Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l'échec de la CMP le 22 mai dernier, nous entamons ce matin l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Cet échec était malheureusement prévisible, tant les textes adoptés par le Sénat et par l'Assemblée nationale divergeaient sur des points essentiels de la réforme présentée par le Gouvernement : le mode de scrutin pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger, le découpage des circonscriptions et le nom même de l'assemblée.
Derrière ces divergences se cachait un désaccord de fond sur la place et sur le rôle à attribuer à l'Assemblée des Français de l'étranger dès lors qu'était actée la création des conseils consulaires, institutions nouvelles et centrales dans le dispositif de représentation.
Fallait-il maintenir l'AFE ? Fallait-il en recentrer l'action et le champ d'intervention ? Fallait-il prendre appui sur le travail de terrain de ses membres, ou bien au contraire s'en défier ?
Dans ce débat, pour des raisons que j'ai développées en première lecture, je me suis exprimé en faveur de l'AFE. Je crois à la pertinence de cet échelon pour se confronter à l'expérience locale dans un processus délibératif. Les conseils consulaires n'auront de valeur ajoutée pour l'action publique que si certains de leurs membres siègent aussi à l'AFE et partagent ainsi, dans un cadre géographique par définition plus large, leur retour de terrain.
Les conseils consulaires, comme les élus consulaires, ne peuvent être à ce point autonomisés qu'ils ne se connaîtraient pas et ne mutualiseraient rien. Pour que les élus consulaires fassent oeuvre utile, il faut qu'ils échangent de pays à pays, de continent à continent. Pour prendre un exemple brûlant, c'est parce que l'AFE existera que les engagements, les remarques, les suggestions voire les oppositions des conseils consulaires dans le nouveau cadre des bourses scolaires seront utiles pour l'action collective.
Je suis heureux, monsieur le rapporteur, que vous ayez fait état d'une base de compromis avec le Sénat, qui conduirait à élire un total de quatre-vingt-dix conseillers consulaires à l'AFE, au suffrage universel indirect, dans le cadre de quinze circonscriptions découpées à l'échelle mondiale. Le suffrage universel indirect, retenu par l'Assemblée nationale, s'est imposé au nom de la simplicité comme du respect des principes de pluralisme, de liberté de candidature et d'égalité d'accès aux mandats électifs.
Le découpage électoral au plus près du terrain, voulu par le Sénat, revient et permettra de donner une légitimité régionale à l'action locale des conseillers à l'AFE. J'avais plaidé cette cause en première lecture et je ne peux donc que me féliciter que le bon sens ait finalement prévalu.
On peut apprécier ou non la pertinence du découpage proposé : je le conçois. Reste que le progrès est réel, a fortiori lorsque le nom d'Assemblée des Français de l'étranger est sauvegardé aussi.
Je me tourne vers vous, madame la ministre, pour vous dire qu'une vive responsabilité vous incombe désormais – à supposer, bien sûr, que les termes du compromis présentés par notre rapporteur recueillent l'assentiment des deux chambres. Cette responsabilité, c'est de fixer dans le décret les détails de ce nouveau cadre institutionnel. Le pouvoir réglementaire, c'est vous, ce n'est pas nous. Or, tant reste encore à faire pour que vive cette réforme que vous défendez depuis des mois et pour que nos compatriotes y adhèrent ! Rien n'est encore acquis. Permettrez-vous que les conseillers à l'AFE puissent se rendre aux réunions des conseils consulaires de leur circonscription d'élection ? Consentirez-vous à ce que le cadre indemnitaire, légitimement contraint, leur donne cependant les moyens nécessaires pour exercer leur mission ?
Je vous sais à l'écoute et pragmatique, je ne doute pas que vous aurez à coeur, sur ces sujets, de consulter les parlementaires que nous sommes, mais plus encore les associations reconnues d'utilité publique, dont la loi consacre le rôle en matière civique et de participation, sans oublier les conseillers à l'AFE lors de leur prochaine session en septembre prochain.
J'étais sorti du débat de première lecture avec des interrogations. Cet exercice de nouvelle lecture me convainc davantage, même si des questions demeurent, et c'est à dessein que je viens d'en lister quelques-unes.
Je reste persuadé qu'à l'image des vertus du bicamérisme, qui nous permettent d'examiner ce matin un projet de compromis, il est possible de conclure cette procédure législative difficile par un texte qui s'inscrive pour longtemps comme un progrès, qu'il s'agisse de la représentation ou de l'efficacité de l'action publique pour les Français de l'étranger, compatriotes proches ou lointains auxquels nous nous devons, parce que la promesse de la République ne connaît aucune frontière : nous sommes tous des Français du monde.