Et inversement, sans aucun doute, mais en même temps, vive la différence ! C'est la condition de la curiosité et de l'échange, chacun portant ses mystères et ses secrets, chacun ayant quelque chose à apprendre et à délivrer à l'autre. L'altérité est bien la condition du dialogue, de la rencontre, de l'enrichissement individuel et collectif.
Il y a donc bien une ambivalence, mais on doit s'interroger – et le Parlement le fait depuis une dizaine d'années – sur la nécessité de maintenir ce terme dans la législation. Vous avez décidé de toucher à la législation, et il est vrai qu'il aurait été beaucoup plus compliqué de déposer une proposition de loi constitutionnelle.
Le rapporteur, la commission des lois et la chancellerie ont accompli ensemble un travail de grande qualité, et grâce au bon esprit de chacun, le texte a été amendé. La version initiale du texte proposait de supprimer le mot « race » sans le remplacer, ce qui nous faisait courir un risque de vide juridique et ce qui aurait rendu difficile la sanction des pratiques, des propos et des comportements délibérément et explicitement racistes. Vous avez finalement fait le choix de remplacer le mot « race » par des membres de phrase comportant des dérivés. Ce n'est pas toujours très heureux, mais il est assez fréquent, dans les textes de loi, que neuf articles sur dix fonctionnent bien, et que les choses soient plus compliquées pour le dernier.
Ce n'est pas toujours très heureux, disais-je, et cette formulation semble parfois faire perdre un peu de sa force au texte, mais il n'empêche : il me semble qu'il s'agit du meilleur compromis possible. Nous ne pouvions maintenir le terme « race », parce qu'il n'a aucun sens scientifique et parce qu'il a une signification philosophique inacceptable dans un ordre juridique fondé sur les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Mais en même temps, nous devions nous donner des moyens de sanction, puisque l'on constate encore, hélas, de nombreux actes de violence, des injures et des discriminations à caractère raciste.
Je pense que vous avez abouti à une proposition de loi qui se tient, et qui se tient même bien. Un amendement de Mme Capdevielle va modifier l'article 1er. Cet amendement est bienvenu, car la première rédaction de l'article faisait une référence un peu gênante. Il y a de la solennité dans la nouvelle rédaction, qui est bien meilleure puisqu'elle se réfère à la République et au fait que celle-ci interdit et condamne la référence à la race.
Je pense que vous êtes arrivés à un texte de loi qui mérite d'être adopté. En tout cas, le Gouvernement émettra un avis favorable. Il s'agit d'un acte nécessaire et noble, conforme à ce qu'est notre République. Cet acte est particulièrement fort dans la période où nous nous trouvons, puisque nous assistons, depuis quelques mois ou quelques semaines, osons le dire, à une résurgence du refus de l'autre et de la suspicion vis-à-vis de l'autre, à une libération de la parole – encore que le mot « libération » ne convienne pas dans ce cas-là –, et en tout cas à une désinhibition.
Monsieur Chassaigne, à votre air étonné, je me dis que je viens peut-être de faire un néologisme…