Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, il est vrai que les députés présents dans cette assemblée, aujourd'hui, sont en majorité des femmes !
Les violences domestiques et la traite des êtres humains sont des fléaux mondiaux qui touchent essentiellement les femmes. On estime à un milliard le nombre de femmes victimes de violences dans le monde. Fuyant les guerres, la misère économique, les violences, les mariages forcés, les mutilations sexuelles, les femmes candidates à la migration se retrouvent trop souvent dans les filets des réseaux mafieux. L'exploitation dont elles sont victimes prend des formes multiples, comme le travail forcé ou encore la prostitution.
Mesdames les ministres, on m'a alerté hier soir sur le sort des femmes syriennes, en Syrie et dans les camps de réfugiés des pays frontaliers. Même dans les camps sous contrôle du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, elles sont victimes de violences, de viols, de mariages forcés et de mariages de plaisir. Elles sont parfois même enlevées et emmenées dans des pays étrangers. La France pourrait peut-être alerter l'ONU sur ce sujet dramatique.
Le commerce du sexe constitue la troisième source mondiale de revenus illicites, après les armes et la drogue. « On dit que l'esclavage a disparu de la civilisation européenne. C'est une erreur. Il existe toujours. Mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s'appelle prostitution. » Cette déclaration de Victor Hugo date du XIXe siècle : elle est malheureusement toujours d'actualité.
La France est un pays de destination de cette traite. La transposition de la directive de 2011 sur la prévention de la traite des êtres humains est une avancée : elle ajoute de nouvelles incriminations liées aux prélèvements d'organes, à l'esclavage – Axelle Lemaire vient d'en parler – et au travail forcé. Toutefois, des questions subsistent. Mesdames les ministres, vous avez tenté d'y répondre ; j'aimerais pouvoir rassurer les associations sur ces aspects.
La définition actuelle de la traite des êtres humains figurant dans le code pénal français dépasse, sur certains points, les exigences des instruments internationaux. Les violences, l'abus d'autorité ou de vulnérabilité constituent des circonstances aggravantes en droit français. Or ces actes sont considérés comme des éléments constitutifs de l'infraction par la directive de 2011. Le projet de loi conduit donc à prendre en compte les moyens employés par l'auteur au titre des éléments constitutifs de la traite. Pour les mineurs, en revanche, l'infraction sera constituée sans tenir compte des moyens employés. Il y avait là, sans doute, un problème. On peut se demander s'il n'aurait pas été souhaitable de maintenir la définition plus protectrice de la traite tant pour les mineurs que pour les majeurs. Des associations, des avocats nous ont alertés sur ce point : ils craignent que cette modification trouble inutilement la lisibilité du droit français, sans améliorer pour autant la protection des victimes. Pouvez-vous, mesdames les ministres, nous rassurer sur ce point ? Cette définition n'est-elle pas moins protectrice pour les femmes qui souhaiteraient porter plainte ?
Par ailleurs, l'abaissement de dix à sept ans de la peine d'emprisonnement encourue par les auteurs de traite ayant fait emploi de contrainte envoie un signal négatif. Des amendements déposés sur ce texte devraient permettre de l'améliorer sur ce point. À cet effet, la délégation aux droits des femmes a proposé des amendements à l'article 1er qui ont été, je crois, acceptés par la commission des lois, ce dont je me félicite. Un autre amendement permet l'accompagnement des victimes par des associations qui peuvent se porter partie civile.
Les articles 16 et 17 de ce projet de loi transposent la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011. Cette convention précise que la violence faite aux femmes est « une forme de discrimination » et « désigne tous les actes de violences fondés sur le genre. » La notion de genre est définie précisément à l'article 3 de cette convention, qui rappelle que les femmes et les filles sont souvent exposées à des formes graves de violence, telles que le harcèlement sexuel, le viol, le mariage forcé, du fait même qu'elles sont femmes.
Une fois ce diagnostic posé, deux exigences sont formulées. Il convient, d'une part, d'éliminer toutes les formes de discriminations sexistes, et, d'autre part, de mettre en place un instrument juridique incluant ce que l'on appelle les « trois P » : protéger les femmes, poursuivre les auteurs, prévenir et éliminer ces violences. La délégation a proposé plusieurs amendements pour renforcer les sanctions qu'encourent les personnes incitant aux mutilations sexuelles.
Pour conclure, ces dispositions de transposition permettent d'harmoniser les législations européennes. Pour être efficace, cette politique doit être concertée au niveau européen. Plusieurs des orateurs qui se sont exprimés à cette tribune l'ont dit : il s'agit d'une nouvelle étape dans la construction de l'espace pénal européen.
Ces dispositions permettront également de conforter des textes en préparation que nous examinerons, dans cet hémicycle, dans un avenir proche. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, et comme le souhaite également Guy Geoffroy, notre délégation prépare une proposition de loi visant à respecter les engagements de la France en matière de lutte contre la prostitution. Je salue le travail réalisé au sein de la délégation aux droits des femmes par Maud Olivier, Guy Geoffroy, Ségolène Neuville, Monique Orphée et Edith Gueugneau, au sujet des violences faites aux femmes et de la traite.
Vous préparez d'ailleurs, madame la ministre, un projet de loi consacré aux droits des femmes, qui comportera un volet important sur les violences sexistes, de manière à compléter notre arsenal juridique. Pour être effective, la loi doit s'accompagner d'un ensemble de politiques publiques. C'est à cette condition que sera concrétisé le droit effectif auquel vous faites souvent référence.
L'action de la France dans ce domaine est observée à l'étranger. Les échanges récents à l'ONU lors de la 57e session de la Commission de la condition de la femme, à laquelle j'ai accompagné Mme Najat Vallaud-Belkacem, l'ont prouvé. Un engagement fort de la France en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences est attendu. Une véritable diplomatie des droits des femmes est en marche. Pour obtenir d'autres avancées, il faut poursuivre cette démarche avec la communauté internationale.
Consciente de ces enjeux, j'ai demandé à l'Assemblée nationale la création d'un groupe d'études sur le genre et le droit des femmes à l'international, que je coprésiderai avec Axelle Lemaire. Nous devons être volontaires et exemplaires. C'est un devoir de justice, une nécessaire solidarité et une exigence républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)