La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, durant des mois, Jérôme Cahuzac conduisait la politique budgétaire de la France. Durant des mois, il demandait des sacrifices à tous les Français. Durant des mois, il plaçait ses revenus dans des paradis fiscaux.
Alors, vous nous parlez aujourd'hui de moralisation de la vie politique ? Les Français ne sont pas près d'oublier que le scandale est né dans les rangs de votre propre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous deviez former un gouvernement « loyal et exemplaire » : on voit aujourd'hui le résultat ! Jérôme Cahuzac était-il « loyal et exemplaire » ? Qui dans votre équipe connaissait la situation du ministre du budget ? Le mensonge semble très répandu au sein de ce gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous voulez des exemples ? En voici.
Malgré vos promesses, la dépense publique, la dette publique et les impôts sont en augmentation. Toutes vos mesures asphyxient l'économie et l'emploi. Et où sont les économies de dépenses promises ? Vous pressurez les Français : retraités, jeunes, entrepreneurs. Vous prétendez vouloir inverser la courbe du chômage : cela n'est pas réalisable avec votre politique.
Monsieur le Premier ministre, il est temps, il est grand temps, de nous dire la vérité. Qui a protégé M. Cahuzac ? Qui lui a donné l'ordre de masquer les chiffres du déficit public ?
Enfin, si tant est qu'il y ait un cap et un pilote dans ce gouvernement, dites-nous dans quelle voie vous conduisez la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, vous me permettrez de constater objectivement que votre question porte sur deux sujets assez différents : c'est quand même un raccourci que de passer du mensonge, aujourd'hui reconnu, de quelqu'un qui a été ministre – mensonge qui nous affecte tous, y compris, évidemment, les membres du Gouvernement – à des considérations sur le plan politique.
Pour ce qui est de la première partie de votre question, je pense que la réponse du Gouvernement est claire. Elle marque d'ailleurs une rupture avec ce qui avait pu se passer dans des circonstances différentes. Le Gouvernement, comme l'a annoncé le Premier ministre, et le groupe SRC vont accepter dans quelques minutes la création d'une commission d'enquête parlementaire. L'ensemble des ministres, l'ensemble des responsables administratifs viendront devant cette commission d'enquête répondre aux questions des commissaires, de tous les commissaires, sous serment, parce que c'est notre conception de la transparence.
Mais vous savez, pour reprendre l'expression d'André Malraux, il faut savoir « transformer l'expérience en conscience ». Ce qui est important, c'est ce que le Gouvernement a adopté ce matin en Conseil des ministres : une loi sur la transparence et une loi pour renforcer comme cela n'a jamais été fait la lutte contre la fraude fiscale…
…et la lutte contre les paradis fiscaux.
Vous savez, je peux partager, et le Gouvernement partage, comme beaucoup sur ces bancs, l'outrage qu'ont reçu l'Assemblée nationale et la République dans son ensemble de la part d'un de ses ministres. Mais la question qui reste posée, c'est de savoir si, sur le chemin de la transparence, demain, vous serez tous à nos côtés pour qu'effectivement on tire de cette affaire toutes les leçons, pour le bien de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes fiers et confiants dans la politique que vous conduisez, conformément aux orientations du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne sommes pas impressionnés par les vociférations et les cris de la droite, car nous savons que si vous devez reconstruire, c'est que d'autres avant vous ont mis le pays par terre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Nous savons que si vous devez reconstruire l'école, c'est qu'elle était devenue un sujet subalterne pour la droite. Nous savons que si vous devez faire en sorte que la justice soit libre et indépendante, c'est qu'auparavant elle était bâillonnée et freinée dans ses enquêtes : désormais, avec la gauche, elle est libre d'agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous ne sommes pas impressionnés, messieurs de la droite, par les cris et les vociférations de la rue, ce fanatisme que vous entretenez, car si le fanatisme est dans la rue, les droits nouveaux et la République sont ici, au Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Du calme !
Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen et de son président, Bruno Le Roux, je vous le redis : nous sommes fiers, nous sommes confiants et nous voulons que vous usiez et abusiez de cette fierté et de cette confiance pour poursuivre les réformes – renforcer partout la justice, faire en sorte que le changement, ce soit maintenant et redresser, vous au Gouvernement, nous au Parlement et toute la gauche, le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Philippe Martin, je veux vous remercier particulièrement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…en tant que vice-président du groupe socialiste, républicain et citoyen, aux côtés de Bruno Le Roux, pour le travail constant et la disponibilité qui sont les vôtres.
Plusieurs députés du groupe UMP. Oh !
Vous me connaissez, monsieur le député,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
…et vous savez qu'on me reproche parfois une certaine retenue, que je revendique, car c'est pour moi une manière de respecter, non seulement la représentation nationale, mais aussi les Françaises et les Français. Aujourd'hui, presque un an après l'installation de ce gouvernement,…
…au regard du travail que nous avons accompli ensemble au service du redressement du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Je suis fier de vous le dire, mesdames et messieurs de la majorité, parce que nous avons fait ce travail ensemble. Mais c'est aussi pour moi l'occasion, visite après visite sur le terrain, rencontre après rencontre avec les Françaises et les Français (Sourires et exclamations et sur les bancs du groupe UMP),…
Cela ne peut pas continuer ainsi, mes chers collègues. Nous écoutons le Premier ministre.
…de rendre hommage à nos concitoyens, conscients qu'ils sont des défis que nous avons à relever et qui y participent grâce à leurs efforts, à leur intelligence et à leur esprit d'initiative. Je veux également les saluer, à cet instant.
Rares sont les gouvernements qui ont engagé en si peu de mois autant de réformes (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…et je veux en citer trois.
La première – et le défi à relever n'est pas des moindres – regarde le sérieux budgétaire, qui garantit notre souveraineté et notre indépendance. Il demande du courage, mais avec vous, je l'assume. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Puis, nous avons engagé la bataille pour l'emploi, grâce au pacte de compétitivité, aux mesures en faveur de l'emploi, à la négociation qui s'est traduite par une loi relative à la sécurisation des parcours professionnels, qui va être votée dans quelques heures. La bataille pour l'emploi et, en premier lieu, pour celui de la jeunesse, est une bataille centrale pour l'avenir.
Enfin, l'économie n'est pas tout, c'est pourquoi nous avons voulu faire avancer la société vers de nouveaux droits et hier vous avez voté solennellement le projet de loi du mariage pour tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Mais, mesdames et messieurs les députés, ce n'est là qu'une première étape, pour cette première année. Tous les chantiers sont ouverts et vont continuer d'être traités, avec la même méthode : une méthode de justice, de courage et de volonté, mais sans brutalité, en favorisant plutôt le dialogue, le compromis et la négociation.
Je veux évoquer trois chantiers qui vont être ouverts dans deux semaines, après l'interruption des travaux du Parlement. Tout d'abord, celui de la vie quotidienne des Français, avec le programme du logement pour tous,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Le chômage pour tous !
…de la rénovation thermique, de la consommation, soit du pouvoir d'achat pour tous les ménages. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est aussi le chantierde la jeunesse, auquel vous venez tout juste de vous attaquer, mais qu'il faut approfondir et pour lequel il faut réussir : je veux parler de la refondation de l'école et de la formation professionnelle. (Mêmes mouvements.)
Enfin, il s'agit du chantier de la rénovation de la vie publique : transparence, cumul des mandats, mais également égalité des droits entre les hommes et les femmes.
Mesdames et messieurs les députés, le redressement de la France est engagé, il demande du temps, du courage et de l'abnégation. Ma fierté n'est pas que personnelle : je la partage avec vous et c'est pourquoi je vous exprime aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés de la majorité, ma reconnaissance la plus profonde, parce que nous sommes tous ensemble au service de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et, comme le disait François Hollande dans son discours du Bourget : « La France n'est pas le problème, la France est la solution. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est en réformant notre modèle social et républicain que nous le ferons prospérer et vivre encore longtemps, et les réformes que nous faisons, nous les faisons, nous, au service de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – « Debout ! Debout ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, j'aurai l'occasion de vous en faire part à la reprise de nos travaux, mais sachez que ce matin, à l'unanimité, le bureau de notre assemblée a conclu que les questions d'actualité ne pouvaient plus continuer à se dérouler dans ce bruit. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Cela vaut pour tout le monde. Je vous le redirai plus solennellement tout à l'heure.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, sans aucun relais des médias nationaux, davantage préoccupés par l'hypothétique grippe aviaire chinoise, une prolifération de dengue atteint la Guyane depuis le mois de septembre 2012.
Selon l'Institut de veille sanitaire, environ 8 000 cas cliniquement évocateurs de dengue ont été constatés depuis sept mois. Peu à peu, cette prolifération a touché l'ouest de la région ainsi que l'île de Cayenne. Dans la seconde quinzaine de mars, près de 400 cas ont été recensés à Cayenne et à Matoury. La dengue a de nouveau atteint le stade d'épidémie déjà connu en Guyane.
Madame la ministre, nous en sommes au troisième décès depuis la résurgence de ce fléau et l'émotion est vive sur le terrain depuis la mort d'une fillette de quatre ans des suites d'une dengue hémorragique.
Certes, les conditions climatiques de la Guyane sont particulières et les récentes pluies que nous avons connues sont de nature à favoriser la reproduction des larves de moustiques ; mais ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à la propagation de cette maladie. Aussi serait-il temps d'arrêter des mesures radicales et pérennes susceptibles de sauver des vies humaines.
Cette lutte se situe à deux niveaux.
Premièrement, il s'agit de favoriser des actions de formation et d'information destinées au grand public, car ce combat ne sera efficace que si les gîtes larvaires sont définitivement éradiqués. Je tiens d'ailleurs à saluer l'action des agents chargés de la démoustication sur le terrain. Cependant, il faudra très rapidement augmenter leur nombre, ainsi que les moyens qui leur sont alloués, et améliorer leur formation.
Deuxièmement, nous considérons qu'il est impératif d'accorder aux différents personnels soignants qui assurent la prise en charge des patients les moyens nécessaires à l'exercice efficace de leurs responsabilités.
Madame la ministre, sachant que toutes les collectivités et instances de santé de Guyane apportent déjà leur contribution, pouvez-vous nous exposer les mesures que vous comptez prendre au nom du Gouvernement pour accroître la lutte antivectorielle et mettre fin à cette grave épidémie qui touche la Guyane ? Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député Gabriel Serville, une épidémie de dengue sévit en effet depuis le mois de septembre 2012 en Guyane et environ 8 000 cas ont été enregistrés. Cette épidémie sévère est aujourd'hui maîtrisée, mais elle a provoqué deux décès identifiés et, comme vous l'avez dit, une fillette semble être décédée des suites de cette maladie, même si les analyses sont toujours en cours.
Je vous assure de la totale détermination des pouvoirs publics pour lutter contre cette épidémie : les agences sanitaires sont pleinement mobilisées. Notre action est engagée autour de trois axes principaux.
Le premier est celui de la lutte antivectorielle, grâce à l'utilisation des insecticides contre les moustiques adultes, lutte qui est aujourd'hui renforcée.
Le deuxième axe de notre action concerne la mobilisation de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des élus, des agences ou des médias, pour renforcer la prévention et la communication auprès du grand public.
Le troisième axe enfin consiste dans une prise en charge médicale au cas par cas, avec l'activation d'une filière pédiatrique spécifique pour accompagner les enfants touchés par la dengue et l'adaptation des capacités d'accueil et de prise en charge hospitalière.
Il s'agit de faire face aux tensions que subissent les professionnels de santé. C'est pourquoi nous avons sollicité le renfort des personnels de l'EPRUS qui ont été mobilisés et sont venus renforcer, et continueront de le faire, l'organisation sanitaire régionale. Les pouvoirs publics, monsieur le député, sont donc pleinement mobilisés à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le Président de la République a annoncé qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôt pour l'année 2014, exceptée l'augmentation de TVA déjà votée. Hier, le programme de stabilité 2013-2017 a été débattu ici même : pour 2013, les efforts demandés sont importants. Une hausse similaire en 2014 serait très douloureuse pour nos concitoyens. C'est pourquoi lutter contre l'évasion fiscale et remettre à plat les dispositifs de niches est une priorité.
Tout d'abord, je tiens à dire, monsieur le ministre, ma satisfaction de voir que la lutte contre la fraude fiscale est au centre des discussions européennes et mondiales. Ainsi, le 13 avril, la rencontre des ministres des finances du G20 à Washington a abouti à l'engagement de procéder à des échanges automatiques d'informations bancaires, ce qui est sans précédent dans la lutte contre ces fraudes moralement inacceptables et financièrement insupportables.
Et que dire de l'impôt sur les sociétés ! Aujourd'hui, les PME sont plus ponctionnées que les multinationales ! Google, Apple, Microsoft et Amazon payent 37,5 millions d'euros d'impôts alors qu'elles devraient verser 800 millions d'euros !
Je dois vous faire part, monsieur le ministre, des grandes inquiétudes qui remontent de ma circonscription. En effet, ces augmentations d'impôts, qui s'accumulent déjà depuis dix ans, si elles concernaient de nouveau les populations les plus fragiles, les classes moyennes, les petits retraités, les employés, les commerçants et les artisans, contribueraient encore au recul du pouvoir d'achat, déjà amputé depuis de nombreuses années.
Monsieur le ministre, le groupe RRDP espère une refonte de notre système fiscal, qui est trop complexe et pas assez progressif. Quelle politique comptez-vous mettre en place pour plus de justice ? « Il se faut entraider, c'est la loi de la nature », écrivait Jean de la Fontaine dans la fable L'âne et le chien, mais n'oublions jamais qu'il faut s'entraider avec justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la politique fiscale du Gouvernement pour 2014, et donc sur des sujets importants parmi lesquels la lutte contre la fraude fiscale, une priorité gouvernementale qui s'est traduite en 2012 par une augmentation de 10 % des contrôles fiscaux, pour un rendement supplémentaire de 1,6 milliard d'euros. Quant à la lutte contre l'optimisation fiscale des grands groupes internationaux, nous la menons à travers un contrôle plus rigoureux des prix de transfert.
Je voudrais insister sur un autre point que vous avez évoqué : la fiscalité qui pèse sur les ménages et sur les chiffres du pouvoir d'achat. Ceux-ci n'étaient pas bons en 2012, pour des raisons directement liées aux augmentations d'impôts : 20 milliards d'euros en 2012, dont 13 milliards, il faut le rappeler, sont dus à des lois de finances adoptées avant mai 2012. Le fait est que nous avons décidé, nous, de cibler ces impôts sur les ménages qui peuvent le plus le supporter : 70 % des mesures nouvelles en 2013 sont concentrées sur les 20 % des ménages les plus aisés. Mais parallèlement, pour amortir les conséquences de ces hausses d'impôts sur le pouvoir d'achat, nous avons décidé de soutenir le pouvoir d'achat des classes populaires et des classes moyennes : revalorisation du SMIC ; augmentation de l'allocation de rentrée scolaire ; encadrement des loyers dans les zones tendues ; plafonnement des frais bancaires par la loi bancaire.
Et nous n'en resterons pas là, j'insiste sur ce point. Ainsi, la semaine prochaine, j'aurai l'honneur de présenter un projet de loi sur la consommation qui s'attaquera au marché des assurances, notamment des assurances obligatoires. La multirisque habitation a, par exemple, augmenté trois fois plus que l'inflation dans les deux dernières années. Nous mettrons de la concurrence et de la fluidité dans le marché des assurances. Mais nous allons également introduire dans le droit français une disposition importante : les actions de groupe, qui nous permettront, demain, de lutter contre la rente économique pour la transférer des entreprises vers les consommateurs, dont le pouvoir d'achat pourra ainsi augmenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.)
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères, et j'y associe Jean-Patrick Gille, co-président du groupe d'études sur le Tibet ainsi que tous les députés, de droite et de gauche, qui en sont membres. Elle porte évidemment sur les droits de l'homme au Tibet et en Chine, à la veille de la visite du Président de la République les 25 et 26 avril prochains.
Sur le Tibet, d'abord. Il faut savoir que la Chine ne respecte pas sa Constitution et sa législation, qui prévoient l'autonomie du Tibet. Les autorités tibétaines ne demandent d'ailleurs rien de plus. Or nous savons que, depuis 1959, la Chine se livre à une opération de sinisation forcée et d'agression culturelle, au point qu'à ce jour, 122 personnes se sont immolées. Nous savons qu'il est impossible d'accéder au Tibet pour les journalistes, pour les ONG et pour tous ceux qui veulent savoir ce qui se passe dans ce pays. Le 18 avril dernier, notre groupe d'études a reçu le Premier ministre du Tibet en exil, M. Lobsang Sangay, mais l'ambassade de Chine a exercé de profondes pressions pour empêcher qu'il soit reçu officiellement, et le Gouvernement n'a pas exprimé la volonté de le recevoir. Nous demandons à ce que les autorités et le Gouvernement français puissent le faire demain.
Le Président de la République va également se rendre en Chine pour parler, je l'espère, des questions qui ont trait aux droits de l'homme. Le prix Nobel Liu Xiaobo a été enfermé en 2009, à la veille de la remise de son prix, et condamné à quinze ans d'emprisonnement. Nous demandons au Président de la République de ne pas parler sans parler, mais d'aider la société civile chinoise, qui attend beaucoup de nous, et de demander la libération de Liu Xiaobo. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, les immolations qui ont eu lieu au Tibet ont évidemment jeté la consternation dans beaucoup de pays, y compris bien sûr en France. Il n'y a pas d'autre piste pour avancer, s'agissant du Tibet, que le dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama, pour parvenir à une solution durable qui respecte pleinement l'identité culturelle et spirituelle tibétaine, dans le cadre de la République populaire de Chine dont fait partie le Tibet.
À chaque fois qu'il nous est donné de parler avec les autorités chinoises, nous abordons ces questions – je l'ai fait moi-même il y a quelques jours lorsque j'ai été reçu par les plus hautes autorités chinoises. Mais nous le faisons toujours, monsieur le député, non pas avec à l'esprit telle ou telle provocation, mais dans le souci, que vous partagerez certainement, de l'efficacité. Il en est de même s'agissant du prix Nobel que vous avez cité, et de son épouse. Cela signifie que le Président de la République française, dans le cadre de la visite d'État qu'il va effectuer en Chine, abordera certainement les sujets qui concernent les droits de l'homme, mais avec le souci de l'efficacité et sans esprit de provocation. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Un peu de courage, monsieur le ministre ! Les Chinois vous respecteront davantage si vous êtes courageux !
