Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • amnistie
  • délit
  • motion
  • renvoi
  • syndicale
  • violence

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives (nos 760, 990).

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd'hui, en première lecture, la proposition de loi adoptée au Sénat le 27 février dernier. Ce texte a été rejeté par votre commission des lois, comme il l'avait d'ailleurs été par la commission des lois du Sénat,…

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Mais il a finalement été adopté par le Sénat !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

…ce qui témoigne des fortes interrogations que la notion d'amnistie peut susciter, tant au plan des principes juridiques que politiques.

Mesdames et messieurs les députés, au plan historique – le rapport de M. Dolez nous le rappelle –, il est communément admis que toutes les civilisations ont connu cette notion. Sans remonter à Solon, on peut ainsi rappeler que les Anciens faisaient déjà bien la différence entre l'oubli et la réhabilitation, cette amnistia qui a donné, en français, le mot « amnistie ».

Contrairement à certains commentaires trop rapides, l'amnistie ne se confond donc jamais avec l'amnésie. Elle tend, en des moments extraordinaires de l'histoire de notre pays, à organiser la réhabilitation des individus pour rechercher la concorde civique.

Après la Révolution, toutes nos Républiques firent de l'amnistie une prérogative du pouvoir législatif. La Constitution de 1958 perpétue cette tradition républicaine en son article 34, qui réserve donc cette matière au domaine de la loi.

Nous le savons : l'amnistie se distingue de la grâce, qui demeure une prérogative et un acte de clémence individuelle du Président de la République et qui met seulement un terme à l'exécution de la peine prononcée, sans effacer les mentions correspondantes au casier judiciaire.

Il convient donc d'observer que, si elle ne constitue pas une loi d'exception au sens juridique, cette loi d'amnistie est une démarche singulière pour le législateur que vous êtes, dans la mesure où elle consiste à effacer le caractère d'infraction de certains faits accomplis dans le passé en interdisant toute poursuite pénale, en interrompant l'exécution des peines et en effaçant les condamnations prononcées. En défaisant l'oeuvre de l'autorité judiciaire, le législateur défait ainsi la loi pénale qu'il a lui-même élaborée.

L'amnistie constitue une forme de l'ancien pardon pénal. Elle a pu être qualifiée de tradition républicaine par plusieurs ministres de la justice de notre pays, comme M. Toubon en 1995 ou M. Dominique Perben en 2002, qui justifiait alors l'utilité et la légitimité de l'amnistie par les nécessités de la réconciliation et de la cohésion nationales.

Si l'amnistie est une tradition de la Ve République, il convient de bien distinguer deux types d'amnisties parmi les quelque seize lois d'amnistie votées depuis 1958. Ces lois peuvent être réparties en deux catégories : les lois dites présidentielles, d'une part, et les lois dites événementielles, d'autre part.

La première catégorie, survivance du passé monarchique de notre République, fut celle des deux dernières lois adoptées sous les présidences de Jacques Chirac. Votées sous la Ve République après chaque élection présidentielle de 1959 à 2002, les lois d'amnistie dites présidentielles sont sans aucun doute les mieux connues, mais aussi les plus critiquées. Rappelons-nous que déjà, sous la IIIe République, alors que quinze élections présidentielles ont eu lieu, seules cinq d'entre elles ont été suivies d'une loi d'amnistie : la tradition dite républicaine est donc en réalité essentiellement celle de la Ve République. La légitimité de ces lois d'amnistie présidentielles a en outre été progressivement et heureusement remise en cause, principalement en raison de leur prévisibilité et des conséquences que celle-ci pouvait avoir sur certaines formes de délinquance. J'emploie volontairement le passé car cette tradition très critiquée, notamment par l'ensemble des parlementaires de gauche lors du débat sur la loi d'amnistie en 2002, a pris fin avec les engagements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande de renoncer à toute démarche d'amnistie après leur élection : c'est là un progrès de l'État de droit et du respect de l'égalité de tous devant la loi, un progrès que nous devons tous saluer.

La seconde catégorie renvoie plus directement au creuset de notre nation, à son histoire et à ses déchirures. La République a dû, à mesure qu'elle s'est établie dans les institutions et dans les esprits, cicatriser les plaies de l'histoire, après la Commune, après l'affaire Dreyfus, aux lendemains des guerres ou des événements violents qui déchirèrent la nation. Cette catégorie d'amnisties, que l'on pourrait qualifier d'événementielles, fait écho aux notions de générosité et de tolérance, indispensables à la réconciliation et à la cohésion nationales. Ces lois d'amnistie événementielles furent brillamment défendues ici, notamment par le parlementaire Victor Hugo, qui rappelait : « La guerre civile est une faute. Sur une vaste faute, il faut un vaste oubli. Ce vaste oubli, c'est l'amnistie. » Ces amnisties ont été le prolongement d'événements exceptionnels, comme la guerre d'Algérie ou, plus récemment, les troubles en Nouvelle-Calédonie.

Mesdames et messieurs les députés, le texte voté par le Sénat le 27 février dernier peut-il se rattacher à cette histoire et à la catégorie des amnisties événementielles ? Tel est notre débat.

Au Sénat, Mme Klès s'était déjà attachée à exclure du champ du texte les faits de violences commis à l'encontre de dépositaires de l'autorité publique. M. Dolez, votre rapporteur, a eu lui aussi une position équilibrée, notamment sur le champ d'application de ce projet, ce qui a été salué en commission, y compris par les parlementaires de l'opposition.

Mais, comme le président Urvoas a pu le souligner, le texte que nous examinons aujourd'hui présente d'emblée un caractère particulier au regard d'une longue tradition de projets de loi des gouvernements qui se sont succédé depuis 1958.

Il n'est, en effet, pas d'usage qu'une proposition de loi seule vienne ainsi, isolément, traiter spécifiquement d'une telle question. Cette question est importante, mais elle ne nous paraît pas correspondre parfaitement à la catégorie des lois d'amnistie dites événementielles que je viens d'évoquer.

Par ailleurs, il est clair pour nous que le contexte économique extrêmement difficile des dernières années suscite des mouvements sociaux et revendicatifs particuliers. Nous avons ainsi parfaitement conscience que la souffrance sociale est grande et qu'une forme de violence peut naître de conditions sociales et de vie éprouvantes. Dans ce contexte, la liberté de manifestation et la liberté syndicale sont nécessaires en démocratie,…

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

…parce qu'elles enrichissent le débat en donnant à tous les moyens de s'exprimer.

Mesdames et messieurs les députés, nous sommes tous ici attachés à ces principes. Je le suis tout particulièrement. Nous pouvons donc comprendre que, du fait de la situation économique et sociale, certaines personnes soient conduites à défendre leurs droits fondamentaux, à défendre les services publics et la protection sociale. Cela étant, le vote d'une loi d'amnistie n'est pas une question de droit social, mais exclusivement une question de droit pénal.

Ce n'est pas le vote d'une loi d'amnistie qui est un marqueur de soutien aux organisations syndicales et de reconnaissance du rôle des salariés dans l'entreprise. Le Gouvernement s'est engagé sur ce chemin par d'autres voies en faisant le choix de la démocratie sociale, en permettant la présence des salariés dans les conseils d'administration et en soutenant la proposition de loi sur la reprise des sites rentables qui sera prochainement examinée par votre assemblée.

Mesdames et messieurs les députés, une loi d'amnistie est seulement une question de droit pénal, puisque, par définition, elle ne confère aucun droit nouveau aux salariés, ni pour aujourd'hui, ni pour demain.

Pour le Gouvernement, on ne peut traiter de la souffrance sociale par un traitement moral qui viendrait distribuer à telle ou telle catégorie le pardon public. Car nous devrions, de surcroît, recommencer régulièrement et discuter d'amnistie aujourd'hui sociale, demain, dans un autre contexte, politique, peut-être fiscale si l'on en juge par les propositions de parlementaires de l'opposition. Cela n'est pas satisfaisant.

J'observe d'ailleurs que pas plus tard qu'hier, d'autres mouvements politiques ou associatifs se sont manifestés pour exiger de vous aujourd'hui une extension de l'amnistie pour des conflits liés à l'éducation, à la santé, à l'environnement ou au droit des migrants.

Mesdames, messieurs les députés, personne ne peut s'exonérer du débat sur le respect de la loi républicaine. Et si l'on acceptait d'envisager sa remise en cause par le vote d'une loi d'amnistie, chacun comprendrait dès lors qu'il est quasi impossible de hiérarchiser la légitimité des transgressions à la loi. Chacun, parmi les exemples que je viens de citer et qui ont été évoqués hier lors d'une conférence de presse, pourrait alors revendiquer la légitimité de sa propre action.

Cette question, que vous ne pouvez ignorer, s'est même posée directement dans vos débats parlementaires en commission lorsque le rapporteur, M. Dolez, a été obligé de s'opposer à un amendement déposé par le groupe écologiste portant extension de l'amnistie aux faucheurs volontaires. Peut-il y avoir meilleure démonstration du fait que personne ne peut s'exonérer de la question de la hiérarchisation des transgressions et de la légitimité des actions qui entraînent une réaction pénale de par la loi. La légitimité d'une action relève de la conscience individuelle, elle ne saurait résulter d'un tri qui serait opéré par votre assemblée entre les bonnes légitimités et les mauvaises légitimités. Personne ne peut s'exonérer du débat préalable sur le respect de la loi républicaine.

C'est un principe auquel le Président de la République et le Gouvernement sont particulièrement attachés et qui mérite d'être rappelé en toutes circonstances, y compris pour répondre, dans cet hémicycle, à ceux qui invoquaient une prétendue « violence légitime » pendant les manifestations contre le mariage pour tous.

Je veux rappeler que, dans ces moments de fortes tensions, un parlementaire UMP a même cru pouvoir, ici, dans cet hémicycle, mettre en cause « la police de M. Valls ». J'ai dû alors lui rappeler que, en toutes circonstances, il n'y a pas de « police de M. Valls », mais qu'il y a la police de la République.

Comme M. Pietrasanta en commission, le Gouvernement considère que, dans une société tourmentée comme la nôtre, il est impératif d'affirmer que toute violence est contraire à l'ordre républicain et ne saurait constituer une réponse acceptable dans une société démocratique.

L'attachement à l'égalité devant la loi est au coeur et à l'origine de notre pacte républicain. Faut-il rappeler qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ?

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

À ce stade, fidèle à ces principes qui forment le coeur du pacte républicain, le Gouvernement n'est pas favorable aux dispositions du texte car il estime que, sur le plan de la rédaction, même améliorée, du texte et, surtout, sur la question des principes, les questions que je viens de poser ne sont pas levées en dépit de l'excellent travail de la commission des lois et de son rapporteur.

Mesdames, messieurs les députés, il subsiste néanmoins un débat d'une autre nature s'agissant des dispositions de l'article 11, qui visent notamment à amnistier les condamnations et actes de poursuite prononcés sur le fondement du délit de refus de prélèvement au fichier national automatisé des empreintes génétiques dit FNAEG.

Vous le savez, ce fichier centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions de nature sexuelle, mais aussi de très nombreux délits de vols, de menaces et d'atteintes aux biens. L'extension permanente du FNAEG a fini par rompre l'équilibre nécessaire en démocratie entre deux objectifs légitimes : la recherche des auteurs d'infractions, d'une part, et la protection des libertés individuelles, d'autre part.

Au 31 août 2012, le FNAEG contenait ainsi les profils génétiques de 2 039 874 individus, dont seulement celui de 398 698 personnes condamnées ! Des centaines de milliers de personnes, seulement suspectées et jamais condamnées, pour des faits de recels de vols, par exemple, se trouvent inscrites dans ce fichier pour une durée de vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans pendant lesquels les possibilités réelles d'effacement sont pratiquement inexistantes, selon les associations intéressées.

Certes, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà tracé des perspectives par deux arrêts du 22 juin 2010 dans une affaire où des militants d'un syndicat agricole avaient procédé au fauchage d'une parcelle de culture dite OGM.

Selon ces décisions, des militants ne peuvent plus, s'agissant du délit spécifique de destruction d'une parcelle de culture, faire l'objet de prélèvements biologiques en vue de l'alimentation du FNAEG. Dans ses attendus, la Cour de cassation a ainsi relevé que le législateur a entendu modifier l'appréciation qu'il faisait du besoin d'ingérence dans la vie privée au regard de la proportionnalité du but poursuivi. Elle a donc jugé qu'aucun prélèvement biologique ne pouvait plus être réalisé aux fins d'alimentation du FNAEG, même si les personnes avaient été condamnées sous la qualification de destruction grave de bien appartenant à autrui.

Ces jurisprudences illustrent, de notre point de vue, qu'un pressant travail s'agissant du délit prévu au premier alinéa du II de l'article 706-56 du code de procédure pénale est désormais nécessaire. L'article 11 de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui envisageait cette question.

Un autre cadre de travail et une autre perspective pourraient peut-être utilement améliorer l'équilibre entre la répression des auteurs d'infractions, d'une part, et la protection des libertés individuelles et collectives, d'autre part.

Le débat, en l'espèce, n'est pas seulement d'effacer pour quelques-uns les condamnations de justice, il porte surtout sur l'abrogation ou la modification de lois inadaptées !

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est opposé à toute amnistie, qui même appelée sociale, reste toujours une amnistie pénale.

Le Gouvernement considère que les circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier une amnistie événementielle au nom de la réconciliation nationale ne sont pas réunies, en l'espèce, avec les dispositions de cette proposition de loi.

Le Gouvernement reste ouvert au débat sur la question particulière du FNAEG.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai entendu des mots durs pour qualifier la position du Gouvernement, notamment celui de « trahison ». Mesdames, messieurs les députés, on ne trahit jamais personne quand on appelle seulement au respect des lois de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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La parole est à M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a été adoptée par le Sénat le 27 février dernier, mais rejetée par la commission des lois de notre assemblée.

L'amnistie qu'elle propose se justifie par un contexte de crise économique exceptionnelle, qui remet en cause notre modèle social et suscite dans la société angoisse et souffrance. Confrontés aux licenciements, aux fermetures d'entreprises ou à la dégradation de leurs conditions de travail, les salariés, avec leurs syndicats, dans des actions collectives et parfois dans des situations de désespoir, tentent de se faire entendre car ils n'ont que leur travail pour vivre. Cette mobilisation s'est parfois traduite par des manifestations ou des actions au cours desquelles des infractions ont pu être commises. C'est à cette souffrance et à cette angoisse, que ce texte portant amnistie entend répondre.

Mais il ne saurait y avoir d'ambiguïté : l'amnistie ne concernant, par définition, que les faits passés, elle ne peut valoir impunité pour l'avenir. Elle n'a évidemment pas pour objet de justifier les méfaits des casseurs et des voyous qui, en marge de certaines manifestations récentes ont pu commettre des dégradations ou des violences. Tout amalgame serait ici absolument inacceptable.

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Les syndicalistes ne sont pas des délinquants, mais des hommes et des femmes qui défendent avec énergie l'emploi, les salaires et les droits à la retraite. Des hommes et des femmes qui luttent pour le bien commun et les intérêts de tous les salariés.

Plusieurs critiques, que je crois infondées, ont été adressées à la proposition de loi tant sur le principe même de l'amnistie que sur la définition de son périmètre. C'est pourquoi je souhaite d'abord répondre à ces critiques avant, je l'espère, de convaincre du caractère justifié et équilibré du texte.

L'amnistie s'inscrit dans une longue tradition républicaine de réconciliation nationale par l'oubli et le pardon des fautes commises. Parmi les lois d'amnistie qu'a pu connaître notre pays, si les plus connues sont les lois d'amnistie dites « présidentielles », il y a aussi de nombreuses lois d'amnistie ponctuelles qui ont été votées pour effacer les séquelles d'événements douloureux. On dénombre seize lois d'amnistie depuis le début de la Ve République, auxquelles il faut ajouter neuf lois qui, sans avoir l'amnistie pour objet principal, comportaient des mesures en ce sens. Beaucoup de ces lois ont comporté une amnistie des faits commis dans le cadre de mouvements sociaux. C'est le cas, notamment, de l'article 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002.

Prétendre aujourd'hui que l'amnistie ne serait désormais plus légitime, c'est oublier que ce qui avait été critiqué en 2002 au moment du vote de la dernière loi d'amnistie, ce n'était pas le principe de l'amnistie elle-même, mais le principe des amnisties présidentielles. L'élément qui posait le plus problème dans l'amnistie présidentielle était sa prévisibilité, qui engendrait notamment un relâchement des conducteurs et une augmentation de la mortalité sur les routes.

Le choix de ne plus accorder une amnistie après chaque élection présidentielle ne saurait condamner l'amnistie en elle-même, qui relève du domaine de la loi selon l'article 34 de la Constitution, et que le législateur doit savoir utiliser lorsque les circonstances l'exigent. Rejeter l'amnistie par principe, ce serait, pour le législateur, se priver d'un outil de réconciliation et d'apaisement qui peut être utile dans les situations difficiles que traverse inévitablement un pays au gré de son histoire.

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Or tel est précisément le cas de la présente proposition de loi, qui répond à une situation de crise économique majeure et de souffrance sociale extrêmement forte.

La critique tenant au caractère trop large du périmètre de l'amnistie est également infondée, le Sénat ayant, à l'initiative du groupe socialiste, défini de manière très stricte les conditions pour en bénéficier.

L'amnistie proposée porte en effet sur une liste limitée d'infractions, à savoir les contraventions et les délits contre les biens, le délit de diffamation et le délit de menaces, sauf s'il a été commis à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

Aucune infraction de violence contre les personnes, même contraventionnelle, n'est amnistiée.

Pour pouvoir être amnistiées, les infractions doivent avoir été commises entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013. Elles doivent en outre être passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, et avoir été commises soit à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés ou d'agents publics, soit à l'occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes de logement.

À titre de comparaison, la présente proposition de loi est bien moins généreuse que la loi d'amnistie votée en 2002, qui définissait plus largement les circonstances ouvrant droit à l'amnistie : l'amnistie était en effet applicable aux délits punis de moins de dix ans d'emprisonnement, contre cinq ans dans le texte que nous examinons ce matin. De plus, la loi de 2002 n'excluait que certains délits de violences aggravées.

Il est donc difficile de soutenir que le périmètre de l'amnistie prévue par la présente proposition de loi est excessivement large : il est au contraire beaucoup plus ciblé que celui de toutes les mesures antérieures d'amnistie sociale.

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Certains ont également soutenu que la rédaction de la proposition de loi serait trop imprécise. Je concède que le texte du Sénat comporte effectivement une imprécision de rédaction : à l'article 1er, une erreur de rédaction a conduit à viser les activités syndicales « ou » revendicatives, au lieu des activités syndicales « et » revendicatives, comme dans les lois d'amnistie antérieures.

Cette erreur pourrait avoir pour effet d'amnistier les délits financiers commis dans la gestion des syndicats, ce qui n'est absolument pas l'esprit du texte. C'est pourquoi j'avais proposé à la commission des lois de rectifier cette erreur, et je réitère cette proposition aujourd'hui en déposant un amendement en ce sens.

Au-delà de cette difficulté rédactionnelle qui peut être levée sans mal, le texte ne saurait être qualifié d'imprécis. Ou alors, les mêmes critiques doivent être adressées à toutes les lois d'amnistie antérieures, dont la présente proposition de loi s'est inspirée.

Pour répondre aussi à une critique formulée lors de l'examen en commission, je précise que ce texte préserve pleinement les droits des victimes. Celles-ci ne seront évidemment pas privées de leur droit à indemnisation et pourront même bénéficier, dans le cadre de l'instance civile qu'elles engageront, des éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête pénale. Les articles 8 et 10 de la proposition de loi le prévoient sans la moindre ambiguïté.

Bref, le texte adopté par la Haute assemblée est le fruit de la recherche d'un point d'équilibre, ainsi que la garde des sceaux l'a d'ailleurs souligné au cours des débats.

M'inscrivant dans cette logique de recherche d'un point d'équilibre, j'avais proposé à la commission un certain nombre de modifications destinées à améliorer encore la cohérence du texte. J'avais notamment proposé un amendement précisant que, parmi les délits contre les biens visés au livre III du code pénal, seraient seuls amnistiés les délits de dégradation et destruction, afin de mettre en évidence de façon très claire que l'amnistie ne concernerait aucun autre délit, tel que le vol, l'abus de confiance ou l'escroquerie.

