pas que mes interventions soient trop répétitives. Cet amendement me donne néanmoins l'opportunité de vous dire la position du Gouvernement sur cette affaire, et de vous expliquer l'objectif recherché.
Aujourd'hui, la phase de conciliation n'est quasiment pas utilisée lorsqu'un litige est porté devant les prud'hommes. On décide généralement de sauter cette étape, à l'initiative d'une partie ou de l'autre. Cela se fait d'ailleurs souvent à l'initiative de l'employeur qui pense, mal avisé par les conseillers juridiques auxquels il a recours, que rechercher la conciliation est inutile, et qu'il faut aller tout de suite devant la formation de jugement pour que l'affaire soit tranchée au fond. Il arrive aussi parfois que le salarié estime qu'il vaut mieux sauter cette phase pour passer directement à la phase suivante. Cela témoigne d'un mauvais fonctionnement du dispositif.
Il faut revaloriser la phase de conciliation. Je me permets cette mise au point, monsieur le député, car c'est aussi votre volonté. Il faut redonner tout son sens à cette phase de conciliation. Cette phase, par définition, précède la phase de jugement. Elle la précède parfois même de longtemps, compte tenu de l'encombrement des juridictions. La phase de conciliation peut être très rapide, alors que la phase de jugement peut être au contraire très tardive. Nous essayons de faire en sorte, grâce à des dispositions présentes dans plusieurs parties du projet de loi, qu'une réponse judiciaire intervienne le plus tôt possible, car il n'est dans l'intérêt de personne que cette réponse tarde ! Cela n'arrange pas l'entreprise, qui ne sait pas combien elle devra verser au salarié au bout du compte, ou même si elle devra verser quelque chose. Cela arrange moins encore le salarié, car le moment où il connaîtra le sort qui lui est réservé par le juge est repoussé dans le temps. Il faut donc revaloriser la phase de conciliation.
Le barème n'est pas conçu comme un outil contraignant pour le juge. Par définition, le juge conserve une totale liberté d'appréciation : il doit apprécier précisément la situation personnelle du salarié concerné, et les conséquences éventuelles de sa décision compte tenu de cette situation. Il faut donc que ces affaires soient réglées le plus tôt possible. Dans cet objectif, le barème doit faciliter la phase de conciliation, et non la contraindre. Grâce au barème, on saura à l'avance à peu près à quoi s'en tenir. Si le salarié considère que le montant donné par le barème est sans rapport avec le préjudice effectif qu'il a subi, il peut refuser le barème et faire valoir ses arguments. Les conseillers prud'hommes n'ont aucune obligation de l'appliquer : c'est une simple référence, connue à l'avance, qui permet à chacun d'estimer à peu près sa situation. Cela va donc permettre à notre justice prud'homale de mieux fonctionner, de donner plus rapidement, dès la phase de conciliation, des réponses aux uns et aux autres et tout particulièrement aux salariés. Tel est l'objectif. Il faut toujours essayer de connaître l'objectif…
Si, c'est très exactement la raison !
J'ai discuté avec l'ensemble les organisations syndicales. Elles peuvent n'avoir pas apprécié, et donc pas signé, l'équilibre global, mais elles peuvent porter sur tel ou tel aspect des jugements libres. Nombre d'entre elles considèrent qu'il faut en finir avec un système où la phase de conciliation est purement formelle et où l'on attend la phase du jugement, laquelle est elle-même extrêmement tardive. Tel est tout le raisonnement.
Ce système n'a pas pour but de contraindre le juge qui a toute liberté. Il n'est pas là pour contraindre la phase de conciliation. Il donne une indication, une référence permettant à chacun de connaître à peu près ses droits et de trouver des solutions le plus rapidement possible en phase de conciliation.