Voilà comment la France, nous semble-t-il, peut concilier l'attachement aux droits de l'homme, qui fait partie de notre culture, et la nécessité d'un dialogue approfondi avec la Chine, un grand pays auquel nous sommes attachés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, on ne vous écoute plus. On ne vous écoute plus parce qu'on ne vous croit plus. Et on ne vous croit plus parce que vous-même et M. le Président de la République, François Hollande, n'avez cessé de tromper les Français depuis un an. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous aviez promis l'emploi ; nous avons un chômage de masse dont le taux n'avait pas été aussi élevé depuis vingt-cinq ans.
Vous aviez promis le pouvoir d'achat ; nous avons une accumulation de taxes et d'impôts supplémentaires qui pèsent sur tous les Français sans exception.
Vous aviez promis la réindustrialisation de la France ; nous avons des fermetures d'usines par dizaines : Florange, Petroplus, Aulnay. Elle est longue, la liste des déceptions que vous avez infligées aux ouvriers français.
Vous aviez promis l'exemplarité ; nous avons le mensonge et la dissimulation de votre ancien ministre du budget. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous aviez promis l'impartialité ; nous avons un Président de la République qui, contrairement à ses engagements, reçoit les députés de la majorité par fournées entières à l'Élysée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Vous aviez promis l'Europe ; nous avons la division franco-allemande et la relégation de la France sur la scène européenne.
Vous aviez promis le rassemblement ; nous avons la division de la France.
Vous aviez promis l'avenir ; nous avons les vieilles recettes du passé, qui ne marchent pas.
Plusieurs députés du groupe SRC. Vous êtes un expert en la matière !
Monsieur le Premier ministre, le 3 juillet 2012, vous disiez dans cet hémicycle : « Notre pays s'est affaibli économiquement, il s'est dégradé socialement, il s'est divisé politiquement, il s'est abîmé moralement. »
On ne saurait faire une meilleure description de l'état dans lequel vous avez plongé la France, depuis un an. Alors, quand allez-vous enfin offrir un espoir à la France ? Quand allez-vous en finir avec les divisions de votre majorité ? Quand allez-vous enfin fixer un cap pour la nation française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Bruno Le Maire, j'aime vous lire – je vous l'ai dit l'autre jour – car vous avez un talent de chroniqueur.
Tout le monde n'a pas le temps, étant ministre, d'écrire des livres. Mais vous avez ce talent, et je vous adresse mes félicitations. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Ce qui me plaît dans votre propos, c'est que j'y retrouve toute la critique, la sévère critique du quinquennat auquel vous avez participé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Oui, je revendique avec fierté ce que nous avons entrepris pour le redressement du pays. Je sais ce que j'ai dit le 3 juillet, ici même, et je vous remercie d'y avoir été attentif : nous avons trouvé un pays qui avait perdu confiance dans son avenir,…
…qui avait vu son industrie se déliter, avec 750 000 emplois détruits (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…qui voyait son commerce extérieur refléter sa perte de compétitivité, avec plus de 70 milliards d'euros de déficit,…
…qui voyait son système éducatif s'affaiblir et conduire plus de 20 % de la jeunesse au chômage et d'échec en échec.
Ce pays était effectivement économiquement affaibli, politiquement divisé et doutant moralement de lui-même. Ce défi, que nous avons relevé et qui nous anime et nous mobilise depuis un an, c'est celui du redressement, du refus du déclin de la France.
Monsieur Le Maire, j'aimerais bien que vous sortiez des facilités dans lesquelles vous venez de tomber…
…et qui ne vous ressemblent pas. D'une certaine façon, je salue votre lucidité par rapport à ce qu'a fait l'ancienne majorité, c'est-à-dire l'opposition actuelle.
Il y a quelque temps, vous teniez des propos que je trouvais courageux : nous ne sommes pas près, disiez-vous, de retrouver la confiance des Français parce que, sur beaucoup de plans, nous avons échoué. J'aimerais bien que vous continuiez sur cette voie, parce que dans une démocratie, il est important que ceux qui ont perdu le pouvoir soient aussi capables de faire le bilan, l'inventaire de l'échec dans lequel ils ont conduit la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Lorsque vous aurez terminé ce travail,…
…nous pourrons confronter ce que nous faisons à ce que vous proposez (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour l'instant, vous êtes divisés. Vous êtes dans une compétition : il s'agit de courir de plus en plus vite derrière l'extrême droite, comme nous l'avons vu au cours des derniers jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Tous ne sont pas d'accord avec cette hypothèse, je le sais. Sur le plan politique, vous aurez aussi à clarifier le choix de vos alliances (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous aurez aussi à dire clairement aux Français ce que vous leur proposez.
Certains d'entre vous le font déjà, comme mon prédécesseur, qui a donné hier une interview au journal Les Échos. Eh bien, je vous le dis, la gauche n'est pas d'accord avec ce que vous proposez : l'austérité, la retraite à soixante-cinq ans, trente-neuf heures de travail hebdomadaire payées trente-cinq, des dizaines et des dizaines de milliers d'emplois publics détruits, des services publics abîmés (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Croyez-vous que c'est avec l'austérité que nous allons redonner confiance aux Français ?
Pour notre part, nous avons fait le choix de la rénovation de notre modèle social et républicain en le réformant. Ce chantier demande du courage, du temps, de la constance. Le cap est fixé, il faut surtout s'y tenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – « Debout ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, en 2015, du fait de l'industrie du nickel, la Nouvelle-Calédonie rejoindra les pays du Golfe, principaux contributeurs au réchauffement climatique, et dans les dix ans à venir, ses émissions de C02 par habitant vont progresser de plus de 165 %.
Et voilà que la Société Le Nickel, la SLN, filiale du groupe Eramet dont l'usine est implantée en plein coeur de Nouméa, doit remplacer sa centrale électrique au fioul.
Après avoir déclaré que son choix se porterait sur une centrale au gaz, la SLN a récemment annoncé, sur fond de chantage à l'emploi, sa décision de recourir au charbon sans que les Calédoniens aient jamais été consultés. Nous sommes donc devant le fait accompli et, je le dis ici, cela est inacceptable.
Alors que notre lagon est inscrit au patrimoine de l'Unesco, alors que nous sommes l'une des régions du monde les plus touchées par le réchauffement climatique, alors que nous avons un devoir d'exemplarité écologique, dont la SLN ne saurait être exemptée, alors que le Gouvernement a rappelé hier, ici même, l'engagement de la France dans la réduction des émissions de C02, cette seule centrale en rejettera 1,2 million de tonnes chaque année. Pire : cette centrale à charbon sera éligible à la défiscalisation outre-mer.
Ma question est donc très simple. Tiendrez-vous compte des importants enjeux environnementaux lors de l'instruction de la demande de défiscalisation, qui ne devrait pas tarder à arriver sur les bureaux de Bercy ? Et l'État, qui est actionnaire d'Eramet…
Merci, madame la députée.
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Madame la députée, je vous prie d'excuser Victorin Lurel, qui est en partance pour Haïti, où il va représenter le Gouvernement français au sommet des États de la Caraïbe.
L'usine de la SLN, filiale d'Eramet à Nouméa, doit effectivement remplacer son ancienne centrale au fuel d'ici à 2018 ou 2020. Le souhait du Gouvernement était qu'Eramet choisisse le gaz comme énergie de remplacement plutôt que le charbon. Il était prêt pour cela à mobiliser tous les leviers possibles pour soutenir la compétitivité du gaz par rapport au charbon, dans une zone Asie-Pacifique où le prix du gaz est extrêmement élevé. C'était aussi la position des élus calédoniens, qu'ils soient du gouvernement ou de la province Sud.
Comme vous l'avez indiqué, Eramet n'a pas choisi cette option. Néanmoins, le Gouvernement reste vigilant. Les autorisations administratives que vous avez évoquées relèvent des autorités locales mais pour le reste, le Gouvernement reste prêt à expertiser toute solution alternative au choix du charbon, qui pose évidemment un problème environnemental. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, c'est bien votre quinquennat que je vais évoquer ici, en parlant de justice pour tous et en interrogeant Mme la garde des sceaux.
Le projet de loi sur la transparence de la vie publique adopté ce matin par le conseil des ministres précise que toute personne dépositaire de l'autorité publique exerce sa mission avec « dignité, probité et impartialité ».
J'imagine donc que cela doit d'abord s'appliquer à ceux qui disent le droit, qui rendent la justice au nom du peuple français, et non pas au nom d'une idéologie partisane ou syndicale.
Alors, que faut-il penser de la révélation du site Atlantico sur l'existence d'un « mur des cons » rassemblant… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rassurez-vous, il y en a chez vous ! Un « mur des cons », donc, rassemblant des personnalités politiques, des magistrats, des policiers, des journalistes, des intellectuels et même, mes chers collègues, des parents de victimes.
Un mur qui ressemble à une véritable liste noire, futur tableau de chasse du Syndicat de la magistrature.
Madame la ministre, nous sommes là face à une faute pénale, compte tenu de l'injure publique constatée. Mais nous sommes surtout face à une grave remise en cause de l'impartialité de la justice. Les magistrats qui ont élaboré cette liste seront-ils demain en mesure de rendre la justice en toute impartialité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Les coupables désignés par avance sur ce mur auront-ils droit à une justice équitable ? (Mêmes mouvements.)
Madame la garde des sceaux, allez-vous condamner ces actes devant la représentation nationale ? Allez-vous saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour engager des sanctions administratives ? Allez-vous saisir le procureur de la République pour injure publique ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP, dont plusieurs membres se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Monsieur le député, vous savez parfaitement que ce mur se trouve dans un local du Syndicat de la magistrature… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un syndicat qui est en cause, et vous ne pouvez pas mettre en cause l'ensemble du corps de la magistrature.
C'est une action que je trouve, pour ma part, malheureuse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…que ce mur où se trouvent des personnalités de droite et de gauche. Il est certain que tout serait plus simple sans syndicats dans notre démocratie, sauf qu'elle en serait profondément appauvrie.
Il s'agit de la responsabilité des personnes en particulier qui tiennent ce syndicat, et il s'agit d'une action syndicale. Les personnes qui figurent sur ce panneau sont parfaitement fondées à déposer plainte. (« Et vous ? » sur les bancs du groupe UMP.) Je peux vous donner l'assurance que, pour ma part, je ne donnerai aucune instruction individuelle pour entraver l'instruction de ces plaintes.
Le Syndicat de la magistrature se défend en prétendant qu'il s'agit d'un mur défouloir (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI)…
…en réponse aux nombreuses attaques que vous avez portées contre lui.
Vous nous avez laissé un dialogue social en jachère, et vous avez créé une situation désastreuse dans le pays.
Je pense, pour ma part, qu'il est inadmissible que des personnes soient mises en cause individuellement, qu'il s'agisse de personnalités politiques, d'artistes, de journalistes ou de toute autre personne physique. C'est absolument inadmissible. Le ministère public, vous le savez, peut prendre l'initiative d'une action publique.
Les personnes mises en cause peuvent saisir la justice. (« Et vous ? » sur les bancs du groupe UMP.) Aucune entrave ne sera faite aux procédures qu'elles engageraient. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est honteux ! Lamentable !
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, hier, à sept heures vingt du matin, une explosion d'une violence inouïe a ravagé les locaux de la chancellerie française à Tripoli, en Libye. Mes premières pensées, comme, j'imagine, celles de tous mes collègues, vont aux deux gendarmes français blessés, qui ont payé dans leur chair, avec des blessures graves pour l'un d'entre eux, les conséquences terribles de cet attentat.
Mon collègue Jacques Myard et moi-même étions sur place depuis dimanche, pour des contacts avec les autorités libyennes. Le pays est en pleine reconstruction et fait face à de nombreux défis difficiles, dont bien sûr celui de la sécurité.
Vous vous êtes, monsieur le ministre des affaires étrangères, rendu sur place, avec beaucoup de réactivité, dès hier après-midi, avec notre collègue Pouria Amirshahi. Vous avez ainsi pu constater le drame que représente cette explosion pour la communauté française, que nous avons longuement rencontrée.
Je voudrais vous interroger très simplement, monsieur le ministre, sur le jugement que vous portez sur cet acte terroriste, l'analyse que vous en faites et les conséquences que le Gouvernement français compte en tirer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le député, l'explosion d'hier matin a été terrible. À dix minutes près – dix minutes ! – elle aurait entraîné un véritable carnage. En l'occurrence, il n'y avait que deux gendarmes mobiles en faction. L'un d'entre eux est choqué, mais indemne et l'autre a été opéré hier après-midi d'un traumatisme crânien. Ils ont tous deux été rapatriés ce matin et nos pensées vont bien sûr vers eux, ainsi que vers les blessés libyens qui se trouvaient alentour.
Mais, je le répète, à dix minutes près – dix minutes près ! –, il y aurait eu des dizaines de cadavres. L'ambassade est complètement soufflée, il ne reste absolument rien.
Une enquête est diligentée par les Libyens, qui ont été très réactifs. Un juge antiterroriste du parquet de Paris est arrivé hier dans la nuit, en même temps que des membres du GIGN. Nous avons pris les dispositions que l'on doit prendre dans ce genre de situation pour renforcer la sécurité à la fois sur place et dans l'ensemble de nos installations de la zone.
La question qui se pose, mais nous sommes pour l'heure incapables d'y répondre : qui ? Il y a deux grandes familles de réponses, qui ne sont d'ailleurs pas exclusives l'une de l'autre. On peut dire, compte tenu de la difficulté de rétablir la sécurité dans le pays, que cet acte est dirigé contre la Libye. D'autres peuvent dire que c'est à cause de l'engagement français contre le terrorisme, dans différents pays et en particulier au Mali.
Quelle que soit la réponse, je suis sûr, mesdames et messieurs les députés, que vous serez tous d'accord pour dire que, puisque les terroristes qui ont commis cet acte veulent porter atteinte à la sécurité de la France, porter atteinte à la sécurité de la Libye et porter atteinte à l'amitié entre la France et la Libye, la réponse sans concession de la France doit être : oui pour renforcer la sécurité de la France, oui pour contribuer à la sécurité de la Libye, oui pour rapprocher encore davantage la Libye et la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Avant de poser ma question à M. le Premier ministre, je veux m'adresser à Mme Taubira, qui n'a pas répondu à notre collègue Luc Chatel. Allez-vous, oui ou non, madame la garde des sceaux, saisir la justice ?
Un an, monsieur le Premier ministre ! Oui, cela fait maintenant un an que vous conduisez notre pays, et, malheureusement, vous l'envoyez dans le mur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et ne dites pas, sous peine de ridicule, que c'est la faute de l'ancienne majorité, comme vous l'avez fait en réponse à notre ami Le Maire.
Avec vous, la France va intégrer le livre des records, mais, malheureusement, quels tristes records !
Tout d'abord, le record du chômage, avec, chaque jour, 1 300 chômeurs supplémentaires, ce qui porte leur nombre total à près de 4 millions. Du jamais vu ! Cela résulte notamment de la hausse des charges qui pèsent sur les entreprises et de celle de la TVA sur le bâtiment et la restauration, deux activités qui, on le sait, ne sont pas délocalisables.
C'est aussi un record de matraquage fiscal, et, malheureusement, tout le monde trinque : les retraités, que vous avez taxés, les familles, puisque vous projetez de réduire le quotient familial et le montant des allocations familiales, les ouvriers et les employés, à cause de la fiscalisation des heures supplémentaires.
C'est un record de promesses électorales trahies, les promesses faites aux ouvriers de Florange, Petroplus et du site d'Aulnay-sous-Bois de PSA, par exemple.
Le bateau coule, monsieur le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand prendrez-vous conscience de la situation que vous avez créée ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le député, il y a une chose dont nous avons pris conscience depuis longtemps, depuis onze mois : c'est la situation dans laquelle vous avez laissé ce pays après dix ans d'exercice du pouvoir et après cinq ans de sarkozysme. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis obligé de le répéter : si la situation est si difficile, si le redressement demande autant d'efforts, s'il demande autant de temps, c'est parce que la situation dégradée que vous avez laissée est tragique.
Un député du groupe UMP. Ben voyons !
La dette publique a augmenté de 600 milliards d'euros en cinq ans, le nombre de chômeurs a augmenté d'un million en cinq ans, la compétitivité française s'est affaissée, et l'industrie a été affectée notamment par la perte de 750 000 emplois en dix ans.
C'est précisément cette situation que la majorité, en comptant sur les atouts de la France, en faisant confiance aux Français, en s'appuyant sur leur talent et sur les entreprises françaises, en faisant confiance à toutes les forces de notre pays, sous l'égide du Premier ministre, redresse.
Hier, votre assemblée a adopté le programme de stabilité et le programme national de réforme à une nette majorité. Ils traduisent un double effort de redressement : le redressement des comptes publics et celui de l'appareil productif sont les deux faces d'une même médaille. Nous avons trouvé le bon rythme (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), le rythme qui permet de redresser les déficits publics, en faisant en sorte de ne pas affecter la croissance, le rythme qui permet d'agir en profondeur sur l'appareil productif, sur la compétitivité, qui est au coeur de notre politique, le rythme qui permet la modernisation de l'administration publique.
Alors, oui, ça prend du temps, mais la France est en train de se consolider, de se redresser, avec l'espoir du redressement, de la croissance et de la lutte contre le chômage. C'est cela, ce que nous faisons, pour réparer les dégâts de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Monique Rabin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre du commerce extérieur, la semaine dernière, vous avez participé à un conseil européen informel consacré à l'ouverture de négociations commerciales entre les États-Unis et l'Europe en vue d'un accord appelé « partenariat transatlantique ».
Portant sur 40 % du commerce mondial, cet accord engagera les deux premières puissances commerciales. Notre pays est très concerné : les États-Unis, premier investisseur étranger en France, à l'origine de 450 000 emplois, sont aussi la première destination des investissements français à l'étranger. C'est donc une importante négociation qui s'ouvre.