Dans le même esprit, j'ai redéposé les mêmes propositions d'amélioration du texte, en espérant trouver cette fois un écho favorable auprès du groupe majoritaire et du Gouvernement – même si l'intervention de M. le ministre ce matin me laisse peu d'espoir sur ce point.

En conclusion, et bien que la commission des lois l'ait rejetée, je vous invite, à titre personnel, à voter cette proposition de loi, car ce texte équilibré, qui s'inscrit dans la longue tradition républicaine de l'amnistie, trouve sa justification dans une situation économique et sociale particulièrement grave.

En votant cette amnistie sociale, notre assemblée, à l'instar du Sénat, enverrait aussi ce message fort de soutien, d'espoir et de solidarité qu'attendent ceux qui ont lutté pour leurs droits les plus fondamentaux et pour retrouver ainsi leur dignité. Je vous invite à ne pas manquer cette occasion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)

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La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le droit est une construction éminemment politique, qui s'inscrit toujours dans un contexte social.

C'est la raison pour laquelle j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, aujourd'hui comme pendant les réunions de la commission des lois, les arguments du rapporteur. Mais pas plus aujourd'hui qu'hier, je n'ai été convaincu par ses arguments, indépendamment de l'énergie qu'il met à les défendre.

Je me retrouve parfaitement dans le refus de la commission des lois de discuter ce texte, ou de s'y opposer s'il devait être discuté : cette commission a ainsi bien travaillé. J'entends dire qu'elle pourrait être à nouveau saisie pour remettre son ouvrage sur le métier.

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Que cet hémicycle entende que je n'en suis pas demandeur, et que je ne souhaite pas que la commission des lois retravaille sur ce texte.

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Je ne parviens pas à comprendre l'intérêt d'envoyer un signe qui m'apparaît inégalitaire et discriminatoire. En affirmant que des infractions commises n'étaient pas des infractions, ou que les délits commis pouvaient l'être, comment ne pas voir que nous risquons d'être accusés de créer une distorsion devant la loi – ce que le bon sens populaire appelle « deux poids, deux mesures » ?

En agissant ainsi, nous risquons selon moi d'affaiblir l'autorité de la loi, pilier de l'État de droit. Ainsi que M. le ministre l'a souligné, l'autorité de la loi est puissante parce qu'elle est impersonnelle et universelle. Or, à mes yeux, ce texte altère la légitimité de l'ordre juridique, et c'est d'autant plus préjudiciable que ce signe émanerait de ceux qui ont pour devoir d'incarner et de défendre l'autorité de la loi.

Je ne parviens pas à comprendre le sens du signe adressé à la justice. Certes, et M. le ministre l'a également rappelé, le principe des lois d'amnistie est constitutionnel. Mais ces lois apparaissent toujours pour les magistrats, pour les policiers, pour les gendarmes, comme un acte incompréhensible. Je trouve dommage et maladroit que cette majorité, qui s'enorgueillit à juste titre de son scrupuleux respect pour l'indépendance de la justice, envoie un tel signe.

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Cela me paraît contradictoire, et je trouve que cela fait désordre.

Je ne partage pas l'idée que l'action revendicative, quand elle est violente, soit juste. Sommes-nous certains que d'aucuns – même si j'ai entendu le rapporteur, et il sait combien je le respecte – n'y verront pas un encouragement ou une assurance à récidiver sans risque ?

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Par ailleurs, je pense à ces syndicalistes de l'entreprise Doux, dans ma circonscription, qui, bien que confrontés à des mesures sociales extrêmement dures, ont continûment veillé au respect scrupuleux de la loi : que dire à ces syndicalistes-là ?

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Vous n'allez pas opposer les syndicalistes entre eux, quand même !

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Servons-nous la cause du syndicalisme en effaçant les actes de ceux qui n'ont pas hésité à faire usage de la violence, même si elle n'est dirigée que contre les biens ?

Parce que la notion d'amnistie comprend l'idée de réconciliation…

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…après que des troubles ont gravement porté atteinte à l'unité nationale, parce que donner le sentiment d'instrumentaliser le droit n'est pas un bon signe, parce que le monopole de la violence doit être réservé à l'État, je crois que la commission des lois a bien fait de se prononcer contre ce texte qui lui était proposé. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et RRDP, et sur les bancs du groupe UMP.)

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Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le 27 février dernier, le Sénat a adopté la présente proposition de loi d'amnistie des faits commis lors de mouvements sociaux et d'activités syndicales.

À l'issue de ce vote, Mme la garde des sceaux Christiane Taubira soulignait que les parlementaires avaient fait « oeuvre de justice ».

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En effet, cette loi défendue par les parlementaires du Front de gauche vise à rendre justice à celles et ceux qui ont décidé d'agir pour sauver leurs emplois et leurs entreprises. Elle vise à faire un geste en direction des salariés en lutte. Elle vise à donner raison aux militantes et militants qui ont agi pour le droit au logement et pour la dignité de tous les salariés.

C'est la raison pour laquelle de nombreux militants, syndicalistes, associatifs, ainsi que de simples citoyennes et citoyens vont se mobiliser aujourd'hui à midi devant l'Assemblée nationale pour appeler à l'adoption de cette proposition de loi.

L'amnistie que nous proposons intervient en effet dans un contexte dramatique. La crise frappe d'abord les salariés : de l'agroalimentaire à la sidérurgie en passant par le textile ou l'automobile, des multinationales aux PME, aucun secteur n'échappe à la déferlante de plans sociaux qui touche le pays depuis plus d'un an. Le chômage atteint des records pendant que le pouvoir d'achat subit une baisse historique.

Dans cette tempête, le Gouvernement, loin de porter secours au monde du travail, a fait voter le coup de Trafalgar de l'Accord national interprofessionnel, cet ANI qui nous veut du mal. Puis il a annoncé qu'il refuserait tant l'amnistie sociale que notre proposition de loi d'interdiction des licenciements boursiers.

Or, dans la tourmente, la gauche ne peut pas et ne doit pas abandonner celles et ceux qui se sont battus face au MEDEF et à la droite, et qui agissent aujourd'hui pour le bien commun et pour la relance économique de la France.

C'est pour faire entendre ce message que nous appelons le Gouvernement et les différents groupes de la gauche à soutenir cette loi de justice.

Face à la violence sociale, la gauche doit s'enorgueillir d'être aux côtés de ceux qui luttent, de ceux qui ont été injustement condamnés pour des faits liés à des conflits du travail et à l'occasion des mouvements associatifs, dans des années de forte répression et de criminalisation de l'action syndicale.

L'amnistie est d'abord une tradition républicaine, votée à l'issue de l'élection présidentielle depuis des décennies. C'est Nicolas Sarkozy qui a fait sursis à ce rendez-vous. La gauche n'a pas à se prévaloir de cette jurisprudence Sarkozy. Il nous faut au contraire agir dans une logique de réconciliation et d'apaisement.

À l'opposé, la droite a voulu criminaliser les conflits sociaux et l'action syndicale. Le candidat de l'UMP, lors de la campagne présidentielle, en avait fait un de ses marqueurs politiques, reprenant en cela une thématique identitaire de l'extrême droite, et réalisant le rêve du patronat.

C'est pour tourner le dos à ce climat détestable que les parlementaires communistes ont déposé ce texte dès l'ouverture de la XIVe législature. L'ambition de cette proposition de loi est en effet de siffler la fin de la diabolisation de l'action syndicale.

Quelles sont, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le ministre, les infractions visées ? L'amnistie que nous proposons ne concerne pas les débordements constatés lors de certaines manifestations récentes, puisqu'elle ne vise que les faits antérieurs au 1er février 2013.

L'amnistie que nous proposons ne concerne pas les atteintes aux personnes. Elle concerne en revanche ces agents et syndicalistes d'EDF qui ont refusé de couper l'électricité à des familles précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Elle concerne ceux qui se sont opposés au licenciement d'une intérimaire handicapée ; elle concerne ces fonctionnaires de Roanne qui ont tagué des slogans sur la voie publique pendant un mouvement sur les retraites ; elle concerne ce jeune syndicaliste du Gard qui a jeté un oeuf sur les grilles d'une préfecture ; elle concerne cette jeune employée de PSA qui a élevé la voix contre un huissier ; elle concerne ce cheminot qui a donné un coup de pied dans un objet en direction d'une voiture de police ou encore ces syndicalistes qui ont refusé de se soumettre à des tests ADN.

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Nous sommes ici bien loin des caricatures véhiculées par la droite et par le patronat, et que vous relayez, selon lesquelles les syndicalistes ou les militants associatifs seraient de dangereux criminels. Bien loin aussi des chiffons rouges agités par certains qui veulent faire croire que cette loi exonérerait ceux qui s'en prennent à « l'outil de travail ». Rien n'est plus mensonger !

À ce titre, le discours de la droite et du MEDEF est d'un cynisme rare. En effet, nos collègues de l'UMP, secondés hélas, par certains parlementaires de la majorité, et relayés par vous-mêmes, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission des lois, poussent des cris d'orfraie sur le prétendu message d'impunité de l'amnistie. Pourtant, les mêmes ne voient évidemment aucun problème à l'article 16 de la loi dite de « sécurisation de l'emploi » issue de l'ANI. Dans cet article, les employeurs se voient reconnaître une amnistie automatique tous les trois ans en matière de licenciements abusifs, puisque les délais de prescription y ont été réduits.

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Ce coup de pouce à la délinquance patronale se fait sous les applaudissements du Gouvernement.

Et je pourrais évoquer aussi les évadés fiscaux, fraudeurs régulièrement amnistiés par les gouvernements successifs, délinquants accueillis à bras ouverts.

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Par contre, dès lors qu'il est question d'adopter un dispositif amnistiant certaines condamnations de salariés qui luttent pour la défense de leurs emplois et de l'outil de travail face aux logiques de financiarisation, l'UMP au grand complet – et complété aujourd'hui – crie à l'impunité et au laxisme. Ce « deux poids deux mesures » flagrant nous montre la réalité des conflits sociaux et de ce qui, dans l'histoire, a pris le nom de lutte des classes. Les mêmes qui réclament et obtiennent la dépénalisation progressive du droit des affaires et de la délinquance astucieuse vocifèrent contre l'idée même d'une amnistie des salariés ayant collé des affiches ou tagué une sous-préfecture.

La gauche ne peut pas et ne doit pas être dupe de ces manoeuvres grossières. Elles n'ont qu'un seul but : tourner le dos à l'intérêt général et servir le seul intérêt des puissants. Elles empêcheront un peu plus les salariés et les citoyens de se défendre et de se mobiliser.

Cela m'amène à la question du fichage ADN. Sur ce point, avant sa grave volte-face du mois d'avril, le Gouvernement avait fait montre de compréhension, par la voix de Mme Vallaud-Belkacem, sa porte-parole. En effet, fin février, celle-ci déclarait dans notre hémicycle : « Par la loi du 18 mars 2003, la précédente majorité de droite a considérablement élargi le champ des infractions pouvant entraîner l'inscription au fichier des empreintes génétiques, en y incluant notamment les dégradations et donc les graffitis. Si, pour les auteurs de dégradations graves, l'inscription à ce fichier peut se justifier, en revanche, s'agissant de graffitis réalisés dans le cadre d'actions syndicales, la question se pose. Là encore, le Gouvernement comprend les préoccupations relatives à la pénalisation de l'activité syndicale. »

À ce propos, le cas des Cinq de Roanne doit nous interpeller : cinq agents avaient été poursuivis pour des tags sur les murs de la sous-préfecture de Roanne en septembre 2010, lors du mouvement contre la réforme des retraites. Si le tribunal correctionnel les avait condamnés à 2 000 euros d'amende, avec inscription au casier judiciaire pour « dégradation légère d'un bien », en novembre dernier la cour d'appel de Lyon les avait dispensés de peine et d'inscription au casier. Les militants et le comité de soutien avaient salué une victoire obtenue grâce à la mobilisation. Mais la semaine dernière, ces mêmes agents ont appris leur convocation par la justice le 22 mai, pour un prélèvement ADN. Pour empêcher que ceux qui se mobilisent pour l'emploi soient traités à l'égal de criminels, il est plus que jamais nécessaire que le législateur intervienne.

Un renvoi en commission ! Monsieur le ministre, un renvoi en commission ne serait pas acceptable. Il serait un signe supplémentaire de l'irrespect avec lequel vous traitez le Parlement. L'irrespect avec lequel vous traitez le Parlement. Il serait inutile car il suffit de voter ici et maintenant les amendements, comme le règlement nous y invite. Il s'agirait d'un subterfuge grossier,…

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…pour éviter notamment que le texte reparte au Sénat qui l'a voté il y a quelques semaines. Ensemble, refusons cet enterrement de première classe !

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Chers collègues, vous l'avez compris, les députés du Front de gauche, appuyés par le mouvement social, défendent fièrement cette proposition de loi d'amnistie.

Au-delà, nous appelons les parlementaires de toutes les familles de la gauche qui ont fait connaître leur soutien à cette loi à militer avec nous pour un changement de cap immédiat et résolu.

Monsieur le ministre, il n'est plus possible de continuer dans la voie que vous avez choisie. Les Français veulent le changement. Mes chers collègues, amnistiez les militants et les citoyens, soutenez la proposition de loi des parlementaires du Front de gauche votée par le Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre séance appelle l'examen d'une proposition de loi dite d'amnistie sociale déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Elle fait suite à l'adoption, le mercredi 27 février 2013, il n'y a pas très longtemps, de cette même loi d'amnistie sociale déposée par le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat, et soutenue par le Gouvernement, les groupes socialiste et écologiste, ainsi qu'une majorité du groupe RDSE.

Rappeler cette chronologie est indispensable pour comprendre une situation qui, au fil des semaines, est devenue illisible, tant le Gouvernement et sa majorité se déchirent et se contredisent au gré de déclarations et de postures tantôt clientélistes, souvent idéologiques, parfois très responsables, monsieur le président Urvoas.

Au nom du Gouvernement, Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, a indiqué au moment de défendre ce texte au Sénat que le Gouvernement avait été inspiré par le souci d'accomplir un acte politique, républicain, et de concorde sociale.

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De cette inspiration, considérons tout d'abord l'acte politique.

La période concernée par cette amnistie couvre quasi exclusivement le quinquennat précédent, celui du président Nicolas Sarkozy.

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Ce choix délibéré tend à démontrer que le Gouvernement et la majorité parlementaire considèrent comme légitimes des actions de revendications sociales entraînant de la violence, des dégradations, des intimidations, de la terreur même, parfois, sous le seul prétexte qu'elles ont été commises sous un gouvernement de droite.

C'est ainsi que l'on peut mesurer l'inspiration de l'acte politique dont parlait la garde des sceaux, Mme Taubira.

En effet, proposer d'amnistier des faits condamnés par la justice durant une période couvrant exclusivement l'ensemble d'un quinquennat, c'est considérer que le Président de la République d'alors, élu au suffrage universel, était illégitime,…

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Et l'amnistie fiscale, elle n'est pas illégitime ?

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…que son gouvernement était illégitime, que la majorité parlementaire était illégitime, que le fonctionnement des institutions, et notamment de l'institution judiciaire, était illégitime.

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Chacun peut mesurer la signification politique d'une telle posture où l'on considère que ce qui serait contraire à une idéologie socialiste ou communiste serait par nature illégitime.

En somme, vous rêvez d'une république socialiste.

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Et ce n'est pas un hasard si ce texte est soutenu par l'aile gauche de votre majorité, qui appelle dans la rue à la création d'une Ve République.

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Voilà l'inspiration politique qui est la vôtre, un acte politique revanchard qui prépare une génération sans repères et prête à tout pour obtenir des droits sans les devoirs. Voilà la France que vous souhaitez nous imposer.

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Par ailleurs, vous avez indiqué être inspirés par le souci d'un acte républicain. Considérant votre inspiration politique, on peut désormais en douter, car tout aussi grave est le caractère de défiance à l'égard de l'institution judiciaire que recèle la volonté d'amnistier des actes graves de violence, de dégradation, d'intimidation, de séquestration commis lors d'actions de revendications sociales et qui relèvent du code pénal.

Comme l'a rappelé Mme la garde des sceaux au Sénat, « la justice elle-même prend déjà en considération cette situation particulière. Lorsqu'un conflit social aboutit à une issue judiciaire, les juges usent en effet de leur pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites pour contribuer à l'apaisement. » Cette loi d'amnistie que vous nous proposez est donc un procès en illégitimité des décisions prises par la justice.

Vous vous plaisez à rappeler sans cesse que le Gouvernement et, je le suppose, la majorité, sont attentifs à la séparation des pouvoirs de telle sorte que l'exécutif se mêle le moins possible du travail de l'autorité judiciaire. Mais quelle valeur peuvent avoir de telles déclarations si une loi d'amnistie vient balayer en quelques minutes le travail de la justice ? Pour démontrer l'indépendance de la justice, Mme la garde des sceaux a indiqué, par ailleurs, qu'aucune instruction individuelle n'était adressée aux parquets généraux et aux parquets. Or chacun s'est accordé à indiquer qu'il était difficile d'évaluer l'impact de cette proposition de loi et que la Chancellerie elle-même n'est pas en mesure d'évaluer précisément le nombre de condamnations prononcées. Mme la garde des sceaux a ajouté que seule une estimation générale était possible et conduisait à identifier au plus quelques dizaines de condamnations concernées.

Dès lors, au regard du faible nombre de faits commis et de personnes concernées, la loi d'amnistie qui nous est proposée revient en réalité non à donner des instructions individuelles, mais, pire, à amnistier individuellement. Par cette amnistie, vous encouragez ceux, minoritaires, qui choisissent délibérément le désordre et la violence contre les lois de la République. Et vous découragez ceux, majoritaires, qui choisissent le dialogue républicain, la paix sociale et le respect de l'autorité de l'État.

Cela nous conduit à évoquer votre troisième source d'inspiration, celle de la concorde sociale. Cette loi d'amnistie est le contraire de la concorde sociale, son exact opposé.

Tout d'abord, elle accélère, pour un petit nombre de casseurs, que vous considérez comme légitimes, un processus judiciaire existant.

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Les syndicalistes de Roanne ne sont pas des casseurs !

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La loi, en effet, prévoit déjà que les condamnations prononcées à l'encontre de faits commis dans le cadre d'actions syndicales et revendicatives sont effacées du casier judiciaire au terme de trois ans pour les moins graves et de cinq ans pour les condamnations les plus lourdes.

Le message que vous lancez aujourd'hui est donc celui de l'impunité pour des actes qui méritent une sanction judiciaire et qui ont été considérés comme tels par l'autorité judiciaire.

Ensuite, cette loi d'amnistie ne relève en rien de la concorde sociale parce que, comme nous venons de le dire, elle concerne un tout petit nombre de personnes et de faits, mais aussi parce que, de surcroît, elle est teintée d'idéologie et de procès en illégitimité d'un gouvernement et d'un Président de la République pourtant élu au suffrage universel. Le temps de la concorde ne peut pas être le temps d'une amnistie individuelle ou revancharde. La concorde ne peut souffrir d'inégalité. Or le traitement d'exception que vous proposez pour une poignée de militants syndicaux qui ont piétiné la loi de la République est tout simplement inique.

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Enfin, la concorde sociale suppose l'exemplarité,…

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Elle suppose l'égalité ! L'égalité sociale !

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…et en premier lieu celle des responsables politiques, syndicaux et des militants eux-mêmes.

L'activité militante, nous le savons tous ici, est empreinte de passion, de conviction et de détermination. Mais elle doit s'éloigner, s'écarter, refuser la violence de quelque nature qu'elle soit. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, lors du débat sur le mariage pour tous nous avons démontré qu'il était possible de défendre des convictions avec beaucoup de sagesse, de responsabilité et de respect à l'égard de l'autorité de l'État.

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L'activité militante, disais-je, doit s'écarter de la violence. C'est l'une des conditions fondamentales pour que notre démocratie puisse vivre, pour qu'une concorde sociale soit possible.

