Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Il s'en est passé des choses en quatre mois, depuis la première lecture du projet de loi bancaire ! Cette période a été marquée par des événements importants : la déplorable affaire Cahuzac et la crise chypriote. Ces deux événements, auxquels il nous faut réagir, ont contribué à accélérer la prise de conscience et la décision, en Europe comme en France.

Ils illustrent une fois encore les dérives financières des banques auxquelles ce texte a justement l'ambition de s'attaquer. Les banques jouent un rôle nocif quand elles couvrent l'évasion fiscale. Face à celle-ci, il est plus que jamais pertinent de mener des opérations de transparence, ce à quoi ce texte s'attache également.

Bref, nous avons plus avancé en deux mois qu'en dix ans. Comme souvent – on peut le regretter où s'en réjouir – ce sont les crises qui nous font progresser et nous offrent l'occasion d'agir.

Mais ces évolutions ne passent dans les faits qu'après un travail patient d'explication et de proposition dans l'espace démocratique, et c'est bien ce qui a eu lieu depuis plusieurs années : Ou comment la ténacité et la patience finissent par l'emporter !

La première lecture a été l'occasion de mettre en application l'engagement du Président de la République de réguler la finance.

D'aucun ont considéré que les propositions étaient trop faibles, qu'elles n'étaient pas à la hauteur des espérances et insuffisantes pour se protéger, pour protéger le contribuable d'un nouveau tsunami bancaire.

Peut-être n'ont-ils pas totalement tort. Mais il faut également reconnaître que cette loi est la première du genre et les législateurs qui, en Angleterre et aux États-unis, ont annoncé des lois plus ambitieuses ne sont peut-être pas au bout de leur peine.

De plus, cette loi s'inscrit dans une dynamique. Elle n'est pas une fin en soi, mais une étape dans un processus dont on peut penser qu'il va s'accélérer au vu du contexte économique. J'y reviendrai, mais la seconde lecture peut précisément en être l'occasion.

J'en veux pour preuve ce qui s'est passé sur la transparence bancaire. L'amendement déposé à ce sujet a fait l'objet d'ajustements permanents, après que la question avait donné lieu à un riche débat en séance lors de la première lecture. D'aucuns ont considéré qu'il n'était pas assez ambitieux, arguant, une fois encore, que ce premier jet législatif français allait donner le « la » européen, et que émettre un « la » mineur découragerait des ambitions plus fortes.

Or c'est exactement le contraire qui s'est produit. Non seulement cet amendement n'a pas empêché l'Europe d'aller de l'avant, il a au contraire donné une impulsion. Dès lors le Sénat, se fondant sur le travail du Parlement européen, a inclus des critères que la France seule n'osait pas s'imposer. Aussi espérons-nous que cet article aura, à la fin de cette seconde lecture, une rédaction définitive encore plus ambitieuse, pour astreindre les banques, mais aussi les entreprises multinationales, à faire la transparence sur leurs activités pays par pays.

A l'inverse, quelques-uns, à droite de cet hémicycle, considèrent qu'il s'agit d'un amendement majeur et ils s'emploient à le détruire. Peut-être certains d'entre eux sont-ils à la recherche systématique de motifs pour s'opposer ou se sont-ils laissé convaincre par quelques dirigeants des banques que cet amendement constitue une horreur absolue. Pourtant, en commission, certains d'entre eux ont semblé être favorables à objectif recherché et demandé simplement de repousser la date d'application de la mesure…

Au fond on ne sait pas trop où l'opposition veut en venir ! Est-ce embarras, stratégie politicienne ? Si oui, c'est un moindre mal, et on pourra classer cet épisode au rang des postures politiciennes. Ou s'agit-il d'une opposition de fond ? Auquel cas, la bataille entre nous sera frontale. Et l'opposition apparaîtra très vite dépassée, alors que la Commission européenne, le Conseil et le Parlement se sont engagés résolument sur la voie de la transparence bancaire et de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale à travers la directive CRD 4. Mais je ne peux pas croire que cela vous ai échappé, chers collègues de droite…

Je reviens sur la question centrale de la résolution bancaire. La seconde lecture doit être l'occasion de renforcer la protection des contribuables face à une faillite bancaire. Le débat fait rage en Europe et la valse-hésitation à propos de la résolution de la crise chypriote témoigne à la fois des divergences d'appréciation des membres de l'Union et de tâtonnements sur le chemin de la protection du contribuable et du petit épargnant. La pression des possédants a fait long feu et il a bien fallu se résoudre à adopter un dispositif qui garantisse l'épargne des plus modestes.