Madame la ministre, oui au rétablissement du commerce extérieur, mais pas au détriment des valeurs de notre pays et des priorités qu'il faut préserver, auxquelles nous sommes tous attachés, comme la diversité culturelle ! La commission des affaires culturelles et la commission des affaires européennes ont d'ailleurs adopté une résolution à ce sujet la semaine dernière.
Depuis lors, une pétition signée par les grands noms du cinéma demande que soit exclu du champ des négociations le secteur de la culture. C'est également la position exprimée par le Président de la République, que vous avez reprise avec force, déclarant : « Ce n'est pas négociable : s'il n'y a pas cette exception, il n'y aura pas d'accord ! »
Malheureusement, le commissaire Karel De Gucht, qui s'est exprimé ce lundi, ne semble pas faire droit à cette demande de la France. Madame la ministre, pouvez-vous faire le point sur ce sujet ?
Par ailleurs, je sais que vous êtes rentrée ce matin des États-Unis, où vous avez rencontré des entreprises françaises mais également le négociateur américain et des membres de la société civile. Pouvez-vous faire le bilan de cette opération ?
Le gouvernement travaille sur le temps long, y compris sur des sujets moins médiatiques, singulièrement en rupture avec les cris que nous entendons…
Merci, madame.
La parole est à Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur.
Madame la députée, vous l'avez rappelé, il s'agit d'un partenariat transatlantique majeur. S'il peut être profitable à la croissance européenne, il faut aussi vérifier qu'il s'agit vraiment d'un partenariat.
C'est ce que j'ai fait en me rendant hier à Washington. Pour nous, Français, qui avons le goût des mots et sommes attachés à leur sens, « partenariat », cela signifie une relation d'égalité entre partenaires qui négocient, cela signifie également que l'on partage des valeurs et des références communes, mais aussi que l'on respecte, de part et d'autre, les différences.
Il y a un enjeu économique, la croissance, et nous voulons cet accord, mais pas à n'importe quel prix, et nous posons quelques conditions. Ainsi, nous n'avons pas la même conception de la propriété intellectuelle que les États-Unis. C'est pourquoi, avec nos collègues chargés de l'agriculture, nous défendons ce qui nous est cher : les indications géographiques, qui révèlent la variété de nos terroirs et la qualité de nos produits.
Il y a aussi un obstacle majeur : si les marchés publics sont très ouverts en Europe, ils le sont nettement moins aux États-Unis, quand ils ne sont pas carrément fermés. Nous voulons donc que le principe de réciprocité s'applique à ces accords.
S'il y a un enjeu économique, cela va aussi bien au-delà : quand les deux principales forces du marché mondial s'allient, il y a un enjeu normatif. Les normes issues de cet accord seront effectivement des références mondiales, et c'est un enjeu fort.
Il y a un troisième enjeu, tout aussi important : l'enjeu démocratique. Je veux remercier le Parlement français et les députés français. Ils ont, les premiers, pris…
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, à qui je demanderai de répondre aussi à celle de Luc Chatel.
Comme on pouvait s'y attendre – et nous l'avions d'ailleurs dénoncé lors de l'examen du texte –, l'adoption de la loi sur le « mariage pour tous » n'a absolument pas calmé l'ardeur de ceux qui auraient pourtant dû, hier soir, être les plus heureux du monde. Aussi, une fois rentré dans mon bureau après le vote, je n'ai pas été surpris de voir sur mon écran de télévision des images tristes et passablement tendues de personnes brandissant des pancartes pour réclamer une loi « complète ». Une loi complète, vous l'avez bien compris, cela signifie une loi autorisant les couples homosexuels à recourir à la PMA.
Nous étions bien loin des cris d'« égalité ! égalité ! » que vous hurliez, chers collègues de la majorité, hier après-midi. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Ces femmes et ces hommes, dont la déception était évidente, affirmaient ne pas se satisfaire d'une mesure ne représentant pour eux qu'une étape, leur objectif final étant bien le droit à la PMA et à la GPA. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
D'ailleurs, dès ce matin, le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, confirmant que le message était bien passé, déclarait sur une chaîne d'informations télévisées : « Je suis pour l'extension de la PMA pour les couples de femmes, ou pour les femmes vivant seules. J'assume complètement cette position, comme la majorité de mon groupe. » Monsieur Le Roux, vous devez aussi, à l'évidence, être favorable à la GPA pour les couples masculins : cela serait cohérent avec l' « égalité » que vous proclamiez hier dans l'hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tout cela, bien sûr, sans attendre l'avis que le Conseil national consultatif d'éthique doit rendre sur ce sujet !
Madame la ministre, sortez votre plan caché ! Informez les Françaises et les Français de votre calendrier pour satisfaire les désirs d'enfant des couples homosexuels en leur autorisant le recours à la GPA et à la PMA dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, j'avoue mon embarras. Je ne sais pas répondre à votre question car je ne vois pas sur quoi elle repose. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous vous demandons votre avis. Répondez à la question, pour une fois !
L'Assemblée nationale a adopté hier, par une majorité de 331 voix, le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe. Vous avez déposé un recours au Conseil constitutionnel contre ce texte. Je veux croire qu'en bons démocrates, vous allez attendre tranquillement sa décision.
Si le Conseil constitutionnel censure le texte, nous en tirerons les conséquences. S'il le confirme, la loi sera promulguée dans les dix jours par le Président de la République. C'est notre droit qui prévoit que les choses se passent de cette manière. Je ne sais pas de quoi d'autre vous voulez parler ! Je n'ai pas connaissance d'un autre texte, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vois bien que vous voulez faire un débat après le débat. Vous cherchez désespérément à entretenir l'énervement dans la société, à nourrir une contestation qui défasse le lien social, et à lutter contre la paix civile, pour régler vos comptes avec ce gouvernement sur le dos des Français, qui vivent des difficultés au quotidien.
S'il doit y avoir un nouveau texte de loi, vous patienterez pour en connaître le contenu. Pour ma part, je n'en ai pas connaissance. Cessez de vouloir faire le même débat, de façon circulaire ! Laissez la paix civile revenir dans ce pays ! Nous en avons besoin, et les Français y ont droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre de la justice, avant de vous poser ma question, permettez-moi de vous dire en toute amitié que la représentation nationale attendait simplement de vous une condamnation ferme des faits relatés par notre collègue Luc Chatel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Le 21 novembre dernier, je vous interrogeais dans cet hémicycle sur le réexamen de la carte judiciaire. Je vous demandais vos intentions concernant les vingt-deux autres tribunaux fermés en 2010. Vous m'avez alors répondu, d'une part, qu'il n'y aurait pas de régime d'exception, et d'autre part, que la carte judiciaire serait réajustée « là où c'est nécessaire ».
Quelques jours plus tard, nous apprenions que vous mettiez en place une mission chargée de réexaminer la situation de huit tribunaux, parmi lesquels celui de Tulle. J'aimerais donc savoir – ce sera ma première question – ce qui vous a amenée à considérer qu'il était inutile de réexaminer la situation des quatorze autres tribunaux, alors que le parti socialiste avait condamné sans appel cette réforme de la carte judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Dernier épisode en date : le 19 février dernier, le conseiller d'État Serge Daël vous remet son rapport sur la carte judiciaire. Ô surprise : ce rapport entérine et valide la réforme menée en 2008, et ne préconise de rouvrir aucun tribunal, sauf un : celui de Tulle !
Plusieurs députés du groupe UDI. Ça par exemple ! Quelle surprise !
La réaction du Syndicat de la magistrature, qui n'est pourtant pas hostile à votre majorité, ne s'est pas fait attendre. Ce syndicat se demande « si la mission Daël n'avait pas pour vocation unique de préparer une réforme purement gestionnaire et la réimplantation du tribunal dans une ville chère au Président de la République. »
Ma deuxième question sera donc très simple. Et pour vous la poser, je reprends le titre du communiqué de presse du Syndicat de la magistrature : « Tout ça pour Tulle ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, d'abord, il faut choisir : tantôt vous vouez le Syndicat de la magistrature aux gémonies, tantôt vous le prenez comme référence, le citant à deux reprises dans la même question ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
Monsieur le député, vous m'interrogez sur le tribunal de grande instance de Péronne, qui a été fermé en juillet 2010 suite à la réforme de la carte judiciaire menée par la majorité à laquelle vous apparteniez. Je vous indique ce que j'ai fait avec la mission Daël. Pour que les choses soient incontestables, j'ai retenu un critère objectif : sont concernés les huit tribunaux dont la suppression a fait l'objet d'observations par le représentant public indépendant au Conseil d'État en février 2010.
C'est la situation des tribunaux de ces huit villes qui a été examinée par le conseiller d'État honoraire Serge Daël. Vous avez tort de prétendre que ces propositions de rétablissement d'un tribunal de grande instance ne concernent que Tulle : elles concernent également Saint-Gaudens et Saumur. Admettez tout de même que Tulle est la seule préfecture à avoir perdu son tribunal de grande instance ! Vous savez aussi que les villes de Dole, de Belley, de Guingamp sont également concernées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Sommes-nous bien en République ? C'est plutôt une « République monarchique » !
J'ai reçu le rapport en février. J'ai entamé des consultations. Nous avons commencé à recevoir à la Chancellerie des élus, maires et parlementaires, de toutes sensibilités. Les syndicats de magistrats, de greffiers et de fonctionnaires sont également consultés. J'ai consulté le Conseil national des barreaux, et la Conférence des avocats. Tout cela est en cours, et mes décisions seront prises à la mi-mai.
Pour ce qui concerne votre tribunal, monsieur le député, sachez que j'ai mis en place un groupe de travail sur les juridictions de proximité, qui remettra les conclusions de ses travaux à l'automne prochain. Vous saurez alors, compte tenu des analyses et des consultations, s'il y a lieu de rétablir un tribunal de grande instance à Péronne. Quelle que soit votre sensibilité, cela sera fait si c'est nécessaire et si c'est juste ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Sordi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, j'associe à ma question les 2 200 salariés directs et indirects de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Monsieur le ministre du redressement productif, le 16 avril, l'Autorité de sûreté nucléaire a rendu son rapport annuel sur l'état de la sûreté des centrales en France. Dans ce rapport, l'ASN, unanimement reconnue pour sa compétence technique et son indépendance, précise que Fessenheim est l'une des centrales les plus sûres de France. Les services de Mme Batho, ministre de l'environnement, ont d'ailleurs soutenu ce point de vue devant le Conseil d'État, saisi d'une demande de fermeture immédiate par une association environnementale. Il en va de même pour M. Francis Rol Tanguy, délégué interministériel chargé de la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui a balayé « d'un revers de main ironique la référence du candidat Hollande au risque sismique à Fessenheim, en rappelant qu'il était en campagne ». Tout le monde reconnaît donc la qualité du travail réalisé par EDF et par les salariés de la centrale pour améliorer, encore et toujours, la sûreté des installations. Ces dernières années, 280 millions d'euros ont été investis et les agents ont bénéficié, en 2012, de 100 000 heures de formation !
Nous profitons du prix de l'électricité le moins cher d'Europe, ce qui est bon pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens et pour nos entreprises.
Je fais donc deux suggestions. Je souhaite, premièrement, qu'une mission d'information parlementaire soit créée pour évaluer les effets de la politique gouvernementale sur le prix de l'électricité pour les ménages et les entreprises. Deuxièmement, ne serait-il pas judicieux de s'en tenir aux conclusions de l'ASN, et donc de laisser Fessenheim produire ses 12,4 milliards de kilowattheures afin qu'il soit possible de proposer des tarifs avantageux aux entreprises grosses consommatrices d'électricité, aujourd'hui fragilisées par les hausses annoncées du prix de l'énergie et en difficulté du fait de la crise économique.
Le redressement productif a besoin d'électricité bon marché. Que comptez-vous faire ?
Merci, monsieur Sordi.
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Monsieur le député Michel Sordi, Fessenheim est la plus ancienne des centrales. Elle aura quarante ans à la fin de la législature. C'est à ce moment quelle fermera, conformément à une décision de politique énergétique largement expliquée aux Français avant le vote du 6 mai dernier. C'est également en 2016 qu'entrera en service l'EPR de Flamanville.
Vous avez mentionné le rapport de l'ASN. Je ne voudrais pas qu'il soit caricaturé et résumé de façon inexacte. Je vais donc vous en donner lecture : « La réalisation des travaux liés à la poursuite de l'exploitation du réacteur n° 1, dans les délais imposés par l'ASN, permet […] d'améliorer le niveau de sûreté de l'installation. Néanmoins, le site […] doit encore progresser sur les analyses de risques en amont des interventions. Si [le site] se situe dans la moyenne du parc nucléaire français en matière de protection de l'environnement, [il] reste toujours en retrait concernant la radioprotection des travailleurs. De nombreux écarts sont toujours constatés […] et dénotent un “manque de culture radioprotection” des intervenants. Un plan de redressement a été mis en place par l'ASN […] ».
La position du Gouvernement est, par conséquent, très claire, monsieur le député et je pense que tous les Français peuvent la comprendre. Tant que Fessenheim continuera à produire de l'électricité, c'est-à-dire jusqu'en 2016, elle doit le faire dans des conditions de sûreté absolue en se conformant, par conséquent, aux prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire et en respectant l'ensemble des prescriptions de sûreté.
S'agissant de l'emploi, la mission de Francis Rol-Tanguy consiste précisément à procéder à cette fermeture dans des conditions responsables qui permettront de préserver les emplois.
La filière industrielle nucléaire va d'ailleurs recruter 110 000 collaborateurs d'ici à 2020. Nous voulons également créer des emplois dans le domaine de la croissance verte.
Quant à la mission d'information que vous avez évoquée, un débat national se tient actuellement sur la transition énergétique. Les questions du coût de l'énergie et du prix de l'électricité sont évidemment au coeur de ce débat, auquel les parlementaires sont naturellement associés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Catherine Beaubatie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du redressement productif, pionnière de l'industrie automobile, la France doit rester une nation phare dans ce secteur. Depuis mai dernier, la politique conduite par le Gouvernement s'inscrit dans cette perspective. Dès le déclenchement de la crise en 2008, d'autres nations ont engagé des plans industriels volontaristes pour projeter leur industrie vers les nouveaux marchés, les nouveaux enjeux et les nouvelles technologies. Malheureusement, la France est en retard, car les gouvernements UMP sont restés passifs face à la désindustrialisation qui s'est abattue violemment sur nos usines, nos travailleurs et nos territoires. Aujourd'hui, le Gouvernement met tout en oeuvre pour corriger cette absence de volontarisme et, ainsi, relancer l'industrie.
Monsieur le ministre, vous avez engagé la mutation de la filière automobile, en lien avec les salariés et la direction des différentes entreprises concernées : les grands constructeurs nationaux, mais aussi les entreprises de sous-traitance. Ces dernières sont souvent importantes en termes d'emplois dans nos départements, notamment dans le mien, la Haute-Vienne. Renault et PSA doivent évidemment demeurer des acteurs majeurs sur la scène nationale et internationale. L'État est donc pleinement engagé à leurs côtés pour pérenniser ce potentiel industriel et, à terme, relocaliser des chaînes de production en France. C'est le sens de la garantie apportée à la banque PSA Finance et c'est la raison de la nomination de Louis Gallois.
Monsieur le ministre, alors que l'assemblée générale de PSA se réunit et que l'on évoque la distribution de stock-options et l'éventuelle fermeture du site d'Aulnay, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement va se positionner pour préserver les intérêts de notre pays et préférer le potentiel industriel aux montages financiers à courte vue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)
Madame la députée Catherine Beaubatie, les difficultés auxquelles le groupe PSA doit faire face ont été constatées tant par l'expert gouvernemental, que j'ai nommé immédiatement après ma prise de fonction et l'annonce par PSA de son plan, que par le cabinet d'experts Sécafi, désigné par les salariés. Nous avons dû, vous l'avez noté, accorder une garantie de 7 milliards à la banque PSA Finance. Mais nous avons exigé des contreparties que je tiens, une nouvelle fois, à énumérer devant la représentation nationale.
Premièrement, un administrateur en relation avec l'État a été nommé ; il s'agit de M. Louis Gallois. Il veille à ce qu'il y ait concordance entre les choix des actionnaires de PSA et l'intérêt général du pays.
Deuxièmement, un administrateur salarié a été désigné, voici un mois, qui peut prendre part aux délibérations au sein du conseil de surveillance.
Troisièmement, la distribution de dividendes et le rachat d'actions gratuites sont interdits, particulièrement aux mandataires sociaux, aussi longtemps que la garantie de l'État sera accordée, et je puis vous dire qu'elle l'est pour longtemps ! Cet après-midi, la direction et les mandataires sociaux de PSA Finance, réunis en assemblée générale, ont rappelé qu'ils respecteraient l'engagement qu'ils ont pris auprès de l'État. C'est pour nous, un point positif que PSA, en contrepartie de la garantie, respecte, mais c'est bien le minimum, les engagements pris.
Quatrièmement, les alliances stratégiques de Peugeot doivent avoir obtenu l'accord de l'État.
Cinquièmement, le plan social devait être reformaté. Il a fait l'objet d'une discussion entre organisations syndicales : 76 % des salariés et cinq organisations sur six l'ont approuvé.
La fermeture du site d'Aulnay est donc programmée pour 2014 et non pas pour 2013, selon ce plan, avec réindustrialisation à la clé, et un seul message pour tout le monde : personne à Pôle emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avenir de PSA
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
Le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Arnaud Leroy, député des Français établis hors de France, d'une mission temporaire auprès du ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de résolution de M. Jean-Louis Borloo tendant à la création d'une commission d'enquête relative au fonctionnement de l'action du Gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013 dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du Gouvernement (n°s 896 rectifié, 925).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la rumeur est le poison de la démocratie. Aussi, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête que le groupe UDI vous propose de voter a pour seul objectif de substituer à la rumeur la vérité, dans le cadre de la mission de contrôle qui est celle du Parlement, tout en respectant la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice.
