C'est dans une atmosphère pour le moins étrange que débute la discussion de cette proposition de loi.
Je voudrais en quelques mots rappeler l'histoire de l'amnistie, qui s'inscrit dans une tradition française remontant à 1791, avec la mise en place du droit de grâce présidentiel. Le décret alors adopté effaçait toutes les condamnations prononcées par les révolutionnaires et contre-révolutionnaires. L'amnistie, désormais inscrite à l'article 24 de la Constitution, était déjà une loi de réconciliation des Français, face à des positions politiques qui les avaient conduits à s'opposer les uns aux autres.
Depuis, de nombreuses amnisties furent votées dans ce but d'apaisement après des événements politiques. En 1951, puis en 1953, sont votées des lois d'amnistie pour les faits de collaboration et de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. La loi du 31 juillet 1968 portait sur toutes les infractions commises par des militaires en relation avec les événements d'Algérie. Les violences commises par les indépendantistes en Nouvelle-Calédonie dans les années quatre-vingt ont également fait l'objet de lois d'amnistie. Enfin, les personnalités s'étant illustrées dans les domaines scientifique, culturel, économique et humanitaire ont aussi été concernées par des lois d'amnistie.
La tradition d'amnistie a connu une autre dimension sous François Mitterrand : il a en effet élargi l'amnistie aux militants des radios libres, aux militants du droit à l'avortement, mais aussi aux généraux de l'OAS.
En 1981, puis en 1995 et en 2002, ont été adoptées des lois d'amnistie, notamment pour les contraventions, sortes de grâces collectives présidentielles.
Il est vrai que Nicolas Sarkozy a interrompu cette tradition. Il n'en reste pas moins que le retour à une présidence normale aurait pu, aurait dû, nous conduire à adopter rapidement une loi prévoyant l'amnistie de tous ceux qui, durant le quinquennat précédent, ont tenu à faire avancer nos lois vers plus de justice sociale et environnementale.
S'il est vrai que dans un État moderne, le Gouvernement et l'État doivent avoir le monopole de la violence, il n'en reste pas moins que parfois, s'affranchir de la loi n'est pas totalement illégitime. J'en veux pour preuve des événements très récents.
C'est ainsi que nos lois avancent. C'est par exemple le sens de la loi adoptée ici concernant les lanceurs d'alerte, qui ont été poursuivis, parfois condamnés, dans le passé. Nombreux sont nos concitoyens à mener des luttes parfois incomprises, souvent déplorées, mais justes.
J'ai rappelé ici, il y a quelque temps, à Mme la ministre Christiane Taubira, qu'elle était fêtée, qu'elle était saluée, que tout le monde finalement était fier de son travail en faveur du mariage pour tous…