Je tenais à rappeler ces précisions, car c'est l'état d'esprit dans lequel nous sommes, monsieur Cavard. Je ne reviendrai pas sur les arguments du rapporteur, mais votre amendement ne me paraît pas, de ce point de vue, apporter une solution dirimante. C'est la raison pour laquelle, si vous le mainteniez, j'y donnerais un avis défavorable. Nous partageons toutefois cette vision. Il y va de l'intérêt des uns et des autres que les problèmes soient résolus le plus tôt possible.
Pour montrer ma bonne volonté, puisque des amendements vont être examinés sur lesquels on me revaudra, je l'espère, cette bonne volonté, je retire cet amendement. Nous pourrons ainsi discuter plus tranquillement des amendements suivants !
(L'amendement n° 4783 rectifié est retiré.)
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 5419 .
Nous débattons d'un sujet extrêmement sensible et je sais que ceux qui nous écoutent sont très attentifs à ce qui sera voté dans cet article. Nous devons donc, à mon sens, faire très attention.
J'ai été fort attentif à l'argumentation du ministre sur la revalorisation de la conciliation. Même si je considère, comme André Chassaigne, que les entreprises anticipent ce type de situation, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 5419 est retiré.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 5126 .
Tout d'abord, monsieur le ministre, je pense que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire sur cet article 16 et l'appréciation portée sur la phase de conciliation. Les organisations non signataires de l'accord ne sont absolument pas d'accord avec les termes de l'article 16 tel qu'il est proposé par le projet de loi.
Je n'ai pas parlé de l'ensemble de l'article 16 ! Je n'ai parlé que de la phase de conciliation.
Il était préférable de le préciser !
En renvoyant la fixation du barème d'indemnisation au décret, l'article 16 ne fixe aucun minimum, alors que la perte d'un emploi est, par nature, génératrice d'un préjudice majeur, a fortiori lorsqu'elle résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse. Sur ce point, la délégation donnée au pouvoir réglementaire pour fixer ce barème doit au contraire être encadrée, afin d'éviter qu'il ne consacre des indemnisations qui pourraient se révéler spoliatrices des droits du salarié licencié.
La responsabilité du législateur est ici d'autant plus importante que de l'existence ou non de minima s'imposant au pouvoir réglementaire dépend la constitutionnalité du dispositif. En effet, après avoir affirmé qu'il résulte de l'article 4 de la Déclaration de 1789 « qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « que la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre cette exigence constitutionnelle», le Conseil constitutionnel a précisé « que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations ». Mais c'est « à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs, ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ».
Ainsi, la délégation non encadrée donnée au pouvoir réglementaire est-elle susceptible d'aboutir à la fixation d'un barème dont les minima porteraient une atteinte disproportionnée aux droits des salariés licenciés. Il conviendra donc que la loi détermine des « planchers » d'indemnisation. C'est la raison pour laquelle nous proposons que le barème fixé par décret ne puisse être inférieur à celui qui résulterait de l'application des dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 5134 .
Pour le règlement des litiges relatifs au licenciement, l'article 16 prévoit que l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation proposer d'y mettre un terme par un accord prévoyant le versement au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé « sur le fondement d'un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié ».
Ce dispositif est sans équivalent dans le domaine judiciaire en ce qu'il prédéfinit la base de l'accord susceptible d'intervenir. Ce faisant, il entre en opposition frontale avec la mission conciliatrice du juge prud'homal, auquel il appartient de rechercher les termes d'un accord adapté au cas par cas, en fonction des spécificités de chaque litige.
Le projet de loi renonce ainsi à ce qui fait le coeur de la mission du juge prud'homal et la réduit à une simple fonction d'enregistrement d'une solution automatisée. En assignant une issue unique au processus de conciliation, cette indemnisation prétarifée, si elle devait s'imposer au juge, serait donc la négation même de la mission du bureau de conciliation. C'est pourquoi le barème ne doit pas être d'application automatique, mais doit laisser, au contraire, une marge d'adaptation au bureau de conciliation. En outre, l'ancienneté du salarié, qui constituera, de fait, l'unique référence pour l'établissement du barème dont la loi renvoie la fixation au pouvoir réglementaire, est loin de constituer le seul critère. Ce n'en est qu'un parmi d'autres, qui ne peuvent être évacués sous peine que le cadre réglementaire à venir porte atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice.
