Intervention de Patrick Devedjian

Séance en hémicycle du 17 juin 2013 à 16h00
Transparence de la vie publique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Devedjian :

Cela nourrira des débats et des polémiques interminables ! Que ferez-vous alors ?

Le texte prévoit que les dirigeants d'entreprises publiques sont astreints à la déclaration de patrimoine si l'entreprise est détenue à plus de 50 % par l'État. Mais nous venons de voir le Président de la République lui-même annoncer le maintien en fonction d'un dirigeant d'entreprise publique dont l'État ne possède pas 50 % et même bien moins. Ainsi, l'État décide et a la possibilité de nommer un fonctionnaire ou même quelqu'un d'autre à la tête d'une entreprise dès lors qu'il détient une participation minoritaire. Voilà des sujets qui n'ont pas été traités !

Je ne vous ai pas entendu répondre à la question qui vous a été posée tout à l'heure au sujet de la Haute autorité de la transparence. Cette question, je vous la pose donc à nouveau : quelles seront les voies de recours contre les décisions de la Haute autorité, une autorité administrative indépendante au sein de laquelle siègent des conseillers d'État ? Ce n'est pas simple.

Au sujet des lanceurs d'alerte, je veux rappeler – en toute sympathie et avec un certain amusement – un point d'histoire à Mme Karamanli qui a évoqué la Grèce, qu'elle connaît bien. Si l'exigence de transparence s'imposait effectivement déjà dans la Grèce antique, c'est également dans ce contexte que sont apparus les sycophantes ! Comme on le voit, les choses sont toujours un peu plus compliquées qu'elles ne le paraissent au premier abord.

En vérité, vous avez créé une loi d'exception – et c'est là le coeur de la réserve, du reproche que je formule à l'égard de ce texte – et une juridiction d'exception. Alors que la gauche avait, à juste titre, toujours été contre les juridictions d'exception, elle s'apprête, de manière tout à fait paradoxale, à en fabriquer une à son tour, avec le procureur financier, autorité censée être à même de lutter contre la corruption.

Créer une juridiction d'exception comme vous le faites revient en quelque sorte à critiquer notre appareil judiciaire, ses insuffisances, son manque de moyens et son incapacité à réguler certains problèmes. Vous avez demandé, monsieur le président de la commission des lois, quelles étaient les propositions de l'UMP dans ce domaine. Je vous répondrai que la première proposition de l'UMP consiste à restaurer la capacité de notre appareil de justice, qui est dans un état de dégradation dont nous sommes tous responsables, à gauche comme à droite – comme vous le voyez, mon propos n'est pas de faire un procès d'intention.

C'est parce que notre justice est aujourd'hui incapable de livrer une lutte efficace contre la corruption que vous en arrivez à créer une juridiction d'exception. C'est là le plus gros reproche que je fais à votre texte. Cette juridiction d'exception se caractérise par les moyens exorbitants que vous lui accordez, par le renversement de la preuve et la négation de la présomption d'innocence – ou du moins le mépris par lequel vous traitez ce principe. Il revient en effet à la personne mise en cause – et je ne vois pas en quoi le fait qu'il s'agisse d'un parlementaire pourrait justifier ce traitement – de prouver son innocence.

Tout à l'heure, monsieur le rapporteur, vous avez cité Jeremy Bentham, un grand spécialiste des prisons, qui a d'ailleurs inventé le panoptique, dans un ouvrage du même nom. Le fait que vous l'évoquiez est frappant, car c'est bien cela que vous êtes en train de nous fabriquer : la prison idéale de Bentham, c'est un carcan où l'on est emprisonné sous le regard de tous, où tous les détenus peuvent être vus en même temps !

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