Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Article 3, amendements 6 38

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

Je vais tenter, monsieur le député, parce que je vous sais sincère dans l'intention, de vous convaincre que vous faites fausse route. En effet, votre idée a une certaine popularité, mais elle est fausse. Je vais vous en expliquer les raisons.

Nous poursuivons tous ensemble un même objectif : être plus efficients dans la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons, par conséquent, intérêt à ne laisser aucun espace au fraudeur qui lui permettrait de trouver un chemin pour échapper au contrôle, puis à la sanction.

Je me permettrai de corriger amicalement un certain nombre d'erreurs qui se sont glissées dans votre présentation concernant l'intervention de l'administration fiscale.

C'est parce que la matière fiscale est hautement technique, ce qui implique un très haut niveau de compétences juridiques et une parfaite connaissance des montages fiscaux, qui ne s'apprécient d'ailleurs pleinement que dès lors que l'on dispose d'un certain retour d'expérience, qu'a été établi le principe selon lequel ceux qui contrôlent sont ceux qui savent, et qu'ils peuvent être, pour partie, ceux qui sanctionnent. Quel est l'avantage de ce dispositif ? Il y a une même temporalité, un même mouvement entre la constatation de l'infraction, à travers le contrôle, et l'application de la sanction qui est une amende souvent très élevée et qui a la valeur de la peine pénale.

Ce temps court de la gestion du contrôle, de l'élucidation de l'infraction et de la sanction est, précisément parce qu'il est court, extraordinairement dissuasif pour le fraudeur. Si l'on n'est pas capable d'expertiser, d'élucider et de sanctionner rapidement, on laisse au fraudeur un temps pour la procédure, dans toutes ses dimensions contradictoires, qui est une forme d'échappatoire qu'il ne mérite pas compte tenu de son comportement.

Par ailleurs, lorsque la sanction a été prononcée, il peut rester des dossiers pour lesquels, parce que des infractions très lourdes ont été constatées, la justice doit intervenir. Ce qui compte, c'est qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre le temps court de l'administration fiscale, lorsqu'elle frappe, et la possibilité pour le juge d'intervenir lorsqu'il est légitime qu'il le fasse. C'est la raison pour laquelle nous transmettons à la justice, par le truchement de la CIF, les dossiers qui méritent des investigations et des jugements complémentaires.

Par conséquent, opposer l'administration fiscale à la justice est une erreur. Considérer que l'administration fiscale fait preuve d'une sorte de complaisance qui conduirait le fraudeur à échapper à la sanction est faux.

Enfin, monsieur le député, l'idée selon laquelle un monopole serait entre les mains du ministre est fausse, en droit et en organisation, parce que le ministre, pour des raisons qui tiennent aux textes en vigueur, n'a pas à intervenir dans la gestion du contrôle et de la peine après que le contrôle a été effectué. Les dispositions en vigueur, notamment les circulaires, en conformité avec le droit fiscal, lui interdisent de le faire. S'il le fait, donc si le schéma que vous avez décrit est réel, le ministre est en faute. Je puis vous assurer, et je le dis sans esprit partisan, qu'au cours des dernières années, dans le temps long de l'histoire du fonctionnement de notre administration, le fonctionnement du pouvoir politique a été globalement rigoureusement conforme à ce que je viens d'indiquer. S'il a pu y avoir des manquements, ils ont été identifiés. Ceux qui ne l'ont pas été, le seront, je le pense, prochainement, et ce d'une façon assez spectaculaire.

Vous faites, par conséquent, fausse route en posant le problème ainsi. Tout est organisé de telle sorte qu'aucun interstice ne soit laissé au fraudeur qui lui permette de se frayer un chemin entre l'administration fiscale et la justice. Telle est la force de notre dispositif. Il serait hautement coupable, au nom d'une idée fausse, même si elle peut être populaire, de remettre en cause un système qui marche.

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