C'est durant les périodes de crise que les lois d'amnistie ont eu le plus d'importance. Nous connaissons aujourd'hui une telle période – crise économique, sociale, politique –, marquée par une défiance croissante de nos concitoyens. Ainsi que l'indique le rapporteur, les taux de pauvreté et de chômage, mais également l'explosion des scandales sanitaires, auraient sans doute dû nous conduire à agir immédiatement avec clémence.
La proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 février dernier se montrait déjà, non pas peu ambitieuse, mais en tout cas très « réaliste », son champ d'application, étroit, se limitant aux « faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives », c'est-à-dire lors de conflits collectifs au travail, d'activités syndicales ou dans le cadre d'un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes de logement, par exemple.
J'ai déploré en commission la timidité du texte, qui exclut de fait : les condamnations prononcées avant le 1er janvier 2007 et après le 6 mai 2012 ; celles pour lesquelles la peine d'emprisonnement est supérieure à cinq ans ; les atteintes volontaires aux personnes ; les infractions commises à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, comme les menaces ou outrages à agents.
Nous avons déploré – et c'est pour nous important – l'exclusion du texte des mouvements environnementaux et culturels. Je pense aux militants de la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes, aux militants qui luttent contre les lignes à haute tension, dites THT, aux faucheurs d'OGM, aux militants contre les trains Castor, aux opposants à la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, à toutes celles et à tous ceux qui ont défendu nos services publics – hôpitaux, gares, écoles –, à toutes celles et à tous ceux qui ont pu barbouiller les mobiliers urbains pour s'opposer au trop-plein de pub, ou encore, et ce ne sont pas les moindres, à celles et à ceux qui ont commis le délit de solidarité avec les sans-papiers – avant que nous ne l'abrogions, ici même, il y a quelques semaines.
Le délit d'entrave à la liberté du travail prévu à l'article 431-1 du code pénal n'est pas non plus prévu. Or un certain nombre de faits pourraient être requalifiés en fonction de ce délit, pourtant moins grave et très fréquent en cas de mouvements sociaux.
Nous avons également rappelé que les empreintes digitales devaient être maniées avec d'autant plus de précaution que les avancées scientifiques permettaient désormais un travail détaillé. Aussi avons-nous demandé que les empreintes de personnes responsables de délits politiques ou syndicaux soient exclues du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG. Le fichage de militants politiques ou de faucheurs volontaires est en effet inadmissible dans une démocratie.
Le 26 juin 2011, le tribunal correctionnel de Compiègne a d'ailleurs relaxé Xavier Mathieu, estimant que le prélèvement génétique demandé était « inadéquat, non pertinent, inutile et excessif », compte tenu de ce que les faits, « commis en plein jour », s'inscrivaient dans « une logique parfaitement lisible de combat syndical et non dans une démarche à vocation purement délinquante et antisociale ». Ce type de raisonnement pourrait retenir l'attention de celles et ceux qui, dans cet hémicycle, hésitent encore à voter ce texte.
Sont notamment concernés par le FNAEG les délits d'atteinte aux biens : destructions, dégradations, détériorations ou menaces. Il ne pourrait plus être possible de conserver les empreintes génétiques quand ces délits, et ces délits seulement, auraient été commis à l'occasion de conflits du travail, d'activités syndicales et revendicatives ou de mouvements collectifs revendicatifs relatifs aux problèmes liés au logement, à l'environnement, aux droits humains, à la santé, à l'éducation, à la culture, aux langues régionales, au maintien des services publics et aux droits des migrants.
Allant au-delà de la simple loi d'amnistie, cette requête nous semble constituer un pas supplémentaire vers plus de justice, une justice plus respectueuse des droits humains, dans le sens que nous indiquait, le 18 avril dernier, la Cour européenne des droits de l'homme.
Le groupe écologiste soutient cette proposition de loi déposée par le groupe GDR.