Le 4 décembre 2012, Mediapart affirmait que M. Jérôme Cahuzac avait possédé pendant de longues années un compte bancaire à l'Union des banques suisses n'ayant jamais fait l'objet d'une déclaration à l'administration fiscale française. Le lendemain, l'enregistrement de propos prêtés à M. Jérôme Cahuzac, attestant de l'existence d'un compte ouvert à l'UBS, était rendu public.
Jusqu'au 2 avril 2013, date de sa mise en examen, celui-ci a nié avec force l'existence de ce compte, tant dans les médias que devant la représentation nationale, le 5 décembre 2012, à l'occasion de la séance des questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de faire toute la lumière sur les accusations portées quant à l'action des services de l'État dans la gestion de cette affaire…
…et d'obtenir des informations précises sur les éventuelles démarches effectuées par différents ministères et par les services du Premier ministre.
C'est pourquoi le groupe UDI a souhaité proposer à l'Assemblée nationale la création d'une commission d'enquête sur ce sujet. Nous nous félicitons que tous les groupes politiques aient accepté cette idée.
Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien !
La recevabilité de la proposition de résolution ne soulève pas de difficultés juridiques, comme l'a indiqué au président de l'Assemblée nationale Mme la garde des sceaux, sous réserve, bien évidemment, que les travaux de la commission d'enquête respectent l'indépendance de l'autorité judiciaire et ne portent donc pas sur l'action de M. Jérôme Cahuzac, en raison de l'ouverture par le parquet de Paris d'une enquête préliminaire le 8 janvier 2013, puis d'une information judiciaire le 19 mars 2013 et, enfin, de sa mise en examen le 2 avril 2013.
Or tel est bien le cas puisque l'objet de la commission d'enquête est de déterminer les éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013.
Par ailleurs, les nombreux éléments troublants dont la presse a fait état au cours des récentes semaines fondent l'opportunité d'une enquête parlementaire.
Il reviendrait en effet entre autres à la commission d'enquête de faire toute la lumière sur les raisons ayant conduit la direction générale des finances publiques, à la requête du ministre de l'économie et des finances, à formuler une demande d'assistance et d'entraide fiscale à la Suisse, seize jours après l'ouverture de l'enquête préliminaire.
Le contenu de la demande, qui n'a porté que sur l'existence potentielle d'un compte à la banque UBS entre 2006 et 2012, alors que la presse avait évoqué l'établissement Reyl & Cie, mériterait aussi d'être clarifié. En effet, un échange de lettres des autorités fiscales des deux pays, datant de février 2010, permet d'adresser une demande ne visant aucune banque en particulier lorsque la banque concernée n'a pas été identifiée avec certitude.
Par ailleurs, la justification avancée par le ministre de l'économie et des finances quant au choix de ne pas interroger les autorités singapouriennes, l'inexistence d'un compte en Suisse invalidant la possibilité qu'il en ait existé un à Singapour, doit être examinée.
Il s'agirait aussi de connaître l'identité des personnes ayant eu accès, de quelque manière que ce soit, à la réponse des autorités helvétiques, afin de s'assurer qu'elle n'a pas été communiquée en dehors du cadre prévu par la convention.
Les informations dont aurait pu être destinataire le ministre de l'intérieur, notamment entre le 16 janvier 2013, date à laquelle l'enregistrement a été remis au procureur de Paris, et le 18 mars 2013, jour de la transmission du rapport des experts de la police technique et scientifique à l'autorité judiciaire, devraient également faire l'objet d'un examen approfondi.
La commission d'enquête aurait également pour mission d'obtenir des réponses sur le rôle éventuel joué par la direction centrale du renseignement intérieur dans la vérification de l'existence du compte en Suisse et l'authentification de la voix de M. Jérôme Cahuzac.
La commission d'enquête devrait aussi s'intéresser aux informations ayant pu parvenir à la ministre de la justice.
Il lui reviendrait également de faire la lumière sur les informations éventuellement détenues par la direction générale des douanes et droits indirects.
En conclusion, la présente proposition de résolution est juridiquement recevable, sans discussion.
En outre, la création d'une commission d'enquête est parfaitement justifiée, compte tenu des nombreux points à éclaircir quant à l'action du Gouvernement et des services de l'État dans la gestion de l'« affaire Cahuzac ».
Cette commission d'enquête a pour but, je le disais en introduction, de substituer à la rumeur la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Notre groupe compte sur ses trente membres pour aborder cette affaire dans le sens de la justice, la justice pour tous, qui est la garantie d'un bon fonctionnement de nos institutions démocratiques.
Il nous semble qu'une commission d'enquête est la solution adaptée pour répondre aux nombreuses questions suscitées par cette affaire et remplacer la rumeur, poison de la démocratie, par la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mensonge du ministre du budget devant la représentation nationale et la France entière est d'une gravité sans précédent.
Ce qui est désormais appelé l'affaire Cahuzac met en lumière les liens étroits qui unissent depuis des années, de trop longues années, la finance, l'industrie et certains responsables politiques, dans des relations de pouvoir et d'argent teintées de conflits d'intérêts.
Cette affaire mérite une attention toute particulière de la part de la représentation nationale car elle semble jeter l'opprobre sur l'ensemble des élus et affaiblir de manière funeste la parole politique.
Les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux constituent un premier pas.
Je crois néanmoins, et cela ne vous surprendra pas de la part d'un écologiste, que, malheureusement, la Ve République, que la gauche a longtemps conspuée, est un régime sans réels contre-pouvoirs, où règne parfois l'irresponsabilité. Cette fois encore, comme ce fut souvent le cas dans le passé, c'est la presse qui a joué le rôle de contre-pouvoir. Nous pouvons donc nous féliciter du travail acharné, contre des vents souvent contraires, effectué par Mediapart.
La gestion de cette affaire par le Premier ministre et le Président de la République peut néanmoins être saluée à plusieurs égards. Les affaires sous les derniers quinquennats n'avaient pas fait l'objet de telles réactions, de telles démarches, ni d'annonces de moralisation de la vie publique.
La justice a pu faire son travail en toute indépendance ; c'est aussi cela le changement.
Les magistrats, en démocratie, doivent pouvoir mener l'enquête sans obstruction aucune de la part du pouvoir politique, sans injonctions, sans menaces. Cela marque un changement que le groupe écologiste veut ici saluer.
L'objet de l'enquête préliminaire, de l'information judiciaire puis de la mise en examen de Jérôme Cahuzac pour blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de fonds provenant de la perception par un membre d'une profession médicale d'avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la sécurité sociale implique que la commission d'enquête que nous créons aujourd'hui n'aborde pas le comportement de M. Cahuzac lui-même, ni les champs d'investigation judiciaire s'y rapportant. Tout cela relève de la compétence de la justice, comme nous l'avons déjà souligné avec l'accord du rapporteur en commission des lois.
La proposition du groupe UDI visant à déterminer les « éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'État » sur une période déterminée est politiquement pertinente pour permettre que le Parlement joue pleinement son rôle de contrôle.
C'est d'ailleurs, je crois, l'une des conditions pour retrouver la confiance de nos concitoyens.
Le groupe écologiste se réjouit que les compétences de contrôle du Parlement soient réaffirmées – même si c'est un groupe de l'opposition qui le fait – à l'occasion d'une telle initiative.
C'est peut-être encore mieux, effectivement.
Nous avons suffisamment dénoncé les pratiques passées, qui consistaient à s'opposer de façon systématique à la création de commissions d'enquête, pour être aujourd'hui défavorables à la proposition de résolution qui nous est présentée.
Nous avions nous-mêmes fait les frais de ces pratiques, certaines de nos propositions de résolution ayant été rejetées au motif qu'une procédure judiciaire était en cours, alors même que le champ d'investigation de la commission envisagée n'était pas tout à fait identique à celui de la justice.
C'est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de résolution, en souhaitant que l'attitude qui est aujourd'hui celle de la majorité devienne la règle. Il est sain que le Parlement bénéficie des mêmes droits, quelle que soit la majorité au pouvoir.
M'adressant au groupe UDI, en particulier à son rapporteur, je veux souligner que les travaux de la future commission devront être guidés par la recherche de la justice et de la vérité. Il va de la bonne santé de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a annoncé Jean-Marc Ayrault, la majorité ne s'opposera pas à la proposition du groupe UDI de créer une commission d'enquête relative au fonctionnement de l'action du Gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013 dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du Gouvernement. Le groupe RRDP se félicite que cette prérogative parlementaire soit enfin efficiente.
Quel changement par rapport à un passé récent où la droite s'opposait systématiquement aux propositions du groupe socialiste, radical et citoyen, notamment quand Mediapart a mené des investigations sur l'affaire de Karachi ! (Protestations sur les bancs du groupe UDI.)
La démocratie est enfin respectée. Ce changement n'est pas anecdotique, il est bien la preuve que quelque chose a changé au plus haut niveau de l'État. Il est bien la preuve qu'enfin les institutions et les contrepouvoirs sont tous respectés.
D'ailleurs, dans cette affaire, la presse a pu mener ses investigations sans entraves en quatre mois et la justice a pu mettre en examen sans pressions, ce qui a finalement contraint à la démission un ministre de la République – du jamais vu depuis dix ans. Nous sommes persuadés qu'il n'y a pas eu de dysfonctionnement, et que la rumeur nuit à la démocratie. Le Gouvernement a pris les bonnes mesures et s'apprête à proposer des règles strictes qui, nous l'espérons, seront efficaces.
Montesquieu disait, dans L'Esprit des Lois, qu'« il n'y a point de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. » En autorisant cette commission d'enquête, nous sommes fidèles à la séparation des pouvoirs et nous honorons le pouvoir législatif. Le groupe RRDP ne s'opposera donc pas à la proposition du groupe UDI. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collègues du groupe UDI nous proposent aujourd'hui la création d'une commission d'enquête afin de connaître le fonctionnement et de déterminer les éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'État dans la gestion de l'affaire qui a conduit à la démission de Jérôme Cahuzac.
Nous ne sommes évidemment pas opposés à la création de cette commission d'enquête. Si la justice doit faire son travail, cela n'interdit pas aux représentants de la nation d'exercer leur mission de contrôle de l'exécutif et de faire le point sur les failles éventuelles dans le fonctionnement des services de l'État ou les éventuelles erreurs commises par le ministre du budget.
Depuis des semaines, l'opposition reproche au Gouvernement, soit de ne pas avoir été assez curieux sur le compte illégal que Jérôme Cahuzac a avoué avoir détenu en Suisse pendant près de vingt ans, soit d'avoir cherché à couvrir son ministre. Ce climat de suspicion malsain rend probablement et même sûrement nécessaire la création d'une commission chargée de faire la lumière sur cette question.
Il ne faut toutefois pas nous tromper de débat. La question la plus importante à nos yeux n'est pas de déterminer les responsabilités personnelles des uns et des autres, mais de nous engager dans une « lutte implacable contre les dérives de l'argent », pour reprendre les termes du chef de l'État. Une lutte qui se heurte, comme le rappelait récemment le journaliste Marc Roche dans les colonnes du Monde, à la quasi-impunité des professionnels de la finance, à l'entrisme institutionnel de l'univers financier et à l'insuffisance criante des moyens dont nous disposons pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscale.
Les auditions conduites depuis plusieurs mois par Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan dans le cadre d'un rapport sur les paradis fiscaux ont mis au jour le jeu cynique des prix de transfert des multinationales, les schémas d'optimisation fiscale, les carrousels à la TVA. Les entreprises multinationales du CAC 40 et quelques grandes fortunes utilisent des comptes domiciliés dans des paradis fiscaux pour échapper à l'impôt. Chaque année, la fraude fiscale coûterait près de 60 milliards d'euros aux recettes de l'État.
Au-delà du mensonge de l'ancien ministre du budget, l'affaire Cahuzac révèle donc une pratique institutionnalisée sur laquelle les gouvernements, de gauche comme de droite, ont fermé les yeux. Pourtant, des solutions existent, comme l'ont prouvé d'autres pays qui ont pris le problème à bras-le-corps – je pense à l'Allemagne, voire aux États-unis.
En France, nous manquons des outils juridiques comme des moyens humains nécessaires. La direction générale des finances publiques a perdu plus de 25 000 emplois depuis 2002. Les suppressions d'emplois se sont accélérées avec la révision générale des politiques publiques lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy. Elles n'ont pas cessé avec l'élection de François Hollande, puisque 2 062 emplois seront supprimés en 2013 – et l'austérité comme les orientations budgétaires du Gouvernement laissent craindre une nouvelle vague de suppressions d'emplois en 2014.
La création d'un parquet financier spécialisé disposant de moyens d'enquête accrus, ainsi que d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption, avec des moyens issus des ministères de l'Intérieur, de la justice et des finances, est une nécessité, monsieur le ministre. Le Gouvernement a également indiqué vouloir désormais s'assurer de l'efficacité de l'échange d'informations et a pris l'engagement de plaider pour la mise en place d'accords d'échanges automatiques d'informations au sein de l'Europe. C'est là une avancée que nous saluons.
Pourtant, en dépit de ces efforts, vous n'escomptez récupérer qu'une part infime des quelque 50 à 60 milliards d'euros confisqués par les entreprises et les grandes fortunes et dissimulés dans les paradis fiscaux. Pour nous, vous l'aurez compris, la priorité est de remettre l'évasion fiscale au centre du débat.
Le rapport sénatorial remis l'an dernier sur l'évasion fiscale internationale avait formulé pas moins de 60 propositions afin d'amplifier la force de frappe de l'administration, d'améliorer les outils juridiques pour endiguer l'évasion fiscale, de renforcer la coordination à l'échelon européen et d'en finir avec une concurrence fiscale aux effets délétères, en oeuvrant enfin à une harmonisation de la fiscalité européenne.
C'est sur ce terrain que nous souhaitons que la représentation nationale se mobilise lors des prochains mois. Nous avons déjà formulé nombre de propositions en ce sens et continuerons d'en défendre l'urgence et l'opportunité lors de l'examen des prochains textes budgétaires. Dans l'immédiat, et dans un souci de transparence, le groupe GDR ne s'opposera pas à cette proposition de résolution. (« Merci ! » sur les bancs du groupe UDI.)
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur la proposition de résolution déposée par le groupe UDI, visant à la création d'une commission d'enquête relative au fonctionnement de l'action du Gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013.
Sur la forme, cette proposition de résolution a été déposée en vertu de l'article 141 du règlement de l'Assemblée nationale, qui offre à chaque président de groupe d'opposition ou minoritaire le droit de déposer, une fois par session, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, qui ne peut être rejetée qu'à la majorité des trois cinquièmes des membres de l'Assemblée.
Sur le fond, cette commission d'enquête porte sur ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire Cahuzac » et a pour objet de « déterminer les éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'État entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du Gouvernement. »
Alors que la précédente majorité avait usé de stratagèmes afin d'empêcher la discussion en séance publique de notre proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête relative aux sondages de l'Élysée, notre majorité peut s'enorgueillir aujourd'hui de respecter les droits des groupes d'opposition et minoritaires. Elle peut également s'enorgueillir de la démonstration faite de l'indépendance retrouvée de la justice dans cette affaire.
Le groupe SRC, attaché à l'exigence de transparence comme au rôle de contrôle du Parlement, ne souhaite pas s'opposer à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l'union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord saluer le groupe UDI et son président, Jean-Louis Borloo, pour avoir déposé cette proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête. L'UMP ne s'y opposera pas, mais l'encouragera au contraire avec honneur et plaisir.
Nous ne vous envions pas d'être à la place que vous occupez, monsieur le ministre. Il est normal que vous soyez aujourd'hui présent de par vos fonctions, et nous vous en remercions, mais sans doute s'est-il trouvé bien peu de vos camarades socialistes pour vous encourager à venir ici, un an après la campagne présidentielle durant laquelle vous avez attaqué la finance, les financiers et la fraude fiscale, pour écouter des élus de l'opposition demander la création d'une commission d'enquête sur l'ancien ministre du budget.
L'exécutif ne peut ignorer les interrogations suscitées par l'un des plus grands scandales de la République, car M. Cahuzac a menti ici même à la représentation nationale. Soutenu par la majorité, il a pourtant fait des aveux au bout de quelques jours.
Certes, la commission d'enquête va restaurer le pouvoir de contrôle des parlementaires, mais on ne peut que trouver dommageable, pour la démocratie parlementaire moderne, de voir un ministre préférer faire une confession publique à la télévision plutôt que de s'expliquer devant ses pairs.
La démocratie parlementaire se trouve aujourd'hui bafouée par le mensonge d'un ministre – un mensonge proféré « les yeux dans les yeux », comme il disait –, bafouée par un gouvernement qui fait fi de la solidarité gouvernementale. On apprend, dès la première année d'études de droit, qu'il existe une solidarité gouvernementale et que chaque membre du Gouvernement doit tirer les conséquences des responsabilités qu'il exerce, mais le Gouvernement de M. Ayrault ne semble pas connaître ce principe.
Cette affaire touche tous les parlementaires, tous les politiques et, finalement, tous les Français. Cependant, nous ne sommes pas tous responsables. M. Cahuzac était un homme important du parti socialiste. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Après avoir été président de la commission des finances (« Qui l'a nommé ? » sur les bancs du groupe SRC), il a été ministre du budget. C'était « le meilleur d'entre nous », disiez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Cahuzac était socialiste, il a été nommé par un Président de la République et par un Premier ministre socialiste.
La commission d'enquête dont la création va être décidée dans quelques instants – car personne ne devrait s'y opposer, me semble-t-il – va pouvoir résoudre un certain nombre de questions auxquelles le groupe UMP compte s'associer. Que savait l'exécutif et depuis combien de temps ? Que savaient les services de renseignements ? Y a-t-il eu instrumentalisation de l'administration fiscale ?
Ces questions sont extrêmement simples et appellent des réponses simples. Je remarque, en relisant le compte rendu de la commission, monsieur Popelin, que vous n'étiez pas favorable, en tant que socialiste, à cette commission. Je crois que vous avez changé d'avis entre-temps vu de l'énormité du scandale…
Le compte rendu fait foi de ce que j'affirme, mon cher collègue. Semaine après semaine, vous vous apercevez que vous êtes en train de payer le coût politique de ce mensonge.
