Les réductions des délais de prescription prévues par ces alinéas vont à l'encontre de l'accès effectif au juge. En effet, en bureau de conciliation, le juge doit s'efforcer de concilier les deux parties dans le respect des règles du droit et des intérêts de chacun. À l'heure actuelle, le juge conciliateur ne peut pas léser le salarié de ses droits : c'est la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mars 2000.
Or le projet de loi permet désormais aux parties de mettre fin au litige en conciliation moyennant une contrepartie barémisée dérisoire et totalement déconnectée du préjudice subi par le salarié. Ce forfait risque fort de devenir la règle sur laquelle s'appuieront les juges en bureau de jugement, ce qui aura pour conséquence de léser les salariés et de permettre à l'employeur de violer la loi à moindres frais. Cette nouvelle règle interroge sur les pouvoirs du juge ; à quoi sert-il s'il n'a pas l'obligation de vérifier que l'accord trouvé entre les parties préserve les droits de chacune d'elles ?
Quant à la prescription, elle était déjà passée de trente à cinq ans en 2008, et se voit encore raccourcie à vingt-quatre et trente-six mois. Or, dans un contrat à exécution successive comme l'est le contrat de travail, des délais aussi courts produisent des effets disproportionnés. Tous les trois ans, l'employeur est amnistié de ses manquements si le salarié n'a pas saisi le juge. Or on sait parfaitement que les salariés en emploi saisissent très rarement le juge contre leur employeur ; ce n'est qu'une fois le contrat de travail rompu que les salariés se risquent à le faire. La justice, pour jouer son rôle dissuasif, doit mettre en place des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives. Le raccourcissement des délais de prescription signifie une diminution des sanctions pour l'employeur et une moindre réparation pour le salarié.