Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le texte sur lequel nous allons nous prononcer vise à transposer divers textes de l'Union européenne et divers instruments internationaux, adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe et des Nations unies. Il s'agit également de mettre notre droit en conformité avec deux arrêts, l'un de la Cour de justice de l'Union européenne, l'autre de la Cour européenne des droits de l'homme.
Par ce projet de loi, nous allons adapter notre législation pénale aux normes européennes et internationales dans des domaines aussi différents que la prévention de la traite des êtres humains, le renforcement d'Eurojust ou encore la protection des personnes contre les disparitions forcées.
Notre discussion précède l'examen d'un projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Une partie de la journée et de la soirée sera donc consacrée à la transposition de textes européens et internationaux. On peut regretter ce recours à des « TGV législatifs » aussi denses sur des sujets d'importance. La commission des lois a certes adopté une centaine d'amendements. Mais cette manière de procéder amoindrit la portée de notre travail parlementaire, d'autant qu'il s'agit d'un exercice contraint.
Contraint, car la plupart de ces textes doivent être transposés dans l'urgence : parmi eux, les deux décisions-cadres, la décision sur le renforcement d'Eurojust, ainsi que la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, auraient déjà dû faire l'objet d'une transposition dans notre droit interne.
Contraint, car, en ce qui concerne les directives, la France court toujours le risque de se voir infliger des sanctions financières, amendes forfaitaires et astreintes journalières, qu'en application du traité de Lisbonne, la Cour de justice peut désormais prononcer dès le premier arrêt de manquement. En outre, rappelons qu'à compter du 1er décembre 2014, la Cour de justice disposera des mêmes compétences en matière de décisions-cadres. Il est donc indispensable de limiter ces condamnations qui, rejaillissant sur nos finances publiques, seraient pour le moins malvenues dans le contexte actuel.
Certes, sur le plan de la transposition des textes européens, la situation de la France s'est nettement améliorée depuis une dizaine d'années. Nous ne sommes plus, comme nous l'étions en 2002, au dernier rang des États membres, avec le nombre le plus élevé de directives en retard et de procédures d'infractions pour transpositions incorrectes. Néanmoins, la France peut encore progresser, ne serait-ce que pour consolider sa place dans les négociations au sein de l'Union européenne. On ne peut prétendre exercer un leadership politique en Europe en restant un mauvais élève en matière de transposition. Nous devons encourager les initiatives qui vont dans le sens d'une amélioration, à l'instar de la série de mesures prises en 2011, qui prévoient notamment la réservation d'un créneau parlementaire, afin d'éviter que de tels retards ne se reproduisent ou ne s'aggravent.
Le Parlement, s'il est tenu de procéder à des transpositions exhaustives et fidèles, dispose néanmoins d'une certaine marge de manoeuvre. Il doit jouer pleinement son rôle normatif au stade de la transposition des textes européens ou de l'adaptation de notre législation au droit international.
Sur le fond, le projet de loi comporte un caractère inédit. Pour la première fois de son histoire, la France s'apprête à transposer dans son droit interne des directives pénales, premiers éléments de droit pénal adoptés par l'Union européenne dans le nouveau cadre institutionnel issu du traité de Lisbonne. Celui-ci permet en effet à l'Union de légiférer en matière de rapprochement des législations pénales en adoptant des directives transposées ensuite par les États membres. Ce faisant, nous franchirons une étape importante de la construction de l'espace pénal européen qui, depuis le traité de Maastricht en 1992, se concrétise un peu plus chaque jour.
Ces textes s'inscrivent également dans le programme de travail établi par le Conseil européen en matière pénale, qui nous amènera à modifier et adapter une part importante de notre droit pénal et de notre procédure pénale. L'adoption du projet de loi nous fera donc franchir une étape supplémentaire sur la voie de l'établissement d'un véritable espace pénal européen.
En l'espèce, outre la transposition des quatre instruments internationaux, les sept textes européens intégrés dans le projet de loi comportent plusieurs avancées. Ils introduiront dans le code de procédure pénale un article relatif au droit à la traduction des pièces essentielles à la défense et à la garantie du caractère équitable du procès. Ils procéderont à quelques adaptations de la prévention de la traite des êtres humains et de la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants. Ils harmoniseront et approfondiront les instruments et les mécanismes mettant en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle, renforçant notamment la confiance réciproque placée par les États dans les décisions judiciaires prononcées par chacun d'eux.
En outre, le projet de loi comporte des dispositions essentielles relatives à la coopération judiciaire dans l'Union européenne, car il prévoit de transposer une décision destinée à renforcer l'efficacité opérationnelle d'Eurojust dans la perspective de la création d'un parquet européen. Il s'agit d'une étape cruciale pour l'avenir de l'espace judiciaire européen. L'ouverture des frontières a accru le développement de la criminalité transfrontalière sans que les États européens soient parvenus à enrayer cette prolifération. En inscrivant dans les traités le concept de parquet européen, compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices d'infractions entrant dans son champ de compétence, le traité de Lisbonne a constitué une étape capitale.
Fort de ces constats, le groupe UDI, profondément européen, votera en faveur du projet de loi, qui procède à des transpositions déterminantes. L'adoption du texte s'inscrit dans la logique de notre devoir de coopération loyale avec les autres États membres. Nous formons cependant le voeu qu'à l'avenir les conditions d'un tel travail de transposition soient, si possible, améliorées afin de donner plus de recul à la réflexion et aux améliorations que nous pourrons y apporter.