Chaque Français doit être sûr de pouvoir s'exprimer, de pouvoir revendiquer dans le respect dû à sa parole, à ses convictions, à ses souffrances aussi. Il est de notre devoir, à nous parlementaires qui faisons la loi, de garantir cette expression directe des Français. C'est l'honneur et la grandeur de notre démocratie, de notre République que de garantir le droit constitutionnel à la liberté d'expression.

Pour ce faire, nous devons réaffirmer notre opposition définitive à l'expression de la violence, quelle qu'en soit la cause. L'intérêt général, la concorde sociale, la défense de nos idéaux, doivent se faire de la façon la plus honnête, la plus contradictoire aussi, mais sans jamais être prétexte à casser, à calomnier, à intimider ou à séquestrer. Nous ne voulons pas, j'en suis sûr, personne ici ne veut d'un pays où le militantisme syndical sème la pagaille, la violence, le désordre ou encore la terreur !

Le Gouvernement, par la voix de Mme la garde des sceaux, a déclaré que le vote en faveur de ce texte était « un acte de très grande justice qui honore la République ». Mes chers collègues, cette loi d'amnistie des faits commis à l'occasion de conflits sociaux est une loi d'une très grande injustice, qui déshonore l'action syndicale et la République. C'est pourquoi j'espère que le Gouvernement s'y opposera, que le groupe SRC votera contre sans tentative dilatoire de renvoi en commission, que le groupe écologiste y renoncera ; sachez que dans tous les cas, le groupe UMP s'opposera à l'impunité pour les casseurs et votera contre cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Ce discours est une honte pour notre démocratie !

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en préambule de mon intervention, je tiens, au nom du groupe UDI, à dénoncer l'attitude qui a été celle du Gouvernement à l'endroit du Parlement dans l'examen de ce texte.

En saluant l'adoption de cette proposition de loi au Sénat et en la qualifiant d'« acte de très grande qualité et de justice, qui honore la République », Mme la garde des sceaux a très clairement exprimé, le 27 février dernier, l'enthousiasme et l'adhésion du Gouvernement à l'amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux, d'activités syndicales et revendicatives. Pourtant, à peine deux mois plus tard, monsieur le ministre, en commission, le 24 avril, vous affirmiez au nom du Gouvernement votre « opposition claire et ferme à toute forme d'amnistie ».

Devant un tel retournement de situation, on peut aisément imaginer le désarroi des sénateurs de la majorité, comme d'un certain nombre de nos collègues dans cet hémicycle.

J'étais heureux, tout à l'heure, d'entendre le président de la commission des lois qui se demandait quel serait « le sens du signe » si cette proposition de loi était adoptée. Je me demande si je n'ai pas entendu « le chant du cygne », plutôt, pour cette majorité. (Sourires.)

S'agit-il d'une nouvelle maladresse, d'une nouvelle dissonance, ou d'un renoncement inspiré par l'opinion publique qui, monsieur le ministre, est clairement hostile à cette amnistie, qu'elle considère comme inégalitaire et discriminatoire ?

Il n'en demeure pas moins que le résultat est là : cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat.

Mes chers collègues, j'en viens maintenant au fond du texte que nous examinons aujourd'hui. Certes, de longue date, la liberté syndicale et le droit de grève sont inscrits dans le marbre de la Constitution et font partie des droits fondamentaux de tous les citoyens. Des hommes et des femmes sont morts pour cela, nous devons y être très attachés. Certes, le droit de manifester son mécontentement, de se rassembler, est un garde-fou nécessaire à la survie de la République : comment en effet empêcher des familles, des jeunes, des salariés, des entrepreneurs, des agents publics de se réunir pour faire part de leur mécontentement ?

Si à seize reprises sous la Ve République, des lois d'amnistie ont été votées, lois à caractère présidentiel ou événementiel, il s'agissait le plus souvent de mettre un terme à des événements douloureux de notre histoire et de réunir ainsi, dans une société marquée par de tels événements, les conditions nécessaires à la réconciliation nationale. Jusqu'à la dernière en date, qui fut votée en 2002, ces lois d'amnistie étaient avant tout reconnues comme le corollaire du droit de grâce présidentiel. Elles s'inscrivaient dans une tradition républicaine de pardon et de réconciliation nationale, pour une société apaisée.

Onze ans après le vote de la dernière loi d'amnistie, nos collègues du groupe communiste proposent d'amnistier les faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, considérant que « trop de sanctions injustes ont été infligées » et qu'il faut « savoir pardonner ». Ils émettent une idée qu'il n'est pas complètement interdit de respecter et – même si nous sommes opposés à ce texte – qui doit être entendue.

Il faut l'entendre car il y a dans notre pays une profonde désespérance de tous ces salariés qui ne comprennent pas toujours comment le monde est en train d'évoluer, ni la mutation qui se déroule devant eux. Il faut l'entendre car ces salariés se battent pour leur emploi et pour leur territoire.

Si le fait d'effacer de certains faits accomplis dans le passé le caractère d'infraction est certes pleinement reconnu par notre législation comme une pratique possible, dans le cas présent, le groupe UDI est convaincu qu'une telle amnistie serait inopportune et dangereuse.

De toute évidence, la légitimité du principe d'une telle amnistie est contestée par de nombreux observateurs, par l'opinion publique et par une grande partie de la classe politique, en raison de la prévisibilité de certaines lois d'amnistie, qui a des conséquences sur la délinquance, routière ou autre.

Cette évolution, d'ailleurs, a conduit les candidats à l'élection présidentielle – Nicolas Sarkozy en 2007 et François Hollande en 2012 – à renoncer à toute forme d'amnistie à la suite de leur élection. Aujourd'hui, force est de constater que l'amnistie ne fait plus partie, dans l'inconscient des Français, de la tradition républicaine et qu'aux yeux de nos compatriotes, elle est inacceptable.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, est inopportune car elle semble nier l'objet même de l'amnistie. On peut considérer l'amnistie comme un geste de pardon, de reconstitution de la concorde sociale et de pacification des mémoires. Mais il ne s'agit en aucun cas d'autoriser ou d'excuser des débordements de toute sorte, sous prétexte qu'ils ont été commis dans le cadre, certes louable, d'un combat social. Le pardon est souhaitable quand il est nécessaire de réunir les conditions propices à l'avènement d'une société apaisée et réconciliée : ce fut le cas en 1964 et en 1966, après la guerre d'Algérie. Ce fut le cas en 1985 et 1990, après les événements de Nouvelle-Calédonie. Or, ces événements n'ont rien de comparable à la situation actuelle.

Enfin, cette proposition de loi est dangereuse car elle adresse à nos compatriotes un signal inacceptable d'impunité a posteriori. En rompant ainsi avec le principe d'égalité des citoyens devant la loi, nous porterions le mauvais message, celui de l'acceptation du recours à la violence par le monde syndical, celui du droit ponctuel à la violence et à la dégradation des biens d'autrui.

En ces temps difficiles, c'est précisément le dialogue social, la négociation entre les partenaires sociaux, qu'il faut privilégier. Le monde syndical se doit d'être un acteur responsable, privilégiant le dialogue à la confrontation, le respect à l'incivilité. Et nous avons vu ces dernières semaines que le dialogue social pouvait amener à des réformes importantes du monde du travail dans le respect et le dialogue.

La formule de « syndicalistes casseurs » me révulse, de même que celle de « patron voyou » me révolte.

Face à la désespérance sociale, il y a la colère, le désespoir, le sentiment que nous n'avons plus d'arme pour soutenir l'emploi et malheureusement, chez un certain nombre de nos compatriotes, que la casse de l'appareil de production serait le seul moyen d'être entendu. Je ne crois pas que ce soit ce combat-là qui doive être mené dans les entreprises pour préserver l'emploi.

En reniant d'une certaine manière son engagement à l'égard d'un de ses partenaires du Front de gauche et d'une partie de sa majorité, le président de la République se carbonise dans son électorat de gauche.

Monsieur le ministre, l'espoir n'est pas un luxe. Celui que vous avez suscité dans cette campagne présidentielle, avec cette proposition et quelques autres sur lesquelles le Gouvernement se renie, a été détruit au terme de cette première année. Et l'espoir ainsi détruit laisse place à la désespérance. Dans un pays désolé, tourmenté par la crise, cela ne présage pas des jours simples.

Je crois que dans le contexte difficile que connaît notre pays, ce que nous proposent nos collègues communistes est tout à fait inapproprié, mal à propos et n'a pas vocation a être adopté par notre assemblée. C'est un texte inopportun, mais je crois aussi que nous devons être à l'écoute de l'ensemble de ces salariés qui ne comprennent pas la mutation dans laquelle notre pays se trouve et qui ont du mal à mesurer que les bassins d'emploi vont évoluer dans les années à venir.

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Ils sont au chômage, mais ils ne comprennent rien !

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Je vous l'accorde.

Monsieur le ministre, madame la présidente, j'étais heureux d'entendre le président de la commission des lois, qui est quasiment dans l'opposition aujourd'hui, …

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…comme celui de la commission des finances, rappeler que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Mes chers collègues, avec beaucoup de solennité, je veux vous dire que nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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C'est dans une atmosphère pour le moins étrange que débute la discussion de cette proposition de loi.

Je voudrais en quelques mots rappeler l'histoire de l'amnistie, qui s'inscrit dans une tradition française remontant à 1791, avec la mise en place du droit de grâce présidentiel. Le décret alors adopté effaçait toutes les condamnations prononcées par les révolutionnaires et contre-révolutionnaires. L'amnistie, désormais inscrite à l'article 24 de la Constitution, était déjà une loi de réconciliation des Français, face à des positions politiques qui les avaient conduits à s'opposer les uns aux autres.

Depuis, de nombreuses amnisties furent votées dans ce but d'apaisement après des événements politiques. En 1951, puis en 1953, sont votées des lois d'amnistie pour les faits de collaboration et de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. La loi du 31 juillet 1968 portait sur toutes les infractions commises par des militaires en relation avec les événements d'Algérie. Les violences commises par les indépendantistes en Nouvelle-Calédonie dans les années quatre-vingt ont également fait l'objet de lois d'amnistie. Enfin, les personnalités s'étant illustrées dans les domaines scientifique, culturel, économique et humanitaire ont aussi été concernées par des lois d'amnistie.

La tradition d'amnistie a connu une autre dimension sous François Mitterrand : il a en effet élargi l'amnistie aux militants des radios libres, aux militants du droit à l'avortement, mais aussi aux généraux de l'OAS.

En 1981, puis en 1995 et en 2002, ont été adoptées des lois d'amnistie, notamment pour les contraventions, sortes de grâces collectives présidentielles.

Il est vrai que Nicolas Sarkozy a interrompu cette tradition. Il n'en reste pas moins que le retour à une présidence normale aurait pu, aurait dû, nous conduire à adopter rapidement une loi prévoyant l'amnistie de tous ceux qui, durant le quinquennat précédent, ont tenu à faire avancer nos lois vers plus de justice sociale et environnementale.

S'il est vrai que dans un État moderne, le Gouvernement et l'État doivent avoir le monopole de la violence, il n'en reste pas moins que parfois, s'affranchir de la loi n'est pas totalement illégitime. J'en veux pour preuve des événements très récents.

C'est ainsi que nos lois avancent. C'est par exemple le sens de la loi adoptée ici concernant les lanceurs d'alerte, qui ont été poursuivis, parfois condamnés, dans le passé. Nombreux sont nos concitoyens à mener des luttes parfois incomprises, souvent déplorées, mais justes.

J'ai rappelé ici, il y a quelque temps, à Mme la ministre Christiane Taubira, qu'elle était fêtée, qu'elle était saluée, que tout le monde finalement était fier de son travail en faveur du mariage pour tous…

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En tout cas, dans la majorité.

Quelques années auparavant, un parlementaire, à Bègles, avait célébré un mariage en marge de la loi.

C'est sans doute ce type d'acte…

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Il a été condamné par la justice française !

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…qui a permis que, sur cette question précise, le Gouvernement et le Parlement aient pu avancer vers davantage d'égalité.

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C'est incroyable d'entendre de tels propos du haut de la tribune de l'Assemblée !

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Je me rappelle qu'à l'époque, ceux qui avaient dénoncé l'organisation de cette célébration à Bègles s'étaient réfugiés derrière le respect de la loi républicaine.

Les luttes de héros ordinaires tels qu'Irène Frachon, à propos du Mediator, ou celles des médecins du travail, aujourd'hui poursuivis par des sous-traitants d'EDF pour avoir fait ce que l'on attendait d'eux, constituent en effet de beaux exemples pour faire avancer le progrès social, la solidarité, la justice, quand bien même cela se fait parfois en marge de la loi.

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C'est durant les périodes de crise que les lois d'amnistie ont eu le plus d'importance. Nous connaissons aujourd'hui une telle période – crise économique, sociale, politique –, marquée par une défiance croissante de nos concitoyens. Ainsi que l'indique le rapporteur, les taux de pauvreté et de chômage, mais également l'explosion des scandales sanitaires, auraient sans doute dû nous conduire à agir immédiatement avec clémence.

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 février dernier se montrait déjà, non pas peu ambitieuse, mais en tout cas très « réaliste », son champ d'application, étroit, se limitant aux « faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives », c'est-à-dire lors de conflits collectifs au travail, d'activités syndicales ou dans le cadre d'un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes de logement, par exemple.

J'ai déploré en commission la timidité du texte, qui exclut de fait : les condamnations prononcées avant le 1er janvier 2007 et après le 6 mai 2012 ; celles pour lesquelles la peine d'emprisonnement est supérieure à cinq ans ; les atteintes volontaires aux personnes ; les infractions commises à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, comme les menaces ou outrages à agents.

Nous avons déploré – et c'est pour nous important – l'exclusion du texte des mouvements environnementaux et culturels. Je pense aux militants de la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes, aux militants qui luttent contre les lignes à haute tension, dites THT, aux faucheurs d'OGM, aux militants contre les trains Castor, aux opposants à la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, à toutes celles et à tous ceux qui ont défendu nos services publics – hôpitaux, gares, écoles –, à toutes celles et à tous ceux qui ont pu barbouiller les mobiliers urbains pour s'opposer au trop-plein de pub, ou encore, et ce ne sont pas les moindres, à celles et à ceux qui ont commis le délit de solidarité avec les sans-papiers – avant que nous ne l'abrogions, ici même, il y a quelques semaines.

Le délit d'entrave à la liberté du travail prévu à l'article 431-1 du code pénal n'est pas non plus prévu. Or un certain nombre de faits pourraient être requalifiés en fonction de ce délit, pourtant moins grave et très fréquent en cas de mouvements sociaux.

Nous avons également rappelé que les empreintes digitales devaient être maniées avec d'autant plus de précaution que les avancées scientifiques permettaient désormais un travail détaillé. Aussi avons-nous demandé que les empreintes de personnes responsables de délits politiques ou syndicaux soient exclues du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG. Le fichage de militants politiques ou de faucheurs volontaires est en effet inadmissible dans une démocratie.

Le 26 juin 2011, le tribunal correctionnel de Compiègne a d'ailleurs relaxé Xavier Mathieu, estimant que le prélèvement génétique demandé était « inadéquat, non pertinent, inutile et excessif », compte tenu de ce que les faits, « commis en plein jour », s'inscrivaient dans « une logique parfaitement lisible de combat syndical et non dans une démarche à vocation purement délinquante et antisociale ». Ce type de raisonnement pourrait retenir l'attention de celles et ceux qui, dans cet hémicycle, hésitent encore à voter ce texte.

Sont notamment concernés par le FNAEG les délits d'atteinte aux biens : destructions, dégradations, détériorations ou menaces. Il ne pourrait plus être possible de conserver les empreintes génétiques quand ces délits, et ces délits seulement, auraient été commis à l'occasion de conflits du travail, d'activités syndicales et revendicatives ou de mouvements collectifs revendicatifs relatifs aux problèmes liés au logement, à l'environnement, aux droits humains, à la santé, à l'éducation, à la culture, aux langues régionales, au maintien des services publics et aux droits des migrants.

Allant au-delà de la simple loi d'amnistie, cette requête nous semble constituer un pas supplémentaire vers plus de justice, une justice plus respectueuse des droits humains, dans le sens que nous indiquait, le 18 avril dernier, la Cour européenne des droits de l'homme.

Le groupe écologiste soutient cette proposition de loi déposée par le groupe GDR.

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Il votera d'ailleurs contre la motion de renvoi en commission que nous considérons comme un artifice pour mieux enterrer cette proposition de loi.

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Nous déplorons la méthode employée et la volte-face du Gouvernement, qui représente à nos yeux une inflexion de sa politique mais aussi, pour beaucoup, malheureusement, une sorte de pied de nez, voire une trahison. Ce choix politique prend en effet le contre-pied du projet qui a conduit une nouvelle majorité au pouvoir en 2012. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, il n'est pas d'usage qu'une proposition de loi d'amnistie puisse être votée par le Parlement. Mais il ne doit pas être d'usage, en tout cas, que le Gouvernement considère, au Sénat, qu'il s'agit d'un texte qui fait oeuvre de justice et que, pour mieux le condamner à l'Assemblée, il se réfugie derrière le respect de la loi républicaine. Ce sont des mots que je n'aimerais plus entendre, à l'avenir, de la part d'un membre d'un gouvernement de gauche dont nous avons permis l'avènement, les uns et les autres, par notre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes saisis d'une proposition de loi, déposée le 28 novembre 2012 au Sénat, portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

Cette proposition de loi vient de connaître des vicissitudes certaines. Elle a été rejetée par la commission des lois du Sénat le 13 février 2013 mais votée en séance publique le 27 février 2013. Le Gouvernement s'est montré hésitant puis, en apparence, favorable au texte, toujours devant le Sénat, avant d'en demander le rejet devant l'Assemblée.

Le groupe SRC, pour nous un groupe ami, serait divisé au point que l'on peut se demander si, pour lui, la ligne brisée est préférable à la ligne droite. (Sourires.) Après avoir rejeté le texte en commission, des échos nous indiquent que la majorité de ce même groupe – ou une partie, je ne sais – proposerait un renvoi en commission.

Rappelons qu'une loi d'amnistie est un texte majeur, fondateur. Or nous sommes soumis à des pressions qui rappellent celles du mariage pour tous. La fureur de certains semble d'ailleurs être passée d'un camp à l'autre. M. Jean-Luc Mélenchon vient de menacer de « tordre le bras » du Président de la République si ce dernier ne soutenait pas la proposition d'amnistie. Bien mieux, il a annoncé qu'il pourchasserait ses anciens camarades du PS, cher ami Urvoas, jusque dans le dernier village de France, et même en Bretagne, s'ils ne votaient pas le texte d'amnistie. De telles outrances, de telles menaces, sont à l'évidence inadmissibles, au moment même où celui qui les prononce veut être nommé Premier ministre du Président Hollande.

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Tout cela, ce ne sont pas des arguments sérieux !

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Essayons de réfléchir sur ce processus d'oubli volontaire qu'est l'amnistie.

L'amnistie remonte à la nuit des temps, à Athènes, en 404 et 403 avant notre ère. Elle traverse la République romaine, a pour avocat Cicéron, qui tente d'obtenir l'amnistie des conjurés qui assassinèrent César en 44. On la retrouve sous la monarchie : la clémence royale s'exerce par les lettres de grâce, qui effacent la peine, et par les lettres d'abolition qui effacent le délit. Il suffit de relire Victor Hugo dans son discours au Sénat le 21 mai 1876. Il explique lumineusement ceci : « De ces deux prérogatives de la royauté, le droit de grâce et le droit d'abolition, le droit de grâce, qui est le droit limité, est réservé au pouvoir exécutif, le droit d'abolition appartient au pouvoir législatif. Vous êtes le pouvoir souverain, c'est à vous qu'appartient le droit supérieur. Le droit d'abolition, c'est l'amnistie. »

L'amnistie devient alors, tant bien que mal, un moyen habituel de gouverner. Cet instrument, qui aurait dû rester exceptionnel, est utilisé environ une fois tous les deux ans. Le rapporteur, dont je salue le travail, nous explique en page 8 de son rapport que « seize lois d'amnistie ont été votées entre le 31 juillet 1969 et le 6 août 2002 ». Je lui signale qu'il est en désaccord avec le professeur Bruno Py, professeur de droit, spécialiste de l'amnistie, qui relève pour sa part l'existence de vingt-quatre lois ou décrets d'amnistie entre 1989 et 2003.

