Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 9h30
Amnistie des faits commis lors de mouvements sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chères et chers collègues, il n'est pas inutile de revenir au coeur du sujet, c'est-à-dire au code pénal – puisque c'est bien de droit pénal qu'il s'agit – et aux textes qui encadrent l'amnistie.

Dans le code pénal, l'amnistie est définie à la section III du chapitre III, intitulé « De l'extinction des peines et de l'effacement des condamnations », et plus précisément à l'article 133-9 dudit code. Que dit cet article ? « L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure. »

L'amnistie, dont la racine grecque signifie « oubli », est une notion de droit public pénal, que l'on peut définir comme l'acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées, et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer, sous peine de sanctions. Il s'agit, en quelque sorte, d'une « ardoise magique pénale ».

L'amnistie fait perdre aux faits leur caractère délictueux : ceux-ci ne sont plus ni poursuivables, ni punissables. Les conditions de l'amnistie ne sont pas fixées par le code pénal, mais par chaque loi d'amnistie qui en fixe les contours.

L'amnistie a toujours existé : dès l'Antiquité, où tous les traités de paix pouvaient contenir une disposition d'oubli et de pardon, au Moyen Âge, dans les édits de pacification, et jusque dans notre histoire plus contemporaine, comme cela vient d'être dit. L'histoire nous montre que l'amnistie a pour objet, une fois le règlement d'un conflit terminé, d'empêcher que la recherche de nouveaux griefs ne rallume les hostilités entre opposants.

Jusqu'en 2002 coexistaient deux types d'amnistie, l'amnistie collective présidentielle et l'amnistie individuelle. Depuis 2007, il n'y a plus de loi d'amnistie collective présidentielle après l'élection, et il n'y en aura probablement plus jamais. Il est vrai, comme l'a dit Alain Tourret, que le quinquennat a porté un coup fatal à ces lois d'amnistie présidentielle.

Plusieurs explications à cela : la lutte contre certains types d'infractions en matière de délinquance routière, la très choquante anticipation sur la commission de contraventions et délits, et surtout la critique de ce procédé contestable hérité de la monarchie, le fait du prince, qui veut que le souverain, par les cadeaux et fêtes marquant son avènement, éteigne les condamnations du roi précédent.

Au cours de l'histoire, très peu d'amnisties événementielles ou ponctuelles ont été votées : lorsqu'elles l'ont été, c'est pour mettre un terme définitif à des événements très douloureux de notre histoire, comme la guerre d'Algérie, mai 1968, la situation en Corse ou dans les départements d'outre-mer.

Ces lois d'amnistie concernent des situations politiques très conflictuelles et bien déterminées, sur une période courte et identifiée, et portent sur des faits précis ; surtout, lorsqu'elles surviennent, elles sont le fruit d'une négociation collective très serrée, destinée à clore définitivement le conflit. C'est le cas, par exemple, des accords de Matignon pour la Nouvelle-Calédonie.

Personne, ici, n'entend contester la légitimité de l'action syndicale de salariés qui se battent résolument au quotidien pour conserver leurs outils de travail, la garantie de leurs droits et de leurs emplois.

Mais la question n'est pas là, ne nous y trompons pas.

Les précédentes lois d'amnistie portaient sur le quantum de la peine. Ce n'est pas le cas ici, puisque c'est le contexte des faits constitutifs d'infractions pénales qui est visé, et c'est justement ce qui peut poser problème, en termes de respect du principe d'égalité du citoyen devant la loi, puisque ne sont visés que les faits liés aux conflits du travail : les activités syndicales ou revendicatrices et les mouvements collectifs.

Le droit pénal étant d'interprétation stricte, je crains qu'en l'état, tel qu'il nous est présenté, ce texte aux contours beaucoup trop larges et incertains, pour ne pas dire flous,…

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