Non seulement nous ne nous opposerons pas à cette commission d'enquête, mes chers collègues, mais nous encourageons sa création avec enthousiasme. Je pense, monsieur Coronado, que lorsqu'on a soutenu et applaudi M. Cahuzac durant des mois, comme vous l'avez fait, on doit faire preuve d'un minimum de modestie à l'égard de ses électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais mettre aux voix la proposition de résolution.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 141, alinéa 3 du Règlement, la demande de création d'une commission d'enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes des membres de l'Assemblée s'y oppose, soit 345 voix. En outre, seuls les députés défavorables à la création de la commission d'enquête participent au scrutin.
(La majorité requise n'étant pas atteinte, la demande de création d'une commission d'enquête est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Explications de vote
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures quarante-huit.)
L'ordre du jour appelle les questions à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Philippe Vigier au nom du groupe UDI pour sa première question
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la désertification médicale, sujet extrêmement prégnant pour beaucoup de parlementaires ; notre collègue Véronique Vasseur est d'ailleurs très impliquée sur ce dossier.
Le constat, nous le connaissons tous : cette désertification progresse, en milieu rural comme en milieu urbain.
Pourtant, le gouvernement précédent, comme votre gouvernement, a pris de nombreuses mesures incitatives pour éviter la formation de déserts médicaux. Force est de constater l'inefficacité de ces seules incitations, qu'il s'agisse de l'information des étudiants, des bourses d'études ou des contrats d'engagement de service public.
Chaque Français cotise à la sécurité sociale et détient de ce fait, me semble-t-il, un droit d'accès, dans les mêmes conditions, à des soins de qualité. Que l'on habite dans le 7e arrondissement de Paris ou en Corrèze, ce droit, à mes yeux, doit être identique pour les uns et pour les autres.
J'avais déposé, au nom du groupe UDI, une proposition de loi sous la précédente législature, et à nouveau il y a quelques mois, pour concilier le principe de la liberté d'exercice de la profession médicale et le droit constitutionnel des Français d'accès à la santé.
Toutefois, madame la ministre, certaines voix se sont exprimées au sein de votre majorité pour faire valoir que l'adoption de cette proposition de loi était prématurée puisque vous aviez proposé douze mesures pour lutter contre la désertification médicale.
Cela m'amène à ma première question : à quel degré d'avancement êtes-vous parvenue concernant ces mesures et à quelle échéance serez-vous en mesure de juger de leur efficacité ?
Deuxième question, sur le même thème : le Gouvernement est-il en accord avec sa majorité ? Je rappelle en effet que, lors de l'examen de la proposition de loi que j'avais déposée, de nombreuses voix s'étaient élevées dans cet hémicycle pour dire que, si les mesures du Gouvernement se révélaient inefficaces, il conviendrait de retenir les propositions du groupe UDI telles que je les avais formulées.
Monsieur Vigier, la question des déserts médicaux, c'est-à-dire de la présence de professionnels de santé partout sur notre territoire, est évidemment un enjeu tout à fait décisif. Nous avons eu l'opportunité d'évoquer ces questions lors de l'examen de votre proposition de loi et à bien d'autres occasions.
Je tiens à redire que c'est maintenant que nous devons apporter des réponses, pas dans quelques années, ce qui ne signifie pas que nous pouvons changer les règles du jeu pour les professionnels de santé, les médecins, qui terminent leurs études et vont s'installer dans quelques mois, un an ou deux.
Mettre en place des règles du jeu nouvelles qui n'entreraient en vigueur que dans dix ans, ne répondrait pas aux attentes et aux problèmes que rencontrent les gens aujourd'hui. C'est pour cela que nous devons nous mobiliser. Comme je l'ai dit, nos mesures sont en cours d'application. D'ores et déjà, dans chaque agence régionale de santé, des personnes sont chargés de la mise en oeuvre des mesures que j'ai annoncées à l'occasion du pacte territoire santé en décembre 2012. Ces « référents installation » vont à la rencontre des étudiants et identifient les lieux où nous avons besoin de favoriser l'installation de professionnels.
Nous le savons, la clé consiste à permettre aux professionnels de travailler dans des conditions qui répondent à leurs attentes professionnelles et à leurs attentes de vie. Pour cela, nous devons encourager le travail pluridisciplinaire : les pouvoirs publics soutiennent d'ores et déjà 50 pôles de santé pluridisciplinaires.
Nous devons faire en sorte qu'il y ait des hôpitaux de proximité ancrés dans nos territoires.
C'est par la mobilisation de tous et de tous les leviers que nous parviendrons à garantir l'égal accès de chacun à la santé en France dans l'ensemble des territoires.
Madame la ministre, j'aurais souhaité que vous fassiez un point d'étape sur la mise en oeuvre des douze mesures que vous avez lancées : peut-être aurez-vous l'occasion de m'en faire part dans un instant.
Je veux à présent vous interroger sur la problématique des retraites. Comme vous le savez, nous avons débattu ici même, hier, d'un programme de stabilité des finances publiques : le Gouvernement a souligné à cette occasion la nécessité impérieuse d'une réforme des régimes de retraite. D'ailleurs, la trajectoire des finances publiques prend pour hypothèse un retour progressif à l'équilibre en 2020.
Jean-Marc Ayrault a indiqué le 30 mars dernier que l'âge légal de départ à la retraite ne serait pas relevé. Cette position est à nos yeux intenable, pour deux raisons.
En premier lieu, si l'on refuse de débattre de l'âge légal de la retraite, on dit le contraire de ce qu'affirmait récemment le Président de la République, dans une émission de télévision à grande écoute, lorsqu'il annonçait – je le cite – que le nombre de trimestres nécessaire pour pouvoir partir avec une retraite à taux plein allait augmenter.
En second lieu, ne pas relever l'âge légal de départ à la retraite serait faire preuve à nos yeux d'un réflexe idéologique qui priverait le Gouvernement d'un levier essentiel pour faire face aux déficits, dont on sait qu'ils sont nés en grande partie de la crise.
En vous privant de ce levier, madame la ministre, vous ne vous laisserez que deux possibilités pour faire face aux déficits à court terme : soit vous augmentez les cotisations, qui sont déjà trop hautes, soit vous diminuez les pensions qui, vous me l'accorderez, sont souvent très basses.
Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement envisage de mettre fin à l'indexation du régime général des retraites sur l'inflation et, ce faisant, de réduire le montant des pensions, comme cela a été décidé il y quelques semaines pour les retraites complémentaires ?
Allez-vous augmenter les cotisations sociales, et ainsi baisser les salaires et renchérir le coût du travail –, et, le cas échéant, dans quelles proportions ?
Une nouvelle taxe sera-t-elle instituée sur les retraités ? On sait qu'une telle taxe est entrée en vigueur le 1er avril : sera-t-elle augmentée en 2014 ?
Enfin, envisagez-vous la mise en place d'un système de retraite à points pour tous les salariés, du public comme du privé ?
Monsieur le député, en matière de retraites, nous sommes confrontés à trois défis.
Le premier est celui du financement de nos régimes de retraite à court et moyen terme. À l'horizon 2020, malgré la réforme engagée par le précédent gouvernement, qui était censée résoudre l'ensemble des problèmes, le déficit est bien là : il manquera, en 2020, 20 milliards d'euros.
Au-delà de cet enjeu de financement, nous avons un deuxième défi à relever : celui de la garantie de notre système de retraite par répartition, par solidarité, dans la durée, c'est-à-dire au-delà de 2020, à l'horizon 2030, 2040 et plus loin encore. C'est un défi de long terme, portant sur la pérennité de nos régimes de solidarité.
Le troisième défi à relever est celui de l'équité, de la justice. Nous ne sommes pas tous égaux au regard de nos carrières professionnelles : nous savons que les femmes, par exemple, ont des retraites plus faibles que les hommes.
C'est à ces trois défis que nous devons répondre simultanément, et c'est à cela que travaille le Gouvernement. En juin prochain, la commission présidée par Mme Moreau remettra des propositions sur l'ensemble de ces sujets. C'est de cette façon que nous pourrons avancer et garantir à nos concitoyens qu'ils pourront durablement compter sur une retraite par répartition.
Je veux vous dire, monsieur le député, puisque vous évoquez la question de l'âge – qui n'a rien à voir avec celle de la durée de cotisation –, que l'on ne voit pas pour quelle raison nous devrions reprendre à notre compte les mesures préconisées et mises en oeuvre par le précédent gouvernement, puisqu'à l'évidence elles ont fait la preuve de leur inefficacité et de leur injustice. Le bilan du gouvernement que vous avez soutenu est bien celui-là : inefficacité financière et injustice sociale. C'est cela que nous ne voulons pas.
Nous passons aux questions du groupe écologiste. J'appelle les questions deux par deux.
La parole est à Mme Laurence Abeille.
Ma question porte sur l'électro-hypersensibilité.
Avec l'accumulation d'ondes électromagnétiques – wifi, wimax, 3G, 4G etc. –, un nombre croissant de nos concitoyens souffrent d'un syndrome encore mal connu, celui de l'intolérance aux champs électromagnétiques.
L'électro-hypersensibilité est encore trop souvent considérée par certains comme une souffrance psychosomatique. Pourtant, nier que l'accumulation continue due à l'émission d'ondes électromagnétiques de plus en plus puissantes puisse présenter des risques pour la santé, notamment pour les plus jeunes, serait irresponsable.
C'est pourquoi des recherches sur cette nouvelle pathologie doivent être menées de manière approfondie et poursuivre le triple objectif d'une meilleure connaissance de la maladie, de la mise au point de soins adaptés et d'une meilleure prise en charge des personnes souffrant d'électro-hypersensibilité. Elles ne doivent pas, a contrario, s'inscrire dans une logique de psychiatrisation de la maladie. C'est ce qu'ont demandé les écologistes dans la proposition de loi sur les ondes électromagnétiques qu'ils se sont efforcés de défendre et qu'ils défendront encore à l'avenir.
Une étude sur ce sujet, actuellement en cours à l'hôpital Cochin, vise, semble-t-il, à psychiatriser l'électro-hypersensibilité plutôt qu'à en connaître les causes et à la soigner.
Lors de l'examen tronqué de notre proposition de loi le 31 janvier dernier, j'ai demandé la transmission du protocole d'étude qui, aussi étrange que cela paraisse, n'est pas public. J'ai réitéré cette demande, à l'instar de plusieurs députés appartenant à d'autres groupes politiques, le mardi 12 mars dernier, lors de l'audition en commission des affaires économiques de Mme la ministre Fleur Pellerin. Elle s'est engagée à demander la transmission de ce protocole, que nous attendons toujours.
Madame la ministre, je vous poserai trois questions simples. Pourquoi ce protocole n'est-il pas rendu public ? Comptez-vous le rendre public ? Quel plan d'action pensez-vous mettre en oeuvre pour traiter cette pathologie nouvelle qu'est l'électro-hypersensibilité ?
Madame Laurence Abeille, l'avancée des connaissances relatives aux effets sanitaires des radiofréquences est effectivement un enjeu de santé important, et j'y suis très attentive.
Ce domaine a été rendu prioritaire dans le programme de l'agence nationale de sécurité sanitaire, qui a créé un comité de dialogue « radiofréquences et santé », ouvert au milieu associatif. Un appel à projets de recherches sur les radiofréquences a été lancé.
Le syndrome d'intolérance environnementale idiopathique, attribué aux champs électromagnétiques, est peu rapporté en France. Aucune anomalie physiologique ne peut expliquer ces symptômes, qu'il ne s'agit pas d'approcher dans une perspective psychiatrique. Nous devons donc engager un programme de recherches, et c'est ce qui est fait dans le cadre de l'étude menée par le professeur Choudat, à l'AP-HP, à l'hôpital Cochin.
Il n'existe aucune obligation légale imposant à un investigateur de publier son protocole d'étude. Le professeur Choudat n'était donc pas tenu de publier ce protocole. Néanmoins, j'ai demandé à la directrice générale de l'AP-HP et au professeur Choudat de rendre public le protocole de recherche dès aujourd'hui, et cela a été fait ce jour même sur le site www.ClinicalTrials.gov, où vous pouvez le consulter.
Par ailleurs, un comité opérationnel réalise actuellement des études sur la pertinence des seuils d'émission des antennes-relais et nous avons demandé à l'ANSES d'actualiser l'expertise sur les lignes à très haute tension d'ici à 2014.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est mobilisé sur le sujet général des ondes électromagnétiques et franchira prochainement une nouvelle étape en mettant sur pied une mission indépendante de haut niveau avant l'été, qui rassemblera pendant trois mois scientifiques et institutions.
Madame la ministre, ma question porte sur un sujet déjà évoqué par M. Vigier, sans doute à cause de sa gravité : elle concerne les déserts médicaux.
Une association de consommateur agréée publiait il y a quelque temps une étude très parlante qui s'appuyait sur une carte de France des déserts médicaux très explicite. Ce n'est donc pas faire de la surenchère que d'évoquer ce problème.
Le manque de médecins et plus généralement de professionnels de santé ainsi que les dépassements d'honoraires créent de véritables déserts médicaux en zone rurale, mais aussi dans certains quartiers urbains.
Dans les zones rurales, les collectivités locales consentent de gros efforts pour favoriser l'installation de médecins, d'infirmières, de kinésithérapeutes et de personnel médical en général par la mise à disposition de locaux et la création de structures permettant l'accueil de groupes médicaux et paramédicaux.
Cette absence de médecins s'avère préoccupante en cas d'urgence, lorsque seuls les pompiers peuvent intervenir et transporter le malade dans un hôpital parfois éloigné. Je connais des cas où la situation a été réellement dramatique dans ma circonscription. Je tiens cependant à rendre hommage aux pompiers, qui sont très présents et très dévoués sur le territoire. Ces difficultés sont, hélas, tout à fait récurrentes.
Au niveau national, quelques dispositions incitatives ont été prises ces dix dernières années par la majorité d'alors. Elles se sont révélées notoirement sans effet et n'ont pas permis de changer la situation.
Les premières mesures que vous avez prises, madame la ministre, vont dans le bon sens. Cependant, il est vraisemblable qu'elles ne suffiront pas compte tenu de l'urgence de la situation et de l'ampleur des manques. À titre d'exemple, je citerai plusieurs problèmes : l'éloignement des CHU – c'est une des raisons pour lesquelles les jeunes médecins rechignent à aller s'installer dans certaines zones –, le classement des territoires en zone fragile et le manque de médecins urgentistes ou de pompiers formés.
Aussi, je souhaiterais que vous informiez notre assemblée et l'ensemble des Français des dispositions nouvelles que le Gouvernement entend mettre en place pour inverser la tendance actuelle.
Madame Bonneton, vous avez raison d'insister sur ce point : la présence médicale sur le territoire est un enjeu majeur. Nos concitoyens le disent : ils veulent pouvoir être soignés dans de bonnes conditions à proximité de leur domicile.
Sous le terme de « désert médical » sont toutefois regroupées des situations en réalité assez différentes. Il s'agit de pouvoir accéder à un médecin généraliste dans un rayon kilométrique limité, mais également de pouvoir prendre rendez-vous avec un médecin spécialiste dans un délai qui soit raisonnable, et non pas de plusieurs mois, comme cela devient trop fréquemment le cas pour certaines spécialités. C'est aussi la possibilité d'être pris en charge en cas d'urgence dans des délais raisonnables et des conditions satisfaisantes.
Le Gouvernement a engagé une action orientée autour de trois axes. Le premier correspond à la rénovation des études médicales : il faut faire en sorte que les étudiants effectuent davantage de stages sur le terrain en milieu rural, dans des secteurs difficiles, et découvrent la pratique de la médecine libérale. Le deuxième axe de travail concerne les conditions d'exercice des professionnels : il faut encourager le regroupement de différentes professions, le travail pluridisciplinaire dans des pôles de santé ou des maisons de santé, par exemple. Le troisième axe vise à renforcer l'investissement dans les territoires isolés en renforçant par exemple les hôpitaux de proximité.
Rappelant que le gouvernement précédent avait pris des mesures incitatives, vous vous interrogez sur l'efficacité des nouvelles mesures qui ont été annoncées. Ma conviction est que nous n'avons pas encore tout essayé et qu'il faut mobiliser l'ensemble des leviers existants. Jusqu'à présent, les gouvernements successifs se sont en effet contentés de proposer des primes d'installation. C'est à une véritable rénovation des modes d'exercice que nous devons nous atteler. Nous pourrons ainsi répondre aux attentes des professionnels et de nos concitoyens.
Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la parole est à M. Jacques Krabal.
Madame la ministre, je vous interpelle depuis plusieurs mois sur le cas du centre hospitalier de Château-Thierry. Comme je n'ai cessé de le clamer, et avec moi l'ensemble des élus et personnels soignants de l'établissement, le projet régional de santé mis en oeuvre aujourd'hui casse notre hôpital.
Les finances sont de plus en plus tendues. L'endettement cumulé s'élève à 9 millions d'euros du fait des investissements qui ont été supportés par l'hôpital, notamment pour financer l'informatisation et le standard téléphonique. En outre, le projet de réhabilitation de 3 millions d'euros commandé par l'ancienne agence régionale de l'hospitalisation n'a jamais vu le jour, pas plus que les promesses du plan Hôpital 2012 ou la modernisation promise par l'ancien directeur de l'agence régionale de santé, pour laquelle nous devions recevoir une subvention de 5 millions d'euros.
Malgré une activité médicale soutenue, les recettes baissent, notamment parce que le centre hospitalier ne bénéficie pas du même traitement financier que d'autres hôpitaux de la même communauté hospitalière. Par ailleurs, du fait de la fermeture de la permanence de soins, il n'est plus possible d'obtenir un avis médical spécialisé à tout moment.
Ces deux derniers week-ends, les centres hospitaliers voisins ont refusé de prendre en charge six cas qui relevaient pourtant de l'urgence ; je peux vous transmettre la liste de ces incidents, madame la ministre. Notre établissement s'est donc trouvé dans l'obligation d'assumer le transfert des patients, compromettant ainsi leur sécurité, mais également sa crédibilité et son équilibre financier.