L'amnistie aurait dû rester un moyen exceptionnel de pardon, une tentative de refonder l'unité nationale après une crise majeure. Chacun comprend bien que, après de grandes et douloureuses déchirures, on doive envisager la réconciliation, une nouvelle fraternité, un retour des brebis égarées,…

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…même si celles-ci ont commis crimes et délits. C'était Edmond Michelet qui, le 7 juillet 1959, terminait en tant que garde des sceaux sa proposition d'amnistie par quatre vers – c'était un poète :

« Mères, voyez vos fils qui se sont tant battus.

« Qu'ils ne soient pas jugés sur quelques basses intrigues.

« Qu'ils soient réintégrés comme l'enfant prodigue.

« Qu'ils viennent s'écrouler entre deux bras tendus. »

Depuis le 6 août 2002, depuis plus de dix années, aucune loi d'amnistie n'a été votée. On a rompu avec l'automaticité de l'amnistie présidentielle. L'amnistie a ainsi pu être écartée des enjeux et débats politiciens.

En 2002, de nombreuses voix, et d'abord à gauche, s'élèvent contre l'amnistie. Elles sont rejointes par l'Assemblée des maires de France : celle-ci s'oppose à cette tradition qui « constitue, on le sait bien, un encouragement à l'incivisme parce que chacun compte sur l'amnistie ». Le quinquennat a sans doute porté un rude coup à l'amnistie, peut-être un coup mortel, tant la fréquence de la loi d'amnistie est en soi-même en contradiction avec son principe.

L'amnistie doit donc rester exceptionnelle et n'être prononcée qu'au vu des grandes fractures que peut connaître la République.

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On peut par ailleurs se poser la question de savoir si l'amnistie ne relève pas du seul pouvoir exécutif, du Gouvernement. C'est en ce sens que se prononçait l'ancien garde des sceaux Jean Foyer le 17 décembre 1964, invoquant, il est intéressant de le noter, une tradition coutumière qui « réserve – non pas en droit mais en fait – au Gouvernement l'initiative des projets d'amnistie qui aboutissent, tradition d'une telle certitude que le Constituant de 1946 avait été invité à la consacrer expressément. […] Elle est, elle aussi, dans la logique du Gouvernement parlementaire : toute mesure d'amnistie comporte des dangers et des risques ; ces dangers et ces risques, il appartient de les apprécier au Gouvernement responsable de l'ordre public, de la sûreté de l'État et de la sécurité des citoyens ». Seul le Gouvernement peut donc, à mon avis, proposer une loi d'amnistie.

On me répondra que l'initiative des lois est partagée, en application de l'article 39 de la Constitution. C'est oublier les articles 47 et 47-1 de la Constitution, qui prévoient que les budgets de l'État et de la sécurité sociale ne peuvent être définis que dans des projets de loi. C'est oublier également l'article 40 de la Constitution, tant il est vrai que l'amnistie empêche l'État de percevoir le produit des amendes prononcées par les juridictions pénales.

L'amnistie a par essence un caractère général.

Il n'est pas question de s'en priver ou de l'interdire tant on se rend bien compte qu'il faudrait alors, en pure logique, interdire tout le système de la prescription. L'amnistie est donc une règle fondamentale, qu'on ne saurait contourner. Cette règle fondamentale a permis d'amnistier des faits relatifs à la guerre d'Algérie, à la Nouvelle Calédonie, à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Corse.

Certains demandent aujourd'hui l'amnistie des faits récents relatifs à la Corse. Mme Érignac s'est émue d'une telle possibilité. D'évidence, le temps du pardon n'est ni acceptable ni prévisible, en ce qui concerne la Corse, avant de nombreuses années.

Du 31 juillet 1959 au 6 août 2002, huit amnisties ont été adoptées d'une manière automatique à la suite de l'élection du Président de la République. Réminiscences de la royauté, ces lois d'amnistie ne sauraient constituer une tradition républicaine. Henri Donnedieu de Vabres, un grand juriste, a pu écrire que « l'amnistie apparaît comme un vestige de l'ancien arbitraire du monarque et figure, parmi les modalités du pardon, celle qui conserve le mieux le caractère que revêtait sous l'Ancien Régime la clémence royale ».

Osons le dire, l'amnistie présidentielle, en don de joyeux événement comme jadis les 101 coups de canon, n'avait rien à voir avec la République. Elle permettait peut-être au Président de se trouver des ancêtres. Elle permettait à coup sûr de vider les prisons. Elle était contraire au principe d'individualisation qui permet d'abréger la peine de ceux qui se conduisent bien en prison. Elle était contraire au civisme le plus élémentaire. Elle a permis aux chauffards de tuer en toute impunité sur la route. Elle s'opposait de manière frontale à la volonté de rechercher l'impunité zéro.

Nicolas Sarkozy et François hollande ont rompu avec cette tradition contraire aux principes républicains. Ils ont bien fait et il faut souhaiter que plus jamais nous n'entendrons parler d'amnistie présidentielle et de son caractère automatique.

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Les hasards de l'histoire, les bégaiements de la République ont permis certaines amnisties avec un champ d'action défini, c'est votre projet. Ainsi le 23 mai 1968, à la suite des événements de mai 1968 qui se sont déroulés dans nos universités. Ainsi le 21 décembre 1972, à la suite de manifestations d'agriculteurs, d'artisans et de commerçants. Ces deux lois peuvent être, avec le recul du temps, considérées comme des lois d'opportunisme. Elles ont été justifiées, comme aujourd'hui avec la loi sur les mouvements sociaux, par la dureté des temps qui a amené une catégorie de Français à se révolter.

La défense de l'ordre public connaît alors des règles vigoureuses censées pouvoir ramener et le calme et la sécurité parce que force doit rester à la loi.

En quelque sorte, le pardon devient alors une suspension du temps à partir de laquelle il est possible de commencer une autre histoire. Il faut en effet trouver, selon Mme Kristeva, une psychanalyste très intéressante, « l'instrument d'effacement actif qui ouvre la possibilité de continuer à vivre ensemble. L'amnistie est un des moyens d'interrompre le cycle des violences ».

Ces amnisties partielles, liées à un champ d'application restreint, ont été utilisées les 15 janvier 1990 et 6 août 2002 pour amnistier des infractions liées au financement politique des partis ou au financement des campagnes électorales. Est-ce que l'on veut renouveler cela ? On abandonne dès lors le terrain de la morale pour embrasser celui de l'efficacité politique.

Vous aurez compris que mon groupe souhaite conserver à l'amnistie son sens originel : la nécessité du pardon à l'occasion des grandes fractures de l'histoire.

C'est un acte majeur, c'est un acte grave qui, par définition, ne saurait s'appliquer à tels ou tels faits sociaux, ici à des grèves, là, avec le droit de l'environnement, au cas des faucheurs volontaires.

Le droit de grâce existe toujours : il permet l'individualisation des mesures de clémence. La réhabilitation existe également : elle permet au tribunal de prendre en compte les efforts entrepris par le contrevenant.

Toute autre attitude, si dure soit-elle, amènerait à donner un blanc-seing à des catégories de la population : ce serait créer une zone de non-droit, dans laquelle on pourrait s'engouffrer.

Hier, en 2002, c'est la gauche qui, par la voix d'Arnaud Montebourg, s'opposait de manière viscérale à l'amnistie, qui « démoralise plus qu'elle ne renforce l'esprit républicain. Elle insulte le civisme plus qu'elle ne le sert. Elle ressemble à un petit festival de violations de la loi, où chacun serait convié à prendre part aux joyeuses transgressions ». Et Montebourg de conclure : « Une loi d'amnistie est une atteinte grave portée à la séparation des pouvoirs. » Tout est dit.

Nous ne voterons pas cette loi.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chères et chers collègues, il n'est pas inutile de revenir au coeur du sujet, c'est-à-dire au code pénal – puisque c'est bien de droit pénal qu'il s'agit – et aux textes qui encadrent l'amnistie.

Dans le code pénal, l'amnistie est définie à la section III du chapitre III, intitulé « De l'extinction des peines et de l'effacement des condamnations », et plus précisément à l'article 133-9 dudit code. Que dit cet article ? « L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure. »

L'amnistie, dont la racine grecque signifie « oubli », est une notion de droit public pénal, que l'on peut définir comme l'acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées, et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer, sous peine de sanctions. Il s'agit, en quelque sorte, d'une « ardoise magique pénale ».

L'amnistie fait perdre aux faits leur caractère délictueux : ceux-ci ne sont plus ni poursuivables, ni punissables. Les conditions de l'amnistie ne sont pas fixées par le code pénal, mais par chaque loi d'amnistie qui en fixe les contours.

L'amnistie a toujours existé : dès l'Antiquité, où tous les traités de paix pouvaient contenir une disposition d'oubli et de pardon, au Moyen Âge, dans les édits de pacification, et jusque dans notre histoire plus contemporaine, comme cela vient d'être dit. L'histoire nous montre que l'amnistie a pour objet, une fois le règlement d'un conflit terminé, d'empêcher que la recherche de nouveaux griefs ne rallume les hostilités entre opposants.

Jusqu'en 2002 coexistaient deux types d'amnistie, l'amnistie collective présidentielle et l'amnistie individuelle. Depuis 2007, il n'y a plus de loi d'amnistie collective présidentielle après l'élection, et il n'y en aura probablement plus jamais. Il est vrai, comme l'a dit Alain Tourret, que le quinquennat a porté un coup fatal à ces lois d'amnistie présidentielle.

Plusieurs explications à cela : la lutte contre certains types d'infractions en matière de délinquance routière, la très choquante anticipation sur la commission de contraventions et délits, et surtout la critique de ce procédé contestable hérité de la monarchie, le fait du prince, qui veut que le souverain, par les cadeaux et fêtes marquant son avènement, éteigne les condamnations du roi précédent.

Au cours de l'histoire, très peu d'amnisties événementielles ou ponctuelles ont été votées : lorsqu'elles l'ont été, c'est pour mettre un terme définitif à des événements très douloureux de notre histoire, comme la guerre d'Algérie, mai 1968, la situation en Corse ou dans les départements d'outre-mer.

Ces lois d'amnistie concernent des situations politiques très conflictuelles et bien déterminées, sur une période courte et identifiée, et portent sur des faits précis ; surtout, lorsqu'elles surviennent, elles sont le fruit d'une négociation collective très serrée, destinée à clore définitivement le conflit. C'est le cas, par exemple, des accords de Matignon pour la Nouvelle-Calédonie.

Personne, ici, n'entend contester la légitimité de l'action syndicale de salariés qui se battent résolument au quotidien pour conserver leurs outils de travail, la garantie de leurs droits et de leurs emplois.

Mais la question n'est pas là, ne nous y trompons pas.

Les précédentes lois d'amnistie portaient sur le quantum de la peine. Ce n'est pas le cas ici, puisque c'est le contexte des faits constitutifs d'infractions pénales qui est visé, et c'est justement ce qui peut poser problème, en termes de respect du principe d'égalité du citoyen devant la loi, puisque ne sont visés que les faits liés aux conflits du travail : les activités syndicales ou revendicatrices et les mouvements collectifs.

Le droit pénal étant d'interprétation stricte, je crains qu'en l'état, tel qu'il nous est présenté, ce texte aux contours beaucoup trop larges et incertains, pour ne pas dire flous,…

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Et c'est faux ! Ce texte est très précis, au contraire !

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…ne soit pas juridiquement exempt de critiques.

Une proposition de loi portant amnistie, lorsqu'elle émane d'un seul groupe politique, doit selon moi, pour atteindre son but, qui est l'apaisement social, recueillir un vote à l'unanimité.

Cette loi d'amnistie, qui fait passer le contexte avant les faits eux-mêmes, court-circuite la justice, son indépendance, son intelligence, et sa capacité de jugement et d'adaptation, à la fois aux faits et aux personnalités. Le danger réside dans le fait que chaque gouvernement peut alors légitimement rédiger sa ou ses lois d'amnistie, en fonction de ses propres critères et de ses propres priorités, qui sont nécessairement subjectifs.

Quelle est alors la limite ? Le rôle du législateur n'est-il pas d'enrichir la loi, de laisser plus de souplesse aux juges et de leur faire confiance, de supprimer enfin les peines plancher qui portent atteinte au principe de la personnalisation des peines, de renforcer l'arsenal juridique, notamment à l'encontre des patrons voyous, qui sont à l'origine de bien des débordements, et de fournir des alternatives aux poursuites pénales ?

En ce qui me concerne, je partage l'analyse du Gouvernement, pour les mêmes raisons juridiques d'efficacité et d'opportunité. Les lois de circonstance sont d'apparence très flatteuse, mais ces dix dernières années ont démontré qu'elles ne résistent ni au temps, ni aux idéaux républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous devons examiner aujourd'hui trois propositions de lois du groupe communiste.

J'ai souhaité intervenir dans la discussion, car soit les propositions faites sont purement scandaleuses et démagogiques, soit nos collègues soulèvent de vraies questions, tout en apportant des réponses excessives ou inopérantes.

L'ordre du jour veut que nous commencions par la plus improbable de ces trois propositions, par l'un des textes les plus parfaitement anachroniques et scandaleux que nous ayons eu à examiner depuis le début de la législature. Je veux parler de la proposition, faite initialement par l'extrême gauche du Sénat, d'amnistier les militants syndicalistes et associatifs ayant commis des contraventions et des délits dans le cadre d'actions revendicatives.

Traduisons : il s'agit d'amnistier les militants de la CGT, de Sud et d'autres mouvements associatifs liés à l'extrême gauche, ayant, par exemple, saccagé l'usine Continental, squatté des locaux, ou forcé un peu la dose dans leurs actions contre la politique du précédent gouvernement.

En fixant à cinq ans de prison le seuil jusqu'où seraient amnistiés les faits, on balaye large. Ayant d'abord cru à une mauvaise plaisanterie, j'ai dû me résoudre à l'évidence : il existe des parlementaires capables, sans scrupule, de proposer une telle mesure, à la fois clientéliste, juridiquement contestable et politiquement scandaleuse…

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…et qui vont jusqu'à l'inscrire à l'ordre du jour sur leur contingent, alors qu'il y a mille urgences dans notre pays et que le temps législatif est compté.

Je pense que ces salariés auraient préféré de vous des solutions concrètes pour sauver leurs emplois, comme la mise en place, par exemple, d'un protectionnisme intelligent, pour permettre à notre industrie française de résister à la concurrence. Par votre soumission au PS ultralibéral,…

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…vous avez trahi ces salariés. Vous voulez les libérer, mais c'est pour mieux les laisser au chômage !

Mardi, le ministre chargé des relations avec le Parlement a expliqué pourquoi son gouvernement ne soutiendrait pas le texte, même si son numéro trois, Mme Taubira, s'était elle-même félicitée, en première lecture, de l'avancée démocratique qu'il représentait. La justification qu'il avance s'entend : l'amnistie, en dehors des défuntes lois du 14 juillet, ne s'appliquait qu'à des cas exceptionnels, afin de refermer des plaies liées à l'histoire, comme les événements de la guerre d'Algérie. On ne voit pas, de fait, en quoi les conflits sociaux récents créeraient une fracture sociale et nationale suffisante pour justifier une telle amnistie.

Proposer une loi clientéliste qui récompense des militants politiques en leur offrant une impunité pénale et disciplinaire, en raison de faits qui tombent normalement sous le coup de la loi, est-ce bien cela, l'esprit de la République ? Est-ce bien cela, l'État de droit ?

Le propre de la loi est d'être générale et impersonnelle.

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Les lois qui ne concernent en réalité que quelques personnes bien identifiées constituent clairement un détournement de pouvoir. À ce jeu, on aura bientôt des lois ne concernant qu'un ou deux citoyens, comme jadis les lois contre les descendants de la monarchie.

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On va bientôt faire des monuments en l'honneur de l'OAS !

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Quelle est, enfin, l'autorité de la loi si, en fonction des majorités ou des amitiés, le Parlement peut faire obstacle à la sanction de la justice ?

La loi d'amnistie efface rétroactivement les effets d'une loi votée démocratiquement. Or la séparation des pouvoirs veut que le Parlement n'utilise pas cette arme pour effacer des décisions de justice.

Les syndicalistes casseurs et violents se trouvent incités à persévérer, au motif que, la majorité changeant, ils auraient l'assurance de voir leurs sanctions effacées. Mais, comme si cela ne suffisait pas, il se trouve encore des parlementaires zélés qui, parce qu'ils souhaitent à tout prix se montrer encore plus à gauche, souhaitent en rajouter.

C'est ainsi, par exemple, que M. Coronado a pensé aux valeureux militants de la noble cause des clandestins, qui pourraient ne pas profiter de l'aubaine, et qu'il a proposé de les ajouter à la liste des heureux amnistiés, même si les parquets ne les poursuivaient en pratique jamais.

Avec ses amendements, les sans-papiers de France et de Navarre se souviendront que les Verts, avant même de s'occuper d'environnement, consacrent beaucoup plus d'énergie à défendre les clandestins, les Roms, le droit au logement pour tous, ainsi que les associations dites citoyennes, pourvu qu'elles contribuent surtout à l'immigration massive et à l'impunité de ceux qui l'organisent, quand bien même cela ferait le jeu de l'économie ultralibérale, en créant un effondrement des salaires, par une tension excessive sur le marché du travail.

En définitive, je n'ose penser aux réactions indignées du parti socialiste, du parti communiste et d'autres, si une majorité différente avait proposé un texte de cette nature.

Il est vrai que la gauche, elle, ne connaît pas d'états d'âme : elle s'adore comme elle est, et il ne lui viendrait pas à l'idée de penser qu'elle pousse le bouchon un peu loin.

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Je n'attends pas grand-chose de la discussion sur ce texte.

Le Président Nixon disait : « La tactique soviétique est simple : ne jamais rien admettre, ne jamais présenter d'excuses. » Les communistes français en sont décidément toujours les héritiers.

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Pour vous, l'amnistie, on devrait l'appliquer seulement pour les « détails de l'histoire » !

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Je ne vise pas l'immense majorité des salariés, ni tous ceux qui ont manifesté, le plus souvent légitimement. La souffrance sociale doit être entendue, les salariés doivent être protégés, le droit de grève être préservé, et le modèle économique évidemment changé. Mais les élus ne peuvent pas faire des propositions aberrantes, dans leur seul intérêt électoral.

Alors pour une fois, je serai du côté de ceux qui sont majoritaires, en votant contre ce texte.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, que nous examinons ce matin, a été adoptée par toute la gauche au Sénat le 27 février dernier, par 174 voix pour et 171 voix contre.

En vertu du préambule de notre Constitution, qui permet à chaque citoyen de défendre ses droits et intérêts par l'action syndicale, mais aussi de participer à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises, comme de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », cette proposition de loi a pour objectif de rendre justice à celles et ceux qui, dans un contexte d'extrême tension sociale, se sont exprimés pour faire respecter leurs droits fondamentaux.

Bien sûr, j'entends les arguments de ceux pour qui voter ce texte reviendrait à donner un permis de dégrader en toute impunité. Mais alors, qu'ils exigent parallèlement la même sévérité envers les patrons voyous, comme ce repreneur américain qui, dans les Ardennes, après avoir dépecé les ateliers Thomé-Génot et laissé 300 salariés sur le carreau, vit aujourd'hui des jours heureux à Los Angeles, alors qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Reims à cinq ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de gérer et 20 millions d'euros de dommages et intérêts pour abus de biens sociaux et banqueroute.

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Les condamnations prononcées en première instance dans les Ardennes à l'encontre de huit manifestants lors de la grève du 28 octobre 2010 contre la réforme des retraites doivent être regardées et analysées à l'aune de cette incapacité judiciaire d'obtenir l'extradition de ce ressortissant américain. Relaxées en appel, ces huit personnes sont actuellement dans l'attente de l'examen du pourvoi en cassation initié par le parquet général.

Alors, qu'entend-t-on par violence sociale ? Vitrines cassées ou familles brisées ?

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Le « deux poids, deux mesures » judiciaire existe bel et bien, selon que vous êtes puissant ou misérable.

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Dès lors, s'il n'est pas question d'autoriser quelque impunité que ce soit, d'un côté ou de l'autre, il est en revanche nécessaire, pour notre démocratie, d'équilibrer les deux plateaux de la balance judiciaire.

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D'autant que, sous la majorité précédente, les autorités ont délibérément pris le parti de judiciariser toute action syndicale et revendicative, pour mieux les museler.

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Souvenons-nous de Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle, et de ses attaques répétées contre « les corps intermédiaires qui font écran entre l'État et le peuple ».

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Ce texte a par conséquent le mérite de nous interpeller sur les réponses à apporter aux questions légitimes des salariés victimes de la guerre économique.

Il est en effet impératif pour notre République de trouver des réponses à la situation d'impunité dans laquelle se trouve l'ancien patron des ateliers Thomé-Génot, et de résoudre le paradoxe des temps judiciaires auquel sont confrontés les ex-salariés de l'entreprise Ardennes Forge à Nouzonville. Ils vont prochainement recevoir la visite des huissiers, à la suite de la réformation en appel pour absence de travail dissimulé du jugement des prud'hommes qui leur avait alloué des dommages et intérêts. Mais parallèlement, une procédure judiciaire est en cours contre leur ancien chef d'entreprise pour travail dissimulé. Concrètement, ce sont des montants individuels de l'ordre de 12 000 à 20 000 euros qu'ils doivent aujourd'hui rembourser à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés – AGS – alors qu'il est incontestable que la plupart de ces femmes et hommes n'ont pas retrouvé d'emploi et connaissent une situation de forte précarité professionnelle et financière.

Il est également impératif de permettre aux salariés qui perdent leur emploi suite à un abus de bien social de se constituer partie civile contre le responsable fautif de l'entreprise, et donc de corriger l'état actuel de notre droit qui n'y voit aucun préjudice direct. En juillet 2012, la cour d'appel de Reims a ainsi rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts des cent trente-trois salariés licenciés par l'entreprise Lenoir et Mernier LCAB, située à Bogny-sur-Meuse, alors que leur ancien PDG a été condamné pour malversation, emplois fictifs, banqueroute, recel et abus de biens sociaux.

Enfin, il faut renforcer et sécuriser les procédures de contrôle de la solidité financière des repreneurs d'entreprises de façon à éviter les patrons voyous.

Je suis convaincu que ce texte doit être encore débattu et enrichi, c'est pourquoi je ne voterai pas la motion de rejet proposée par le groupe UMP. En revanche, son renvoi en commission peut être un temps supplémentaire de travail utile et nécessaire,…

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…à la condition qu'il ne s'agisse pas d'un de profundis tactique, mais au contraire d'une main tendue, arrimée à un calendrier politique sérieux et responsable.

À ce stade de notre discussion générale, je veux faire confiance à la sincérité de la démarche proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et certains bancs du groupe GDR.)

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Les promesses électorales n'engagent que ceux qui les entendent…

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Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc en train d'examiner cette proposition de loi déposée par le groupe CRC au Sénat et finalement adoptée. Elle vise à amnistier les faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et représentatives.

Disons-le d'emblée : ce texte n'est pas acceptable.

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Les exilés fiscaux ont droit à l'amnistie, eux !

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Amnistier les exilés fiscaux vous pose moins de problèmes !

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Il serait profondément anormal qu'une infime minorité de syndicalistes dont les comportements violents nuisent à l'ensemble de la cause syndicale soit amnistiée, tout particulièrement en cette période. Rarement notre pays aura autant eu besoin d'un dialogue social constructif et responsable au sein des entreprises pour préserver son économie et ses emplois.

En démocratie, les lois de la République s'imposent à tous quelles que soient les responsabilités exercées.

Au moins devons-nous reconnaître aux parlementaires du Front de Gauche la cohérence et la continuité de leur action. Pour leur part, ni le Gouvernement ni les groupes parlementaires socialistes n'ont su faire preuve de la même constance, tant ont été nombreuses leurs voltefaces et les postures embarrassées sur ce texte au cours des derniers mois.

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D'abord rejetée par la commission des lois du Sénat, cette proposition de loi n'a été adoptée en séance, le 27 février dernier, qu'à l'insistance du groupe socialiste du Sénat qui avait choisi de l'amender ; et nous avons découvert avec stupéfaction et consternation qu'un de ces amendements, cosigné par l'ensemble des sénateurs socialistes, revenait à amnistier les vols, détournements, recels et opérations de blanchiment commis à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013 !

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Le principe même d'une amnistie était déjà inacceptable. Son extension à des malversations financières à l'initiative du groupe socialiste du Sénat est profondément choquante et incompréhensible.

Cette extension a pourtant été validée par le Gouvernement puisque le garde des sceaux s'en est remis en séance à la sagesse du Sénat. Peut-être Mme Taubira, curieusement absente aujourd'hui, avait-elle oublié de relire le code pénal avant d'émettre cet avis si troublant.

Grâce à cet amendement socialiste, les malversations financières commises au sein des comités d'entreprises de grandes entreprises publiques, pointées par plusieurs rapports de la Cour des comptes ou faisant l'objet d'enquêtes de la brigade financière, seraient ainsi blanchies. Comment ne pas se rappeler que la dernière amnistie sociale portant sur de telles infractions concernait l'affaire URBA, en janvier 1990 ?

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Le mois dernier, cependant, la raison avait semblé l'emporter au sein du Gouvernement et du groupe SRC de notre Assemblée, qui avaient décidé de s'opposer à l'adoption de cette proposition de loi.

Nous n'étions pourtant pas encore au bout de nos surprises. Dans un nouveau retournement, le groupe SRC nous propose ce matin de renvoyer ce texte en commission. Sans doute pour qu'il puisse être rediscuté à un moment politiquement plus opportun ?

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En vérité, on le constate à nouveau avec cette proposition de loi, la gauche reste plus que jamais fracturée entre les sociaux-démocrates et les collectivistes. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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Ils ne sont d'accord sur rien ! Ni sur l'économie de marché, ni sur la construction européenne, ni sur les grands choix énergétiques, ni sur la place du travail dans la société.

La liste est déjà longue des textes sur lesquels la majorité qui a soutenu l'élection de François Hollande s'est gravement fissurée depuis le début de la législature. C'est notamment le cas du pacte européen de stabilité et de croissance ; du budget 2013 – rien de moins – ; du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ; de la transcription de l'accord national interprofessionnel ; de la proposition de loi sur la tarification de l'énergie, et malheureusement, cette liste va s'allonger.

Ce matin, une fois encore, vous êtes contraints à un rafistolage de façade pour camoufler ces tiraillements permanents à l'intérieur de la majorité présidentielle, et à l'intérieur du groupe SRC lui-même.

Cet artifice procédural du renvoi en commission n'est, en effet, qu'une nouvelle illustration de la sempiternelle synthèse caractéristique du hollandisme, ce mélange de flou, de manque de courage et d'incapacité à suivre un cap clair, dont nous devrions – malheureusement pour notre pays – avoir un nouvel exemple cet après-midi.

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Mes chers collègues de la majorité présidentielle, renoncez à cette synthèse molle…

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… ayez le courage, comme le président de notre commission des lois, de voter avec nous contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Ce n'est pas du niveau d'un ancien président de l'Assemblée nationale !

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Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mesdames et messieurs les députés, en voyant monter le président Accoyer à la tribune, j'ai cru qu'il allait parler de la proposition de loi pour l'amnistie fiscale déposée le 29 mars par l'UMP, mais manifestement il n'a pas souhaité aborder le sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le 6 mai dernier, les Français ont sanctionné l'échec de la politique des différents gouvernements de droite qui se sont succédé au cours des dix dernières années, et dont on ressent encore aujourd'hui les méfaits : il n'est qu'à voir les chiffres de la consommation, publiés hier.

C'est dans ce contexte que nos collègues communistes ont déposé leur texte. La précédente majorité n'a eu de cesse de diviser les Français et n'a jamais caché son mépris pour les revendications sociales.

En ce qui me concerne, je ne suis pas professeur de droit, et ici je ne donne pas de cours, mais je fais de la politique…

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Ça, on s'en était aperçu ! Le PS de Marseille !

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…et j'essaie de défendre les intérêts de ceux que nous représentons.

Je considère que le rejet de ce texte serait une erreur. Depuis que je suis élu, j'ai toujours soutenu les textes du Gouvernement avec constance et détermination. Non pas par discipline, monsieur le ministre, mais par conviction. Je crois dans les orientations du Président de la République et je les assume. C'est donc au nom de ce soutien que je veux aujourd'hui donner ma position.

Apaiser les tensions sociales de plus en plus palpables, c'est l'enjeu de cette proposition de loi d'amnistie. Si la violence est parfois présente lors des revendications sociales, reconnaissons-le, cela reste exceptionnel.

Cette violence est l'expression de la profonde souffrance dans laquelle se trouvent des hommes et des femmes qui, après de nombreuses années dans une entreprise, sont mis au chômage du jour en lendemain, parfois sans aucune explication, simplement parce que des actionnaires ont décidé de relever le seuil de rentabilité de leur entreprise, bien que le site en question soit lui-même rentable. Nous serons d'ailleurs amenés à examiner des propositions sur ce sujet.

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Cette violence peut être aussi l'expression de la colère envers des pouvoirs publics qui n'ont pas tenu leurs promesses.

Il ne s'agit pas de justifier la violence, bien au contraire. Ces actes méritent une condamnation. Mais il est de notre devoir de bien comprendre les causes de ces comportements pour y répondre de la manière la plus appropriée qui soit.

Notre collègue Razzy Hammadi déclarait ce matin sur France Info qu'il faudrait travailler aux conséquences du fait que, dans le passé, nous avions un capitalisme de type rhénan et des patrons avec qui les salariés pouvaient discuter, tandis qu'aujourd'hui les salariés se retrouvent souvent seuls face à des multinationales dont le siège est de l'autre côté de l'atlantique, et n'ont plus d'interlocuteurs.

Oui, en tant que socio-démocrates, nous devons nous efforcer de tenir les deux bouts de l'arc républicain, du patron au salarié, du plus fort au plus faible, du capital au travail.

Notons que l'amnistie n'empêche pas les actions en dommages et intérêts. Seules les condamnations pénales et disciplinaires sont visées. C'est un acte symbolique, c'est un acte d'apaisement social. La garde des sceaux elle-même l'a qualifié « d'acte de justice qui honore la République ». Il ne s'agit pas d'accorder une impunité totale ni d'encourager la violence ; il s'agit de corriger une situation exceptionnelle par une loi certes exceptionnelle.

En effet, le champ d'application proposé est limité à certaines infractions bien définies, excluant les atteintes aux personnes, dont celles dépositaires de l'autorité publique.

Le principe d'amnistie est acquis pour bon nombre d'entre nous. Mais la rédaction de la proposition de loi soulève des difficultés, notamment sur la question des délits financiers. Je suis en accord avec mon groupe, qui rejettera bien sûr la motion déposée par la droite, et qui proposera le renvoi en commission afin d'améliorer ce texte et de préserver une certaine idée de la gauche.

Le renvoi en commission n'est pas une manoeuvre, comme je l'ai entendu dire. Au contraire, c'est pour nous un moyen de poursuivre l'oeuvre de conviction par une sortie positive de ce projet de loi.

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On n'est pas à Marseille ici ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Les Marseillais apprécieront, monsieur Accoyer !

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Monsieur, votre « On n'est pas à Marseille ! », vous pouvez le garder pour vous ! C'est inadmissible !

Qu'avez-vous contre Marseille ? Si vous avez quelque chose à dire, je vous en prie, allez-y !

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Je ne m'énerve pas, mais de telles paroles sont inadmissibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est honteux. Figurez-vous qu'à Marseille, il y a des gens qui travaillent, il y a des gens qui souffrent, et il y a des gens qui espèrent, comme chez vous !

Monsieur le président de la commission, cher Jean-Jacques Urvoas, pour travailler à vos côtés et apprécier vos qualités, je sais que vous ferez en sorte que ce projet revienne rapidement devant notre commission, pour que nous puissions en débattre et qu'il retourne rapidement dans l'hémicycle.

En écoutant l'Assemblée ce matin, on se rend compte que des questions se posent. J'ai entendu dire que ce texte altérerait la force de la loi. Les amnisties votées au cours de l'histoire de la République ont-elles jamais altéré la force de la loi ? Des faits bien plus graves que ceux qui ont été évoqués ce matin ont été amnistiés ici même au cours de notre histoire ! Les petits commerçants amnistiés en 1972 sur une proposition de Gaston Defferre et de François Mitterrand ont-ils poursuivi leur action ? Y a-t-il eu d'autres tentatives de coup d'État après l'amnistie des généraux du putsch d'Alger ?

Plus encore, les auteurs de certains faits ne sont jamais poursuivis ! Les parlementaires bretons pourraient peut-être nous dire, par exemple, ce que sont devenus ceux qui ont saccagé le Parlement de Bretagne ?

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C'est exact ! Il y a deux poids, deux mesures !

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Et que sont devenus ceux qui ont saccagé le bureau de Dominique Voynet ?

Alain Tourret est allé jusqu'à comparer la mesure que propose ce texte avec une éventuelle amnistie des assassins du préfet Érignac. Mais, cher Alain, vous avez trop de talent pour comparer l'amnistie de l'infâme Érignac…

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De l'infâme Colonna, pardon ! (Mouvement divers.)

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C'était une erreur de langage, mes chers collègues, comprenez-le !

…et l'amnistie d'agents EDF qui ont refusé de couper l'électricité à des pauvres.

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Comme vous le voyez, mes chers collègues, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir en commission. Je trouve que la position de notre groupe, qui préconise le renvoi de ce texte en commission pour travailler, élucider les points qui restent en suspens, sous la responsabilité de M. le président de la commission des lois, est très pertinente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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À l'issue de cette discussion générale, il me semble utile de formuler quelques remarques.

Premièrement, c'est bien le groupe GDR qui a demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. Mais contrairement à ce que j'ai entendu à plusieurs reprises au cours du débat, cette proposition de loi n'est plus celle des sénateurs communistes et du Front de gauche : elle est désormais une proposition de loi adoptée par le Sénat. Du reste, on s'aperçoit en les comparant qu'il y a de grandes différences entre la proposition de loi initiale et le texte sur lequel s'est retrouvé l'ensemble de la gauche au Sénat. J'ai considéré, en ma responsabilité de rapporteur, qu'il nous fallait partir du point d'équilibre trouvé par le Sénat, en essayant même de l'améliorer, afin que notre assemblée puisse à son tour l'adopter. Je n'ai donc pas repris les termes de la proposition de loi initiale.

Il me paraît important d'insister sur ce point : notre assemblée est saisie ce matin d'un texte adopté par le Sénat, au demeurant beaucoup plus modeste que celui qui lui avait été initialement présenté. Je me suis efforcé d'améliorer ce texte, et je m'efforcerai de l'améliorer encore en présentant quelques amendements pour en lever toutes les difficultés et toutes les ambiguïtés. Je précise d'entrée, à l'attention de notre collègue Bernard Accoyer, que sur ce plan, sa crainte que les délits financiers puissent être amnistiés à cause d'une erreur de rédaction due au Sénat, n'est pas fondée. J'ai déposé un amendement permettant précisément de rectifier cette erreur, et donc d'écarter tout danger à cet égard.

Nous nous retrouvons donc au final avec un texte que je qualifierai de modeste – j'y reviendrai dans un instant ; et c'est précisément en raison de la modestie de ses ambitions et de son périmètre rendrait son possible rejet encore plus grave à mes yeux.

Deuxième remarque : il y a à l'évidence, au sein de cette assemblée, des interrogations sur le principe même d'une amnistie. Ce débat se retrouve moins au Sénat : s'il a adopté ce texte, c'est bien qu'il y reste favorable. Mais ce débat, monsieur le ministre, existe aussi au sein du Gouvernement : au Sénat : Mme la garde des sceaux a salué l'« oeuvre utile », l'« oeuvre de justice » réalisée par les sénateurs en trouvant un point d'accord sur ce texte. Et dans cette assemblée, je crois qu'il se poursuit au sein de chacun des groupes politiques. Au cours des travaux de la commission des lois, j'ai par exemple entendu notre collègue Patrick Devedjian indiquer qu'à son sens, son opposition au texte ne remettait pas en cause le principe même de l'amnistie. Je ne crois pas non plus avoir entendu le président de notre assemblée le remettre en cause.

Pour en revenir au texte lui-même, je remercie plusieurs de nos collègues – notamment André Chassaigne, Christophe Léonard et à Patrick Menucci – d'avoir rappelé de quoi il s'agit réellement, et en particulier d'avoir relevé les sanctions parfaitement disproportionnées infligées aux auteurs d'actes tels que la réalisation d'un graffiti sur un mur, le refus de procéder à une coupure d'électricité, ou encore le jet d'un oeuf. Je crois que la justification de ce texte se trouve là : dans un climat de grande difficulté sociale, face à ce que beaucoup de salariés ressentent comme la violence de la crise, le Parlement s'honorerait en leur adressant un message de soutien et de solidarité que, pour ma part, j'appelle de mes voeux.

Enfin, je terminerai en apportant deux précisions. Premièrement, M. Tourret, il n'y a pas de désaccord entre nous sur l'interprétation historique des lois d'amnistie : de 1958 à nos jours, on a dénombré seize lois d'amnistie, mais aussi neuf autres lois comportant des mesures d'amnistie à titre subsidiaire. Deuxièmement, Mme Capdevielle, vous commettez une erreur en indiquant que les précédentes lois portaient sur le quantum et non sur le contexte et en en déduisant que celui-ci restait flou et imprécis. Cela n'est pas le cas de l'article 3 de la loi du 6 août 2002, dernière loi d'amnistie en date, dont s'est en partie inspirée la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. L'article 3 de la loi du 6 août 2002 prévoit en effet l'amnistie des « délits commis à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés ». Sur ce plan-là, le texte dont nous discutons aujourd'hui ne fait que reprendre la loi de 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Madame la présidente, monsieur le rapporteur Marc Dolez, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, s'il restait une ambiguïté, je la lève immédiatement pour que les choses soient claires : j'exprime aujourd'hui la position du Président de la République et du Gouvernement.

Les propos d'André Chassaigne ont au fond le mérite d'éclairer très précisément le débat, même si nous ne partageons pas son approche, ni sur le plan juridique ni sur le plan politique. À l'entendre, il y aurait manifestement un lien fort entre la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, et le vote de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Je ne caricature pas vos propos, monsieur Chassaigne : pour vous, dans les deux cas, le même problème se pose, celui de notre volonté de soutenir les syndicalistes. Vous avez le droit de soutenir ce point de vue, mais il ne reflète pas la réalité. Nous ne trions pas les bons et les mauvais syndicalistes : ceux qui ont signé l'ANI sont des syndicalistes et des citoyens tout aussi respectables que ceux qui ont refusé de le faire. On peut ne pas en être d'accord, et c'est votre cas, mais le raccourci auquel vous avez recouru marque plutôt la faiblesse de votre raisonnement : ce n'est pas avec ce type d'arguments que l'on peut justifier le soutien à la proposition de loi d'amnistie. Cette loi peut concerner aussi des syndicalistes favorables à l'accord national interprofessionnel : il y a donc là une confusion dans votre raisonnement.

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Le renoncement systématique est plus qu'une faiblesse ! C'est le recul systématique !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Votre observation, monsieur Chassaigne, ne fait que confirmer mon analyse : la divergence entre nous vient de la confusion de votre raisonnement.

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Avant les élections, c'était « à gauche toute » ; maintenant, c'est « circulez, il n'y a rien à voir » !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Il y a d'autres syndicalistes que ceux que vous soutenez, ce qui montre bien d'ailleurs toute la difficulté du débat. Si votre démarche était collectivement soutenue par l'ensemble des organisations syndicales, alors peut-être le problème se serait-il posé d'une manière différente pour la société. Or ce n'est pas le cas : c'est bien toute la difficulté et la faiblesse démarche.