Enfin, la délégation donnée au pouvoir réglementaire pour fixer ce barème doit être encadrée, le législateur ne pouvant se désintéresser des conditions dans lesquelles cette entorse majeure au principe de réparation intégrale du préjudice résultant d'un licenciement sera susceptible de limiter a priori les obligations de l'une des parties au contrat de travail.
L'amendement proposé permettrait de pallier ces carences.
Au vu de l'argumentaire que vous venez de développer, je pense que la réponse que je vais vous apporter achèvera de vous convaincre. Cette procédure de conciliation nouvelle, dont le ministre a évoqué l'importance, permettra, je l'espère, de trouver des solutions moins conflictuelles qu'actuellement. Je suis favorable en effet à ce que vous proposez. Il y a simplement un problème technique : un barème ne peut pas prendre en compte tout ce qui peut être prévu par les conventions collectives. J'ai proposé, avec les commissaires du groupe socialiste, un amendement qui a exactement le même objet que le vôtre, mais qui permet de contourner cette difficulté. Il précise que le barème s'ajoute aux indemnités légales et conventionnelles et que les indemnités prud'homales sont fixées, pour bien montrer le caractère indicatif et comme vous le souhaitiez, en référence. Cet amendement, que nous examinerons dans un instant, propose donc de substituer aux mots « sur le fondement d'un » barème, les mots « sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un » barème.
Je crois vraiment que votre souhait est satisfait par cet amendement n° 5364 que défendra tout à l'heure mon collègue Robiliard, identique à mon amendement n° 5158 . Le barème sera fixé uniquement par référence à l'ancienneté et s'ajoutera aux indemnités légales ou conventionnelles. Nous avions, d'ailleurs, tenté d'aboutir à une rédaction commune avec vous, mais le temps nous a manqué. Tel était, toutefois, notre état d'esprit.
J'ai le même état d'esprit. Je précise donc, par avance, que je donnerai un avis favorable à l'amendement dont nous allons discuter. Peut-être pourriez-vous cheminer !
Article 16
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Compte tenu des explications qu'a données le rapporteur, nous retirons nos amendements au profit du sien, qui permet d'atteindre l'objectif que nous recherchions.
Peut-être pourrions-nous considérer, monsieur le rapporteur, que cet amendement a désormais une double paternité, la vôtre et celle du groupe GDR.
C'est l'avantage de la nouvelle loi ! (Sourires.)
Sur les amendements n°s 2896 à 2904 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5158 et 5364 .
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 5158 .
Il s'agit de tenir la promesse que vient de faire le rapporteur. L'objectif de ces amendements, avec une copaternité et une filiation adoptive, est que le montant de l'indemnité forfaitaire soit déterminé non « sur le fondement » d'un barème fixé par décret mais, « sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à » ce barème.
Nous parlons très clairement des indemnités compensatrices de congés payés, des indemnités compensatrices de préavis, de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, ou de toute autre indemnité prévue par une convention collective, par le code du travail ou par le contrat de travail.
Le barème concerne uniquement des dommages et intérêts à raison d'une discussion sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, les indemnités légales étant en plus.
Ce qui pourrait faire douter dans la rédaction actuelle, c'est le mot « forfaitaire », que l'on utilise en général pour globaliser l'ensemble des sommes allouées dans le cadre d'une transaction et tenter d'en faire des dommages et intérêts au point de vue social et fiscal.
De façon très claire, nous distinguons bien les choses. Le barème dont il est question ne porte que sur les dommages et intérêts.
Je n'ai rien à ajouter aux excellentes explications de Denis Robiliard, en accordant la co-paternité de l'amendement au groupe GDR.
