Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 8 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Article 16, amendements 4846 5433

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Outre les motivations qui ont conduit les organisations syndicales représentant 51,2 % des salariés à signer un accord contenant ces dispositions – notamment le fait que le délai de prescription ne coure qu'après la connaissance des faits –, je voudrais par ailleurs apporter au rapporteur quelques explications sur les sujets qu'il a soulevés à l'occasion de cet amendement.

Il y a trois grands sujets : la requalification des CDD en CDI ; les droits sociaux ; les infractions pénales.

S'agissant de la requalification des CDD en CDI, la réduction du délai de prescription – cinq ans en 2008, puis deux ans dans le projet de loi – a pour conséquence que le salarié ne pourra plus demander la requalificafion de son CDD à l'expiration d'un délai de deux ans. Mais en cas de CDD successifs et de demandes visant à faire reconnaître le caractère d'emploi permanent, le délai de prescription de l'action est glissant : par exemple, un salarié en CDD successifs depuis sept ans devra faire un recours dans les deux ans suivant le jour où il a eu connaissance du fait qu'il aurait dû bénéficier d'un CDI, mais pourra faire requalifier ses contrats et faire prendre en compte la date d'embauche initiale comme point de départ de son ancienneté. Cela aura des conséquences importantes et bénéfiques pour lui en termes de calcul de l'indemnité de licenciement. Sur ce point, votre amendement, monsieur le rapporteur, ne me paraît donc pas nécessaire.

Concernant les droits sociaux, je note tout d'abord que l'amendement mentionne de manière très générale des actions tendant à la « reconstitution des droits sociaux », termes trop larges du point de vue juridique. Ensuite, l'article 16 ne traite que des rapports entre l'employeur et le salarié et non des rapports entre l'employeur et l'organisme de sécurité sociale ou entre le salarié et l'organisme de sécurité sociale, et des dispositions existent déjà pour préserver les droits sociaux des salariés.

J'ajoute que l'impact d'un non-recouvrement sur les droits à la retraite est nul pour les salariés : c'est le précompte qui constitue le fondement du droit à l'assurance vieillesse. S'il est exact, que l'entreprise ait ou non versé les cotisations afférentes, les droits seront ouverts. La reconstitution éventuelle des droits à l'assurance vieillesse – en cas d'erreur de la caisse ou de précompte fautif – obéit aux règles de prescription du code civil : la prescription ne court qu'à compter de la découverte du préjudice, lors de l'arrivée à terme de la créance. La rédaction de l'article 16 n'emporte donc aucune conséquence puisque ce n'est pas contre l'employeur ou l'exécution du contrat de travail que se retournera le salarié. Enfin, si l'employeur a été indélicat, le dispositif de régularisation des cotisations prescrites permet de préserver les droits potentiels à la retraite des salariés – article R. 351-11 du code de la sécurité sociale – dès lors que l'assuré apporte la preuve d'une activité rémunérée.

S'agissant de la protection maladie, il y a une disposition spécifique dans le code de la sécurité sociale qui prévoit déjà une prescription de deux ans à compter du premier jour du trimestre qui suit celui auquel se rapportent les prestations.

Par conséquent, sur la question de la reconstitution des droits sociaux, l'amendement n'est d'aucun apport supplémentaire pour les salariés au regard des dispositifs de sécurité sociale leur permettant de faire valoir leurs droits.

J'en viens enfin à la question des infractions pénales.

S'agissant des « actions en réparation des préjudices causés par des infractions pénales », on doit noter que certaines sont déjà exclues du dispositif par la rédaction actuelle. Tel est le cas des actions en réparation des préjudices résultant de dommages corporels, de discrimination ou de harcèlement.

En outre, un nombre important de dispositions du code du travail prévoient des sanctions pénales, sans qu'elles aient nécessairement un impact direct pour le salarié. Votre amendement élargirait de manière relativement imprécise et donc incertaine le champ de la prescription de droit commun. De plus, une telle disposition reviendrait à confier au juge civil l'appréciation d'une qualification pénale sans qu'il n'en ait la compétence ni qu'il dispose des moyens d'enquête nécessaires pour constater l'existence d'une infraction.

Mesdames, messieurs les députés, je reconnais toutes les difficultés de votre travail. Vous avez travaillé, monsieur le rapporteur, avec beaucoup d'autres députés, à la meilleure écriture possible pour répondre à de vraies questions qui se posent. J'ai essayé de vous apporter des réponses concrètes et précises pour montrer que ce qu'ont signé les organisations syndicales, après d'âpres négociations avec les organisations patronales, préserve très largement les intérêts des salariés. Vous avez compris aussi qu'il est de mon devoir de vous rappeler que l'équilibre global de l'accord doit être respecté car il y a des moments où cet équilibre global pourrait être considéré comme rompu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

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