Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 28 mai 2013 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Ce n'est pas moi qui ai ouvert les hostilités et je suis presque en position de juge de paix, dont l'indépendance est du reste garantie depuis la Constitution de 1799.

Nous y reviendrons lors de la discussion sur les articles.

Je vous ferai alors part de la teneur de la dernière séance de travail que j'ai eue avec le Conseil supérieur de la magistrature la semaine dernière, notamment à propos de l'amendement que nous venons d'évoquer, le Conseil faisant en outre observer que les mots « ses avis et ses décisions » sont limitatifs alors que nous lui ouvrons un pouvoir d'autosaisine et que, par conséquent, il faudrait lui préférer une formule comme : « dans l'exercice de ses attributions », plus neutre et plus globale. Il s'agit ainsi de ne pas risquer qu'une partie de l'activité du Conseil supérieur de la magistrature ne concoure pas, ne veille pas à cette indépendance de l'autorité judiciaire.

Le projet de loi que je suis chargée de vous soumettre introduit trois changements importants.

Le premier concerne la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Le Président de la République a souhaité que les magistrats disposent d'une majorité d'une voix au sein du Conseil. L'engagement n° 53 du candidat Hollande ne précisait pas ce point et c'est au cours d'une déclaration publique, à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation et à la suite de consultations des représentants de magistrats, notamment, que le Président a ainsi défini les modalités d'organisation de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Force est d'admettre que plusieurs arguments plaident pour cette majorité de magistrats au sein du Conseil. Le Président de la République a souhaité émettre un signal de confiance à l'égard des magistrats, compte tenu du mal-être fortement vécu par l'institution judiciaire. Depuis 2012, le Gouvernement s'emploie à réhabiliter cette dernière, conscient de la nécessité de créer les conditions pour que les juges remplissent leur mission en toute impartialité et dans le respect de leur fonction.

Le Président de la République a cependant souhaité que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature revienne à une des personnalités extérieures désignées par le collège en tenant compte du fait que, parmi ses prérogatives, figure la maîtrise de l'ordre du jour – moyen de neutraliser les accusations de corporatisme. Le Gouvernement entend bien ces critiques taxant le Conseil de corporatisme même si elles ne sont pas toutes fondées, certaines étant même franchement malveillantes. En plus de celles que j'ai moi-même menées, le Premier ministre a procédé à des consultations et a reçu tous les représentants des partis politiques ainsi que tous les responsables des groupes parlementaires.

Il est apparu que la quasi-unanimité des personnalités reçues préféraient la parité à la majorité en faveur des magistrats. Le Conseil supérieur de la magistrature lui-même se prononce en majorité pour la parité. Celle-ci n'est pas contraire aux standards européens. Certes, lorsqu'on se réfère à des recommandations émises par certaines associations ou par des organismes para-étatiques composés majoritairement de magistrats, c'est la majorité de magistrats qui est préconisée. Cependant, lorsqu'on examine des documents plus formels comme la charte européenne sur le statut des juges, adoptée en 1998, lorsqu'on considère la résolution de 2009 ou la recommandation de 2010 du comité des ministres, la préconisation est la parité. De même, le rapport Houillon-Vallini sur l'affaire d'Outreau, le rapport Vedel, le rapport Balladur, tous défendent la parité. Et lors du débat sur la réforme constitutionnelle de 2008, des parlementaires de l'actuelle opposition, alors dans la majorité, préconisaient eux aussi la parité mais la majorité a alors été donnée aux personnalités extérieures. On relève en tout cas que l'avis général est en faveur de la parité. La conférence des chefs de cours, c'est-à-dire la conférence des premiers présidents et la conférence des procureurs généraux ont adopté toutes deux une délibération commune, le 3 avril 2013, la réclamant. Le rapporteur a présenté un amendement tendant à l'instaurer, la commission l'a voté et le Gouvernement émettra, le moment venu, un avis favorable.

Le Gouvernement est en revanche relativement réservé, pour l'instant, sur l'amendement visant à donner voix prépondérante au président. Il a en effet tendance à considérer qu'en la matière, le Conseil supérieur de la magistrature devrait parvenir à des consensus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion