Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je suis heureux de pouvoir m'exprimer aujourd'hui, pour l'une de mes premières interventions dans cet hémicycle, sur un sujet qui concerne directement l'avenir de quelque 2,5 millions de nos compatriotes vivant hors de France.
Le système de représentation des Français de l'étranger dont nous disposons aujourd'hui est le résultat d'une évolution historique, qui s'est peu à peu inscrite dans le sens d'une démocratisation constante – évolution qui a permis à la France de faire aujourd'hui figure de modèle en Europe.
En effet, la France est, avec l'Espagne et l'Italie, l'un des rares pays à pouvoir se prévaloir d'une instance spécifique consacrée à la représentation de nos concitoyens établis hors de France : l'Assemblée des Français de l'étranger.
Elle assure en outre, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, une présence effective des représentants de nos compatriotes établis hors de France au sein de nos deux assemblées.
Pour autant, personne ici ne le contestera, ce système, marqué par un abstentionnisme électoral très élevé, un manque de notoriété et de visibilité, est encore largement perfectible.
Nous savons tous combien le lien entre les expatriés et leur État d'origine doit être préservé. Nous savons combien leur représentation est importante, car ils participent au rayonnement de la France dans le monde et contribuent à donner de la France une image valorisée, ouverte et dynamique.
Madame la ministre, je suis convaincu de l'impératif de réussite qui s'impose à nous tous, élus des Français de l'étranger, et de l'émergence d'une véritable vie citoyenne à l'étranger.
Aussi, je pourrais a priori partager les objectifs de ce projet de loi : mettre fin au déficit de représentation dont souffrent, au niveau local, les Français établis hors de France, améliorer la représentation dont bénéficient, au Parlement dans son ensemble, nos compatriotes vivant à l'étranger, et engager une nouvelle étape dans la démocratisation de la représentation des Français de l'étranger.
Mais à y regarder de plus près, sous leurs apparences séduisantes, les réponses apportées par ce texte semblent en fait bien éloignées des véritables enjeux. Elles sont à mille lieux des réalités du terrain que nous, députés des Français de l'étranger, connaissons bien.
En premier lieu, le texte propose de rétablir une cohérence entre les deux niveaux de représentation des Français établis hors de France – députés et conseillers – en recentrant l'Assemblée des Français de l'étranger sur sa mission consultative auprès du Gouvernement.
En d'autres termes, sous prétexte de tirer les conséquences de l'instauration des députés élus par les Français de l'étranger par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, on privera cette assemblée représentative – car démocratiquement élue – de ses prérogatives actuelles.
En outre, la modification du mode de désignation des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger sera vaine si elle ne s'accompagne pas d'un renforcement des compétences de cette institution.
Or, allant à l'encontre des propositions des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, directement concernés par le sujet, vous nous proposez de réduire les capacités d'action de cette assemblée, laissant ainsi planer le doute sur une éventuelle suppression pure et simple de cette institution spécifique de représentation.
En second lieu, l'un des principaux axes de cette réforme réside dans la création de 444 conseillers consulaires auprès de chaque ambassade et de chaque poste consulaire. Cette mesure est présentée comme une condition nécessaire à l'établissement d'une véritable représentation de proximité des Français établis hors de France. Or, la création de ces postes supplémentaires ne saurait suffire à favoriser l'émergence d'élus de proximité s'ils ne sont pas dotés d'un réel pouvoir décisionnel.
Ce n'est pourtant pas ce que prévoit le texte : ces nouveaux conseillers seront dépourvus de toute autorité et maintenus, tout comme les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, dans un rôle purement consultatif. N'y a-t-il pas là, madame la ministre, un risque évident de donner naissance à des élus isolés, dont le rôle sera cantonné à une participation plus honorifique qu'efficace et concrète aux conseils consulaires ?
Quant à leur représentativité, elle ne sera guère améliorée : le nombre de conseillers consulaires pourra varier de un à neuf suivant les circonscriptions électorales. L'ambition de proximité qui sert de prétexte à cette réforme est certes ressentie comme un besoin dans certaines circonscriptions géographiquement étendues – je pense notamment à la neuvième circonscription ; ce n'est en revanche pas le cas dans ma circonscription, la huitième, où la proximité existe déjà. Là encore, la réforme ne tient pas compte des réalités et des spécificités de chacune des circonscriptions.
Ensuite, vous envisagez une réforme de taille : l'Assemblée des Français de l'étranger serait composée de cent deux membres élus dans le cadre de cinq circonscriptions électorales, au lieu de cinquante-deux actuellement. Les conséquences d'un tel bouleversement des zones géographiques ne peuvent être négligées car un tel découpage ne permet pas une mobilisation et un contact efficaces. Le découpage proposé par le rapporteur en quinze circonscriptions est donc préférable.
Enfin, le seul but avoué de cette réforme est d'élargir la composition du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Mais il y a un but caché : celui d'affaiblir un corps d'experts devenus encombrants pour l'administration.
En définitive, cette réforme ressemble à une occasion manquée. Elle aurait pu être l'occasion d'améliorer notre système de représentation, de renforcer les compétences des élus locaux des Français de l'étranger, d'améliorer le mode d'exercice de leurs mandats. Au lieu de cela, ce projet de loi ne fait qu'apporter des solutions hâtives à des problèmes pourtant bien réels. Il multiplie les élus, dont nous savons qu'ils disposeront de compétences et de moyens très réduits.
En bouleversant les calendriers électoraux et les modes d'élection, ce texte s'apparente à un énième tripatouillage électoral, il procède à une réforme de forme là où nous aurions besoin d'une réforme de fond qui renforce réellement la démocratie de proximité et tienne compte des spécificités culturelles, sociales, économiques, propres à chaque pays.
Les mesures proposées dans ce texte ne sont pas dans l'intérêt des Français de l'étranger. Pour cette raison, je voterai, avec mes collègues du groupe UDI, contre ce projet de loi.