…pour essayer de l'améliorer, va dans le sens de ces efforts passés. Elle essaie de concilier – ce qui est extrêmement difficile – la constitution de l'indépendance des magistrats et la préservation de leur légitimité de juger.
Ce n'est pas le concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature qui confère aux magistrats la légitimité de juger. La légitimité, ils l'ont parce qu'ils jugent au nom du peuple français ; elle leur est conférée par le Parlement. Il se produit une sorte de mouvement, par lequel le pouvoir politique met une institution à l'écart et y nomme des magistrats ; il leur donne la charge de dire le droit, et il s'y astreint, et de rendre publiques leurs décisions, qu'il respecte. Il s'agit d'un effort très difficile, ce qui veut dire que l'indépendance n'est pas un but en soi, mais un outil pour garantir l'impartialité.
Dans le même temps, il faut que la réforme fasse en sorte que ce corps professionnel, qui est indépendant, ne prenne pas une autonomie telle qu'il s'isole du reste de la société, au risque de perdre sa légitimité. Je préfère le terme de « légitimité » à l'expression « refus du corporatisme », car je pense que c'est ce mouvement-là qu'il faut conserver. La magistrature n'est pas un corps plus corporatiste qu'un autre : elle défend ses intérêts, comme tout autre corps. Il suffit de lire les travaux des sociologues pour se convaincre que c'est le fonctionnement normal de tous les corps qui composent notre pays, et de toutes nos institutions.
Le risque, c'est que l'indépendance de la magistrature renforce son corporatisme et lui fasse perdre sa légitimité, qu'elle doit conserver à tout prix : elle doit conserver ce lien essentiel avec le peuple français, au nom duquel les magistrats jugent. C'est le sens des efforts que vous avez faits, madame la garde des sceaux, avec l'ensemble du Gouvernement ; c'est le sens des efforts que nous avons faits au sein de la commission des lois, avec l'aide de M. Georges Fenech, co-rapporteur du texte, que je tiens à saluer. C'est le sens des efforts que nous avons tous faits pour renforcer à la fois l'indépendance et la légitimité de la magistrature.
Plusieurs efforts ont été fait pour garantir son indépendance, à commencer par la constitutionnalisation de l'avis conforme quant à la nomination des membres du parquet : ce n'est pas rien. Nous savons tous, madame la garde des sceaux, que vous avez respecté le principe de l'avis conforme. Nous savons que l'un de vos prédécesseurs, M. Michel Mercier, a fait de même, et peut-être fut-ce aussi le cas de Mme Michèle Alliot-Marie à la fin de son mandat.
C'est donc bien qu'il y a un accord sur la nécessité de respecter l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs, afin que ceux-ci apparaissent, aux yeux des justiciables, comme étant à l'écart du pouvoir politique. Non que le pouvoir politique soit mauvais en soi, mais c'est précisément sa fonction que de constituer un corps à l'écart du pouvoir politique.
Outre la constitutionnalisation de l'avis conforme, ce texte prévoit aussi l'alignement du statut, pour que le régime disciplinaire des magistrats du parquet soit identique à celui des magistrats du siège, et que ce soit le Conseil supérieur de la magistrature qui gère et prononce les décisions disciplinaires.
Le deuxième effort en direction de l'indépendance, c'est la constitution d'une autorité morale au sein du CSM. C'est la possibilité, pour lui, de se saisir de toute question de déontologie et d'émettre un avis. C'est pour cela que nous demandons – et nous avons voté un amendement dans ce sens – qu'un magistrat puisse saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'un avis en matière de déontologie. Je reviendrai sur les questions que cela pose en matière disciplinaire, et vous avez raison de les soulever, madame la garde des sceaux.
Le troisième effort en direction de l'indépendance, c'est l'apparence de la vertu : le magistrat doit être vertueux et il doit aussi avoir l'apparence de la vertu. Le Conseil supérieur de la magistrature doit être vertueux et avoir l'apparence de la vertu. La réforme de 2008 a incontestablement constitué une avancée importante, qu'il faut saluer, mais elle a un inconvénient : c'est que les personnalités extérieures sont nommées par le pouvoir politique. Le pouvoir politique, au moment de la nomination prévue en 2008 et effectuée en 2011, était constitué de trois personnalités éminentes et tout à fait respectables appartenant au même parti, l'UMP ; en 2015, les personnalités politiques chargées des nominations appartiendront toutes au parti socialiste.