Si je comprends bien, il y a maintenant une triple paternité pour ces amendements, auxquels le Gouvernement donne son assentiment.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l'amendement n° 3133 .
Je le retire et je vais expliquer pourquoi.
Je souhaitais qu'il soit écrit que le montant de l'indemnité est déterminé en référence à un barème « indicatif ». Je sais que les partenaires sociaux y sont réticents, presque pour des raisons de diplomatie, mais il s'agit clairement d'un barème indicatif.
Comme vous le savez, les travaux parlementaires peuvent servir à l'interprétation des textes de loi quand ils font difficulté et qu'on recherche ce qu'a voulu le législateur. Compte tenu des explications qu'a données tout à l'heure M. Sapin, ministre du travail, il est très clair que ce barème ne lie pas la juridiction et qu'elle peut aller au-delà comme en deçà. Cela me paraît évidemment très important pour que le taux de conciliation, qui est inférieur à 7 %, puisse augmenter.
Lorsqu'il y a une conciliation sur des dommages et intérêts en matière de cause réelle et sérieuse, on fait un accord sur un risque, risque pour l'employeur d'être condamné, risque pour le salarié de perdre et de ne pas connaître le montant qu'il obtiendra. C'est sur cet échange de risques que se fait l'accord, et donc le barème ne peut être qu'indicatif.
Que se passerait-il, en effet, s'il ne l'était pas ? Prenons un exemple. Imaginez le cas d'un salarié licencié avec une lettre de licenciement non motivée. Il a plus de deux ans d'ancienneté, dans une entreprise de plus de dix salariés. Devant le bureau de jugement, il ne pourra légalement avoir moins de six mois. Or, avec juste deux ans d'ancienneté, le barème tel qu'il est issu de l'ANI lui donne deux mois ! Il n'y aura pas de conciliation possible.
Le barème doit donc être indicatif. Tous les propos tenus jusqu'à présent devant cette assemblée indiquent qu'il l'est. Il n'est donc pas nécessaire de l'ajouter dans le texte.
(L'amendement n° 3133 est retiré.)
Nous en venons aux amendements identiques nos 2896 à 2904 .
Je vous indique auparavant que, sur les amendements identiques nos 3007 à 3015 , je suis saisie par le groupe GDR d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Chassaigne pour soutenir l'amendement n°2904 .
Je suis saisie d'une nouvelle série d'amendements identiques. La parole est à M. André Chassaigne pour défendre l'amendement n° 3015 .
Nous arrivons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Dolez, pour défendre l'amendement n° 5092 .
L'article 16 insère deux alinéas à l'article L. 1235-1 du code du travail pour encadrer le règlement des litiges devant le bureau de conciliation. Il précise notamment que le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.
Or, selon une jurisprudence absolument constante de la Cour de cassation, la conciliation prud'homale n'est valable que si le bureau de conciliation « a rempli son office en ayant, notamment, vérifié que les parties étaient informées de leurs droits respectifs » – arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mars 2000.
Cette jurisprudence tend à éviter que des PV de conciliation entérinent des compromis manifestement déséquilibrés du seul fait de la difficulté des parties à mesurer la portée de leurs engagements au regard du cadre juridique dans lequel s'insère leur litige.
Ainsi l'homologation de l'accord par le juge, qui implique, toujours selon la même jurisprudence constante, « la participation active du bureau de conciliation à la recherche d'un accord des parties préservant les droits de chacune d'elles », doit-elle être obligatoirement prévue en tant qu'elle est garante de l'équilibre de l'accord et de l'absence de spoliation manifeste des droits d'une partie.
La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l'amendement n° 5100 .
La commission a repoussé ces amendements puisque l'office du juge n'est pas modifié. Un PV atteste de l'accord trouvé devant le bureau de conciliation, PV qui a autorité de la chose jugée. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter une homologation qui aurait le même objet.
Défavorable.
C'est un amendement de précision.
Pour qu'une conciliation soit possible, il faut un échange de concessions entre les deux parties afin de mettre fin, de façon définitive, au litige qui les oppose. Le demandeur doit accepter la transaction, et il doit pouvoir le faire avec toutes les informations importantes dont il peut disposer ; il renonce ensuite à toute autre action. Le défendeur verse une indemnité forfaitaire librement discutée entre les deux parties.
Compte tenu du principe de l'unicité de l'instance, il semble opportun que la conciliation constatant l'accord entraîne une acceptation de l'accord des deux parties, et ce de manière claire et définitive.
Cette disposition permet de lever les ambiguïtés et de clarifier le texte existant, notamment au bénéfice du salarié.
Vous allez dire encore une fois, monsieur le député, que nous n'acceptons pas tous vos amendements, même si un grand nombre d'entre eux ont été satisfaits, y compris dans la liste que vous avez rappelée tout à l'heure. Vous avez mentionné le crédit d'impôt compétitivité emploi. Votre amendement n'avait pas été retenu mais un autre ayant un impact important l'a été.
Quant au présent amendement, j'en ai discuté avec M. Braillard, qui craignait que la conciliation sur la rupture du contrat de travail ne remette en cause les droits des salariés sur les autres litiges qui pourraient naître de l'exécution du contrat. Telle était sa préoccupation. Or il me semble que l'amendement dit le contraire. Il faut qu'une conciliation partielle soit possible. Tout ce que nous disons en ce moment, sur le barème et le reste, concerne la seule rupture. Je crois donc vraiment que vous pouvez rassurer votre collègue sur le fait que la conciliation peut être partielle et liée à la seule rupture. L'adoption de l'amendement aurait un effet contraire au souhait qu'il m'a dit être le sien.
Je crains de même que votre amendement, monsieur le député, n'ait un effet contraire à votre objectif, qu'il ne soit défavorable aux salariés.
La discussion permet d'éclairer la réflexion et je transmettrai ces éléments à M. Braillard. L'amendement est retiré.
(L'amendement n° 982 est retiré.)
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l'amendement n° 981 .
Cet amendement est limpide. Pour qu'une conciliation ait lieu, il faut que les deux parties soient présentes. L'amendement propose donc de créer une obligation de présence des parties à la conciliation.
La commission a repoussé cet amendement. M. Carpentier met pourtant le doigt sur quelque chose d'essentiel. Cela nous a été dit lors de toutes les auditions : l'une des difficultés de la conciliation est que l'employeur, ou un représentant habilité à prendre des décisions, est rarement présent, ce qui conduit à renvoyer directement l'affaire.
En revanche, comme l'exposé sommaire lui-même l'indique, il s'agit là d'une disposition réglementaire. Ce n'est pas cela qui réglera le problème très juste que vous soulevez, monsieur le député. Peut-être faudrait-il mener une réflexion plus large sur les sanctions prévues, ou sur l'habilitation réelle du représentant de l'employeur, quand ce dernier est absent, à prendre des décisions. L'avis est défavorable, pour une raison d'ordonnancement juridique.
Même avis.
Je n'ai décidément pas de chance. Je vais le retirer, suite à ces explications, pour nous permettre d'avancer et d'aborder les autres amendements que je défendrai.
(L'amendement n° 981 est retiré.)
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 32 , 2759 , 2761 et 2767 .
Sur le vote des amendements nos 2795 et identiques, je suis saisie par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Il s'agit de supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 16. L'alinéa 7, en particulier, dispose que le juge « justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie ». De deux choses l'une : ou bien on applique un barème, ou bien on n'en applique pas. Si on applique un barème, il me paraît superfétatoire d'ajouter une exigence de motivation. Monsieur le ministre, je vous ai entendu parler à juste titre de la nécessaire revalorisation de la conciliation par la juridiction prud'homale ; vous avez souligné que souvent l'on ne se préoccupait pas de cette phase, et que c'était préjudiciable. Il est en effet très important de donner toute sa force à l'accord des parties quand il y a rencontre de deux consentements.