Par conséquent, mes questions traduisent des revendications légitimes. Nous demandons le maintien des permanences de soins, y compris en orthopédie-traumatologie, jusqu'à une heure avancée de la nuit, les week-ends et les jours fériés ; le maintien de notre plateau technique, y compris en réanimation adulte et en néonatologie ; l'étude de notre rattachement au projet régional de santé de Champagne-Ardenne et à la communauté hospitalière de territoire rassemblée autour du CHU de Reims, Château-Thierry étant situé aux franges de la Marne ; le réaménagement de la loi HPST pour donner effectivement la parole aux soignants et aux élus.
Monsieur le député, l'avenir de l'hôpital public est une préoccupation importante à mes yeux, car notre système de santé doit pouvoir s'appuyer sur un hôpital public fort.
Je suis avec attention la situation du centre hospitalier de Château-Thierry et vous le savez parfaitement : mon cabinet vous a reçu à trois reprises pour l'évoquer en détail en présence du directeur général de l'agence régionale de santé.
Comme cela vous a été indiqué à l'occasion de ces rencontres et comme je vous l'ai écrit, l'hôpital de Château-Thierry a pleinement sa place sur son territoire de santé, et celle-ci n'est nullement menacée.
S'agissant des coopérations entre les établissements rémois et l'hôpital de Château-Thierry, le projet régional de santé de Picardie prévoit bien qu'elles puissent se poursuivre. Mais pour que la relation avec Reims soit fructueuse, il est important que l'hôpital de Château-Thierry occupe pleinement sa place au sein du territoire Aisne Sud dans le cadre de la communauté hospitalière de territoire qui le lie aux établissements de Laon et de Soissons.
Enfin, il n'est plus possible aujourd'hui, dans le contexte budgétaire que nous connaissons – je vous le dis très directement – de faire abstraction de la situation financière d'un hôpital, que ce soit celui de Château-Thierry ou un autre établissement.
La situation financière de l'hôpital de Château-Thierry est effectivement devenue préoccupante. Les efforts de l'établissement doivent désormais aussi porter sur le redressement financier et sur la gestion. L'agence régionale de santé a fait des propositions d'appui afin d'accompagner l'établissement dans ce sens. Le travail est engagé entre l'agence et la direction de l'établissement de façon positive et je m'en réjouis. C'est grâce à cette collaboration équilibrée que les établissements de Château-Thierry, Laon et Soissons renforceront leur efficience. Cette collaboration est également la clé d'une bonne organisation du système de soins afin que la population de l'Aisne ne soit pas obligée de se déplacer à Reims.
Madame la ministre, ma question porte sur la circulaire du 15 mars 2013 relative aux orientations de l'exercice 2013 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.
Cette circulaire enjoint aux directeurs généraux des agences régionales de santé de ne pas signer de nouvelles conventions tripartites prévoyant le passage au tarif global et de maintenir l'option tarifaire en vigueur pour toute la durée de la convention.
Dans l'annexe 3 de ce document, il est écrit : « […] l'instruction de surseoir au développement du tarif global n'étant pas levée, la signature de nouvelles conventions doit se faire à option tarifaire inchangée et ne pas permettre de passage au tarif global. »
Ce blocage pour les EHPAD du choix de l'option tarifaire lors de la conclusion ou au cours de la convention pluriannuelle tripartite contrevient à l'article R 314-167 du code de l'action sociale et des familles.
Cet article prévoit, sans restriction ni condition, un véritable droit d'option au bénéfice des établissements concernés qui ne peut subséquemment être remis en cause par un texte hiérarchiquement inférieur, telle une circulaire, sans que celle-ci ne soit manifestement entachée d'irrégularité.
Par ailleurs, cette consigne est en opposition complète avec les dispositions de l'article 67 de la LFSS de 2013 en tant qu'elle interdit la gestion d'une pharmacie à usage intérieur par le blocage du choix de l'option tarifaire.
Cette circulaire affirme le caractère non opposable du tarif issu de l'équation tarifaire au groupe iso-ressources moyen pondéré de soins ou GMPS. Or la législation en vigueur exige que la dotation soins soit allouée en fonction des besoins réels de l'établissement, le GMPS et le pathos moyen pondéré étant les indicateurs du besoin de financement approprié de l'établissement.
Le décret du 8 janvier 2013, en fixant des règles d'évaluation et de validation de ces indicateurs qui s'imposent aux établissements comme aux autorités de tarification, est venu en outre conforter le caractère opposable des référentiels AGGIR et PATHOS.
L'argument consistant à écarter l'application de la loi faute de parution du décret tarifaire devrait par ailleurs justifier l'abandon de la convergence tarifaire issue du même texte, laquelle est pourtant maintenue.
Ainsi, l'objectif essentiel des conventions tripartites d'améliorer la qualité de prise en charge des résidents peut être remis en cause par le blocage des dotations soins, un blocage accentué par la non-actualisation des valeurs du point du tarif global.
Par conséquent, est-il envisagé qu'une circulaire rectificative prenant en compte les éléments que je viens d'évoquer soit publiée ?
Madame Dubié, vous posez la question du droit d'option des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes entre la tarification partielle actuellement appliquée et la tarification globale.
Je voudrais d'abord appeler votre attention sur l'engagement très fort du Gouvernement pour le soutien des établissements qui accueillent des personnes âgées et en situation de handicap. J'y insiste parce que, malgré le contexte de contrainte financière, des choix ambitieux ont été arrêtés et maintenus. L'ONDAM médico-social progresse en 2013 de 4 % par rapport à 2012, ce qui correspond au taux d'évolution le plus élevé au sein de l'ensemble du secteur sanitaire et social. Pour ce qui est de la reconduction des programmes, le taux de progression est de 1,4 %, ce qui est sensiblement supérieur à ce qui a été observé les années précédentes.
Sur la question plus précise de la tarification des établissements médico-sociaux, des réflexions approfondies sont engagées qui devraient aboutir d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Entre le moment où nous disposerons des propositions qui seront faites et le moment où nous pourrons mettre en oeuvre de nouvelles orientations, il s'écoulera nécessairement du temps, mais nous aurons l'occasion de travailler ensemble à l'élaboration de ces nouvelles options.
J'ajoute que l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances ont rendu un rapport sur la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées qui doit également déboucher sur des propositions d'orientation ou de réorientation.
Il va de soi que dans, le cadre de la loi sur le vieillissement de la population et l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie, nous aurons à réfléchir aux meilleures façons de financer les établissements qui accueillent ces personnes.
Je tiens à vous remercier une fois encore de votre engagement et de votre soutien.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, ma question porte sur la situation des hôpitaux en général, et de l'hôpital Foch de Suresnes en particulier.
Le 4 mars dernier, vous rendiez public le pacte de confiance pour l'hôpital, élaboré par M. Édouard Couty dans le cadre d'une large concertation. Ce rapport avance plusieurs propositions très intéressantes concernant tant le service public territorial de santé que le financement des hôpitaux ou leur gouvernance.
Je souhaite savoir quelles suites vous entendez donner à ce rapport. Les différents acteurs de l'hôpital public, qui ont reçu avec satisfaction ce pacte de confiance, ne sauraient en effet se contenter de mesures qui, bien qu'intéressantes, restent toutefois symboliques ; je pense par exemple à la réintroduction de la notion de service public hospitalier.
Au demeurant, les hôpitaux demeurent sous pression sur le plan financier, puisque l'ONDAM hospitalier est cette année encore inférieur à l'augmentation prévisible de leurs dépenses.
Concernant l'hôpital Foch, établissement de santé privé d'intérêt collectif, une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration et de l'IGAS a été diligentée pour faire la lumière sur les relations financières entre la fondation Foch et l'association Foch, à la suite de soupçons de détournement de sommes importantes dues à l'hôpital par la fondation.
Il semblerait que le rapport de cette mission, actuellement en cours de finalisation, confirme en les aggravant ces accusations. Si tel est le cas, il s'agit de faits graves, dont on peut d'ailleurs se demander comment ils ont pu avoir lieu sans que les membres du conseil d'administration de l'association Hôpital Foch, et parmi eux les élus du conseil général et le maire de Suresnes, en aient eu connaissance.
Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les suites que vous comptez donner à ce rapport, et dans quels délais ?
Madame la députée, je l'ai dit, l'avenir de l'hôpital public est un enjeu majeur pour notre système de santé. L'hôpital public fait partie de notre histoire, de notre patrimoine ; il garantit à nos concitoyens l'accès à des soins de qualité et de proximité ; il est synonyme d'excellence, médicale mais aussi sociale, ce qui est essentiel.
Compte tenu de votre engagement en la matière, je m'étonne que vous puissiez considérer que réintroduire la force de la notion de service public hospitalier ne soit pas un enjeu décisif, alors que les politiques menées ces dernières années n'ont cessé de mettre à mal l'idée même de service public hospitalier.
Le rapport Couty, dont vous avez dit qu'il avait recueilli un large assentiment, sera suivi, de façon régulière, de propositions et de décisions. D'abord, des discussions seront menées avec les organisations syndicales, en particulier sur les conditions de travail ; ensuite, au niveau réglementaire, j'aurai l'occasion de prendre des décrets correspondant notamment à la mise en place d'une nouvelle gouvernance à l'hôpital ; enfin, au niveau législatif, le financement de l'hôpital public subira une réorientation, la notion de service public hospitalier sera réintroduite et un service public territorial de santé sera mis en place.
S'agissant de la fondation Foch, vous l'avez rappelé, le Gouvernement a diligenté une mission commune de l'IGAS et de l'IGA ; le rapport est attendu dans quelques semaines. Il appartiendra alors à chacun de tirer les conclusions qui s'imposent. Je suis certaine que les administrateurs et les collectivités impliquées dans la gouvernance de la fondation sauront prendre leurs responsabilités. Sachez en tout cas, madame la députée, que le Gouvernement saura assumer les siennes.
Madame la ministre, à l'occasion de la campagne présidentielle, M. François Hollande a pris trente engagements pour les DOM. Celui de « renouer avec l'excellence de notre système de santé et de renforcer l'hôpital public outre-mer » a suscité un grand espoir parmi les populations de nos territoires. Le soutien des DOM et des TOM, dans les urnes, a été massif pour porter l'actuel président de la République et la majorité aux responsabilités. J'y ai personnellement contribué.
Il vous revient donc d'accélérer la mise en oeuvre effective du plan santé outre-mer, de remettre à plat le financement des établissements de santé, d'élaborer en concertation avec les collectivités territoriales un plan d'équipement en structures d'accueil pour les personnes âgées, de mettre en place un cursus complet pour les étudiants en médecine dans les Antilles-Guyane et de favoriser leur installation dans les outre-mer.
Madame la ministre, il ne serait pas concevable que ces engagements soient mis en oeuvre de façon inégale dans les territoires et que l'un d'entre eux soit négligé.
La situation des hôpitaux de Guyane suscite une profonde angoisse parmi les acteurs locaux de la santé publique. La reconstruction du centre hospitalier de l'Ouest guyanais ne fait l'objet d'aucune aide financière. Par ailleurs, la réhabilitation des locaux du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne n'est toujours pas assurée, bien que le dossier ait été déposé en octobre 2011.
Dès lors, il me semble opportun de rappeler les nécessités de financement de ces hôpitaux, à l'aune des nouveaux besoins. Je pense en particulier à l'obstétrique, à la pédiatrie et à la lutte contre les maladies nosocomiales.
Madame la ministre, pouvez-vous rassurer la communauté hospitalière de Guyane et confirmer le financement de l'hôpital de Cayenne, conformément aux engagements maintes fois pris devant les Guyanais ? Pour la deuxième fois de la journée, je vous en remercie.
Monsieur le député, je peux vous assurer, pour la deuxième fois de la journée (Sourires), que je suis avec une attention particulière les projets développés par les établissements de santé outre-mer, notamment en Guyane. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec les parlementaires, vous-même et Mme Chantal Berthelot, qui a été reçue à mon cabinet.
Le centre hospitalier de l'Ouest guyanais, à Saint-Laurent-du-Maroni, est engagé dans des travaux d'investissement lourds, afin de répondre aux besoins locaux en offre de soins et de favoriser l'installation de nouveaux professionnels de santé. Le montant des investissements nécessaires étant important, le projet devra être validé par le comité de la performance et de la modernisation de l'offre de soins, à l'issue d'une expertise par l'agence régionale de santé et d'une contre-expertise indépendante.
En effet, de nouvelles procédures ont été mises en place ; elles s'appliquent à l'ensemble des investissements hospitaliers qui seront désormais réalisés : présentation par l'ARS, examen par le comité de la performance et de la modernisation de l'offre de soins, contre-expertise indépendante. C'est seulement au terme de ce processus que la décision pourra être prise.
En outre, un nouveau directeur sera affecté au centre hospitalier de Cayenne. Nous réfléchissons à une date qui permette, dans les meilleures conditions possible, sa prise de fonction. Dans ce centre hospitalier, une opération de réhabilitation des locaux laissés vacants à la suite de l'ouverture du pôle femme-enfant sont envisagés. Ce projet permettra d'améliorer la qualité de la prise en charge des patients et les conditions de travail, mais aussi de développer l'offre de soins en matière de consultations externes et de pédopsychiatrie.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement suit avec attention la situation de la Guyane, dans l'intérêt de l'ensemble de ses habitants.
Nous en venons aux questions des députés du groupe SRC. La parole est à M. Michel Liebgott.
Madame la ministre, en 2004, le précédent gouvernement a considéré que, grâce à la mise en place d'un parcours de soins coordonné reposant sur le dossier médical personnalisé, nous arriverions à combattre les déserts médicaux et à réduire les coûts, tout en offrant une médecine pertinente.
Force est de constater que cela a été un échec, puisque le dossier médical personnalisé n'a même pas vu le jour. Je me félicite de la réorientation que vous souhaitez donner à cette politique, tendant à rapprocher, en établissant une bonne compréhension entre secteurs, médecine de ville et hôpital, sanitaire, social et médico-social.
Votre stratégie s'organise autour de trois axes, plus que jamais prioritaires, tant nos concitoyens sont de plus en plus nombreux qui avouent ne plus se soigner, faute de moyens. Il nous faut absolument lutter contre les inégalités de santé, préparer notre système de santé à affronter les défis que sont le vieillissement de la population et l'augmentation des pathologies chroniques, qui vont de pair, et surtout, préserver le financement solidaire du système de santé.
C'est dire si les expériences territoriales qui sont menées et dont vous vous inspirez me paraissent devoir être mises en avant. Je pense en particulier au régime minier, qui concerne plusieurs régions, dont la mienne. Vous installerez vendredi une structure importante dans ce domaine, qui permettra de rester au plus proche de la population.
Je tiens également à souligner l'importance que vous avez su donner, en particulier en Lorraine, à l'hôpital public. Celui-ci intègre désormais des établissements participant au service public hospitalier, qui ne bénéficiaient pas des mêmes conventions et qui se montraient parfois peu soucieux de tenir l'équilibre financier. La coordination de l'hôpital public, dans le cadre d'une véritable coopération hospitalière de territoire entre CHU et CHR, avec l'intégration à terme des centres de santé du régime minier et des hôpitaux de proximité, qui ne seront plus laissés à eux-mêmes, permettra sans doute de pérenniser une médecine de qualité et de permettre l'accès aux soins des plus défavorisés.
Monsieur le député, je vous remercie de votre présentation. Lorsque le Premier ministre a annoncé le 8 février à Grenoble la mise en place d'une stratégie nationale de santé, il s'agissait bien de parler des travaux qui permettront de relever les grands défis auxquels nous sommes, collectivement, confrontés.
Le premier de ces défis tient aux transformations de notre société : les attentes des patients, comme celles des professionnels, évoluent ; les pathologies courantes changent de nature, les pathologies chroniques augmentent, de conserve avec le vieillissement de la population.
Le deuxième défi que nous devons relever est celui de la coordination des différents acteurs du système de santé. Les Français ont parfois le sentiment d'être ballottés de structures en structures ; ils doivent attendre de longs mois pour une consultation de spécialiste ; à l'hôpital, il leur faut refaire des examens qu'ils ont déjà pratiqués en ville ; les personnes âgées, plus particulièrement, ne se voient pas offrir de lieu d'accueil à la sortie de l'hôpital. Nous devons donc mettre en place un parcours coordonné qui permette aux patients de ne plus se préoccuper des structures à même de les accueillir et d'être mieux pris en charge.
Le troisième défi, c'est évidemment celui de la maîtrise des coûts. J'ai la conviction que nous pouvons le relever tout en répondant mieux aux attentes de nos concitoyens en termes de qualité. Ainsi, il est préférable que les personnes âgées soient soignées à domicile plutôt qu'envoyées dans les services d'urgence, où elles ne sont pas toujours accueillies au mieux.
C'est à cela que nous oeuvrons ensemble, dans les territoires où s'appliquent les règles du régime minier et sur le reste du territoire national. Ainsi, nous apporterons les réponses qu'attendent les Français en matière de qualité, de proximité et de sécurité du système de santé.
Madame la ministre, ma question, qui porte sur « l'e-santé », est triple. Michel Liebgott a évoqué l'échec du dossier médical personnalisé, qui se manifeste par le chiffre ridicule de 322 000 dossiers créés à ce jour, dont la moitié sont vides.
Il convient de mettre en perspective ce chiffre avec les prévisions qui figuraient dans le contrat passé en octobre 2009 entre ASIP-santé, l'agence des systèmes d'information partagés, et son hébergeur unique, Santeos, qui étaient de 11 millions de DMP créés et 317 millions de documents accessibles.
Alors que l'ASIP-santé paie chaque mois entre 400 000 et 500 000 euros une capacité d'hébergement minimale de 5 millions de DMP – pour, je le rappelle, 322 000 dossiers –, n'est-il pas temps que cette agence publique, et en premier lieu sa direction, soit jugée sur ses résultats ?
Le second point concerne les systèmes d'information hospitaliers. L'absence d'interopérabilité et la diversité des systèmes d'information hospitaliers existants est un obstacle à la construction du parcours de soins entre établissements ou entre ville et hôpital, un élément essentiel de votre stratégie nationale de santé, comme vous l'avez rappelé.
