Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 9h30
Amnistie des faits commis lors de mouvements sociaux — Présentation

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

À ce stade, fidèle à ces principes qui forment le coeur du pacte républicain, le Gouvernement n'est pas favorable aux dispositions du texte car il estime que, sur le plan de la rédaction, même améliorée, du texte et, surtout, sur la question des principes, les questions que je viens de poser ne sont pas levées en dépit de l'excellent travail de la commission des lois et de son rapporteur.

Mesdames, messieurs les députés, il subsiste néanmoins un débat d'une autre nature s'agissant des dispositions de l'article 11, qui visent notamment à amnistier les condamnations et actes de poursuite prononcés sur le fondement du délit de refus de prélèvement au fichier national automatisé des empreintes génétiques dit FNAEG.

Vous le savez, ce fichier centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions de nature sexuelle, mais aussi de très nombreux délits de vols, de menaces et d'atteintes aux biens. L'extension permanente du FNAEG a fini par rompre l'équilibre nécessaire en démocratie entre deux objectifs légitimes : la recherche des auteurs d'infractions, d'une part, et la protection des libertés individuelles, d'autre part.

Au 31 août 2012, le FNAEG contenait ainsi les profils génétiques de 2 039 874 individus, dont seulement celui de 398 698 personnes condamnées ! Des centaines de milliers de personnes, seulement suspectées et jamais condamnées, pour des faits de recels de vols, par exemple, se trouvent inscrites dans ce fichier pour une durée de vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans pendant lesquels les possibilités réelles d'effacement sont pratiquement inexistantes, selon les associations intéressées.

Certes, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà tracé des perspectives par deux arrêts du 22 juin 2010 dans une affaire où des militants d'un syndicat agricole avaient procédé au fauchage d'une parcelle de culture dite OGM.

Selon ces décisions, des militants ne peuvent plus, s'agissant du délit spécifique de destruction d'une parcelle de culture, faire l'objet de prélèvements biologiques en vue de l'alimentation du FNAEG. Dans ses attendus, la Cour de cassation a ainsi relevé que le législateur a entendu modifier l'appréciation qu'il faisait du besoin d'ingérence dans la vie privée au regard de la proportionnalité du but poursuivi. Elle a donc jugé qu'aucun prélèvement biologique ne pouvait plus être réalisé aux fins d'alimentation du FNAEG, même si les personnes avaient été condamnées sous la qualification de destruction grave de bien appartenant à autrui.

Ces jurisprudences illustrent, de notre point de vue, qu'un pressant travail s'agissant du délit prévu au premier alinéa du II de l'article 706-56 du code de procédure pénale est désormais nécessaire. L'article 11 de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui envisageait cette question.

Un autre cadre de travail et une autre perspective pourraient peut-être utilement améliorer l'équilibre entre la répression des auteurs d'infractions, d'une part, et la protection des libertés individuelles et collectives, d'autre part.

Le débat, en l'espèce, n'est pas seulement d'effacer pour quelques-uns les condamnations de justice, il porte surtout sur l'abrogation ou la modification de lois inadaptées !

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est opposé à toute amnistie, qui même appelée sociale, reste toujours une amnistie pénale.

Le Gouvernement considère que les circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier une amnistie événementielle au nom de la réconciliation nationale ne sont pas réunies, en l'espèce, avec les dispositions de cette proposition de loi.

Le Gouvernement reste ouvert au débat sur la question particulière du FNAEG.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai entendu des mots durs pour qualifier la position du Gouvernement, notamment celui de « trahison ». Mesdames, messieurs les députés, on ne trahit jamais personne quand on appelle seulement au respect des lois de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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