Ajouter une motivation, c'est ajouter du contentieux. Cela irait totalement à l'encontre de la philosophie qui nous anime. Dans la mesure où le salarié et l'employeur sont d'accord, il faut laisser s'exprimer leur libre volonté et ne pas rajouter des formalités, une motivation du juge qui, au surplus, accroîtrait un mal que nous connaissons bien : celui de la durée des audiences, très préjudiciable pour le salarié mais aussi pour l'employeur. Conformément à la philosophie de l'accord, conformément au rôle que nous voulons donner au très important bureau de conciliation, supprimons cette exigence de motivation.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2767 .
Vous avez parlé du barème, madame Dion : nous ne sommes plus là devant le bureau de conciliation mais devant le bureau de jugement. Que le juge doive, dans son jugement, justifier les raisons qui l'ont amené à prononcer le montant de l'indemnité, c'est une règle générale du droit, inscrite à l'article 455 du code de procédure civile que vous connaissez parfaitement et qui dispose que tout jugement doit être motivé. Avis défavorable.
Même avis. Il n'est pas possible de supprimer la motivation.
Je souhaite poser une question à M. le ministre. L'argumentation de Mme Dion ne peut tenir, parce que nous sommes devant le bureau de jugement et non devant le bureau de conciliation, et que le barème n'est applicable que devant ce dernier. Mais M. Germain a cité l'article 455 du code de procédure civile, c'est-à-dire un article réglementaire. Ne sommes-nous pas là dans le domaine réglementaire ?
J'ai répondu sur le principe. Ce qu'ont voulu certains dans cette négociation, c'est appeler à la précision des justifications. Il a par exemple été question des jugements qui pourraient être prononcés en préjudice sur des retraites. De nos jours, des simulations sur les droits à retraite sont produites par les services du ministère des affaires sociales : de telles justifications pourraient être prévues. On nous a assuré que c'était déjà le cas à 99 %.
Les réductions des délais de prescription prévues par ces alinéas vont à l'encontre de l'accès effectif au juge. En effet, en bureau de conciliation, le juge doit s'efforcer de concilier les deux parties dans le respect des règles du droit et des intérêts de chacun. À l'heure actuelle, le juge conciliateur ne peut pas léser le salarié de ses droits : c'est la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mars 2000.
Or le projet de loi permet désormais aux parties de mettre fin au litige en conciliation moyennant une contrepartie barémisée dérisoire et totalement déconnectée du préjudice subi par le salarié. Ce forfait risque fort de devenir la règle sur laquelle s'appuieront les juges en bureau de jugement, ce qui aura pour conséquence de léser les salariés et de permettre à l'employeur de violer la loi à moindres frais. Cette nouvelle règle interroge sur les pouvoirs du juge ; à quoi sert-il s'il n'a pas l'obligation de vérifier que l'accord trouvé entre les parties préserve les droits de chacune d'elles ?
Quant à la prescription, elle était déjà passée de trente à cinq ans en 2008, et se voit encore raccourcie à vingt-quatre et trente-six mois. Or, dans un contrat à exécution successive comme l'est le contrat de travail, des délais aussi courts produisent des effets disproportionnés. Tous les trois ans, l'employeur est amnistié de ses manquements si le salarié n'a pas saisi le juge. Or on sait parfaitement que les salariés en emploi saisissent très rarement le juge contre leur employeur ; ce n'est qu'une fois le contrat de travail rompu que les salariés se risquent à le faire. La justice, pour jouer son rôle dissuasif, doit mettre en place des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives. Le raccourcissement des délais de prescription signifie une diminution des sanctions pour l'employeur et une moindre réparation pour le salarié.
La commission a repoussé ces amendements pour que le débat puisse avoir lieu sur les dispositions qui suivront relatives à la prescription.
Même avis.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron