Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Séance en hémicycle du 6 juin 2013 à 15h00
Rétroactivité des lois fiscales — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Le principe de l'initiative de mon collègue Dassault est simple : ériger en règle constitutionnelle le principe de non-rétroactivité des lois fiscales, afin de garantir une sécurité juridique aux contribuables.

Il s'agit également de renforcer l'attractivité du territoire français en garantissant aux entreprises une stabilité fiscale. Ce serait – enfin ! –un bon signal envoyé aux entrepreneurs, qui hésitent encore à développer leurs activités en France, ainsi qu'aux investisseurs, qui évoluent dans un espace mondialement ouvert.

Comme le rappelait Olivier Dassault ce matin, l'article 2 du code civil prévoit que « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif », n'en déplaise à notre regretté ami Jean Foyer. Mais ce principe de non-rétroactivité n'a pas de valeur supra-législative. Le législateur peut, par conséquent, y déroger. Seule une jurisprudence du Conseil constitutionnel prévoit quelques limites au regard de la loi fiscale, mais l'insécurité juridique persiste en l'absence de garantie constitutionnelle.

La fiscalité devrait être neutre, mais les paramètres fiscaux conditionnent largement les décisions d'investissement, influent sur la rentabilité et peuvent jouer sur l'équilibre financier des entreprises. Et ça, vous avez du mal à l'entendre.

Les entrepreneurs ne sont pas sereins face aux décisions politiques dans ce domaine, parce que l'insécurité juridique est devenue une donnée inhérente à la vie d'une entreprise alors que, paradoxalement, la norme fiscale se trouve être l'une des données les plus difficiles à appréhender.

L'instabilité fiscale peut même, dans certains cas, se comparer à un droit de vie ou de mort sur nos entreprises. Et le terme n'est pas trop fort. Trop souvent, des chefs d'entreprises sont contraints de mettre la clé sous la porte, parce que croulant sous le poids d'une trop grande pression fiscale, qui plus est incertaine.

En recherche d'attractivité pour notre pays, cette non-rétroactivité fiscale à valeur constitutionnelle serait un gage très appréciable et un signal considérable dans l'instauration d'un climat de confiance en direction des entreprises étrangères susceptibles d'investir en France.

Soyons audacieux, soyons courageux, ouvrons la voie et peut-être, qu'en ce domaine, les fiscalités étrangères s'inspireront de notre modèle. J'entendais ce matin que les fiscalités étrangères n'étaient « pas plus limpides » : madame la ministre, est-ce vraiment en nivelant par le bas que nous permettrons à notre pays de regagner en compétitivité ? Je ne le crois pas. Mais je constate une fois de plus que viser l'excellence n'est pas un objectif de la majorité !

La non-rétroactivité, davantage qu'un simple principe, est un gage sérieux de renforcement de notre compétitivité et de l'attractivité économique de notre territoire, mais également de crédibilité et d'efficacité de notre politique fiscale. Ce principe est d'ailleurs tout aussi légitime pour les contribuables, qui souhaitent faire des choix sereins dans leur vie quotidienne sans être exposés au risque d'un changement rétroactif des règles en vigueur.

Cette règle ne peut que renforcer leurs perspectives d'investissements, à tous les niveaux – immobilier, et même aussi actions d'entreprises.

Si l'on regarde un peu plus loin que le bout de son nez, il est clair que l'instabilité fiscale freine également la générosité des Français. Cela revient-il à dire que nos concitoyens ne font des dons que pour réduire leurs impôts, et non par pure générosité ? Assurément non, mais il ne faut pas avoir honte de dire que l'État ne peut pas subvenir à tout – Lionel Jospin l'avait lui-même dit en Belgique –, surtout dans un contexte de déficit budgétaire qui ne va pas s'arranger. Le financement privé doit par conséquent prendre le relais. Mais pour cela, des incitations fiscales stables sont nécessaires.

Pour compléter la proposition de loi constitutionnelle, la proposition de loi organique réaffirme et vient délimiter les cas où le recours à une loi rétroactive est possible, soit parce que l'intérêt général le justifie, soit parce que cette disposition allège le niveau des prélèvements obligatoires.

En conclusion, vous l'avez bien compris, l'instabilité fiscale à brève échéance est insupportable pour un porteur de projet de création ou d'agrandissement d'entreprise. Non seulement un chef d'entreprise ne peut regarder devant, mais il n'a plus de certitude en regardant dans le rétroviseur. C'est à cet objectif que répondent ces propositions de loi : donner un peu plus confiance aux chefs d'entreprise, créateurs des emplois de demain. Le groupe UMP soutient donc avec conviction cette initiative. Espérons que la suite du débat éclairera la majorité pour l'amener à finalement adopter une posture non pas idéologique mais pragmatique, dans l'intérêt de tous les Français qui, je vous le dis, aspirent à un peu de sérénité.

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