Essayons de réfléchir sur ce processus d'oubli volontaire qu'est l'amnistie.
L'amnistie remonte à la nuit des temps, à Athènes, en 404 et 403 avant notre ère. Elle traverse la République romaine, a pour avocat Cicéron, qui tente d'obtenir l'amnistie des conjurés qui assassinèrent César en 44. On la retrouve sous la monarchie : la clémence royale s'exerce par les lettres de grâce, qui effacent la peine, et par les lettres d'abolition qui effacent le délit. Il suffit de relire Victor Hugo dans son discours au Sénat le 21 mai 1876. Il explique lumineusement ceci : « De ces deux prérogatives de la royauté, le droit de grâce et le droit d'abolition, le droit de grâce, qui est le droit limité, est réservé au pouvoir exécutif, le droit d'abolition appartient au pouvoir législatif. Vous êtes le pouvoir souverain, c'est à vous qu'appartient le droit supérieur. Le droit d'abolition, c'est l'amnistie. »
L'amnistie devient alors, tant bien que mal, un moyen habituel de gouverner. Cet instrument, qui aurait dû rester exceptionnel, est utilisé environ une fois tous les deux ans. Le rapporteur, dont je salue le travail, nous explique en page 8 de son rapport que « seize lois d'amnistie ont été votées entre le 31 juillet 1969 et le 6 août 2002 ». Je lui signale qu'il est en désaccord avec le professeur Bruno Py, professeur de droit, spécialiste de l'amnistie, qui relève pour sa part l'existence de vingt-quatre lois ou décrets d'amnistie entre 1989 et 2003.
L'amnistie aurait dû rester un moyen exceptionnel de pardon, une tentative de refonder l'unité nationale après une crise majeure. Chacun comprend bien que, après de grandes et douloureuses déchirures, on doive envisager la réconciliation, une nouvelle fraternité, un retour des brebis égarées,…