Deuxièmement, vous avez utilisé une formule qui pose problème dans une démocratie. Vous avez parlé de salariés « injustement condamnés ». Condamnés par qui ? Pas par nous ni par vous : des magistrats indépendants. Dans ce domaine, il faut toujours faire attention aux mots que l'on emploie. Si des condamnations paraissent injustes – j'y reviendrai en répondant à M. Coronado un peu plus tard –, on peut invoquer le caractère inadapté de la loi : auquel cas, il est de notre responsabilité de changer la loi. Mais parler de condamnations injustes à propos de jugements rendus par des magistrats, alors que nous devons garantir leur indépendance, nous fait entrer sur un terrain dangereux : parce ce qui vous paraît juste aujourd'hui, compte tenu de votre engagement politique, paraîtra injuste à d'autres demain. Dans ce cas, c'est la question de l'indépendance de la magistrature qui se pose.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Troisièmement, concernant les prélèvements ADN, je n'ai probablement pas été assez explicite : je vous prie de bien vouloir m'en excuser. Il me semble que vous auriez pu reconnaître les avancées réalisées en la matière : sur cette question-là, ce n'est pas le problème de l'amnistie qui se pose, mais celui du changement de la loi. Tel est le message que le Gouvernement a transmis par mon intermédiaire, en invitant à réaliser un travail dans ce domaine.

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Berrios, vous avez comparé votre conduite dans le cadre du débat sur le mariage pour tous et celle des syndicalistes, en vous vantant d'avoir su, contrairement à eux, défendre vos positions avec mesure et responsabilité. Je ne voudrais pas paraître trop agressif, mais franchement, il ne vous aura fallu que quelques semaines pour réécrire l'histoire : ce qui s'est passé dans cette enceinte ne peut certainement pas, je l'ai dit, être qualifié de mesuré ni de responsable : vous en êtes arrivés à parler de la « police de M. Valls » alors qu'il s'agit de la police républicaine : votre démonstration, de ce point de vue, manque de pertinence…

M. Richard nous a parlé de respect de la loi et de son opposition à l'amnistie. Il me permettra de lui donner un exemple parmi tant d'autres. Vous appartenez, monsieur Richard, à une formation politique qui a adopté en 2002 la dernière loi d'amnistie. Ce texte présentait une particularité dont on ne parle pas souvent : à la fin de ce texte, un article donnait en effet au Président de la République la possibilité d'amnistier des infractions n'entrant pas dans le champ d'application de la loi d'amnistie, commises par des personnes qui s'étaient distinguées d'une manière exceptionnelle dans le domaine sportif. Il ne manquait plus que le nom du bénéficiaire !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Quand on a été capable de voter un texte aboutissant de fait à permettre exceptionnellement, au-delà du champ de loi, c'est-à-dire pour des délits qui ne bénéficiaient pas aux autres, à un ancien ministre, ancien sportif, de bénéficier d'une décision ad hominem, on est assez mal placé pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La démonstration de M. Coronado aura au moins eu le mérite, comme celle de M. Chassaigne, de montrer que l'on se trompe de débat en essayant de trouver des solutions à des problèmes grâce à une loi d'amnistie. Il nous a rappelé ce que nous avons autrefois fait ensemble, pour les radios libres et pour l'avortement. Mais précisément qu'a-t-on fait ? On a changé la loi. On n'a pas amnistié des gens en considérant que ce qu'ils avaient fait n'était pas grave ou que leurs actes pouvaient être amnistiés, sans changer la loi : si l'on a amnistié les animateurs des radios libres, c'est parce que les radios libres ne donnaient plus lieu à infraction pénale. Il en a été de même pour l'avortement : il n'y avait plus d'infraction depuis que la loi sur l'IVG avait été votée. C'est la démonstration inverse des conclusions qu'il pensait en tirer.

Oui, si la loi semble mauvaise, changeons la loi. Mais c'est précisément là où la démonstration de M. Coronado trouve sa limite : cette fois-ci, contrairement à ce qui s'est passé pour les radios libres ou pour l'avortement, on ne peut pas changer la loi et, du coup, l'infraction demeure : la destruction de biens publics. Or personne ne propose de la supprimer : non seulement c'est un délit que l'on voit commettre tous les jours, mais c'est probablement un des plus fréquents délits dans notre société. Du coup, le raisonnement de M. Coronado, lorsque l'on voit à quoi il aboutit, devient totalement incohérent.

Je suis naturellement d'accord avec les propos qu'il a tenus sur le FNAEG. Mais l'exemple qu'il a cité n'est pas totalement abouti puisque le jugement du tribunal de Compiègne a été suivi d'une décision de relaxe de la cour d'appel de Versailles, confirmée par la Cour de cassation.

Alain Tourret a repris un certain nombre d'arguments que j'ai moi-même développés et que je ne peux que soutenir ; mais il a soulevé, et il a été le seul à le faire, un débat compliqué auquel je n'adhère pas totalement, en évoquant la possibilité de prendre une initiative en matière d'amnistie par le biais d'une proposition de loi en s'appuyant sur des considérations de Jean Foyer de 1964. Le contexte constitutionnel et juridique était naturellement autre ! Reste que sa proposition était, comme à l'habitude, tout à fait intéressante.

J'ai bien noté aussi ce qu'a souligné Colette Capdevielle. Elle a employé un mot qui résumait bien ce que l'on peut penser de l'amnistie : une sorte d'ardoise magique pénale. Je suis aussi très attaché à la démonstration qu'elle a développée : évidemment, l'amnistie est présente dans notre ordre juridique, puisqu'elle figure à l'article 34 de la Constitution ; mais la situation est, à chaque fois, différente. Des lois d'amnistie ont été parfois votées : on a parlé des déprédations commises par les petits commerçants du CIDUNATI. Mais quand le moment fut venu de voter une loi d'amnistie, tout le monde a été d'accord. Autrement dit, la démarche était totalement différente. Tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale de l'époque avaient déposé chacun une proposition de loi, et il s'en était suivi une démarche consensuelle et commune, totalement conforme à ce que, du point de vue républicain, doit être et rester l'amnistie.

Madame Maréchal-Le Pen, j'ai entendu vos déclarations très déterminées. Je ne peux qu'émettre le souhait qu'elles soient tout aussi déterminées lorsque viendra le temps prochain des poursuites contre les militants du GUD et des groupes d'extrême droite qui se sont attaqués aux forces de police d'une manière scandaleuse lors de l'examen du texte sur le mariage pour tous. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Léonard, vous avez rappelé que cette proposition n'avait pas pour objectif de donner un permis de dégrader en toute impunité. Vous avez aussi parlé de la difficulté de porter une appréciation sur les décisions de justice. Je l'ai déjà dit : c'est un terrain extrêmement dangereux pour un parlementaire.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Un parlementaire peut, certes, critiquer la loi, mais ceux qui aujourd'hui protègent les juges du siège, c'est vous : le Parlement est, après le Gouvernement, le garant de l'indépendance de la justice. Il n'y a pas de pouvoir judiciaire en France, mais une autorité judiciaire. La seule légitimité du juge ne tient pas à la réussite au concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature ; ce qui fait la légitimité de la décision du juge, c'est la loi. Il nous appartient d'être les garants de l'interprétation de loi ; et si la loi est mal faite, c'est à nous qu'il revient de prendre des initiatives.

Vous avez, dans l'ensemble, considéré qu'il ne pouvait y avoir deux poids et deux mesures – et pas dans le même texte, je l'espère… – en allant parfois jusqu'à vous aventurer sur un terrain qui nécessitera de la réflexion : ainsi la possibilité pour les salariés de pouvoir se constituer partie civile en cas d'abus de bien social, présentée sous le sceau de l'évidence. Ceux qui me connaissent savent que je me suis frotté à cette vieille question suffisamment longtemps pour savoir que cette solution apparemment évidente est finalement une fausse bonne idée : elle ferait peser des obligations sur les salariés en les contraignant à se porter partie civile dans les procédures pénales alors que le droit du travail leur offre aujourd'hui des garanties d'une tout autre nature. Ce débat peut être certes rouvert, il est légitime, mais il exige de faire très attention et surtout de ne pas le prendre comme une évidence, car il peut être source de nombreuses complications et devenir un cadeau empoisonné pour ceux que l'on croyait protéger.

J'ai entendu avec très grand intérêt le plaidoyer de M. Accoyer. Il est dommage qu'il nous ait quittés… Il est amusant de constater à quel point, et pas seulement sur le plan phonétique, amnistie peut parfois se confondre comme amnésie. Car M. Accoyer a dans ce débat cette singularité d'être l'auteur d'une proposition d'amnésie, pardon, d'amnistie – les deux, en fait –…

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

…de la fraude fiscale. Eh oui ! J'ai ainsi amené, à toutes fins utiles, s'il ne l'avait pas reconnu, une dépêche du 11 octobre 2008…

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Recentrez-vous sur le débat ! Parlez de Cahuzac !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

…rapportant que le Président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait opposé une fin de non-recevoir à Bernard Accoyer, après le tollé que celui-ci avait provoqué en proposant d'amnistier les Français qui avaient fraudé le fisc et détenaient des capitaux à l'étranger. Du coup, j'ai pris sa démonstration comme celle d'un expert ; mais je ne saurais évidemment y voir un appel à la cohérence !

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Vous n'allez pas en faire autant pour les exilés fiscaux, vous !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

L'amnistie, comme l'a relevé Patrick Mennucci, ne peut qu'être une décision exceptionnelle. C'est bien tout notre débat. Peut-on, au fond, banaliser l'amnistie ? On peut être solidaire avec ceux qui entrent dans le champ d'application. Mais regardons les événements : la loi d'amnistie malheureusement ne réglera pas la crise sociale et les faits que vous avez dénoncés, parfois avec talent, comme André Chassaigne, se sont reproduits ces derniers mois. Autrement dit, la solution n'est pas là. On peut à un moment donné, comme vous le faites, exprimer une solidarité ; mais cela ne peut aller jusqu'à écarter l'ensemble des problèmes de rapport à la loi républicaine que j'ai rappelés tout à l'heure. Personne ne peut ici parler au nom de l'ensemble des syndicalistes et prétendre à un brevet de soutien au mouvement social à travers cette seule question : jamais jusqu'à présent le débat n'a été posé ainsi dans notre pays, et c'est heureux. Il y a d'autres syndicalistes, les événements de ce genre ne s'achèvent pas toujours ainsi. Des décisions sont rendues par les juges ; si elles le sont sur la base de textes inappropriés, prenons nos responsabilités. C'est la seule réponse possible. À la fin des fins, force est d'admettre que seules les circonstances exceptionnelles justifient le maintien de l'article 34 dans notre Constitution. En l'absence de consensus et d'une démarche collective capables, de manière définitive et apaisée, de mettre fin à un conflit, reconnaissons que les conditions ne sont pas réunies pour donner un avis favorable à cette proposition de loi, à plus forte raison lorsque l'enjeu est le respect du Pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Autrement dit, le Sénat est antirépublicain… Nous en prenons acte : le Sénat, avec une majorité de gauche, est antirépublicain !

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J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

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Madame la présidente, mesdames, messieurs, notre président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, aurait pu défendre cette motion de rejet préalable à ma place, tant mes propos, vous le verrez, sont proches des siens.

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La proposition de loi qui nous est soumise ce matin et qui vise à amnistier les violences et délits syndicaux est inacceptable pour le groupe UMP. C'est un texte moralement dangereux, juridiquement bancal et politiquement mal ficelé.

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Ce texte est moralement inacceptable, car une amnistie n'est absolument pas justifiée pour des faits commis lors des mouvements sociaux ou dans le cadre d'activités syndicales. Une amnistie, c'est un oubli légal qui efface les fautes et les condamnations pénales. C'est clairement un empiétement du pouvoir législatif sur le champ du pouvoir judiciaire. Bien entendu, cet empiétement est possible s'il est justifié par des considérations d'intérêt général : que l'on accorde une amnistie pour des faits graves, qui ont provoqué une déchirure de la communauté nationale, comme ceux commis sous l'occupation ou pendant la guerre d'Algérie, cela se comprend parfaitement. C'est le pendant d'une politique de réconciliation dont l'intérêt est évident et qui s'accompagne d'un engagement de ceux qui bénéficient de cette amnistie à jouer le jeu de la réconciliation. L'exemple parfait d'une telle procédure, c'est l'Afrique du Sud. Les faits commis sous l'apartheid étaient amnistiés à condition qu'il y ait un aveu et une reconnaissance de culpabilité de la part des anciens tortionnaires montrant qu'eux aussi tournaient la page et acceptaient la nouvelle donne politique.

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Les violences commises par les syndicalistes ne sont en rien comparables à ce qui s'est passé sous l'occupation ou pendant la guerre d'Algérie et n'ont provoqué strictement aucune déchirure dans la communauté nationale. Il n'y a absolument aucun motif d'intérêt général pour accorder une amnistie.

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C'est une honte de faire des comparaisons avec l'occupation !

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Nous parlons de l'intérêt général.

Il n'y a strictement aucune demande formulée auprès les syndicalistes concernés de renoncer à des actions violentes, ou de s'excuser à tout le moins auprès des victimes de leurs agissements. Il s'agit plutôt d'une opération où les communistes demandent que leurs copains de la CGT puissent échapper aux conséquences de leurs actes.

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C'est une demande d'octroi de privilège au sens de l'Ancien Régime, c'est-à-dire une demande d'exemption où le privilégié se voit exclu de l'application de la loi commune…

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…pour bénéficier d'une règle dérogatoire évidemment bien plus favorable pour lui que le droit commun.

Tout cela est bien évidemment peu compatible, c'est le moins que l'on puisse dire, avec la République irréprochable que nous a tant vanté et promis l'actuel Président de la République : on reste au contraire dans les petits travers habituels de la France.

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Bref, le changement, ce n'est pas pour maintenant… Et ça, les Français l'ont bien compris !

En plus de révéler que la gauche n'a finalement que faire de l'égalité quand ses amis sont concernés, cette proposition de loi envoie un bien mauvais exemple qui pourrait s'avérer très dangereux ! Bien évidemment, vous le devinez, une file d'attente s'est immédiatement formée devant le portillon. Les écologistes ont d'ailleurs été les premiers et, plutôt que de dénoncer cette atteinte à l'égalité, ils ont demandé à ce que leurs amis puissent monter dans le wagon !

Mais ce n'est pas le plus grave. Vu le degré de tension sociale que connaît notre pays, envoyer maintenant un signal indiquant que la violence est un moyen légitime d'exprimer son désarroi, c'est tout simplement irresponsable et indigne d'élus de la nation. Comment ne pas voir que, même si cette proposition de loi n'est finalement pas adoptée, le fait qu'elle puisse avoir été déposée et défendue par une partie de la gauche et, pire, par des parlementaires du groupe majoritaire, est déjà un signal fort ? Si les violences reprennent et redoublent lors des mouvements sociaux et qu'il y a des dérapages graves, ceux qui ont soutenu ce texte en porteront la responsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

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C'est encore plus réactionnaire que je ne le craignais !

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Plus globalement, c'est aussi envoyer un bien mauvais signal au monde de la justice. Que vont penser les magistrats de cette majorité politique qui vient s'ingérer, pour des motifs de convenances personnelles, dans ce qui relève de leurs prérogatives ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

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Vous qui reprochiez à Nicolas Sarkozy de mépriser les juges et la justice en général, qu'êtes-vous en train de faire, sinon signifier aux juges que votre pouvoir est supérieur au leur et que vos amis sont au-dessus des lois ?

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Enfin, c'est un bien mauvais signal envoyé à l'ensemble des Français sur la crédibilité de la loi pénale et de son application. Selon que vous serez plus ou moins proche du pouvoir, l'application de la loi pénale ne sera pas la même. Finalement, la sévérité et la fermeté, c'est réservé à certains ! On appelle cela une justice à deux vitesses.

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Vous avez beau arguer que le champ de l'amnistie est très restreint, qu'il ne concerne finalement qu'assez peu de personnes, cela ne sert à rien. Cet argument est parfaitement inaudible dans l'opinion, et vous le savez. Ce qui compte dans ce texte, c'est le symbole, pas la portée effective des dispositions juridiques. Ce que la population va retenir, c'est qu'une fois de plus, comme en 1990, la gauche pratique l'amnistie des copains. Est-ce là, chers collègues de gauche, le message que vous voulez envoyer ? C'est, en tout cas, celui-là qui sera reçu par la population si cette proposition de loi est adoptée.

En utilisant cet outil de l'amnistie, vous montrez une profonde incompréhension des mutations à l'oeuvre dans ce pays. Dans son rapport, le rapporteur tente laborieusement de justifier cette amnistie en la comparant aux précédentes, pour nous dire que celle-ci est moins large et que comme l'on a fait pire dans le passé, celle-ci reste acceptable.

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C'est un peu léger ! Il passe ainsi complètement à côté de la mutation sociétale relative au principe même d'une amnistie, beaucoup moins acceptée par les Français qu'autrefois.

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Pour mémoire, la dernière loi d'amnistie remonte à 2002 et la précédente à 1995, à l'occasion des élections présidentielles. Il n'y en a volontairement pas eu en 2007 et en 2012, et ce n'est pas du tout un hasard.

L'amnistie et le droit de grâce constituent une survivance de la monarchie absolue, de l'époque où le roi concentrait entre ses mains tous les pouvoirs. Ils sont aujourd'hui devenus anachroniques et inacceptables quand ils sont utilisés pour traiter des cas personnels où flotte le parfum du favoritisme et de l'arbitraire. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

L'autre grande évolution que l'on peut déplorer, mais que l'on ne peut que constater, est la montée en puissance du droit et de la place des victimes. Une amnistie, c'est un sacrifice complet du droit des victimes à obtenir symboliquement réparation de leur préjudice par le procès et la condamnation pénale du fautif. En amnistiant les militants syndicaux coupables de violences et de saccages, vous vous asseyez souverainement sur les victimes !

Pire, en amnistiant les violences, vous reconnaissez explicitement que ces violences et saccages étaient un mode d'expression légitime. Vous déniez à ceux qui ont subi ces violences et ces saccages la qualité de victimes, et vous leur interdisez toute demande de réparation tout en protégeant les coupables, puisque c'est une faute pénale d'évoquer publiquement des faits amnistiés. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

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Où est la violence, quand des gens se font virer ?

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Vous pouvez protester, je ne fais que décrire la réalité !

Avec cette proposition de loi, vous heurtez frontalement la société. Depuis quinze ans, la société française a beaucoup évolué sur cette question, ce qui rend une amnistie beaucoup moins acceptable. Il faut, encore plus qu'autrefois, des raisons objectives et impérieuses pour qu'une amnistie soit acceptable.

Juridiquement, ce texte est plus que bancal. La liste des malfaçons est très longue et le champ de l'amnistie est bien plus large que ne l'auraient pensé les auteurs du texte, puisque même les responsables de l'UIMM seraient amnistiés pour des affaires de financements occultes !

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Ce n'est qu'un exemple.

Même le groupe socialiste reconnaît qu'il y a un très gros travail de réécriture à faire. C'est d'ailleurs, à ce qu'on lit dans la presse, ce qui motive la motion de renvoi en commission qui sera défendue dans un instant. Je ne vais donc pas m'appesantir sur la longue liste des malfaçons juridiques de ce texte. Je laisse ce soin à celui qui défendra la motion de renvoi en commission – bon courage ! –, qui ne manquera pas de nous faire un exposé détaillé de tous les problèmes juridiques de ce texte.

À défaut d'avoir pu bénéficier de cet exposé en commission le 24 avril dernier, où le groupe socialiste n'a pas déposé le moindre amendement – c'est tout de même extraordinaire ! –, nous l'aurons peut-être en séance publique, ce qui montrerait que le groupe socialiste travaille enfin ses textes !

