Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 15h00
Fonctionnement de l'action du gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collègues du groupe UDI nous proposent aujourd'hui la création d'une commission d'enquête afin de connaître le fonctionnement et de déterminer les éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'État dans la gestion de l'affaire qui a conduit à la démission de Jérôme Cahuzac.

Nous ne sommes évidemment pas opposés à la création de cette commission d'enquête. Si la justice doit faire son travail, cela n'interdit pas aux représentants de la nation d'exercer leur mission de contrôle de l'exécutif et de faire le point sur les failles éventuelles dans le fonctionnement des services de l'État ou les éventuelles erreurs commises par le ministre du budget.

Depuis des semaines, l'opposition reproche au Gouvernement, soit de ne pas avoir été assez curieux sur le compte illégal que Jérôme Cahuzac a avoué avoir détenu en Suisse pendant près de vingt ans, soit d'avoir cherché à couvrir son ministre. Ce climat de suspicion malsain rend probablement et même sûrement nécessaire la création d'une commission chargée de faire la lumière sur cette question.

Il ne faut toutefois pas nous tromper de débat. La question la plus importante à nos yeux n'est pas de déterminer les responsabilités personnelles des uns et des autres, mais de nous engager dans une « lutte implacable contre les dérives de l'argent », pour reprendre les termes du chef de l'État. Une lutte qui se heurte, comme le rappelait récemment le journaliste Marc Roche dans les colonnes du Monde, à la quasi-impunité des professionnels de la finance, à l'entrisme institutionnel de l'univers financier et à l'insuffisance criante des moyens dont nous disposons pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscale.

Les auditions conduites depuis plusieurs mois par Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan dans le cadre d'un rapport sur les paradis fiscaux ont mis au jour le jeu cynique des prix de transfert des multinationales, les schémas d'optimisation fiscale, les carrousels à la TVA. Les entreprises multinationales du CAC 40 et quelques grandes fortunes utilisent des comptes domiciliés dans des paradis fiscaux pour échapper à l'impôt. Chaque année, la fraude fiscale coûterait près de 60 milliards d'euros aux recettes de l'État.

Au-delà du mensonge de l'ancien ministre du budget, l'affaire Cahuzac révèle donc une pratique institutionnalisée sur laquelle les gouvernements, de gauche comme de droite, ont fermé les yeux. Pourtant, des solutions existent, comme l'ont prouvé d'autres pays qui ont pris le problème à bras-le-corps – je pense à l'Allemagne, voire aux États-unis.

En France, nous manquons des outils juridiques comme des moyens humains nécessaires. La direction générale des finances publiques a perdu plus de 25 000 emplois depuis 2002. Les suppressions d'emplois se sont accélérées avec la révision générale des politiques publiques lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy. Elles n'ont pas cessé avec l'élection de François Hollande, puisque 2 062 emplois seront supprimés en 2013 – et l'austérité comme les orientations budgétaires du Gouvernement laissent craindre une nouvelle vague de suppressions d'emplois en 2014.

La création d'un parquet financier spécialisé disposant de moyens d'enquête accrus, ainsi que d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption, avec des moyens issus des ministères de l'Intérieur, de la justice et des finances, est une nécessité, monsieur le ministre. Le Gouvernement a également indiqué vouloir désormais s'assurer de l'efficacité de l'échange d'informations et a pris l'engagement de plaider pour la mise en place d'accords d'échanges automatiques d'informations au sein de l'Europe. C'est là une avancée que nous saluons.

Pourtant, en dépit de ces efforts, vous n'escomptez récupérer qu'une part infime des quelque 50 à 60 milliards d'euros confisqués par les entreprises et les grandes fortunes et dissimulés dans les paradis fiscaux. Pour nous, vous l'aurez compris, la priorité est de remettre l'évasion fiscale au centre du débat.

Le rapport sénatorial remis l'an dernier sur l'évasion fiscale internationale avait formulé pas moins de 60 propositions afin d'amplifier la force de frappe de l'administration, d'améliorer les outils juridiques pour endiguer l'évasion fiscale, de renforcer la coordination à l'échelon européen et d'en finir avec une concurrence fiscale aux effets délétères, en oeuvrant enfin à une harmonisation de la fiscalité européenne.

C'est sur ce terrain que nous souhaitons que la représentation nationale se mobilise lors des prochains mois. Nous avons déjà formulé nombre de propositions en ce sens et continuerons d'en défendre l'urgence et l'opportunité lors de l'examen des prochains textes budgétaires. Dans l'immédiat, et dans un souci de transparence, le groupe GDR ne s'opposera pas à cette proposition de résolution. (« Merci ! » sur les bancs du groupe UDI.)

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