Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, il y a deux semaines ont eu lieu des élections partielles pour les Français de l'étranger. Les première et huitième circonscriptions ont été renouvelées. De ces élections, nous pouvons retenir un changement politique dans le choix des électeurs mais surtout, malheureusement, la faible participation électorale, faible participation que nous avions déjà connue lors des élections de juin 2012 et qui est un mal endémique pour les scrutins ayant pour objet la représentation de nos compatriotes résidant à l'étranger.
C'est, je crois, le point principal que nous devons avoir à l'esprit en discutant ce matin une nouvelle fois du projet de loi gouvernemental portant réforme de la représentation des Français établis hors de France et sur le texte portant prorogation des mandats.
La réforme était nécessaire. La ministre l'a rappelé et la représentation nationale n'a jamais contesté cette nécessité. Il fallait élargir le corps électoral des sénateurs. Il fallait se doter, et c'est essentiel, d'une représentation de proximité pour nos compatriotes. Il fallait, enfin, moderniser l'Assemblée des Français de l'étranger. C'est sans doute sur ce dernier point que les débats ont été les plus difficiles, tant le sort de cette assemblée a paru incertain. Cette assemblée est pourtant le symbole de la participation à la vie démocratique de nos concitoyens établis hors de France.
Rappelons quelques dates. C'est en 1948 qu'est institué par décret le Conseil supérieur des Français de l'étranger. À l'époque, il disposait de pouvoirs restreints. Il était, pour l'essentiel, une assemblée de notables, dans son recrutement comme dans sa composition.
La composition de l'actuelle Assemblée des Français de l'étranger, avec notamment la distinction entre membres de droit, personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères et membres élus, est d'une certaine façon un vestige de cette époque.
L'article 24 de la Constitution de 1958 confirme la représentation des Français de l'étranger au Sénat, élus par le Conseil. Mais il faudra attendre le premier gouvernement de gauche de la Ve République, avec l'accès au pouvoir de François Mitterrand, pour que l'étape de la démocratisation soit véritablement franchie.
En 1982, le Gouvernement prévoit par décret que les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger le soient désormais au suffrage universel direct, sur la base du scrutin de liste proportionnel. Ces membres élus sont désormais les seuls à participer à l'élection des sénateurs. Ces règles sont ensuite validées par la loi du 7 juin 1982.
En 1983, la loi dispose que les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel de liste, par un collège électoral composé des seuls membres élus du Conseil supérieur. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger sont, depuis cette époque, au nombre de douze.
La démocratisation de l'instance s'est accentuée, et sa place dans l'espace public a pris de l'ampleur. À partir de 1984, le Conseil supérieur est représenté au sein du Conseil économique et social, de la Caisse des Français de l'étranger, du Conseil pour la protection sociale des Français de l'étranger, de l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger, ainsi que dans des organismes consulaires et dans les commissions locales.
En 2003, une révision constitutionnelle donne force équivalente aux instances représentant les Français de l'étranger et aux collectivités territoriales, conduisant le Conseil supérieur des Français de l'étranger à proposer d'être renommé « Assemblée des Français de l'étranger », ce qui fut fait en 2004.
En 2005, la réforme démocratique du système est achevée par une normalisation des listes électorales, désormais listes consulaires établies pour l'élection du Président de la République.
La révision de 2008 crée onze postes de députés des Français de l'étranger.
Je me suis permis de rappeler ces dates pour montrer à quel point la route avait été longue et comment nous étions finalement passés d'une instance relativement formelle et sans pouvoirs à une assemblée élue.
Nous avons, lors de nos débats en commission et en séance, acté la mise en place des conseillers de proximité, ce qui élargit par ailleurs le collègue électoral des sénateurs. Cela n'a jamais posé problème entre nous. Nous étions tous persuadés qu'il fallait permettre aux Français établis hors de France d'avoir une très grande proximité avec leurs élus. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, non en raison de l'irresponsabilité des élus qui nous représentent à l'Assemblée des Français de l'étranger, mais de la nature des circonscriptions qui sont les leurs, puisque ce sont parfois des circonscriptions de taille continentale.
