Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 15 mai 2013 à 15h00
Adaptation dans le domaine de la justice au droit de l'union européenne et aux engagements internationaux de la france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Mesdames les ministres, le groupe UMP ne vous reprochera pas de mettre en oeuvre la procédure accélérée pour l'examen de ce projet de loi, tant il est important que notre assemblée, avant que le Parlement se prononce dans son ensemble, se penche, pour les approuver, sur les textes qu'il s'agit aujourd'hui d'examiner et élabore la meilleure des transpositions.

Ces textes sont importants et divers. On pourrait penser – vous l'avez d'ailleurs évoqué, madame la garde des sceaux – qu'ils sont de nature disparate, mais ils présentent tous la même caractéristique : cet ensemble composé de sept textes d'origine européenne et de quatre textes d'origine internationale montre, en un même moment, comment, tant en amont qu'en aval, le Gouvernement et le Parlement, dans chacun des pays de l'Union européenne, peuvent travailler utilement à façonner le droit tel qu'il doit s'appliquer à l'échelle européenne et à en permettre une déclinaison fidèle aux principes de chaque État membre.

Marietta Karamanli l'a rappelé, il s'agit de onze textes, que nous avons l'habitude de « visiter » régulièrement, pour certains d'entre eux, dans le cadre de la mission que nous a confiée le président de la commission des lois. Nous exerçons ensemble cette mission de veille européenne, qui nous permet de mesurer les limites de l'exercice, mais aussi d'apporter notre patte à ces textes, non pour le plaisir de voir le Parlement combler un éventuel oubli, mais pour améliorer – malgré une marge de manoeuvre que l'on dit réduite – l'efficacité et l'opérationnalité de textes décidés à l'échelle européenne ou internationale. Ces textes, nous devons les faire nôtres pour qu'ils soient efficaces.

Fidélité, donc, aux textes de référence, mais parfois, c'est le cas dans ce projet de loi, des choix à opérer au moment de la transposition avec plus ou moins d'audace. Je voudrais dire, au nom du groupe UMP, madame la rapporteure, que, grâce à vous, l'audace a été plutôt bénéfique, car nos travaux ont contribué à améliorer le texte et à le rendre plus efficace. Il va dans le sens souhaité par le Gouvernement, ce qu'ont exprimé les ministres, au nom de la nation tout entière, dans leurs deux interventions complémentaires.

Pour en venir plus précisément au projet de loi, il s'agit de sept textes européens et de quatre textes de nature plus internationale. Il faut insister sur le fait que c'est la première fois, depuis l'entrée en vigueur au 1er décembre 2009 du traité de Lisbonne, que nous avons à transposer des directives de nature européenne dans le droit pénal français. Il n'est pas négligeable de le rappeler – Marietta Karamanli l'a souligné –,depuis le traité de Lisbonne, feu le troisième pilier a cédé la place à la communautarisation de la coopération policière et judiciaire pénale à l'échelle européenne.

Je ne passerai pas en revue tous les textes qui ont été évoqués. Ils sont tous facilement compréhensibles et la commission a fait un travail fidèle pour ce qui est de leur application. Je voudrais néanmoins revenir sur deux articles qui ont fait l'objet d'explications de la part du Gouvernement et de la commission : il s'agit des articles 7 et 8, qui portent plus particulièrement sur Eurojust et sur l'évolution, que nous attendons depuis maintenant plus de dix ans, vers un parquet européen et une meilleure coordination, afin que la criminalité transnationale, qui est importante et ne cesse de se développer à l'échelle du continent, puisse enfin être endiguée d'une manière mieux coordonnée, concertée et efficace.

Les articles 7 et 8 permettent des adaptations significatives : l'extension de trois à quatre ans de la durée du mandat du représentant national auprès d'Eurojust, désormais appelé « membre national » ; l'extension des possibilités d'action d'Eurojust aux fins de lui permettre de coordonner et de faciliter l'exécution des demandes d'entraide judiciaire émises par ou à destination d'un État tiers ; la possibilité de signaler au collège d'Eurojust les difficultés ou les refus rencontrés dans l'exécution de demandes d'entraide ; la création d'une procédure de recommandation écrite d'Eurojust aux autorités judiciaires nationales ; les dispositions nécessaires pour qu'Eurojust puisse accéder, dans des conditions identiques à celles des autorités judiciaires, aux informations contenues dans les fichiers ; enfin, une rédaction plus précise des situations où les autorités judiciaires ont l'obligation d'informer Eurojust.

À ce propos, je tiens à dire que nous avons, au sein de la commission des lois, grâce au travail de notre rapporteure, pleinement utilisé les possibilités qui s'offraient à nous. Nous aurions pu nous contenter d'un strict respect, d'une stricte transposition de la directive. Notre rapporteure, que tous les membres de la commission ont suivi, a souhaité aller au-delà – vous l'avez évoqué tout à l'heure, madame la garde des sceaux. Je ne crois pas que cela pose problème, tant au plan juridique que politique. Il faut parfois être audacieux au plan politique pour anticiper l'efficience juridique des textes qui nous sont soumis. C'est dans l'air du temps, c'est le sens de l'histoire que d'aller, à la fois audacieusement et raisonnablement, vers la création de ce parquet européen. Les ajouts proposés par la commission sont à ce titre tout à fait consistants. Par exemple, substituer à un simple pouvoir de proposition un pouvoir décisionnel est important. Il fallait le faire et, même si nous avons bien entendu ce qu'a dit Mme la garde des sceaux, je crois qu'elle ne doit avoir aucune inquiétude à ce sujet. Nous sommes pour notre part tout à fait sereins.

Par ailleurs, le projet de loi transpose quatre instruments internationaux : le protocole additionnel aux conventions de Genève de 1949 et le « cristal rouge » ; la résolution 1966 de 2010 instituant un mécanisme international chargé d'exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux ; la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ; enfin, un texte extrêmement important, la convention d'Istanbul du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Mesdames les ministres, je terminerai mon propos par ce sujet.

S'agissant des violences – auxquelles a trait l'article 1er –, la traite des êtres humains est un sujet fondamental sur lequel nous n'avons pas le droit de donner le moindre sentiment d'un ralentissement de notre action ou d'une altération de notre volonté. Nous ne devons pas donner l'impression de piétiner devant la masse de questions à traiter.

J'ai entendu, madame la ministre des droits des femmes, ce que vous avez dit à propos des deux amendements que je défendrai tout à l'heure concernant la lutte que nous devons mener dans notre pays contre la prostitution, cette violence ultime faite aux femmes. Il nous faut saisir l'occasion d'un texte comme celui-ci pour afficher notre détermination à responsabiliser la société tout entière face au fléau de la traite des êtres humains et à l'une de ses manifestations les plus douloureuses, les plus incroyables, les plus inacceptables qu'est la prostitution.

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