Intervention de Thierry Braillard

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 21h45
Modernisation du régime des sections de commune — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Braillard :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne vous mentirai pas en disant que c'est un vrai plaisir que d'intervenir à cette tribune, au nom du groupe RRDP, afin d'exprimer notre soutien à ce texte initialement déposé au Sénat le 25 mai 2012 par mon excellent collègue et ami sénateur Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE. Ce texte a été adopté le 15 octobre dernier.

Bien qu'il ait pris soin, par bienséance autant que par humilité, de souligner que la question des biens sectionaux pouvait paraître incongrue vue de Paris – elle pourrait l'être également vue de Lyon –, notre collègue Jacques Mézard n'en a pas moins insisté sur la nécessité de rénover le régime des sections de commune, survivance de l'Ancien Régime confortée par le législateur révolutionnaire.

Élu urbain mais député de la nation avant tout, j'insiste à mon tour, bien que n'ayant pas la connaissance fine de mes collègues du Massif central, territoire qui concentre la plupart de ces démembrements administratifs, sur la nécessité de réguler ces entités juridiques définies par l'article L 2411-1 du code général des collectivités territoriales comme « toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ».

La France compte environ 27 000 sections de commune, réparties dans plusieurs dizaines de départements. Je me suis intéressé, allez savoir pourquoi, à un département en particulier : l'Aveyron, qui en compte 1 790 – ces chiffres datent de 1999, madame la ministre –, dont 291 d'une superficie égale ou supérieure à dix hectares.

Leur finalité était de permettre un usage collectif des biens exploités afin d'assurer aux habitants modestes ou indigents des moyens de subsistance par l'exploitation usufruitière de terres ou de forêts. Ce droit de jouissance sur les biens dont les fruits sont perçus en nature a été réaffirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 avril 2011, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Cependant, comme le soulignait le toujours excellent sénateur radical Jacques Mézard, « les sections de communes, initialement destinées à un usage collectif, sont aujourd'hui l'enjeu de luttes entre intérêts particuliers, marquées par les égoïsmes locaux, souvent par un certain conservatisme,… » – que j'ai cru entendre s'exprimer à cette tribune – « …avec en toile de fond des querelles qui sont devenues personnelles ».

Les contentieux administratifs sont persistants, compte tenu notamment de l'obsolescence et de l'opacité du cadre juridique. De plus, les situations multiples rendent tout état des lieux des sections de commune problématique et leur gestion aléatoire, en fonction notamment de leur taille, de leur configuration ou de leur localisation.

Cette réalité explique en partie, comme le souligne notre rapporteur, tout aussi excellent, que « les règles applicables aux sections de commune, tentant au fil des lois de réguler les pratiques, souffrent aujourd'hui d'une certaine complexité et de réelles ambiguïtés ».

Ambiguïté, car la preuve de l'existence des droits, s'appuyant souvent sur des usages ou des titres anciens, est aujourd'hui difficile à rapporter.

La décision du Conseil constitutionnel de 2011, en venant préciser la nature juridique des sections de communes, a permis de rationaliser le fonctionnement des sections, notamment en facilitant la suppression de celles qui ne fonctionnent pas, en assouplissant le régime de transfert des biens de la section de commune à la commune, alors que le régime actuel, par sa relative inefficacité, ne peut être satisfaisant.

Tel est l'objectif principal de la proposition de loi qui nous est soumise : faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes. L'inexistence juridique des sections sera constatée plus facilement par les autorités municipales. Symétriquement, la constitution de nouvelles sections, par le relèvement des seuils requis pour la création d'une commission syndicale, organe de gestion d'une section de commune, sera rendue plus difficile.

Le rapporteur a entendu aller plus loin, et interdire la constitution de nouvelles sections de communes. Nous sommes d'accord avec cette position. Par ailleurs, la participation de droit du maire aux travaux des sections existantes est désormais – et heureusement – prévue.

À l'initiative du rapporteur de la commission des lois sénatoriale, un amendement donnant à la proposition de loi une perspective globale, visant à moderniser le régime des sections de communes, a été adopté. Les sections de communes sont désormais des personnes morales de droit public, cette qualification clarifiant le principe d'absence de droit de propriété des membres de la section sur ses biens, lesdits membres devant avoir leur domicile réel et fixe sur la section. Dorénavant, il n'y aura plus d'ayants droit. La gestion de la section de commune est, en outre, simplifiée, avec la subrogation de la commune dans les droits de la section.

Un amendement de notre rapporteur à l'article 4 ter, permettant à une section possédant des biens indivis avec d'autres sections de mettre fin à cette indivision, est venu compléter le mécanisme de simplification des modes de gestion. En effet, les biens partagés entre plusieurs hameaux, eux-mêmes partagés entre plusieurs communes, tombaient souvent en pleine déshérence à cause de l'imbrication des intérêts et des querelles de chapelles – pardonnez à un radical l'utilisation de cette expression –, si chères à la vie de nos campagnes.

Nous nous félicitons donc de cette avancée. Nous pensons que la section de commune est un patrimoine collectif et non une propriété privée indivise. Les conflits opposant les intérêts particuliers, souvent dérisoires – la lecture de l'abondante jurisprudence en la matière est souvent édifiante –, à l'intérêt général, auquel oeuvrent les communes dans lesquelles se trouvent des sections, doivent cesser.

Il est donc opportun de mettre en place une procédure permettant, au libre choix de la commune, de transférer dans le patrimoine communal les biens d'une ou plusieurs sections, en toute hypothèse. La précision apportée au texte initial nous convient totalement.

De plus, la prééminence de l'intérêt général est affirmée, grâce notamment aux articles 4 sexies et 4 septies. En effet, l'article 4 sexies prévoit que le conseil municipal pourra modifier le budget élaboré par la commission syndicale, laquelle pourra désormais rendre un avis non contraignant sur les modifications proposées.

Quant à l'article 4 septies, il ouvre la possibilité aux communes, sous certaines conditions, de financer leurs dépenses sur le budget d'une section de commune. Une fois les besoins de la section satisfaits – et non ceux de ses membres –, l'affectation du surplus de revenus au financement d'opérations d'intérêt général, au bénéfice non exclusif de la section, sera donc possible.

Des interrogations quant à la clarté de l'appréciation de la satisfaction des besoins de la section ont été formulées lors des réunions des commissions des deux chambres. Cependant, comme notre rapporteur l'a implicitement admis – et l'a fait, je pense, explicitement –, ces dispositions, combinées avec celles du code général des collectivités territoriales, prévoient une affectation du solde des revenus de la section au budget de la commune. Cela devrait permettre de mettre un terme à ce scandale pour les élus et habitants de communes pauvres sur le territoire desquelles prospèrent les sections riches, de ne pouvoir profiter d'excédents dormants alors que leur commune doit emprunter pour investir. Nos collègues Mézard et Collombat s'en étaient d'ailleurs émus lors des débats au Sénat.

Enfin, mes chers collègues, je me joins aux remerciements adressés par Mme la ministre aux auteurs de cette excellente proposition de loi, pour avoir cherché et trouvé des solutions de bon sens à des problèmes picrocholins, qui nuisent au bon fonctionnement et à la saine gestion des communes concernées, par le phénomène des sections de communes.

À l'heure où certains crient, parfois sans raison, à la mort de la ruralité en France, à l'heure où certains pensent qu'il faut s'attacher à des méthodes, voire à des usages, qui datent de l'époque médiévale,…

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