Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, après l'émotion suscitée par les propos d'Alfred Marie-Jeanne, il m'est difficile d'intervenir. Mais je voudrais souligner que la race, dans la taxonomie scientifique, est l'équivalent, dans le monde végétal, de la variété. Il était donc important de supprimer la variété, tels le pétunia, le thym, la sauge, le romarin, pour ne plus en faire des différences entre les êtres humains.
Je voulais aussi évoquer Alexandre Dumas, qui était un quarteron. L'une de ses grand-mères était noire. Qui s'en souvient ? Cette goutte de sang dont vous parliez, madame la ministre, il l'avait, ô combien ! Qui, à l'époque, qui encore aujourd'hui, oserait nier son immense humanité et la force des messages qu'il nous a laissés ? Victor Hugo ? Honoré de Balzac ? Certes, non ! Et encore moins Émile Zola qui, le premier, avec J'accuse, comprit que le racisme recouvrait aussi l'antisémitisme.
Pourtant, c'est au XIXe que les théories racistes, qui ont défini les races en en construisant le classement, en leur donnant une apparence scientifique, sont apparues, et c'est un Français, le comte Arthur de Gobineau qui, dans son Essai sur l'inégalité des races humaines, a théorisé le concept de race et l'a incarné dans des descriptions concrètes qui ont construit les ferments des mythes aryens dont on sait aujourd'hui les désastres qu'ils ont générés.
Juste après, le mot « race » est apparu en 1939 comme une protection, vous l'avez souligné, madame la ministre, mais n'a rien empêché du désastre. Cela n'empêcha pas non plus, vous l'avez souligné, monsieur Marie-Jeanne, qu'en 1945, subrepticement, on réintroduise le mot dans notre Constitution d'aujourd'hui. C'est de celle-là qu'il faudra l'extirper demain. Cette proposition de loi était bien nécessaire. J'en veux pour preuve l'obstination du groupe UMP – j'en suis désolée – à ne pas vouloir nous accompagner aujourd'hui dans cet hémicycle, en ce moment important et historique.
Je citerai simplement un grand monsieur, auteur il y a deux siècles et demi d'un grand texte : « Il n'est pas indifférent que le peuple soit éclairé : les préjugés des magistrats ont commencé par être ceux de la nation », écrivait Montesquieu en 1748 dans L'esprit des lois. Et il ajoutait : « En un temps d'ignorance, on n'a aucun doute, on fait les plus grands maux ; en un temps de lumières, on tremble encore lorsque l'on fait les plus grands biens. » En le paraphrasant deux siècles plus tard, je dirai à l'UMP qu'il est temps, après tant de douleur, de ne pas délaisser le bien au motif qu'on doute du mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)