L'abaissement des frontières a bien pour conséquence d'aggraver la délinquance : vous avez raison de le dire. Madame la ministre, il est indispensable de lutter contre cet abaissement des frontières qui provoque une sorte de mécanique des fluides diabolique.
Je ne suis pas opposé à la transposition des textes luttant contre la traite des êtres humains, les violences faites aux femmes, la pornographie, les atteintes à la jeunesse, etc. Tout cela, c'est très bien ! Que les textes luttant contre les violences faites aux femmes soient transposés, c'est indispensable ! La convention d'Istanbul nous y oblige d'ailleurs. Permettez-moi de faire remarquer au passage qu'Istanbul est un lieu très bien choisi pour défendre les droits des femmes : il y a près de 91 ans, à l'époque d'Atatürk, le port du voile était supprimé, et voilà à présent que le port du voile revient en Turquie ! C'est une manière, dit-on, de libérer les femmes.
Quoi qu'il en soit, il n'y a rien à redire à la transposition de la convention d'Istanbul. Il est vrai par ailleurs que le projet de loi que nous examinons, madame la ministre, est – selon votre expression – un « matériau rétif et mal rédigé ». Vous aimez ce mot, « matériau » : il est tellurique, et très poétique. Nous sommes en effet loin de l'époque où Stendhal lisait le code civil avant de s'endormir.
Deux conceptions du droit s'affrontent : d'un côté, le droit romain, issu des Institutes de Justinien, et, de l'autre, le droit anglo-saxon. Nous touchons là à la disparition de notre norme juridique. Ces deux droits sont différents : le premier est statutaire, il définit et il prévoit, il est pérenne ; le second est adaptatif, il est fondé sur le système des précédents et fait de la réalité telle qu'elle apparaît une manière de définir le droit. Ce sont deux mondes différents : comme le disait Michel Villey, grand professeur de philosophie du droit, notre conception romaine offre la sécurité pour demain, alors que leur conception anglo-saxonne ne propose que l'incertitude. Malgré tout cela, nous transposons : allons-y !
Deux articles de ce projet de loi me préoccupent plus particulièrement. Je vous expliquerai les raisons de cette préoccupation, s'il me reste suffisamment de temps de parole. Prenons, pour commencer, le futur article L. 728-68 du code de procédure pénale. Un résident français condamné à une peine de prison par une juridiction étrangère, se trouvant sur le territoire français, est placé en détention provisoire.
Mais cet article interdit tout placement en détention ou sous bracelet électronique si la peine à exécuter est inférieure à deux ans. Voilà, votre circulaire est transposée ! Bravo ! C'est bien vu ! Aucun juge ne pourra plus condamner à l'enfermement, selon le principe de l'application des peines, un délinquant condamné à deux ans de prison !
Je conclurai en évoquant l'article 728-59 aux termes duquel il n'y a aucune possibilité de révision autre que dans l'État condamnateur. Nous sommes, à ce moment-là, obligés d'appliquer le texte en vigueur dans le pays qui condamne. Sait-on jamais, demain, un pouvoir communiste pourra apparaître quelque part et il faudra, alors, exécuter sans broncher sa décision.
Ces transpositions peuvent être inquiétantes !