Car, politiquement, mes chers collègues, quelle cacophonie ! Malheureusement, c'est le mode de fonctionnement ordinaire de cette majorité, qui multiplie les couacs et ne sait visiblement pas gérer les relations au sein de sa coalition. Les niches parlementaires semblent être un vrai souci, puisque c'est la troisième fois que le gouvernement socialiste fâche ainsi un de ses alliés. Après le renvoi en commission de la proposition de loi des écologistes sur les antennes relais – un enterrement de première classe –, le rejet de la proposition de loi des radicaux de gauche sur la circonscription unique pour les européennes, c'est maintenant au tour du groupe communiste de devoir subir une volte-face de dernière minute sur un texte qui semblait avoir été accepté par les socialistes, mais qui est finalement rejeté sèchement par un revirement de dernière minute. Tout cela n'est pas très glorieux ! Ce n'est pas comme cela que le Parlement doit travailler, avec un gouvernement qui dit blanc au Sénat et noir à l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi, on la voit venir depuis longtemps, puisqu'elle a été déposée le 28 novembre 2012 et adoptée le 27 février 2013 au Sénat. Il a été possible de l'amender en commission et en séance au Sénat et à l'Assemblée. Et voilà que le Gouvernement nous dit en avril que ça ne va pas du tout, et que le groupe socialiste nous dit en mai que le texte est très mal rédigé. Qu'au bout d'un an d'exercice du pouvoir, il y ait autant de flottement et d'amateurisme, est proprement sidérant !

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Même maintenant, à l'heure où je m'exprime devant vous, la position du groupe majoritaire reste ambiguë. À entendre le porte-parole du groupe PS, le choix du renvoi en commission a été fait, car il n'y a pas de problème de fond et de principe, juste un problème de forme et de rédaction…

En fait, les députés socialistes sont très divisés et un certain nombre de voix se sont élevées au sein de leur groupe pour soutenir cette amnistie. Je pense en particulier à notre collègue Mennucci, qui a appelé ses collègues socialistes, dans la presse, à désobéir aux consignes du Gouvernement.

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Mes chers collègues, chacun est libre de penser ce qu'il veut de ce texte et de voter en conscience. Mais, face à une proposition de loi aussi clivante, il n'y a que deux lignes possibles : on est pour ou on est contre ! Le choix du groupe socialiste de renvoyer le texte en commission, et donc de le laisser survivre sans donner la moindre information sur son avenir, est, comme toujours, un non-choix. Or, nous sommes élus pour trancher, pour faire des choix et les assumer. Je respecte davantage ceux qui font un choix tranché et l'assument, même s'il n'est pas le mien, à ceux qui fuient devant leurs responsabilités d'élus.

Mes chers collègues – je m'adresse particulièrement aux députés du groupe socialiste qui sont contre cette amnistie –, vous avez maintenant l'occasion de faire un choix politiquement clair, conforme à ce que l'on attend d'un élu responsable. Vos électeurs vous reprocheront certainement plus d'avoir une nouvelle fois reculé devant l'obstacle que d'avoir voté clairement, même si ce n'est pas le choix qu'ils auraient fait.

Si vous êtes contre cette amnistie, ayez le courage de voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Notre collègue Tardy a jugé le texte venu du Sénat mal rédigé, bancal, et affecté d'une série de malfaçons. Cette appréciation ira droit au coeur du Président Chirac, qui a fait voter une amnistie après son élection à la présidence de la République en 2002…

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Cela ne me concerne pas, je n'étais pas en politique à l'époque !

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… du Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, et du garde des sceaux, Dominique Perben. En effet, le texte que nous examinons aujourd'hui est largement inspiré de cette loi de 2002 qui, comme aujourd'hui, visait les conflits sociaux, les actions syndicales et revendicatives !

Qui plus est, mon cher collègue Tardy, le texte que nous proposons aujourd'hui va moins loin que la loi de 2002. Non seulement il est beaucoup plus restrictif,…

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…mais j'ai la faiblesse de penser qu'il est mieux écrit, notamment grâce à un certain nombre d'amendements adoptés au Sénat, ainsi que d'autres amendements que j'ai proposés en commission et que je vous présenterai à nouveau aujourd'hui.

Par ailleurs, j'ai l'impression que M. Tardy n'a pas lu la totalité de mon rapport : pour ce qui concerne les victimes, il est clairement indiqué, notamment aux articles 8 et 10 de la proposition de loi, que celles-ci conservent évidemment leur droit à réparation ; pour ce qui est de l'erreur de rédaction du Sénat qui pourrait entraîner l'amnistie des délits financiers, j'ai bien indiqué que cette erreur était facilement réparable au moyen de l'amendement que j'ai présenté en commission et que je vous soumettrai à nouveau tout à l'heure.

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je me bornerai à faire deux observations.

La première porte sur la question du rapport au pouvoir judiciaire. À vous entendre, monsieur Tardy, vous vous érigez à cette tribune comme le défenseur, le garant de l'indépendance des juges. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Au moment où l'une des attaques les plus ignobles contre la justice vient de vos rangs, sous la forme de la prise de position d'une centaine de députés…

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Pour ma part, je n'ai rien signé ! Vous pouvez vérifier !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Peut-être, mais vous parlez tout de même au nom de l'UMP !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Vous n'avez rien condamné non plus. On avait rarement vu, dans notre République, des parlementaires – plus de cent parlementaires…

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Nous sommes cent cinq, vous pouvez le dire ! Et nous parlons au nom de la liberté !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

…attaquer directement un juge ayant pris une décision, prenant les citoyens à témoin contre lui. S'il y a un scandale en ce moment, c'est bien celui-là ! Il me semble que l'UMP est donc bien mal fondée à se poser en garant de l'indépendance de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Aucun rapport avec moi ! Je ne suis pas concerné !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Deuxièmement, vous êtes un spécialiste reconnu, à juste titre, des questions fiscales. Vous avez voulu nous faire une grande démonstration sur la division du groupe socialiste, mais si, à chaque fois que je fais une remarque sur l'attitude du groupe UMP, vous réagissez en disant : « Ce n'est pas moi ! », franchement, vous auriez dû vous abstenir de chercher à critiquer le groupe majoritaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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Il n'y a pas à chercher bien loin pour faire des critiques !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je comprends que cette remarque soit de nature à vous énerver. Il n'a pas pu vous échapper qu'il y a aujourd'hui une proposition de loi d'amnistie fiscale, que vous auriez pu commencer par condamner.

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Mme Taubira, qui est d'accord avec ce texte, n'est même pas là !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement est peut-être divisé, mais j'aimerais appeler votre attention sur quelques éléments de réflexion.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Quelle a été précédemment la position de la droite au sujet de l'amnistie ? Il se trouve que sur la loi d'amnistie de 2002…

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je parle du principe, monsieur Larrivé, pas du fond.

…l'orateur de l'UMP était le même que sur celle qui nous est soumise aujourd'hui : il s'agit de M. Fenech, et je suis donc allé vérifier ce qu'il disait en 2002, et ce qu'il a dit sur le même sujet en 2013.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je sais que dès qu'on parle de l'UMP, personne n'est là ! Reste que c'est au nom de votre groupe qu'il s'exprimait. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Que disait M. Fenech en 2002 ? « La loi d'amnistie, le pouvoir de grâce et les réhabilitations judiciaires ou de plein droit dont disposent respectivement le législateur, l'exécutif et le pouvoir judiciaire constituent de bonnes soupapes pour la société. Je me demande pourquoi le Parlement devrait être le seul à se priver de cette faculté d'oubli et de pardon ancrée dans la tradition républicaine. »

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Moi, je n'ai parlé que des présents : le rapporteur, le président de la commission, M. Chassaigne ! Parlez de ceux qui sont là !

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Et le même M. Fenech, la semaine dernière : « Une telle loi serait aussi une forme de régression de notre droit en ce qu'elle contreviendrait au principe d'égalité des citoyens devant la loi. »

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Avant de nous donner des leçons de cohérence sur la justice, sur la fiscalité et sur le principe d'amnistie, vous auriez mieux fait de regarder dans vos propres rangs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

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Les échanges intéressants qui ont eu lieu ce matin montrent l'importance du sujet et donc l'impossibilité de voter cette motion de rejet. Ils montrent également que la démarche qui sous-tend ce texte comme son contenu sont partagés par les députés du groupe écologiste comme par plusieurs députés du groupe socialiste. Malek Boutih parle d'« un texte de gauche fidèle à nos valeurs ». Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois du Sénat considère ce texte « comme un important signal à l'heure où tant de salariés ressentent une forte angoisse. » Laurence Rossignol, secrétaire nationale du parti socialiste, affirme quant à elle : « Je serais heureuse de pouvoir annoncer aux salariés de Continental que le Sénat a voté l'amnistie pour l'expression de leur légitime colère. » Ces prises de position doivent appeler chacun à la réflexion.

Que les députés de droite tentent, par cette motion, de rejeter un texte visant au respect de la dignité des salariés en lutte pour défendre leur emploi, ne nous surprend pas. Vous ne serez pas étonnés non plus que notre groupe vote contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe SRC.

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Le groupe SRC a exprimé au Sénat, comme ici, son attachement à la paix sociale et manifesté ainsi sa volonté d'apaisement. Il nous est impossible, sauf à nier la casse sociale et morale de ces dernières années, d'oublier les luttes et les souffrances des salariés. C'est la raison pour laquelle nous avons débuté notre mandat par la concertation sociale, et qu'en toutes choses nous refusons les diktats.

Dans cette optique, nous ne souhaitons pas refuser la discussion sur un texte de loi dont la motivation initiale est de prendre en compte les violences issues de ce manque de dialogue et de concertation. Les échanges futurs doivent nous permettre d'évaluer avec justesse la pertinence des arguments proposés ainsi que les mesures à prendre en la matière. Voter ce texte en l'état actuel de sa rédaction et des questionnements qui sont les nôtres serait à l'opposé de notre méthode de travail ; ne pas en discuter également. C'est pourquoi le groupe SRC votera contre la motion de rejet présentée par le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe UMP.

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Cette proposition de loi d'amnistie sociale est en fait un gigantesque bras d'honneur. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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Un bras d'honneur aux millions de salariés, ouvriers, employés, cadres, qui chaque jour travaillent sérieusement, paisiblement.

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Un bras d'honneur aux millions de demandeurs d'emploi, chaque jour plus nombreux. Un bras d'honneur aux dizaines de milliers d'entreprises qui se battent pour créer des richesses.

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Un bras d'honneur, enfin, à l'endroit de l'autorité judiciaire.

Face à ce bras d'honneur qui vient de l'aile gauche de la majorité, le Gouvernement est complètement flottant. Au Sénat, la garde des sceaux, au mépris de tous les principes, a dit oui, plutôt oui.

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Ici, à l'Assemblée nationale, le ministre Alain Vidalies, dans un accès de bon sens, dit non, plutôt non. Et le groupe socialiste ne dit ni oui ni non : « peut-être bien que oui, peut-être bien que non, regardons cela en commission ». Eh bien, nous, chers collègues, nous disons non ! Et nous vous demandons de vous réveiller.

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Regardez en face la situation du pays. La récession est là.

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Chaque jour, 1 300 ou 1 400 personnes de plus rejoignent les rangs du chômage. Chaque jour, les Français s'appauvrissent. Notre responsabilité, notre devoir, sur tous les bancs, à nous autres, républicains, c'est de créer des richesses, d'encourager les entreprises qui se battent pour conquérir des marchés.

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Ce n'est pas d'encourager ceux qui veulent en réalité détruire l'économie française en affaiblissant notre outil de production. C'est pourquoi, au nom du groupe UMP, je vous invite à voter massivement la motion de rejet qu'a brillamment présentée notre collègue Lionel Tardy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Le groupe UDI votera évidemment la motion de rejet défendue par notre collègue Lionel Tardy au nom du groupe UMP.

La proposition de loi des élus communistes illustre ce que les Français ressentent depuis un an. Vous représentez, dans la majorité, des mouvances qui ont appelé à voter pour François Hollande au second tour de l'élection présidentielle. Cette proposition traduit bien le fait que les réponses du Président de la République, du Gouvernement, des groupes politiques de la majorité sont des réponses catégorielles : vous répondez à des catégories de Français. Quand vous défendez, par exemple, le mariage pour tous, vous défendez une catégorie de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque vous défendez cette loi d'amnistie, telle qu'elle est présentée, vous cherchez à satisfaire une catégorie de Français.

Le groupe UDI appelle le groupe communiste, le Gouvernement et le Président de la République à un projet, à une vision de société qui s'adresse à tous les Français.

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Je reprends l'exemple du mariage : vous pouviez parvenir au même résultat en présentant un contrat d'union civile qui aurait permis d'accorder les mêmes droits à tous les Français, dans un cadre serein et apaisé, et de renforcer la lutte contre toute forme de discrimination contre les couples de personnes de même sexe qui s'aiment. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C'est une erreur de voter cette proposition d'amnistie. Si ce texte passait, les casseurs seraient défendus.

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Dans ma circonscription, à l'instant où je vous parle, une entreprise va fermer parce que son dirigeant a commis il y a quelques mois un excès de vitesse qui lui a valu une suspension de permis de cinq mois. Lui ne bénéficiera pas de l'amnistie ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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L'amnistie doit s'inscrire dans un cadre global. Votre loi est une loi de circonstance qui répond à une catégorie de Français. C'est pourquoi le groupe UDI votera avec fermeté cette motion de rejet présentée par le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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Il ne s'agit pas d'une proposition de loi de circonstance. C'est une proposition qui s'inspire de l'une des plus belles traditions républicaines, une tradition qui salue l'esprit de résistance, qui reconnaît la dignité de celles et ceux qui luttent pour sauvegarder leur emploi et améliorer leurs conditions de vie. Ce ne sont pas des casseurs ; entendre un membre de l'opposition traiter ainsi des syndicalistes, des responsables associatifs, des citoyens, les jetant en pâture comme si c'étaient de simples délinquants, est assez choquant. J'ai connu une droite plus accommodante avec le principe de l'amnistie : je me souviens qu'en 2002, et cela a été rappelé, notamment par M. le ministre, la droite l'avait même élargi au milieu sportif…

M. Tardy a accusé le groupe communiste de vouloir amnistier ses « copains » de la CGT ou le groupe écologiste ses « copains » engagés dans des luttes environnementales. Il n'y a rien de honteux à avoir des relations avec le monde syndical ; c'est même l'une des fiertés de la gauche française.

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Nous pouvons également juger le principe de cette loi parfaitement légitime alors même que les amendements déposés par le groupe écologiste n'ont pas été retenus.

Le seul souvenir que je garde de la loi d'amnistie de 2002,…

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…c'est que cette loi-là avait vraiment bénéficié à des copains qui vous sont très proches, chers collègues de l'opposition, et même à un ministre, ancien champion olympique… À l'époque, vous n'aviez rien trouvé à y redire !

Parce qu'il s'agit d'un texte qui fait honneur à la gauche, qui nous a rassemblés au Sénat et devrait nous rassembler à l'Assemblée, je m'oppose à la motion de rejet déposée par l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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La loi d'amnistie doit correspondre aux grands moments de notre histoire, à ses grandes fractures qui ont entraîné toute une partie de la population à commettre des infractions, souvent les plus graves. Je pense que la proposition qui nous est présentée aujourd'hui ne correspond pas à ce grand principe. Dès lors, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, nous ne la voterons pas.

Par ailleurs, je pense qu'une telle proposition d'amnistie aurait dû relever de l'initiative gouvernementale, non d'une proposition de loi, comme cela a pu être démontré en 1964.

En revanche, faut-il accepter la motion de l'UMP ? Je ne le ferai pas. Je me tourne vers mes amis communistes : la gauche, cela veut dire quelque chose. Jamais nous n'empêcherons par des moyens de procédure les uns et les autres de soutenir ce en quoi ils croient. Vous croyez profondément à votre texte. Je crois profondément qu'il n'est pas bon sur le plan juridique ; pour autant, vous avez le droit de soutenir tout ce que vous souhaitez. C'est pourquoi nous nous opposerons à la motion du groupe UMP.

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Sur la motion de rejet préalable, je viens d'être saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 124

Nombre de suffrages exprimés 124

Majorité absolue 63

Pour l'adoption 25

Contre 99

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

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J'ai reçu de le M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelques esprits chagrins ou mal intentionnés qualifient les jours présents de dramatiques et nous prédisent des jours à venir encore plus terribles. À ceux-ci, je voudrais rappeler sous quel climat idéologique nous avons vécu ces dernières années.

Les circonstances et le contexte économique, social et moral de ces dernières années ont conduit à une radicalisation des mouvements de protestations et de revendications. Par « dernières années », j'entends celles de la présidence de Nicolas Sarkozy. Nous sortons d'une présidence qui, durant des années, n'a eu de cesse de jeter l'opprobre : ici sur les étrangers, là sur les chômeurs ou encore sur les jeunes, les laïques, les grévistes, les journalistes, les magistrats ou les fonctionnaires. La liste pourrait malheureusement être plus longue.

À cette stigmatisation se joignaient souvent des politiques et des paroles de division : on opposait les Français les uns aux autres ; on stigmatisait une certaine partie de la population. Nous nous rappelons tous du « tous des profiteurs » à l'encontre des demandeurs d'emploi ou du « tous des délinquants » pour parler des jeunes et des enfants des quartiers, et nous pourrions citer bien d'autres exemples.

Mais ce qu'il importe de se souvenir et de se rappeler c'est qu'à chaque mot, à chaque blague douteuse, notre société perdait un peu plus en cohésion sociale et en sérénité. In fine, notre pacte républicain était menacé. À cela, les Français ont mis un terme très net il y a quelques mois, et c'est heureux. Il était temps que le climat social s'apaise, que le respect dû à chacun au titre de sa personne ou des responsabilités qu'il exerce préside à l'action et au langage politiques.

Les organisations syndicales sont une composante majeure du corps social. Leur force, leur capacité à agir et leur détermination garantissent une société juste et attentive aux plus fragiles d'entre nous. Elles sont les partenaires incontournables d'un dialogue social apaisé et enfin rénové, mais également et surtout le maillon fort de la politique de relèvement économique de notre pays.

Quel que soit son positionnement sur l'échelle sociale, quelle que soit la nature de ses responsabilités, il n'est de l'intérêt de personne de minimiser ou d'affaiblir l'engagement ou l'activité syndicale. Or ces dernières années, les syndicats ont été foulés aux pieds par la majorité de l'époque : accords de branches non respectés, consultations à l'emporte-pièce ou propos parfois insultants. L'exaspération des syndicalistes, de tous les syndicalistes, était légitime. De ce fait, des revendications syndicales se sont exprimées, débouchant parfois sur des actions aux frontières de la légalité. Nous pouvons les comprendre car à semer la discorde, à railler ceux qui agissent, en l'espèce pour l'intérêt général, il ne faut pas s'étonner de récolter la colère.

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Mais, alors que nous entamons une profonde réforme de l'action et des pratiques politiques, sur la base de la responsabilisation et de la sanction, il semble plus que difficile que des actes que le droit ne tolère pas soient amnistiés.

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Notre société comprendrait peut-être difficilement cet écart de principes, cette rigueur à géométrie variable. Par ailleurs, le texte, tel qu'il est présenté, notamment parce qu'il inclut les délits financiers ou les accès frauduleux aux systèmes informatiques, ou parce que les délais ne correspondent pas à la période de vives tensions sociales que j'évoquais, ne peut manifestement pas être voté en l'état.

En définitive, indépendamment du fond de la question, il semblerait nécessaire de nous donner le temps d'un réexamen technique de ce projet. Plusieurs points, dont certains ont été soulignés par M. le rapporteur justifient de nous y appesantir. En particulier, il aurait été indispensable d'exclure du champ de l'amnistie, et cela avec l'exhaustivité voulue, un certain nombre de délits inscrits au livre III du code pénal. Comme cela a été souligné dans le cadre de la commission des lois, il serait inopportun, par manque de précision, de laisser entendre que des délits tels que l'usage frauduleux des bases de données contenues dans les systèmes informatiques ou bien le recel soient inclus dans le périmètre de l'amnistie. Il convient de circonscrire cette amnistie très particulière aux infractions ayant un lien direct avec les activités revendicatives. La référence au livre III, bien qu'il traite des atteintes aux biens, est donc beaucoup trop large.

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Tout cela n'est pas très respectueux pour la commission des lois.

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M. le rapporteur le reconnaissait : le texte en l'état n'est pas aussi bien rédigé qu'il l'eût fallu pour dissiper toute ambiguïté. Certes, les amendements déposés pourraient combler une partie des failles de cette rédaction imparfaite, mais – et je pense qu'il est nécessaire de le rappeler – nous ne voterons pas un texte qui laisserait supposer que nous serions les apôtres de l'impunité.