Le niveau actuel des systèmes d'information des établissements est par ailleurs loin des exigences publiées par la Direction générale de l'offre de soins. Ne serait-il pas opportun qu'un audit des systèmes d'information hospitaliers soit réalisé pour rechercher les solutions les plus efficientes et les plus coopératives, en commençant par les plus importants de nos établissements ?
Enfin, madame la ministre, vous avez annoncé la création des territoires de soins numériques. Quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en oeuvre ?
Effectivement, monsieur le député, on ne peut mettre en place un parcours de santé efficace et proche du patient si les systèmes d'information ne permettent pas aux professionnels de santé de communiquer et d'échanger des informations.
Votre première question porte sur le dossier médical, d'abord « partagé », puis « personnel ». C'est un échec. Le précédent gouvernement a voulu imposer d'en haut un système qui ne répondait pas aux attentes des professionnels. C'est pourquoi j'ai annoncé que nous engagions une nouvelle étape, à partir de l'expérience et des attentes des professionnels, pour faire en sorte que soit mieux réalisé le suivi des maladies, notamment des maladies chroniques, et mieux accompagnées les personnes âgées. Cette réforme du dossier médical personnel s'appuiera sur une gouvernance modifiée.
Vous m'avez ensuite interrogée sur un éventuel audit des systèmes d'information hospitaliers, destiné à les rendre plus efficients. Vous avez raison, un audit doit être réalisé. Ce diagnostic, établi en collaboration avec les agences régionales de santé, doit nous permettre d'identifier les solutions innovantes, capables de répondre aux attentes des professionnels et des établissements de santé, dans l'intérêt des patients.
Enfin, vous vous interrogez sur l'avenir du programme « Territoires de soins numériques » : il sera doté de 80 millions d'euros et ciblé sur des territoires pilotes, dès 2013. Les projets, sélectionnés avant la fin de l'année, pourront être mis en oeuvre dès le début de l'année 2014. Il s'agit de développer les nouvelles technologies et de mieux prendre en charge les patients, grâce à des systèmes d'information performants.
Nous en venons aux questions du groupe UMP.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Madame la ministre, vous avez été saisie d'une demande émanant d'un collectif d'associations oeuvrant dans le champ du handicap et concernant la prise en charge des frais de transport des enfants se rendant à des consultations dans les CAMSP et les CMPP.
Vous avez fait part de votre souhait d'accélérer la procédure d'écriture d'un décret en Conseil d'État pour appliquer l'article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale. À ce jour cependant, vos propos n'auraient toujours pas été suivis d'effets, et votre ministère s'orienterait même vers une prise en charge de droit commun, avec un reste à charge pour les familles.
Actuellement, le refus de prise en charge de certaines CPAM conduit à des retards de diagnostic et à des interruptions de prise en charge. Je dis bien certaines, car les pratiques sont très diverses d'un territoire à l'autre : des CPAM remboursent à 100 %, d'autres refusent.
Un rapport de l'IGAS d'octobre 2012 évalue la totalité des coûts de transport à 80 millions d'euros, mais le coût de cette mesure, qui ne porte que sur les départements ne pratiquant pas les remboursements, a été évalué à 10 millions d'euros. L'IGAS précise : « La question étant aujourd'hui juridiquement réglée, il ne devrait plus y avoir de reste à charge pour les familles. »
Quelle réponse apportez-vous, madame la ministre, à ce collectif et aux familles sur cette prise en charge des transports ?
Madame Isabelle Le Callennec, le Gouvernement et moi-même avons bien conscience des difficultés que rencontrent au quotidien les familles d'enfants en situation de handicap, qui ont vu la nature de la prise en charge dont ils bénéficiaient brutalement transformée.
Vous l'évoquez, le gouvernement précédent avait pris la décision de modifier la prise en charge des frais de transports, mais les décrets d'application n'ont pas été pris, d'où certaines situations difficiles. La décision de faire ainsi rentrer les centres d'action médico-sociale précoce et les centres médicaux psychopédagogiques dans le droit commun des transports sanitaires pose des problèmes majeurs, notamment parce que les critères d'admission au remboursement de l'assurance maladie ne correspondent pas à la réalité des prises en charge dans le médico-social.
Toute une série de questions techniques doit donc être réglée si nous ne voulons pas léser les usagers et les familles, et l'harmonisation des pratiques ne doit pas conduire à la réduction des droits des personnes qui bénéficient actuellement des fonds d'action sociale des caisses primaires d'assurance maladie. Car la prise en charge des transports est directement réalisée par les caisses primaires d'assurance maladie sur leurs fonds d'action sociale, et la sécurité sociale assume donc ses responsabilités, même sans cadre clair.
Au-delà des travaux techniques actuellement menés par les administrations, j'ai donc demandé à l'Agence nationale d'appui à la performance de traiter de cette question des frais de transport des personnes handicapées dans les prochains mois, afin que nous puissions déboucher sur une situation à la fois satisfaisante pour les familles, équilibrée et équitable pour l'ensemble du territoire.
Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés de fonctionnement des services d'urgence dans les hôpitaux publics. En effet, combien de Françaises et de Français n'ont-ils pas été confrontés à d'interminables délais d'attente, dans des conditions souvent insoutenables, sur des brancards, dans des couloirs d'hôpitaux ?
Force est de constater que, depuis plusieurs années déjà, le flux des patients accueillis dans les services d'urgence des hôpitaux publics ne cesse d'augmenter. Cette augmentation est liée, bien sûr, à un grand nombre d'urgences réelles relevant totalement de ce type de service et pour lesquelles la prise en charge doit être immédiate ; mais elle découle aussi du fait que, de nombreuses personnes ne trouvant pas toujours un médecin disponible ou ne prenant pas la peine de le chercher, elles sont assurées de trouver dans les hôpitaux un accueil qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; elle s'explique enfin par la situation des personnes âgées dépendantes maintenues à domicile faute de places en établissement spécialisé et dont la pathologie s'aggrave brutalement.
En plus de la gestion réelle de l'urgence, les personnels urgentistes se voient donc contraints de consacrer un temps interminable à la recherche de lits d'accueil dans des services toujours plus saturés. Cette tension quotidienne a conduit au début du mois d'avril quinze médecins de l'Hôtel-Dieu, à Paris, à menacer de démissionner, si aucune décision n'était prise pour l'avenir.
Absence de prévisions, me direz-vous. Je crois plutôt que c'est tout un système de santé qui est à revoir pour que les personnels hospitaliers, dont nous connaissons la compétence et le dévouement au service des malades, puissent assurer des soins de qualité à nos concitoyens.
Résultat du passé, me direz-vous encore. Mais c'est l'avenir qui m'intéresse ! Quels moyens pour l'hôpital public en général ? Et comment comptez-vous redonner confiance dans leur système de santé à nos équipes médicales et à nos concitoyens ?
Monsieur Gilles Lurton, vous parler de revoir l'ensemble de notre système de santé et soulignez la nécessité de restaurer la confiance dans l'hôpital public : je m'y attache et c'est une de mes priorités, mais je me concentrerai ici sur la question des urgences, d'autant plus importante que les services d'urgences constituent le premier point de contact de nos concitoyens avec l'hôpital public.
Pour toute une série de raisons – vous en avez évoqué certaines – la fréquentation des urgences augmente régulièrement d'environ 3 % par an, certains patients souhaitant, par exemple, avoir accès à des plateaux techniques concentrés dans les mêmes endroits.
Quoi qu'il en soit, nous devons trouver des solutions. Ces solutions se trouvent d'abord en amont. Il faut renforcer les pôles de santé de proximité et faire en sorte que la permanence des soins s'améliore, afin que nos concitoyens puissent consulter un professionnel en ville plutôt que de se rendre aux urgences si cela n'est pas absolument nécessaire.
Il faut ensuite s'attacher aux problèmes d'organisation interne. Il se peut que, dans certains endroits, manquent des postes et du personnel : une mission est chargée d'évaluer les besoins.
Enfin, se pose la question de l'aval, de l'endroit où vont les patients, une fois qu'ils n'ont plus besoin de rester aux urgences, où ils occupent des lits, ou des brancards dans les couloirs. C'est à mieux organiser les relations entre les services d'urgence et le reste de l'hôpital qu'il faut s'atteler, en créant notamment des gestionnaires de lits d'aval, pour que les professionnels de santé, médecins et infirmières, ne voient pas leur temps dévoré par la recherche de lits. Le professeur Carli, urgentiste, est en charge d'une mission sur ce point-là. Nous ferons des propositions.
Je tiens néanmoins à préciser, monsieur le député, que la question de l'Hôtel-Dieu est une question très particulière, qui n'a pas grand-chose à voir avec la situation des urgences en général.
Nous en venons à des questions du groupe UDI.
La parole est à M. Arnaud Richard.
Madame la ministre, depuis le dépôt de plainte d'une patiente contre le fabricant de sa pilule de troisième génération, le risque de thrombose associé aux dernières générations de pilules inquiète des millions de femmes et a conduit les autorités sanitaires à réagir.
Mais le mal était fait, et l'inquiétude a conduit de nombreuses jeunes femmes à arrêter brutalement la prise de leur pilule. Le déremboursement des contraceptifs oraux de troisième génération, qui découlait de ces risques sanitaires, a sans doute également accéléré cet inquiétant processus.
Nous sommes inquiets de l'effet boule de neige qui pourrait se produire, car une étude de l'INSERM montre qu'en 2012 le recours à la pilule a baissé chez les jeunes femmes de vingt à vingt-quatre ans, ce qui risque d'entraîner plusieurs difficultés. En effet, quid des conséquences de cette baisse sur le nombre d'IVG, alors même que le recours à l'IVG est déjà très élevé chez les femmes de vingt à vingt-quatre ans ? Quid de l'augmentation des coûts de prise en charge des soins, avec les conséquences que l'on sait sur les finances publiques ? Quid enfin de l'augmentation de la prise de contraceptifs d'urgence ?
Il convient donc de porter une attention particulière à la situation des jeunes femmes, et notamment des étudiantes, inquiètes face à cette nouvelle alerte sanitaire concernant leurs contraceptifs. Et ce d'autant plus que la prise de contraceptif devrait être accompagnée d'une visite médicale annuelle. Or seulement 30 % des jeunes femmes déclarent avoir consulté un gynécologue au cours des six derniers mois.
Ma question est donc simple, madame la ministre : envisagez-vous de mettre en place, par exemple, un bilan gynécologique annuel pris en charge par l'assurance maladie pour les jeunes femmes entre seize et vingt-cinq ans ?
Monsieur Arnaud Richard, la santé des femmes et des jeunes femmes en particulier a été une de mes priorités depuis mon arrivée au ministère.
Cette priorité s'est traduite très concrètement dans la loi de financement de la sécurité sociale. Pour la première fois, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse est désormais gratuit pour l'ensemble des femmes qui souhaitent la pratiquer. L'accès à la contraception pour les jeunes femmes de quinze à dix-huit ans est également gratuit, qu'il s'agisse de l'implant, du stérilet ou de la pilule.
Dans le même temps, j'ai annoncé que le nombre de postes de gynécologues médicaux serait augmenté de façon significative au cours des prochaines années, afin d'inverser la tendance observée. Les femmes ont besoin de pouvoir compter sur les conseils et la compétence d'un médecin qui leur soit particulièrement dédié.
Dans le cadre de cette politique, j'ai attiré l'attention sur la nécessité que les pilules de troisième et quatrième générations ne soient pas prescrites en première intention.
Il fallait alerter sans alarmer. Aujourd'hui, nous constatons qu'avec le soutien de l'ensemble des professionnels de santé, qui se sont mobilisés, les prescriptions se sont réorientées en direction des pilules de première et deuxième générations et que d'autres modes de contraception sont aujourd'hui mis en avant. Une campagne d'information va être lancée dans quelques semaines, qui permettra d'informer l'ensemble des femmes sur la diversité des moyens de contraception qui existent.
Vous le voyez, monsieur le député, la santé des femmes est, pour le Gouvernement, une priorité.
Madame la ministre, l'accès à une complémentaire santé est aujourd'hui une condition essentielle à l'exercice de ce droit fondamental qu'est le droit à la santé. Or c'est malheureusement une condition que beaucoup de nos compatriotes ne parviennent pas à remplir.
À cet égard, le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, que nous nous apprêtons à voter, ouvre utilement aux salariés un droit à une complémentaire santé. Mais qu'en est-il pour les étudiants ?
De récentes études ont montré à quel point leur pouvoir d'achat s'était considérablement dégradé, au point de les priver de l'essentiel, au point par exemple de contraindre un nombre croissant d'entre eux à sacrifier le temps de l'étude à celui de travaux alimentaires, au point même de les amener à se résigner à la maladie, en espérant que les choses s'arrangent.
Je sais, madame la ministre, que vous nous direz que c'est la majorité précédente qui est responsable de tout ça, mais votre responsabilité aujourd'hui est de résoudre les problèmes, sans vous contenter de regarder ce qui s'est fait par le passé.
Face à cette situation, qui représente pour la communauté nationale le risque d'un grand gâchis humain, nous serons évidemment tous d'accord pour assurer l'essentiel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. D'ailleurs, lors de ses voeux présentés à la jeunesse en janvier dernier, le Président de la République a évoqué le projet de proposer aux jeunes « une formule de généralisation des complémentaires santé ». Dans le même ordre d'idées, vous déclariez, madame la ministre, que vous aviez conscience du coût de plus en plus élevé des complémentaires santé et vous vous êtes engagée à favoriser l'accès aux soins pour chacun.
Madame la Ministre, quelles sont les pistes qu'envisage le Gouvernement pour améliorer l'accès aux soins des étudiants ? Certaines collectivités territoriales travaillent déjà dans ce sens et ont mis en place un chèque santé étudiant. Ne serait-il pas envisageable de créer un chèque santé national prenant en charge une partie du coût d'une complémentaire santé ? Votre réponse sera très écoutée.
La santé des jeunes est un enjeu important. Ils sont en effet trop nombreux à renoncer à des soins pour des raisons financières. Plus exactement, les jeunes se sentent en bonne santé – ce qui est vrai dans la majorité des cas – et, leurs ressources étant limitées, ils arbitrent souvent entre la santé, l'alimentation, le logement, dans un sens qui n'est pas toujours favorable à leur santé.
De ce point de vue, ce Gouvernement-ci, j'insiste sur ce point, assume ses responsabilités…
…même s'il regrette les décisions des gouvernements antérieurs. Nous avons annoncé l'ouverture de centres de santé universitaires sur les campus afin de répondre aux besoins de santé des étudiants.
En 2010, une étude a montré que 8 % des étudiants déclaraient ne pas disposer d'une assurance complémentaire. Ils seraient 17 % selon les enquêtes réalisées par les mutuelles étudiantes.
L'option du Gouvernement est de garantir la généralisation d'une complémentaire santé à l'ensemble de la population, y compris les étudiants. L'article 1er de la loi sur la sécurisation du travail, que vous avez évoquée, marque une première étape, limitée par définition au monde du travail. Il s'agit d'aller au-delà. Les discussions s'engagent dès cette année puisque des consultations commencent à être organisées avec les organismes complémentaires. Nous mettons tout en oeuvre pour répondre au souhait du Président de la République que l'ensemble de la population bénéficie d'une couverture santé de qualité à l'horizon 2017.
Nous en revenons aux questions du groupe Socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
L'institut de veille sanitaire a rendu public, il y a quelques semaines, la dernière étude Abena concernant l'état de santé et l'état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire.
Ses conclusions montrent que les indicateurs de santé et l'état nutritionnel de ces personnes restent très préoccupants en 2011 et 2012 avec une prévalence particulièrement élevée des pathologies liées à la nutrition telles que l'obésité, l'hypertension artérielle, le diabète ou certains déficits vitaminiques.
Un écart important demeure notamment entre les consommations de certains groupes alimentaires et les recommandations nutritionnelles pour les fruits et légumes ainsi que les produits laitiers, malgré une légère amélioration depuis la dernière étude de 2004-2005.
Selon l'étude, il serait prioritaire de renforcer les actions de prévention, notamment de proximité, ainsi que les dépistages du risque de maladies chroniques auprès de ces publics, sachant que le coût de la malnutrition dans la chaîne de santé publique est difficilement quantifiable.
Dans un contexte de baisse des subventions européennes en faveur de l'aide alimentaire, ces résultats apportent un éclairage d'autant plus important que les associations risquent d'être confrontées à des difficultés encore plus grandes d'approvisionnement pour fournir une offre alimentaire équilibrée selon les critères du programme national nutrition santé, le PNNS.
Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de répondre aux besoins spécifiques des personnes qui dépendent de l'aide alimentaire en complément d'une politique sanitaire, économique et sociale plus globale visant notamment à réduire les inégalités sociales de santé ?
Madame la députée, l'état nutritionnel des personnes qui recourent à l'aide alimentaire est une préoccupation pour le Gouvernement et je sais que c'en est une pour vous car vous êtes, personnellement et politiquement, pleinement impliquée pour faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens puissent bénéficier de mesures d'inclusion sociale.
L'étude sur l'alimentation et l'état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire, réalisée il y a quelques semaines, en mars, indique en effet que la prévalence des pathologies liées à des troubles nutritionnels reste élevée.
Il faut toutefois souligner qu'au-delà du déséquilibre alimentaire, cette situation tient aussi au fait que ces personnes ne sont pas suffisamment suivies et prises en charge par les professionnels de santé. C'est donc une situation globale que nous devons appréhender et nous devons à cette fin poursuivre nos efforts en faveur de cette population. Nos efforts doivent porter sur l'information quant à la consommation de certains produits alimentaires, comme les fruits et les légumes. L'ensemble des acteurs concernés doit se mobiliser.
Je veux saluer l'engagement des associations comme le Secours populaire français ou les Restos du coeur qui ont su tisser des liens avec les professionnels de santé. C'est dans cette relation entre professionnels de santé, acteurs associatifs, élus locaux, que nous pourrons répondre à la diversité des situations et renforcer l'efficacité de l'accompagnement social qui est réalisé.
D'une manière plus générale, la question de la santé des personnes démunies a été l'un des sujets importants du comité interministériel de lutte contre les exclusions du 21 janvier 2013 et plusieurs mesures ont été prises, en particulier le relèvement du seuil de la CMU, pour permettre à davantage de nos concitoyens de bénéficier d'un accompagnement de qualité.
Dans les villes les plus populaires, les études des observatoires régionaux de santé convergent pour démontrer que l'accès à la santé est l'un des enjeux de la réussite de la politique de la ville.
Les constats sont éloquents. Les problématiques de santé sont plus particulièrement concentrées dans nos quartiers. La pauvreté et la précarité accentuent les souffrances psychiques, l'exercice de métiers très pénibles conduit à une progression constante du taux de versement de l'allocation adulte handicapé, un quart des affections de longue durée concerne des maladies diabétiques. Enfin les troubles de l'alimentation, l'obésité des plus jeunes, les problèmes dentaires, les troubles de la vue peu identifiés sont autant d'obstacles à l'accès à l'emploi et à l'insertion professionnelle. Les rapports de l'observatoire national des zones urbaines sensibles établissent que le renoncement aux soins, notamment pour des raisons économiques, y est plus fréquent. Enfin la densité des professionnels de santé par habitant y est deux fois moins importante qu'ailleurs, en particulier pour les médecins spécialistes et les infirmiers.
Il faut également souligner la difficulté des jeunes médecins à s'installer en plateau, même dans nos villes périphériques, en raison des prix trop élevés du foncier.
Élue d'une circonscription dite populaire, qui comprend notamment les villes de Vaulx-en-Velin, Rillieux-La-Pape et Bron, je me félicite de la signature d'une convention triennale d'objectifs pour les quartiers populaires entre le ministre de la ville et la ministre de la santé, fruit de la volonté du Gouvernement de rétablir l'égalité dans nos quartiers et dans nos villes de banlieues.
Les agences régionales de santé seront désormais associées à la préparation, à la signature et au pilotage des contrats de ville 2014-2020. L'objectif est de réduire les phénomènes de renoncement aux soins.
Quelles orientations allez-vous donner aux ARS qui parfois privilégient les villes centres au détriment des zones sensibles, en particulier parce que certains professionnels de santé, pour des raisons diverses liées à l'éloignement ou à la crainte de perdre une clientèle, refusent de s'installer en périphérie ? J'ai connu le cas dans ma circonscription.
Je vous remercie ainsi, madame la ministre, de nous donner des éléments sur le futur cahier des charges des agences régionales de santé.
Madame la députée, vous avez raison de souligner la situation particulière et parfois préoccupante de certains de nos territoires. C'est pour cette raison que je me suis rendue, avec mon collègue François Lamy, à Gennevilliers il y a quelques jours afin de signer une convention entre nos deux ministères qui fait de la prévention et de l'accès à la santé des populations confrontées à des difficultés sociales, quand elles ne sont pas marginalisées, une priorité affirmée.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire qu'à trente-cinq ans, l'espérance de vie d'un ouvrier soit inférieure de sept ans à celle d'un cadre, ni qu'au même âge son espérance de vie en bonne santé soit de dix ans inférieure à celle d'un cadre. Nous ne pouvons pas nous satisfaire, alors que tout le monde constate les méfaits de l'augmentation de l'obésité dans notre pays, qu'un enfant d'ouvrier ait dix fois plus de risques d'être obèse qu'un enfant de cadre. Nous devons apporter des réponses volontaristes et mettre en oeuvre de nouveaux instruments.
La convention que j'ai signée avec François Lamy prévoit précisément qu'un diagnostic de santé partagé sera réalisé dans ces territoires, et que les actions de la politique que je mène seront mises en oeuvre en priorité. Ainsi, à Gennevilliers, nous travaillons sur la construction d'une maison de santé pour attirer les jeunes médecins et favoriser le décloisonnement entre les différents acteurs de santé.
Les agences régionales de santé sont mobilisées, je leur ai demandé de s'impliquer, et pour la première fois elles seront systématiquement signataires des futurs contrats de ville, ce qui veut dire que l'ensemble des administrations en charge des enjeux de santé sera pleinement mobilisé au soutien des populations les plus fragiles de notre pays.
Nous revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Guénhaël Huet.
Madame la ministre, je crois que vous avez déjà été interrogée sur le sujet que je vais évoquer, mais cela montre combien il est sensible. Je veux parler du problème de la désertification médicale.
Aujourd'hui, 210 000 médecins sont inscrits à l'ordre et, selon l'atlas de l'ordre national des médecins, le nombre de médecins qui s'installeraient aurait augmenté de 6 % entre 2007 et 2012 et augmentera probablement de 5 % entre 2012 et 2017.
Cela étant, on sait que ces chiffres globaux cachent des disparités régionales très importantes et que, si la moyenne est de 305 ou 306 médecins pour 100 000 habitants, elle est de 360 dans la région Provence Alpes Côte d'Azur contre seulement 210 ou 215 en Picardie.
S'ajoute à ces disparités régionales l'âge moyen des généralistes. C'est un sujet de préoccupation pour tout le monde et je ne veux pas en faire une question de politique politicienne car, depuis plusieurs années, tous les gouvernements se sont attelés en vain à cette tâche.
Plusieurs voies sont possibles. L'on peut tout d'abord accorder des aides aux étudiants en médecine ou aux médecins qui s'installeraient dans les zones désertées. L'on peut aussi, à l'autre bout de la chaîne, prendre des mesures contraignantes.
Je sais que le sujet est difficile et que les gouvernements hésitent, comme l'âne de Buridan qui, à force de ne pas choisir la meule de foin qu'il allait manger, a fini par mourir de faim. Il faudrait donc que l'on choisisse entre des mesures libérales et des mesures contraignantes, ou peut-être mélanger les deux.
Je voudrais par ailleurs vous interroger sur votre idée de mettre en place un numerus clausus régionalisé qui pourrait être un début de réponse à ces disparités régionales.
Monsieur le député, le Gouvernement n'est pas l'âne de Buridan car il a choisi. Il a choisi d'inciter, de faire confiance, de mobiliser l'ensemble des acteurs pour répondre au défi absolument fondamental que vous avez évoqué.
L'on parle des « déserts médicaux » depuis un certain nombre d'années, mais au fond, peu de mesures fortes ont été prises. Il est temps aujourd'hui de mobiliser l'ensemble des leviers dont nous disposons. Ce ne sont pas des aides financières qui, à elles seules, résoudront les problèmes. Ce ne sont pas simplement des mesures en direction des étudiants. C'est tout un ensemble de mesures qui permettra d'adapter la formation des jeunes professionnels de santé et de les inciter à aller s'installer dans des territoires isolés. Ces mesures vont valoriser et renforcer le travail en équipe qui, aujourd'hui, correspond mieux aux attentes des jeunes professionnels que l'exercice solitaire dans un cabinet isolé.
Puis, ce sont des mesures d'investissement dans ces territoires qui souffrent d'un déficit de professionnels de santé. Je ne crois pas que ce soit en fragilisant les hôpitaux de proximité que nous arriverons à mobiliser sur nos territoires des professionnels libéraux qui, à juste titre, font remarquer que, s'il n'y a plus de service public hospitalier, il n'y a pas de raison qu'eux-mêmes s'impliquent dans ces territoires.
Vous avez raison de dire, monsieur le député, que la question n'est pas celle du numerus clausus, car nous avons un nombre important de médecins. C'est celle de leur répartition et, de ce point de vue, je ne sais pas si un numerus clausus régionalisé serait une réponse adaptée. Nous pouvons y réfléchir, mais en vérité, si tous les médecins vont s'installer dans les centres-villes des capitales régionales, le problème ne sera pas réglé pour autant.
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement est pleinement mobilisé, et encore une fois, monsieur le député, il a fait le choix de l'incitation.
Madame la ministre, selon l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, les travailleurs frontaliers bénéficient à titre dérogatoire d'un droit d'option pour leur assurance de soins. Ils peuvent ainsi choisir de s'affilier auprès du régime fédéral d'assurance maladie – la LAMal –, du régime général de sécurité sociale – la CMU – ou d'une assurance privée.
Cette troisième option en faveur des contrats privés doit cesser au 31 mai 2014. Or cette échéance suscite de vives inquiétudes chez les travailleurs frontaliers, dont près de 95 % bénéficient d'un contrat d'assurance privée, système parfaitement adapté à leur situation.
Par conséquent, la disparition brutale de ce dispositif aurait des effets désastreux tant pour les travailleurs frontaliers que pour l'économie des zones transfrontalières.
L'économie escomptée par Bercy a certes été évaluée à 400 millions d'euros mais cette estimation est purement comptable et ne prend pas en compte la réalité : le coût généré par un éventuel retour de dizaines de milliers de frontaliers dans le giron de la CMU ; l'organisation qu'il faudra, pour gérer cet afflux, aux hôpitaux et aux praticiens des zones frontalières, qui souffrent déjà d'une pénurie de personnel soignant et de délais très longs pour certaines spécialités ; l'inadaptation de la couverture CMU qui ne permet pas d'être soigné des deux côtés de la frontière, sauf autorisation expresse ; enfin, l'impact sur l'économie locale du fait de la baisse du pouvoir d'achat des frontaliers, mais aussi de la diminution substantielle du chiffre d'affaires des cabinets d'assurance, qui risque de se traduire par des licenciements.
De nombreux parlementaires des sept départements concernés, de tous bords politiques, et des associations de travailleurs frontaliers se sont fait l'écho de ces lourdes conséquences. L'une d'entre elles vous a même remis en février dernier une étude d'impact.
Le Gouvernement a également demandé à l'IGAS un rapport en vue de préparer le PLFSS 2014 de septembre. Quand rendra-t-elle son rapport ? Les associations et élus concernés seront-ils associés dans un esprit de concertation ?
Au regard des enjeux précités, madame la ministre, entendez-vous pérenniser le libre choix et cette dérogation au-delà de 2014 ?
Madame la députée, vous avez parfaitement présenté la situation. Je n'y reviens donc pas.
La loi permet aujourd'hui un système dérogatoire en matière d'assurance maladie pour les travailleurs frontaliers avec la Suisse. Cette dérogation prend fin le 31 mai 2014, ce qui veut dire que les transfrontaliers affiliés à une assurance privée devront alors rejoindre la sécurité sociale. Le Gouvernement a choisi de ne pas anticiper cette date, de mettre en oeuvre une concertation et de consulter l'ensemble des personnes concernées. Cette consultation a d'ailleurs commencé puisque des réunions de travail ont eu lieu, rassemblant les associations de représentants des transfrontaliers concernés, le ministère de l'économie et des finances et mon ministère.
Cela étant, la description que vous avez faite, madame la députée, est très éclairante. L'enjeu est aussi un enjeu d'équité. Lorsque ces transfrontaliers sont jeunes et en bonne santé, ils vont vers des assurances privées qui leur permettent de payer une cotisation moins élevée tout en bénéficiant d'une prise en charge de qualité. Dès lors qu'ils sont confrontés à des problèmes de santé plus importants, le retour à la sécurité sociale devient plus intéressant pour eux.
Or le fonctionnement même de notre sécurité sociale suppose qu'il y ait de l'équité entre les malades et les bien-portants, entre les jeunes et les moins jeunes, entre les générations comme entre les populations. En tant que ministre des affaires sociales et de la santé, c'est à cette équité que je suis attachée et je souhaite qu'elle soit présente dans les discussions que nous aurons avec l'ensemble des représentants des associations et des transfrontaliers suisses.
Nous revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.
Madame la ministre, ma question concerne la saturation, devenue chronique, de nos services d'urgences.
L'activité croissante des services d'urgence en France rend les missions dévolues à ces services de plus en plus difficiles au vu de la saturation trop fréquente de ces structures. Les urgences vitales sont noyées dans un flux continu d'urgences relatives ou de demandes de consultation de médecine générale.
La DREES – la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – souligne que le nombre de prises en charge aux urgences a fortement augmenté, passant de 14 millions en 2002 à 18 millions en 2011.
L'origine de cette saturation est multifactorielle.
L'absence de disponibilité de lits d'aval de court ou de moyen séjour représente une problématique récurrente. Le dispositif « Hôpital en tension» est activé de façon régulière, mais cela reste souvent insuffisant.
Avec la désertification médicale, conséquence d'une politique de réduction du nombre de médecins généralistes et de la volonté légitime des médecins d'améliorer leurs conditions de vie, les patients, bien souvent, n'ont pas d'autres recours que celui des services d'urgences.
La fidélisation des médecins urgentistes est également problématique. Les jeunes médecins, souvent attirés par cette spécialité, montrent une démotivation après quelques années et décident de changer d'exercice.
Les professionnels du secteur ont de nombreuses attentes : la nécessaire interaction avec la médecine de ville ; la mise en place de médecins correspondants dans les zones rurales ; l'organisation de filières de soins hospitaliers et de médecine générale au sein des urgences ; la fluidification du passage des urgences vers les lits d'hospitalisation de court ou moyen séjour.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l'action que compte mener le Gouvernement pour améliorer l'organisation des services d'urgences dans notre pays ?
Madame la députée, la situation de nos services d'urgences est un enjeu important pour l'avenir de notre système de santé et pour l'organisation de notre secteur hospitalier.
Vous avez parfaitement décrit la situation. Je veux dire de façon très claire que, même si viennent aux urgences des patients qui n'ont sans doute pas besoin d'y venir d'un point de vue médical, il convient de les prendre en charge dans des conditions satisfaisantes. Je veux saluer le travail remarquable que font les personnels hospitaliers, les personnels des services d'urgences qui ont pour seule préoccupation de soigner, d'accompagner et de soutenir.
Mais la situation que vous décrivez explique que les délais d'attente dans les services d'urgences soient parfois assez longs, ce qui provoque de l'agacement et des tensions. Aussi, dans certains hôpitaux, j'insiste sur ce point, les médecins font en sorte que les urgences les plus graves soient traitées rapidement, laissant attendre – peut-être trop parfois au regard des besoins – ceux qui nécessitent des soins médicaux moins importants.
Nous devons donc travailler dans plusieurs directions.
Nous devons d'abord faire en sorte qu'en amont, l'organisation de la médecine en ville permette, à travers des permanences de soins renforcées, des horaires de rendez-vous élargis et des pôles pluridisciplinaires de santé mieux organisés, d'accueillir des patients et de soulager ainsi les services d'urgences.
Nous devons aussi faire en sorte que les patients qui entrent aux urgences puissent trouver des services où se rendre ensuite sans rester trop longuement dans les couloirs ou dans les lits des services d'urgences. J'ai proposé la création de gestionnaires de lits d'aval et ce dispositif se met en place dans certains hôpitaux. J'aurai prochainement l'occasion de visiter un hôpital dans lequel cette expérimentation donne de très bons résultats. Nous avons là des pistes à explorer qui doivent permettre de renforcer l'attractivité des services d'urgences pour les professionnels de santé et d'améliorer la qualité de la prise en charge pour les Français.
Nous en revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, dernière oratrice inscrite.
Madame la ministre, ma question concerne la prise en charge des soins optiques.
Selon une étude publiée hier, le 23 avril, la France est le pays d'Europe où les lunettes sont en moyenne les plus chères : près de 13 millions de paires de lunettes sont vendues chaque année en France et il apparaît qu'un équipement – verres et monture – est vendu en moyenne 393 euros hors taxe, c'est-à-dire 470 euros TTC pour le consommateur.
Or la vue de chacun évolue dans le temps et nécessite de recourir plusieurs fois dans une vie à une telle dépense. Cette situation entraîne des difficultés grandissantes pour un nombre croissant de personnes atteintes de troubles de la vue.
En raison d'une prise en charge insuffisante des frais d'optique, certains patients sont dans l'impossibilité de s'équiper afin de corriger leur handicap. Nous savons, et vous le savez aussi, que le recours à la mutuelle n'apporte pas une solution à cette situation problématique. Même avec une mutuelle, le reste à charge paraît excessif pour les assurés et il serait souhaitable de le réduire.
Le renoncement à ces soins essentiels est parfaitement insupportable et inacceptable. Chacun doit avoir accès aux soins. C'est un principe de justice et d'égalité auquel je suis, comme nous tous, très attachée.
J'axe mon intervention sur les dépenses d'optique, mais ce renoncement aux soins existe dans d'autres domaines comme les soins dentaires, notamment le recours à des appareils d'orthodontie ou les traitements dentaires spécifiques.
Ma question est simple : le Gouvernement est-il résolu à intervenir au niveau du régime de base, c'est-à-dire au niveau des régimes obligatoires, pour réduire le montant restant à la charge des assurés en matière d'optique ?
Madame la députée, vous évoquez un sujet qui préoccupe grandement nos concitoyens.
On estime à environ 20 % le nombre de nos concitoyens qui ont renoncé à des soins ou les ont reportés pour des raisons financières.
Lorsque l'on regarde de plus près ce que recouvrent ces renoncements aux soins, on s'aperçoit que l'optique et les soins dentaires font partie des renoncements les plus importants et les plus fréquents, notamment pour les raisons que vous évoquez. Celles-ci ont été rappelées par une étude publiée hier qui, s'agissant des frais d'optique, montre que les lunettes coûtent très cher.
Vous dites qu'une couverture complémentaire ne sera pas suffisante et qu'il appartient à l'assurance maladie de prendre en charge une part accrue de ces frais. Depuis des années, les lunettes et les frais de soins dentaires sont principalement – bien qu'insuffisamment – remboursés par les organismes complémentaires. Mais que dit l'étude d'hier ? Que le prix des lunettes est trop élevé par rapport au coût de production. Pourquoi voulez-vous que la sécurité sociale prenne à sa charge le remboursement ou le paiement des lunettes que les industriels facturent trop cher ?
La question ne se pose pas seulement en termes de prise en charge collective du prix des lunettes ou des lentilles de contact par l'assurance complémentaire ou par l'assurance maladie ; il s'agit aussi de diminuer le prix des produits proposés à nos concitoyens. Des discussions devront avoir lieu sur ce sujet. La mise en place de réseaux de soins peut également favoriser la baisse des prix de l'optique.
Madame la députée, le Gouvernement est très attentif à cette situation, mais il n'appartient pas à la collectivité de payer pour que certaines entreprises puissent réaliser des profits importants.
Nous avons terminé la séance de questions à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi ;
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron