De fait, si nous accédions à votre demande, nous transférerions les 51 000 contrôles fiscaux annuels aux magistrats. Étant donné l'état dans lequel la garde des sceaux a trouvé l'administration de la justice dans ce pays, cela serait absolument dramatique !
L'exposé sommaire de votre amendement relève que la trop méconnue commission des infractions traite, bizarrement, à peu près le même nombre de dossiers chaque année. C'est vrai. Mais la nature des dossiers qu'elle traite a totalement changé. Auparavant, ce que les membres de la CIF avaient coutume d'appeler des dossiers de « maçons turcs » constituait la majorité des infractions fiscales. À cette époque, la CIF défendait le contribuable. Aujourd'hui, elle défend les contribuables, mais contre les fraudeurs ! La logique a totalement changé. La commission des infractions fiscales doit se prononcer sur des dossiers d'une tout autre nature.
Que se passe-t-il en amont, avant même la transmission à la justice ? Ce point est très intéressant. Avant, il y a eu des amendes, des majorations. C'est exactement comme quand on doit payer une contravention. Il vous est peut-être arrivé de ne pas mettre de pièces dans le parcmètre ? On vous dresse une contravention, mais vous pouvez écrire au préfet de police pour la contester. C'est pareil en matière fiscale. L'administration fiscale procède à des contrôles. Il arrive que les contribuables se soient trompés, ou demandent à bénéficier d'une réduction à laquelle ils n'ont pas droit, c'est une matière compliquée… Bref, l'administration cherche, d'abord, à établir la bonne foi du contribuable, et peut le cas échéant le sanctionner par une amende fiscale qui est normalement la même pour tous et qui n'entraîne pas de poursuite pénale au sens correctionnel du terme.
Comprenez, monsieur Dupont-Aignan, que l'administration fiscale entend le contribuable, le sanctionne, puis transmet à la justice des cas extraordinairement lourds, pour lesquels très peu de peines de prison sont pourtant prononcées. Cela relève de la justice, c'est le principe de l'individualisation des peines. Et il n'y a pas énormément d'amendes non plus. La médiane des amendes prononcées par les magistrats est très en deçà de celle des amendes dont s'acquittent les contribuables contrôlés en amont par l'administration fiscale.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer cet amendement qui va à l'inverse de l'objectif que vous poursuivez, le même que le nôtre.