Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 6 juin 2013 à 15h00
Rétroactivité des lois fiscales — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, parmi les maux dont souffre notre pays, il en est deux qui portent en eux des effets pernicieux et à maints égards négatifs.

Alors que le principe général de la non-rétroactivité de la loi a vocation à s'appliquer pour les lois, il n'en va pas de même pour les lois fiscales, ce qui, naturellement, aboutit à placer les contribuables dans une situation très inconfortable d'insécurité juridique et de manque de confiance. À partir de là, nombre de chefs d'entreprises désireux de s'implanter dans notre pays ressentent notre pays comme une source de complexité marquée par une absence de stabilité fiscale. Comment, dès lors, face à ce constat, ne pas regretter la moindre attractivité consécutive à cette situation ?

Ainsi que le prévoit l'article 2 du code civil, « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif », mais ce principe de non-rétroactivité n'a pas de valeur constitutionnelle. Il est donc possible au législateur d'y déroger, en dépit d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel prévoyant quelques limites au regard de la loi fiscale.

La proposition de loi de notre collègue Olivier Dassault se veut pragmatique. Elle l'est.

Elle se veut porteuse de bon sens. Elle l'est.

Elle se veut générale. Elle l'est.

L'article unique de cette proposition de loi constitutionnelle tend à modifier la rédaction du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi en y intégrant notamment « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. ».

La fiscalité devrait être neutre, mais les paramètres fiscaux conditionnent largement les décisions d'investissement, influent sur la rentabilité et peuvent jouer sur l'équilibre financier de nos entreprises.

Aujourd'hui, il est par conséquent impossible à un entrepreneur de prendre sereinement certaines décisions majeures, tant l'insécurité juridique est grande et s'accroît.

À ce propos, concernant la transmission d'entreprises – qui est un sujet important – l'insécurité juridique et fiscale, avec des règles fiscales modifiées sans cesse, rend difficile toute planification efficace d'un projet durable. Il est ardu, pour un conseil, d'être précis. Il lui est difficile de recommander à son client les articles du code général des impôts applicables aux transactions réalisées cette année.

Il convient donc de tourner la page de cette approche fiscale en décalage, qui pénalise les investissements, la production, et donc l'emploi ! La norme fiscale se trouve en effet être l'une des données les plus difficiles à appréhender.

L'intérêt du dispositif induit dans la présente proposition de loi est double, puisqu'il s'adresse également, en sus des entreprises, à l'ensemble des contribuables souhaitant effectuer des choix sans l'épée de Damoclès que constitue un changement rétroactif des règles du jeu.

Ainsi, la proposition de loi envisage d'instaurer un mécanisme équilibré, notamment en prévoyant d'admettre la validité des dispositions législatives diminuant rétroactivement l'assiette ou le taux des impôts indirects, ce qui, en matière de baisse de TVA, permet une application à la date de son annonce, afin que l'effet d'aubaine de celle-ci ne perturbe pas le marché économique.

Le principe de non-rétroactivité doit être général, parce qu'il répond à une exigence d'intérêt général.

Ce matin, j'ai entendu M. le ministre Sapin parler également de « rétrospectivité ». Comme l'a parfaitement étayé M. le rapporteur devant la commission des lois, il apparaît, selon l'OCDE, que l'impossibilité d'avoir une vision exacte du régime fiscal et social applicable l'année suivante arrive en tête des raisons avancées par les étrangers pour renoncer à un investissement en France.

Mes chers collègues, le baromètre publié hier – dont nous avons déjà parlé ce matin – par le cabinet Ernst & Young rapporte que l'Hexagone a accueilli 471 projets d'implantation étrangers en 2012, soit 13 % de moins qu'en 2011.

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