Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 21 juin 2013 à 9h30
Représentation des français établis hors de france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Et d'ailleurs, elle n'a pas donné le temps nécessaire pour aboutir à une position sereine. Je ne dirai pas une position consensuelle, qui n'est pas un objectif en soi, mais tout du moins une position partagée, au moins au sein des mêmes formations politiques du Sénat et de l'Assemblée nationale.

L'échec de la CMP a fait apparaître des points de divergences relativement importants : sur la dénomination de la future assemblée, sur le mode de scrutin, direct ou indirect, sur le nombre de circonscriptions électorales, sur l'extension des pouvoirs des conseillers dans le cadre des conseils consulaires.

Grâce au travail excellent, obstiné, patient, persévérant des rapporteurs, ces points de vue ont pu être rapprochés depuis l'échec de la CMP. La commission des lois a notamment permis d'entériner certaines avancées.

Le retour à la dénomination d'Assemblée des Français de l'étranger nous semble relever du bon sens. Elle permettra d'appuyer le nouveau système sur la notoriété existante, certes limitée, de cette institution. Il faut mettre fin à cette mauvaise habitude de renommer les institutions à chaque réforme.

Concernant les conseils consulaires, leur création va naturellement dans le bon sens. Nous aurions cependant souhaité que leurs pouvoirs soient plus importants. Pour renforcer leur contrôle démocratique et intéresser les électeurs à leur rôle, l'avis des conseillers dans la procédure d'élaboration des budgets aurait gagné à ne pas être purement consultatif.

Nous connaissons le contexte de la réforme : la poursuite absurde des politiques d'austérité qui contraignent la dépense publique. Les restructurations déjà en cours des réseaux diplomatiques et consulaires ne manqueront pas de se poursuivre : réduction du format des ambassades, fermeture de certains instituts culturels. Les élus de l'étranger doivent avoir leur mot à dire pour résister à cet amaigrissement des services publics à disposition de nos ressortissants à l'étranger. Penser qu'il y aura plus de démocratie avec une plus faible présence de nos institutions est une chimère.

S'agissant des modes de scrutin et des circonscriptions, il faut souligner à quel point le système actuel souffrait de limites : un collège électoral étriqué et des écarts démographiques inacceptables, comme l'a souligné la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique. La réforme a minima proposée sur ce point nous laisse sur notre faim. Pour rapprocher réellement les électeurs de leurs élus, il aurait fallu une hausse beaucoup plus forte du nombre de conseillers.

Par ailleurs, en décidant du mode de représentation, le législateur a une responsabilité primordiale, qu'il ne faut pas galvauder. Il en est largement question dans ce projet de loi, avec un grand flou autour de la volonté d'instituer un scrutin direct ou indirect, dans des circonscriptions restreintes ou non.

Il ne s'agit pas de technique ou de stratégies politiciennes, mais bien d'organiser la respiration démocratique de la Ve République, aujourd'hui à bout de souffle. Qu'un système de représentation soit inique, et le doute naît sur le caractère démocratique même de nos institutions.

Le désaveu de plus en plus poussé entre les Français et la classe politique doit nous interpeller. Les derniers scrutins, tant par l'abstention massive que par leurs résultats, sont des séismes qu'il faut entendre. La fracture entre le peuple et les élites s'accroît dangereusement. Certes, la situation économique et sociale, le chômage, la récession entraînée par les politiques d'austérité pèsent lourdement. Mais l'inadéquation et l'injustice du mode de représentation aux élections nationales, particulièrement aux élections législatives et présidentielles, accentue la situation.

Le manque de pluralisme de la Ve République éloigne les Français des institutions. Le scrutin majoritaire instille depuis cinquante ans un bipartisme mortifère pour la démocratie. C'est vrai sur les bancs de l'Assemblée nationale, puisque, par exemple, les 4 millions de citoyens qui ont porté leur suffrage sur un programme de transformation de la société auraient dû être représentés par près de cinquante à soixante députés du Front de gauche si leur voix avait eu la même valeur que les autres. C'est hélas ce même bipartisme qui prévaut dans la représentation des Français de l'étranger, et la réforme proposée n'y changera rien. Nous le regrettons.

L'introduction d'un vote à la proportionnelle aurait été la solution idoine pour donner plus de légitimité démocratique aux élus et garantir une meilleure représentation de l'ensemble des tendances politiques.

Pour conclure, nous approuvons les nombreuses améliorations démocratiques apportées par ce projet de loi, tout en regrettant qu'il reste au milieu du gué sur certains points. Nous estimons notamment qu'une remise à plat de la double représentation des Français de l'étranger, à l'Assemblée nationale et au Sénat, faisait figure de nécessité.

Ne perdons pas de vue que la révision constitutionnelle de 2003 accordant le statut de collectivité territoriale aux sénateurs de l'étranger demeure une curiosité juridique.

La révision constitutionnelle de 2008 créant une seconde représentation à l'Assemblée nationale a bouleversé l'équilibre existant. Au nom de quel principe républicain peut-on justifier une représentation supplémentaire accordée à une catégorie spécifique de citoyens en leur réservant des députés ?

Par ailleurs, le nombre de députés n'ayant pas augmenté, cette mesure a eu pour conséquence d'affaiblir la représentation des Français sur le territoire national.

Les résultats de cette création sont pour le moins mitigés : alors que la mobilisation électorale des expatriés est plutôt forte à la présidentielle, le taux de participation à l'élection des députés des Français de l'étranger a avoisiné les 20 % seulement. Il faut dire qu'avec des circonscriptions géographiquement surprenantes, allant par exemple de la Sibérie jusqu'à la Nouvelle-Zélande, la proximité avec les électeurs n'a pas été le souci primordial de l'ancienne majorité !

Nous appelons donc à poursuivre la réforme de la représentation des Français expatriés pour aboutir à un système politiquement juste, représentatif, et partagé par les principaux intéressés.

Au-delà, les députés du Front de gauche insistent sur la nécessité de mettre fin aux coupes budgétaires. Peu à peu, elles privent nos ressortissants de services indispensables et font perdre de la cohérence à notre réseau diplomatique, consulaire et culturel. Ce n'est pas acceptable.

La nation est de plus en plus morcelée géographiquement. Il en va ainsi d'une évolution dictée par la mondialisation. Pour préserver sa cohésion, nous avons plus que jamais besoin d'une volonté et une ambition fortes.

Vous l'aurez compris, si les évolutions positives de la commission des lois étaient confirmées, nous voterons pour ce projet de loi, avec lucidité sur ses insuffisances.

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