Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 17 juin 2013 à 16h00
Transparence de la vie publique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

C'est de la faute reconnue d'un homme dont il s'agit et non de celle de tous les parlementaires. Parce que l'un d'entre nous – l'un d'entre vous pour être plus précis – a péché, mot adapté puisque l'on parle de moralisation, nous serions donc tous coupables ou tout au moins tous suspects.

Qui peut sincèrement penser que si les déclarations de patrimoine des ministres avaient été rendues publiques plus tôt, M. Cahuzac aurait déclaré ses comptes à l'étranger et choisi la vérité ? Quand on voit avec quel aplomb il a menti à la représentation nationale, il faut être un grand naïf pour le croire.

C'est l'éthique d'un membre de votre gouvernement qui est en cause, pas celle de tous les parlementaires, monsieur le ministre.

La plupart des outils que vous nous proposez de remanier existent d'ailleurs déjà, et ils n'ont pas empêché l'affaire Cahuzac.

Je rappelle en effet que les déclarations de patrimoine des membres de Gouvernement et des principaux élus sont obligatoires depuis la loi du 11 mars 1988. Elles n'ont pas empêché Jérôme Cahuzac de ne pas s'y soumettre en sincérité.

Je vous rappelle aussi qu'il existe, depuis cette même loi, une commission pour la transparence financière de la vie publique chargée de vérifier l'absence d'enrichissement illicite entre le début et la fin de mandat. Malheureusement, quels que soient les moyens qui existent déjà, et même si vous changez sa dénomination, une telle commission ne peut empêcher le mensonge, la dissimulation délibérée d'un élu.

De même, s'agissant de l'inéligibilité, la loi de 1995 sur le financement de la vie politique avait instauré une peine d'inéligibilité automatique pour une durée de dix ans pour tout élu condamné pour des délits financiers commis dans l'exercice de ses fonctions. On connaît le sort qu'a connu cette disposition : avant même que le Conseil Constitutionnel ne lui porte le coup de grâce en 2010, le président Urvoas lui-même avait fait passer, en 2009, en première lecture de la loi pénitentiaire, un amendement qui visait à l'abroger.

Comment faire croire aux Français que des obligations nouvelles rendront plus honnêtes ceux qui ont décidé de frauder et de dissimuler sciemment des choses ? Pour ma part, j'ai du mal à comprendre le raisonnement du Gouvernement, d'autant – pardon de le rappeler – que déclarer son patrimoine ne signifie pas qu'il ait été gagné honnêtement. C'est un point sur lequel votre texte reste assez silencieux, et la déclaration de patrimoine tient lieu de toute justification dès lors que la prescription fiscale s'applique.

En clair, rien dans votre texte, aucune des dispositions nouvelles que vous proposez n'aurait empêché l'affaire Cahuzac. Aucune ne l'aurait empêchée, et aucune n'empêchera demain une affaire Cahuzac de se reproduire dans notre pays. Aucune ne peut rien contre une personne de mauvaise foi, un dissimulateur organisé sur une longue période.

Alors pourquoi ce texte s'il ne sert à rien ?

Pardon de vous le rappeler, on comprend que cela vous dérange, que vous auriez aimé que les différents orateurs UMP ne vous parlent que de droit et, surtout, ne rappellent aucun événement gênant pour votre famille politique, mais ce texte est, clairement, une manoeuvre de diversion du Président de la République pour éviter ou tenter d'éviter d'assumer ses responsabilités dans l'affaire Cahuzac. Sciemment, pour tenter de noyer le poisson, le Président a tenté de jeter le discrédit sur l'ensemble des élus.

Objectivement, cette diversion a d'ailleurs plutôt bien fonctionné, et ceux qui font l'opinion sont entrés dans le jeu des déclarations de patrimoine avec une docilité déconcertante plutôt que de s'appesantir sur l'incroyable scandale d'État qu'était l'affaire Cahuzac. Cette opération vaudrait sans aucun doute au Président de la République le prix de la communication politique, à défaut, peut-être, de prix du cynisme en politique.

Au-delà de ce constat tactique, je suis profondément choqué qu'à travers ces textes dont nous allons débattre, aujourd'hui et pendant plusieurs jours, le Président de la République et le Gouvernement fassent le choix d'entretenir, d'alimenter, de nourrir sciemment un climat de suspicion à l'égard des élus, fassent le choix de nourrir l'antiparlementarisme. Pour s'exonérer de sa responsabilité personnelle dans l'affaire Cahuzac, le Président de la République a fait le choix de jeter l'opprobre sur tous les parlementaires. Tous sont priés désormais de vider leurs poches et de tout mettre sur la table : on trouvera les voleurs ! Et l'on entend déjà la rumeur du soupçon s'élever, ici ou là, à l'encontre de ceux qui osent dire que cette loi n'est pas la bonne réponse.

En lisant votre texte, monsieur le ministre, je ne peux m'empêcher, pardon, de penser au Tartuffe de Molière.

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