Intervention de Alain Calmette

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 21h45
Modernisation du régime des sections de commune — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Calmette :

Le régime des sections de commune est une particularité peu connue de notre droit, qui nous vient pourtant de l'Ancien Régime. Il s'agissait de permettre aux villageois les plus pauvres d'utiliser les communaux lorsque cela était nécessaire à leur survie.

C'est par une série d'aléas dont l'histoire a le secret – il serait ici trop long d'en faire le récit – que les biens sectionaux ont survécu jusqu'à nos jours. On en recense aujourd'hui autour de 27 000. Pour l'essentiel, 66 % de ces sections de communes sont des forêts, moins de 23 % sont des pâturages et un peu moins de 3 % sont des terres cultivées. S'il est temps aujourd'hui de moderniser cette institution, c'est parce qu'elle est à l'origine de nombreux litiges et de graves conflits qui empoisonnent la vie locale.

Je me félicite que ce texte soit aujourd'hui à l'ordre du jour de notre assemblée après avoir été proposé au Sénat par Jacques Mézard, président du groupe RDSE. On pourrait croire qu'il s'agit d'une affaire cantalienne puisque l'autre sénateur du Cantal, Pierre Jarlier, par ailleurs président de l'Association des maires du Cantal a lui aussi activement participé à l'élaboration de ce texte issu du Sénat. En fait, il n'en est rien, car même si cette problématique ne concerne qu'une minorité de départements, elle est bien réelle dans tout le Massif central, et particulièrement en Lozère, dont le député n'est autre que le rapporteur Pierre Morel-A-L'Huissier.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est la consolidation de celui issu du Sénat. C'est un texte doublement enrichi, d'abord par le travail du rapporteur au Sénat Pierre-Yves Collombat et de la commission des lois du Sénat, ensuite par le travail de notre rapporteur, à l'Assemblée, dont je salue la qualité d'écoute et la pertinence des apports qu'il a, avec d'autres, introduits dans le cadre de notre commission des lois.

Je voudrais tout d'abord évoquer les difficultés de gestion auxquelles doivent faire face les maires des communes qui ont sur leur territoire des biens de section. Ces difficultés sont le résultat à la fois d'une très grande complexité juridique du régime des sections de commune, d'un manque de définition commune et d'une confusion entre droit de propriété et droit de jouissance.

Complexité juridique, car plusieurs lois et décrets se sont additionnés à travers le temps pour mettre fin à cette survivance moyenâgeuse, aboutissant à une plus grande confusion encore. En 1793, la Convention, après de longs débats, finit par avaliser la notion de communaux. En 1884, la loi communale introduit une distinction flottante entre biens communaux et biens sectionaux. Enfin, ces dernières décennies, diverses initiatives parlementaires ont, par certains aspects, contribué à fragiliser ce régime juridique. Car toute la difficulté est là : comment, dans cette affaire, apporter de la simplification sans ouvrir des nids à contentieux supplémentaires ?

Manque de définition commune, car des termes proches comme « ayants droit », « membres », « électeurs », « habitants », « exploitants » peuvent recouvrir des interprétations différentes et sont porteurs de confusion, donc de contentieux.

Confusion aussi entre droit de propriété et droit de jouissance, qui se traduit par une multiplication des conflits entre ayants droit et conseils municipaux, ou entre commissions syndicales et conseils municipaux. L'imbroglio juridique est tel que le seul tribunal administratif de Clermont-Ferrand examine chaque année une cinquantaine d'affaires.

Aujourd'hui, une évolution est possible grâce à l'avis du Conseil constitutionnel, qui, comme l'a rappelé le rapporteur, a clairement statué pour considérer « une section de commune comme une personne morale de droit public », en précisant que les membres de la section ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits et que le droit au respect des biens ne s'oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un motif d'intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques.

C'est dans le prolongement de cette clarification fondamentale qu'intervient cette proposition de loi adoptée au Sénat et que la commission des lois de l'Assemblée nationale a très largement suivie. Le texte proposé ici vise deux objectifs principaux.

Le premier objectif concerne la modernisation du régime des biens de section. L'esprit du texte est bien de simplifier la gestion des sections qui fonctionnent bien. De ce point de vue, trois éléments doivent être soulignés.

Le texte apporte une clarification du vocabulaire. Ainsi, l'article 1er bis assimile les différentes notions – ayant droit, membre, électeur – et garde un seul critère, celui de l'habitation. Sont dorénavant membres exclusivement les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur le territoire de la section de commune. Cette clarification du vocabulaire, recentré sur la notion de membre, est une avancée significative importante en termes de lisibilité et de simplification.

Ensuite, le nouveau cadre juridique proposé permet de clarifier les rôles respectifs du conseil municipal et de la commission syndicale.

Enfin, l'article 2 quater réaffirme l'interdiction de tirer des revenus en espèces des biens sectionaux, car des agissements contraires sont constatés. Le droit de jouissance des fruits sectionaux ne peut être qu'en nature, et uniquement en nature.

Le deuxième objectif est de faciliter le transfert aux communes. L'article 3 assouplit le régime de transfert des biens sectionaux à la commune en cas de dépérissement de la section de commune. Trois dispositions ont été imaginées : la réduction de cinq à trois ans de la période du défaut de paiement des impôts sectionaux ; l'abstention non plus des deux tiers mais de la moitié des électeurs lors d'une consultation pour la création d'une commission syndicale ; le transfert automatique en cas d'inexistence de membres de la section de commune.

Une procédure nouvelle de transfert est également créée, « au libre choix de la commune ». En d'autres termes, l'article 4 donne, à la demande du conseil municipal, la faculté de transfert à la commune des biens, droits et obligations de tout ou partie des sections situées sur son territoire, afin de mettre en oeuvre un objectif d'intérêt général.

Dorénavant, suite à l'adoption de ce texte, coexisteront cinq régimes différents de transfert.

Madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où nous nous apprêtons à examiner un futur projet de loi sur les métropoles, ce sujet peut sembler totalement anachronique. Et pourtant, il réglera une question qui, comme les maires le disent très souvent, entrave le bon fonctionnement de centaines de communes rurales, monsieur Chassaigne.

Comme l'écrit l'inspecteur général Lemoine dans son rapport de 2003, les sections de commune peuvent constituer aujourd'hui un frein au développement et à l'aménagement de l'espace rural.

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