Mais nous avons buté à la fois sur la dénomination, la nature et le mode d'élection des conseillers à cette instance qui, pour certains, devait être une AFE réformée, et pour d'autres, un Haut Conseil. Ce n'était pas, à mon sens, seulement une querelle lexicale. Nommer une instance, c'est lui reconnaître une fonction et une légitimité. Revenir à une appellation d'origine, ou presque, c'était non seulement nier son utilité d'assemblée élue, mais aussi, d'une certaine façon, rabaisser sa fonction. C'était la réduire à ce qu'elle avait été à l'origine : un conseil de notables chargé simplement d'exprimer des avis.
Grâce à Hugues Fourage, rapporteur à l'Assemblée nationale, et à Jean-Yves Leconte, rapporteur au Sénat – je tiens à les remercier tous deux –, un compromis semble avoir été trouvé après l'échec de la commission mixte paritaire. La dénomination conservée est celle d'Assemblée des Français de l'étranger et je m'en félicite. C'était ce que j'avais défendu tout au long de nos débats.
Un nouveau découpage qui tient compte de la réalité électorale a été trouvé et c'est aussi une bonne nouvelle. Je ne puis que me réjouir d'avoir été en partie entendu par notre rapporteur. J'avais en effet déposé un amendement visant à retenir seize circonscriptions. Le chiffre est tombé à quinze, mais nous n'allons pas nous en plaindre.
Reste la question des modalités d'élection, directe ou indirecte, qui demande quelques éclaircissements, de même que la nature du mandat des futurs élus à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Si ceux-ci ne seront plus élus directement par les Français établis hors de France, comme j'ai cru le comprendre au vu du compromis trouvé avec le Sénat, je me pose cette question un peu simple : qui vont-ils représenter désormais ? Puisqu'ils ne représentent plus directement les Français qui les élisent, vont-ils pour autant représenter les conseillers consulaires qui seront les principaux électeurs ? Quelle est donc la nature du mandat des futurs élus à l'Assemblée des Français de l'étranger ? Je souhaite que Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur puissent nous éclairer sur ce point.
Dans mon esprit, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui doit constituer une forme de parachèvement de la démocratisation progressive de l'instance représentant les Français de l'étranger.
J'ai défendu, au cours de nos débats, la vision d'une représentation de proximité, comme cela figurait dans le texte gouvernemental. J'ai soutenu également la vision d'une assemblée représentative, élue au suffrage universel direct par scrutin de liste, ainsi que cela avait été proposé tant par le Sénat que par l'Assemblée des Français de l'étranger elle-même. Je regrette que nous n'ayons pas pu parvenir à un compromis sur cette question.
Pour le député des Français établis hors de France que je suis, le travail avec les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger a été précieux et indispensable. Je ne dis pas cela par pure démagogie, je crois qu'il y a des réalités différentes. Autant, dans les circonscriptions européennes, un député peut se passer du travail coopératif nécessaire avec les élus des Français de l'étranger, autant, dans une circonscription de taille continentale comme la mienne, avec trente-trois pays, je ne peux me passer de l'aide des élus qui siègent à l'Assemblée des Français de l'étranger. Je travaille de concert avec les élus de la majorité et de l'opposition. Cette réalité aurait dû nous conduire à une autre vision de l'Assemblée des Français de l'étranger, pas uniquement à un point de vue que j'ai considéré parfois comme ignorant la réalité des Français de l'étranger, voire un peu méprisant à l'égard de ces élus.
En conclusion, je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur. Vous n'étiez pas un connaisseur de la réalité des Français de l'étranger. Vous vous êtes plongé, avec beaucoup de rigueur et de patience, dans ce sujet et vous avez fait preuve d'une très grande capacité d'écoute. Si un compromis a pu être trouvé, c'est parce que vous avez été l'un des principaux acteurs de ce travail de rapprochement avec le texte voté par le Sénat. J'espère que le texte issu de nos travaux sera compris par nos compatriotes, parce que l'enjeu, c'est bien que celles et ceux qui vivent à l'étranger puissent comprendre l'architecture que nous sommes en train de construire, qu'ils se l'approprient et qu'ils aient envie de participer massivement à la vie démocratique à l'étranger. Tel est pour moi l'enjeu de notre discussion de ce matin. Il ne s'agit pas seulement d'une discussion technique, mais bien de construire, d'approfondir la démocratie pour les Français de l'étranger.