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En outre, une partie n'est pas le tout et je pense qu'il est préférable de commettre en la circonstance un excès de prudence plutôt qu'un excès de précipitation.

Aussi, lors du travail initial réalisé par le Sénat, avait-il été relevé que l'article 1er tel que rédigé laissait planer une équivoque dans l'expression « d'activités syndicales ou revendicatives ». Le « ou », en la circonstance, laissait ainsi libre cours à une foule d'interprétations possibles.

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Mais vous aviez le temps entre l'examen du texte au Sénat et celui de l'Assemblée. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

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Ici encore, bien que des amendements corrigeant cette imprécision puissent être adoptés, la divergence d'appréciation sur cet article ne participe pas de l'esprit de ce texte : une volonté de conciliation et la marque du passage d'une société du conflit vers une société du dialogue.

Mes chers collègues, une procédure d'amnistie n'est pas une fin en soi et elle n'est pas une chose simple. A fortiori, les motivations explicites de celle-ci relèvent d'un besoin légitime de tourner une page sur une période durant laquelle les rapports de force ont tenu lieu de rapports sociaux.

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N'importe quoi ! C'est incroyable ! Et nous qui attendions des explications…

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Néanmoins, un tel texte, qui a pour objet d'effacer de la mémoire judiciaire une série de condamnations pour des délits commis en réunion qui, nous l'avons vu, sont plus ou moins bien définis, justifie la précaution de la commission des lois.

Le rejet en commission n'est pas un rejet des causes sociales qui ont conduit aux actes en question.

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Il s'agit d'un vote de prudence, de précaution et d'une position responsable de notre part.

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Tu parles ! On appelle ça un enterrement en première classe.

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Si notre objectif est la concorde sociale, un projet d'amnistie doit être aussi partagé que possible. Il doit l'être par l'ensemble des groupes politiques de cette assemblée. Il doit l'être également par l'ensemble de nos concitoyens.

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Vous êtes incapables de prendre des décisions !

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Si notre objectif est de reconstruire un climat propice au dialogue entre partenaires sociaux, il nous incombe d'être attentifs à ne pas envoyer un message contraire à ce voeu. Il ne faudrait, en aucun cas, ni que nous ne nous substituions à la justice, ni que nous donnions l'impression faussée de légaliser l'usage de la violence.

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Si la loi doit être connue de tous, tous doivent pouvoir se l'approprier. C'est donc dans la clarté, dans la transparence et avec la certitude qu'il n'existe aucun doute quant à une interprétation qui en desservirait l'esprit, qu'un texte de cette nature doit être construit et porté. Il en va du respect de la philosophie politique de notre majorité ; il en va aussi du respect et de l'acceptation des actes syndicaux de demain.

Monsieur le président, mes chers collègues, notre climat politique s'est assaini, les nuages de la discorde gratuite se sont éloignés, et les paroles blessantes aussi.

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Mais ouvrez donc les yeux ! C'est complètement surréaliste.

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Je suis fière d'appartenir à une majorité qui se fait fort de proposer un chemin : celui du respect des différences tout autant que celui de la responsabilisation des actes que chacun de nous, qu'il soit aux responsabilités ou non, peut entreprendre. Au nom de cette exigence morale et politique, je vous invite à voter le renvoi en commission de cette proposition de loi. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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La parole est à le M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

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Madame la présidente, je me félicite de cette demande, moins tardive que la précédente, mais je voudrais qu'il soit procédé attentivement à l'analyse du scrutin et que l'on compare le nombre de membres du groupe UMP présents en séance avec le résultat du vote. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

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Je fonde ce rappel au règlement sur l'article 58, alinéa 1. Je veux souligner le caractère assez désagréable des propos du président Le Roux qui semble sous-entendre, se réveillant au fil des débats, que l'UMP voudrait d'une quelconque manière manipuler le scrutin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Cela n'est pas le cas, puisque, ainsi que l'exposera l'orateur de notre groupe nous ne participerons précisément pas à ce vote, car nous vous laisserons à vos propres responsabilités. Votre intervention, monsieur Le Roux, était totalement décalée et parfaitement déplacée !

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Je propose un amendement pour amnistier les parlementaires qui ont triché !

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Premièrement, je suis quelque peu surpris de la proposition du groupe SRC de renvoyer le texte en commission, même si l'annonce nous en a été faite par les gazettes il y a quelques heures déjà : cela revient à dire que le travail en commission n'aurait pas été satisfaisant et qu'il faudrait le reprendre. Ma surprise est d'autant plus grande que cette proposition vient d'un groupe qui n'a pas déposé un seul amendement lors de la réunion de la commission des lois le 24 avril dernier.

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Deuxièmement, je comprends le souci que notre collègue vient d'exprimer à la tribune, de voir le texte amélioré sur quelques points fondamentaux : l'exclusion des délits financiers du champ de l'amnistie ; la nécessité de bien préciser les infractions sur les biens visées au livre III du code pénal, de façon à ce que des délits autres que les destructions et les dégradations ne soient pas pris en compte.

Mais je me permets de lui rappeler que le 24 avril, j'ai déposé des amendements allant exactement dans le sens qu'elle souhaite,…

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Eh oui ! Il faut bosser les textes en commission !

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…et que malheureusement, ce jour-là, le groupe socialiste les a refusés.

Je pense avoir avec la commission amélioré le texte sur les deux points que Mme Chapdelaine a relevés à la tribune, mais aussi sur un troisième que je veux souligner : à l'article 6, j'ai déposé un amendement pour que la réintégration des salariés soit parfaitement en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis la loi d'amnistie de 1988.

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Ils n'ont pas eu le temps de travailler depuis !

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Les amendements que j'ai évoqués n'ont certes pas été adoptés par la commission, mais je répète que je les ai redéposés ; par conséquent, madame Chapdelaine, si évidement votre motion de renvoi est rejetée, nous allons passer à la discussion des articles, pouvant ainsi tous ensemble, mes chers collègues, améliorer le texte pour réunir les conditions de son adoption.

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis évidemment opposé à cette motion. Mais je tiens à ajouter un élément supplémentaire : si elle devait être adoptée, je crains, à la lumière d'un certain nombre de déclarations, que ce ne soit qu'un acte de procédure destinée à enterrer le texte en empêchant la navette avec le Sénat.

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Mais non ! Sinon, nous aurions voté le rejet préalable !

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J'ai entendu avec intérêt plusieurs collègues du groupe socialiste expliquer leur volonté de retravailler le texte. Si donc il ne s'agit pas simplement d'un manoeuvre dilatoire, je serai tenté de leur dire ainsi qu'au président de la commission des lois : chiche ! Convoquons rapidement la commission pour procéder à ce travail, et que le groupe socialiste, en liaison ou non avec le Gouvernement, fasse en sorte que le texte ainsi retravaillé soit dans les plus brefs délais à nouveau inscrit à l'ordre du jour. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Mais si l'idée est d'attendre la prochaine niche du groupe GDR, la démonstration sera faite que le vote de cette motion est une manoeuvre dilatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette motion de renvoi en commission, chacun le sait, devrait plutôt s'appeler motion de renvoi sine die : s'il est un point, sans doute le seul, sur lequel nous sommes en accord avec le président de la commission des lois, c'est que celle-ci a travaillé. Rien ne prédispose donc à l'optimisme devant cette motion de renvoi, d'autant plus qu'aucun calendrier de la commission pour le retour du texte n'est connu.

Quant à la remise en cause du principe même de l'amnistie, elle ne tient pas : le Gouvernement lui-même, si j'en crois Les Échos de ce jour, monsieur le ministre, réfléchit à une amnistie fiscale.

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Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

C'est scandaleux de dire ça !

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Je cite l'article : « Comment régulariser les avoirs non déclarés sans avoir l'air d'accorder une amnistie fiscale ». Il ne s'agit pas ici d'une amnistie fiscale – laquelle a d'ailleurs, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, fait l'objet d'une proposition de loi déposée par certains députés UMP le 29 mars dernier –, mais d'une amnistie sociale. La gauche, dans toutes ses composantes, a déjà adopté le texte qui nous vient en séance ce matin ; elle peut l'améliorer en adoptant notamment les amendements proposés par notre excellent rapporteur Marc Dolez.

Mais la question principale est de mettre un terme à la criminalisation de l'action syndicale et revendicative, une criminalisation que toute la gauche avait condamnée durant le dernier quinquennat. Au-delà de l'amnistie juste que nous défendons aujourd'hui, il faudra bien légiférer pour protéger les salariés et les militants syndicaux face au rouleau compresseur des grands groupes. N'oublions pas qu'en 2002, et c'est un paradoxe, Jacques Chirac et le gouvernement Raffarin avaient accordé le pardon dans ce domaine, notre rapporteur l'a rappelé, et ainsi permis l'apaisement.

Dans un moment de grande violence économique, avec des milliers de salariés licenciés, victimes d'une guerre économique sans merci, avec des inégalités qui explosent, la gauche n'a ni moralement ni politiquement le droit de refuser cette proposition de loi. Passons au débat, amendons s'il le faut, mais prenons nos responsabilités et rejetons cette motion de renvoi insincère et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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En dehors des enceintes militaires, le groupe SRC n'est pas favorable au garde-à-vous. Nous demander à chaque fois de faire preuve de ce qu'on appelle la cohérence, c'est en réalité nous refuser le débat. Or celui-ci est nécessaire sur un texte extrêmement difficile.

Nous considérons en effet que cette proposition de loi soulève d'extrêmes difficultés parce que nous sommes aujourd'hui en général contre le principe de l'amnistie. Jean-Jacques Urvoas l'a démontré : l'amnistie reste une atteinte à la loi, et qui ne peut s'appliquer, Alain Tourret l'a rappelé, qu'en cas de grandes dissensions nationales.

Dans les dix dernières années, nous avons renoncé aux lois d'amnistie pour principalement deux raisons : Premièrement, nous avons considéré que l'amnistie n'était pas une façon correcte de régler le problème de la surpopulation carcérale – que par ailleurs nous n'avons pas réglé, mais c'est un autre sujet ; deuxièmement, nous avons pris conscience que l'amnistie laissait à chaque fois des morts sur le bord des routes parce qu'elle était vécue par certains conducteurs comme la possibilité de transgresser en toute impunité les règles du code de la route. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas critiqué le président Sarkozy lorsqu'il a renoncé à l'amnistie routière, et c'est pour la même raison que le président Hollande l'a refusée lui aussi. Il est donc difficile pour notre groupe d'accepter de prononcer une amnistie.

Mais dans le même temps, comme tout principe suppose des dérogations, notre groupe est resté attentif à l'immense déception de ceux qui perdent non seulement leur emploi mais aussi tout espoir de vivre normalement. Nous comprenons l'immense colère de ceux qui sont victimes de décisions prises à Los Angeles ou à Singapour lesquelles, du jour au lendemain, pour des raisons boursières, les privent de travail.

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C'est la calinothérapie pour les communistes !

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Cette immense déception, cette immense colère qui n'est pas la colère de tout le monde mais celle qu'éprouvent ceux qui se trouvent dans cette situation, justifie-t-elle une dérogation ? C'est la question à se poser. Pour notre part, nous estimons qu'il est nécessaire d'y voir de plus près.

Monsieur le rapporteur, j'ai écouté avec intérêt vos explications, mais il y a une question à laquelle le texte ne répond pas : qui précisément serait concerné par cette amnistie et combien de personnes ? Quels cas particuliers recouvrirait-elle ? Il est extrêmement difficile d'y répondre. Je ne vous fais pas le reproche, monsieur le rapporteur, de ne pas le savoir, car cela suppose de procéder à certaines vérifications, de se tourner vers le ministère de la justice pour essayer de savoir qui exactement serait concerné.

La motion de renvoi en commission déposée par notre groupe et défendue par Mme Chapdelaine est une motion de bonne volonté et il est nécessaire d'y souscrire.

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Non, ce n'est pas une motion de lâcheté, mon cher collègue, mais une motion de bonne volonté car nous voulons pouvoir réfléchir. Et cette bonne volonté ne doit pas être contrecarrée par des imprécations qui viendraient d'ici ou de là… et je ne vise pas mes collègues du Front de gauche.

Voilà pourquoi le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission.

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La discussion de cette proposition de loi est un signal absolument désastreux envoyé à l'opinion. Il contribue à affaiblir l'autorité de l'État. On voit mal comment le ministre de l'intérieur peut proclamer ici même, tous les mardis et mercredis, qu'il va rétablir la loi républicaine et, en même temps, accepter que ceux qui l'ont piétinée soient amnistiés.

C'est aussi un affaiblissement du dialogue syndical : alors l'Assemblée vient d'adopter une loi destinée à le favoriser et même à le mettre à l'honneur, vous privilégiez en fait ceux qui ont choisi la violence par rapport à ceux qui ont choisi la discussion.

Enfin et surtout, c'est un affaiblissement du Parlement : le Gouvernement a donné son quitus à cette loi au Sénat, puis revient dessus à l'Assemblée nationale. Ce qui ne peut que diviser très largement, alors qu'une amnistie, on l'a rappelé, peut avoir des vertus à condition de recueillir une unanimité. Le fait même qu'une telle puisse être discutée dans cette enceinte est à tous égards un signal désastreux.

Quant à la motion de renvoi en commission, c'est une manoeuvre dilatoire pour masquer vos turpitudes. L'amnistie sociale était un engagement du Président de la République et de ce gouvernement ; mais peu à peu, votre majorité se délite. Ainsi, le Front de gauche veut une VIe République socialiste, quasiment la révolution avec une assemblée constituante, ai-je entendu dans des manifestations.

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J'ai même aperçu tout à l'heure M. Mélenchon dans les tribunes venir voir quelles étaient ses soutiens. Au sein même du groupe socialiste, on sent des divisions, d'où cette manoeuvre dilatoire du renvoi en commission. Seuls les élus du Front de gauche et les Verts font preuve de cohérence dans le temps, même si ces derniers ont cru profiter d'un véhicule législatif qui leur permettrait d'intégrer dans l'amnistie tout et n'importe quoi.

Pour toutes ces raisons, nous ne prendrons pas part au vote de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et républicains.

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Avec cette motion de renvoi en commission, nous voyons les conséquences de l'attitude du Gouvernement à l'endroit du Parlement. Le 27 février dernier, les sénateurs socialistes défendaient avec force l'amnistie ; ce matin, les députés socialistes entendent nous démontrer le bien-fondé d'un renvoi en commission.

Quant à nous, notre position est claire : nous considérons que les effets d'une telle amnistie ont été insuffisamment mesurés et que même un renvoi en commission n'est pas souhaitable. Il serait dangereux d'effacer de certains faits accomplis dans le passé leur caractère d'infraction : nous adresserions alors un mauvais signal aux manifestants professionnels, aux entrepreneurs et à l'ensemble de nos concitoyens ; bref, un tel signal serait celui de l'acceptation du recours à un droit ponctuel à la violence et à la dégradation des biens d'autrui. Excuser ainsi des débordements de toutes sortes sous prétexte qu'ils ont été commis dans le cadre d'un combat social, c'est tout simplement rompre le principe d'égalité des citoyens devant la loi et méconnaître l'application de la législation en vigueur.

Le groupe UDI est hostile par principe à toute loi d'amnistie en dehors d'un contexte historique nécessitant une réconciliation nationale, rejoignant sur ce point ce qu'a dit excellemment notre collègue Alain Tourret. Nous considérons que l'amnistie telle que proposée par le groupe GDR est inopportune et dangereuse.

Par conséquent, étant opposé à cette proposition de loi, le groupe UDI ne votera pas la motion de renvoi.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Je suis moins optimiste que M. le rapporteur sur les intentions du groupe socialiste à travers le dépôt de cette motion de procédure.

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Nous avons déjà entendu ce genre d'explications à propos d'une proposition de loi sur les ondes électro-magnétiques débattue au mois de janvier, et dont nous attendons toujours une hypothétique nouvelle inscription à l'ordre du jour.

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Je serais plutôt d'accord avec une collègue du groupe socialiste qui mardi soir, lors d'un autre débat, avait accusé l'opposition, qui présentait une motion de renvoi en commission, de cherche à enterrer le texte et à refuser le débat en usant de manoeuvres dilatoires. Je lui avais dit que je partageais son point de vue tout en espérant qu'elle tiendrait aujourd'hui les mêmes propos…

Le débat a eu en partie lieu en commission. Aucun amendement n'a d'ailleurs été déposé par les membres du groupe socialiste. Un seul d'entre eux avait exprimé son désaccord : Patrick Mennucci, ici présent. Si l'on avait eu la volonté d'avancer sur ce texte, d'en améliorer l'écriture, d'en redéfinir le périmètre et la portée, nous aurions donc pu le faire.

Ne nous faisons pas d'illusions, ne nous racontons pas d'histoires. Je tiens à cet égard à saluer, même si je ne la partage évidemment pas, la position défendue par le président de la commission des lois : il a clairement expliqué qu'il s'opposait au principe même de l'amnistie et qu'une telle disposition ne correspondait plus à l'époque.

Je voudrais simplement m'adresser aux membres de la majorité, et notamment à vous, chers collègues du groupe socialiste. Il faut savoir : ou bien il n'est plus possible désormais d'amnistier des syndicalistes, des hommes et des femmes courageux qui défendent leur outil de travail et leurs conditions de vie, parce que l'on juge que le principe n'est plus adapté à l'époque ; ou bien l'on pense que cela reste une tradition républicaine qui a fait honneur à la gauche. Auquel cas, je vous invite à voter en conscience contre le renvoi en commission, parce que nous avons pris, au cours de la campagne électorale, les uns et les autres souvent, des engagements en faveur de cette amnistie.

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Je suis d'accord avec vous, et ce n'est pas souvent !

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Il n'est pas sain qu'une majorité change de pied et d'avis aussi souvent et, finalement, tourne le dos à celles et ceux qui nous ont permis d'être assis dans cet hémicycle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, je dirais en souriant à mes amis socialistes qu'ils nous présentent une motion mi-chèvre, mi-choux, digne des grands moments de la République radicale de la IIIe République (Sourires) lorsqu'à tout moment, dans un souci de consensus, il fallait réconcilier Herriot et Daladier, l'un se présentant au centre, l'autre se présentant à gauche, à l'intérieur de la grande mouvance radicale…

Cette recherche du consensus, que je peux comprendre pour des raisons d'équilibre interne, me semble se faire au détriment des principes fondamentaux de la République.

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Ces principes fondamentaux, quels sont-ils ? Il ne peut pas y avoir des amnisties pour telle ou telle catégorie d'individus.

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Lorsque vous serez saisi par des agriculteurs…

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…lorsque par des faucheurs volontaires, par des marins, par je ne sais quelle catégorie de la société, que ferez-vous ?

La loi d'amnistie n'est fondamentalement pas faite pour cela. Réfléchissez un peu : c'est à toute l'architecture républicaine que vous portez atteinte. Par la loi d'amnistie, que vous le vouliez ou non, vous désavouez les magistrats et donc l'autorité judiciaire.

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Que fait-on ? On efface des condamnations prononcées. Dès lors, les faits n'existent plus.

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Relisez les propos tenus que tenait ici même Arnaud Montebourg en 2002 devant certains d'entre vous : l'amnistie est une remise en cause de tout le système de la séparation des pouvoirs.

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Et pourtant, Montebourg n'est pas une bonne référence !

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Je vous le dis avec force : soyez des républicains, n'acceptez pas un tel projet de renvoi en commission et opposez-vous tout à l'heure à la proposition de loi qui nous est présentée.

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Allons, chers collègues, la France et les manifestants vous regardent ! C'est le moment des couleuvres !

(Il est procédé au scrutin.)

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Voici le résultat du scrutin sur la motion de renvoi en commission :

Nombre de votants 118

Nombre de suffrages exprimés 112

Majorité absolue 57

Pour l'adoption 95

contre 17

(La motion de renvoi en commission est adoptée.)

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S'agissant d'un texte inscrit à l'ordre du jour fixé par l'Assemblée, il appartiendra à la Conférence des présidents de proposer les conditions de la suite de la discussion.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers ;

Proposition de loi tendant à la suppression du mot « race » de la législation.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron