Cet amendement répond à la question posée à juste titre par Isabelle Attard. On ne peut savoir à l'avance si certaines recherches exploratoires auront des applications quand on sait presque à coup sûr que d'autres n'en auront pas – ces dernières n'en sont pas moins importantes parce qu'elles élargissent le champ des connaissances, tirent le pays vers le haut, élèvent l'esprit, et par là contribuent au bon moral de la société. Je pense à des recherches, pourquoi pas, en psychanalyse, en philosophie, quand bien même, pour ces matières, il n'existe pas d'application utilitaire.
Il paraît important – et cela me semble répondre à vos préoccupations, madame Attard – d'insérer, après le mot « développer » de la première phrase de l'alinéa 3, les mots : « , lorsque les domaines scientifiques le permettent, ». Tous les domaines scientifiques ne permettent pas, en effet, le transfert des résultats même si l'on a parfois des surprises, ainsi du glaciologue français le plus primé à l'étranger, Claude Lorius. Il se trouve qu'il est originaire de l'agglomération grenobloise mais c'est un hasard – et il a une dimension internationale ! Ce monsieur de plus de quatre-vingts ans a procédé, il y a soixante ans, aux premiers carottages dans l'antarctique dont jamais il n'aurait imaginé, à l'époque, qu'ils auraient plus tard servi d'indicateur au réchauffement climatique. Il arrive que l'on finance des recherches exploratoires dont l'application n'est pas nécessairement économique, encore que la lutte contre le réchauffement climatique intègre aussi des facteurs économiques.
Il ne faut donc pas avoir une approche aussi binaire du transfert qui n'est pas forcément marchand : il peut se faire en direction des collectivités territoriales, contribuer à un progrès sociétal. Certaines recherches portant sur la sécurité, la politique de la ville, l'accompagnement du vieillissement hors secteur médical sont très intéressantes et les collectivités territoriales ne s'en saisissent pas suffisamment. Lorsque j'exerçais des responsabilités électives dans une collectivité territoriale, j'avais établi des conventions avec l'université des sciences sociales parce que je trouvais que l'on ne s'appuyait pas assez sur la recherche en sciences sociales pour enrichir nos décisions.
Le transfert a de ce fait une connotation moins marchande, puisque j'ai bien compris que c'était ce qui vous gênait – « typer » la recherche avec le secteur marchand dont je tiens à préciser, au passage, que je ne le diabolise pas du tout. Le code de la recherche tel que la majorité de l'époque l'avait voté en 1999 contient toujours les mots « licence », « valorisation » qui me paraissent bien davantage relever du secteur marchand que le terme « transfert », pour sa part beaucoup plus générique.
Ce sera ma dernière plaidoirie. Je n'ai pas l'ambition de vous convaincre complètement même si ce que je vous dis me semble tout à fait objectif. Si, donc, je le répète, à la première phrase de l'alinéa 3, nous souhaitons insérer, après le mot « développer », les mots : « , lorsque les domaines scientifiques le permettent, », l'amendement n° 625 que nous allons bientôt examiner visera pour sa part à compléter l'alinéa 7 par les mots : « Il favorise les interactions entre sciences et société. » Je suis en effet très sensible à l'appropriation par l'ensemble de la société des progrès et des innovations. Si nous n'améliorons pas la qualité de ce dialogue et si nous en restons à des postures, qu'elles soient de nature scientiste ou au contraire marquées par la suspicion voire le rejet de la recherche scientifique, nous ne favoriserons pas le développement d'une société de confiance et de progrès et nous aurons du mal à créer des emplois – ce qui est pour moi, comme pour vous j'en suis sûre, la première des solidarités.