Aussi, au-delà des améliorations acquises en première lecture qui ont conduit à renforcer l'étanchéité entre la filiale et sa maison mère, le groupe écologiste propose-t-il, dans un de ses amendements, d'inscrire de manière positive la participation des créanciers seniors à la résolution bancaire, en sacralisant en droit français la préservation des dépôts des épargnants en deçà de 100 000 euros comme cela est inscrit en droit européen. C'est la solution qui finalement été mise en oeuvre à Chypre

De même, il nous semble essentiel de prévenir une possible inconséquence du milieu bancaire en interdisant la distribution de bonus et de dividendes lorsqu'une banque se trouve en procédure de résolution.

Que ce soit sur la question de la transparence bancaire ou des procédures de résolution, cette seconde lecture est en parfaite résonance avec l'actualité. Elle nous offre une belle occasion de rebondir une fois encore sur le dialogue fécond entre la société civile et le parlement, entre la France et l'Europe.

Chacun des groupes de la majorité a proposé des amendements pertinents, que nous faisons nôtre pour l'essentiel.

Le Gouvernement, lui aussi, a voulu anticiper le dispositif d'échange automatique d'information que l'Union, à l'initiative de la France, a âprement négocié en ses rangs, en particulier avec le Luxembourg et l'Autriche. C'est là un « FATCA » européen qui rend hommage à l'initiative majeure prise par le Président Obama.

Pour expliquer cette accélération de l'histoire, il ne faut pas oublier un point essentiel, à savoir l'impasse financière et budgétaire dans laquelle se trouvent les États. Le débat se cristallise entre les tenants de la baisse de la dépense publique et ceux de l'augmentation des impôts. Mais les uns et les autres peuvent s'enfermer à l'excès dans des postures politiciennes simplistes. Pourtant, on voit aujourd'hui les plus libéraux, tel le premier ministre Cameron, à la tête d'un État qui a pourtant été un des pionniers et un plus zélés pour réduire la dépense publique, s'engager dans la lutte contre l'évasion fiscale, et, à l'inverse, les mouvements de gauche, dans leur diversité, mettre désormais la priorité sur le rendement de l'impôt plus que sur son augmentation.

Évidemment, c'est la question même des moyens pour retrouver la stabilité budgétaire qui est en jeu à travers la programmation pluriannuelle des dépenses publiques et le programme de stabilité budgétaire. Les sommes en jeu, plusieurs dizaines de milliards d'euros pour la France, des centaines de milliards pour l'Europe et des milliers de milliards pour le monde sont les mêmes qui expliquent pour partie la dette et qui manquent à notre économie, ainsi qu'au développement pour apaiser les tensions internationales en luttant contre les trafics et la délinquance internationale, la pauvreté et la faim, l'émigration subie, le changement climatique et l'atteinte à la biodiversité.

Bien entendu, le groupe écologiste reste partagé entre satisfaction du travail accompli et des évolutions constatées, et doutes sur le niveau atteint, sur l'efficacité du dispositif pour assurer l'étanchéité du système. Les progrès qui restent à réaliser sont considérables

Nous sommes également attentifs à la problématique des banques à qui l'on demande à la fois plus de sécurité par le renforcement de leurs fonds propres et de leurs liquidités, et plus d'engagement auprès des entreprises.

Rarement autant de modifications substantielles seront intervenues entre la première et la seconde lecture d'un texte. Je m'en félicite, tout d'abord parce que le temps et le débat parlementaire sont nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie, mais surtout parce que notre travail a permis d'aller toujours plus loin dans la régulation des activités bancaires. J'ai déjà évoqué les apports du Sénat en faveur d'une meilleure transparence de ces activités. Des avancées ont aussi eu lieu dans la filialisation des opérations de tenue de marché, encore mieux encadrées.

Je tiens à souligner un autre domaine dans lequel la navette parlementaire a été particulièrement bénéfique : la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles. En effet, on ne peut que se réjouir de l'insertion d'un nouveau chapitre sur la régulation du marché des matières premières et de l'adoption de limite de position sur les instruments financiers liés aux matières premières agricoles. Ces avancées sont notables et, nous n'en doutons pas, porteront leurs fruits. Néanmoins, nous pouvons faire un pas supplémentaire en interdisant les fonds indiciels indexés sur les matières premières agricoles.

C'est donc avec impatience et enthousiasme que le groupe écologiste aborde cette nouvelle lecture et se prépare au débat sur la fraude et l'évasion fiscales.

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