Intervention de Marie-Hélène Fabre

Réunion du 18 juin 2013 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre, rapporteure :

Notre commission doit donc se prononcer aujourd'hui sur une proposition de résolution relative à la réforme des droits de plantation de vigne, adoptée par la Commission des affaires européennes le 28 mai dernier. Une résolution européenne sur le même sujet avait été adoptée lors de la précédente législature, en 2011, mais la récente évolution du débat au sein de l'Union européenne justifie le vote d'une nouvelle résolution.

Si les prix du vin ne se sont pas effondrés en Europe, et si nous ne connaissons pas une situation structurelle de surproduction alors que la consommation recule depuis plusieurs décennies, nous le devons certainement au système des droits de plantation qui a permis de mettre en place une stratégie de montée en gamme.

Mis en oeuvre en France dès 1953, le principe de la limitation des droits de plantation a été introduit en droit communautaire dans le cadre de la première organisation commune du marché (OCM) vitivinicole en 1976. Selon ce système, les plantations de vignes destinées à produire du vin ne sont autorisées que si les producteurs disposent d'un droit de plantation. Ces droits peuvent être octroyés à la suite d'un arrachage de vigne ou de droits de replantation, mais il peut aussi s'agir de droits de plantation nouvelle ou de droits prélevés sur une réserve – chaque État membre dispose d'une réserve de droits de plantations, alimentée par les droits périmés et ceux qui ont pu être achetés aux viticulteurs.

Bien que, depuis sa mise en oeuvre, le système des droits de plantation ait fait la preuve de son efficacité, en permettant le maintien de l'équilibre du marché, il a été remis en cause dans le cadre de la réforme de l'OCM de 2008. D'inspiration très libérale, cette réforme misait sur une restructuration rapide du secteur reposant sur un assainissement du marché grâce à la mise en place d'une politique d'arrachage, qui devait être suivi de la suppression des droits de plantation afin de permettre aux producteurs compétitifs de répondre librement à la demande. La fin du régime des droits de plantation au niveau de l'Union européenne devait être effective à compter du 1er janvier 2016, les États membres gardant toutefois la possibilité de les maintenir au niveau national jusqu'au 31 décembre 2018.

La suppression des droits de plantation fait peser des risques très lourds sur l'ensemble du secteur vitivinicole européen. L'augmentation excessive de la production et le déséquilibre du marché du fait de l'extension des zones viticoles constituent de réelles menaces. Un risque de détournement de notoriété en raison de la possibilité d'implantation de vignobles dans des zones d'appellation ou à proximité de ces zones pèse sur les vins à indication géographique. La menace concerne aussi la qualité des vins produits dans les États membres, la structuration de la production et, en conséquence, les équilibres territoriaux, environnementaux, économiques et sociaux qui reposent sur le secteur vitivinicole.

Mais la décision de supprimer les droits de plantation est fortement contestée. Les professionnels de la filière viticole et les élus – notamment ceux qui sont membres de l'Association nationale des élus de la vigne et du vin (ANEV), dont M. Philippe Armand Martin est coprésident – se sont battus sans faiblir depuis 2008 pour sauvegarder les droits de plantation. Les États producteurs se sont également mobilisés à l'instar de l'Allemagne, en 2010, puis de la France, en 2011. Au final, quatorze États membres, représentant la quasi-totalité des producteurs de vin, s'opposent à cette réforme. L'Assemblée nationale a également exprimé son opposition à la suppression des droits de plantation dans une résolution européenne adoptée par la Commission des affaires économiques en juin 2011. En février de la même année, le Sénat a adopté une résolution allant dans le même sens. Le Parlement européen, qui est devenu, depuis le traité de Lisbonne, co-législateur dans le domaine agricole, s'est aussi engagé en adoptant le 13 mars dernier une décision demandant le maintien des droits de plantation au moins jusqu'en 2030.

Même si elle ne rassemble pas la majorité qualifiée nécessaire au Conseil pour revenir sur la décision de 2008, l'opposition d'un si grand nombre d'États membres ne pouvait être ignorée par la Commission européenne. En janvier 2012, cette dernière a donc décidé de confier à un « groupe de haut niveau » l'organisation de discussions sur l'évaluation des droits de plantation et les effets de leur suppression. Les conclusions publiées le 14 décembre 2012 sont dans l'ensemble satisfaisantes. Le groupe de haut niveau s'est en effet prononcé en faveur du maintien d'un encadrement des plantations, à travers un nouveau régime général d'autorisations des plantations.

Alors que la constitution du groupe de haut niveau pouvait initialement être interprétée comme l'expression d'une volonté de la Commission européenne de gagner du temps, voire d'« enterrer » le dossier des droits de plantation, une sortie de crise paraît maintenant possible. Il convient de saluer à cet égard le rôle déterminant joué par la France sous l'impulsion du ministre de l'agriculture, M. Stéphane Le Foll.

Le nouveau système proposé s'appliquerait à tous les États membres, et il concernerait toutes les catégories de vin, qu'ils soient sous signe de qualité ou non. Les autorisations seraient accordées gratuitement ; elles seraient non transférables et expireraient au bout de trois ans. Un plafond des plantations serait défini au niveau de l'Union européenne. Les États membres auraient la possibilité de fixer un pourcentage inférieur au niveau national ou régional, ou spécifique à certaines catégories de vin, selon des critères objectifs et non discriminatoires. La délivrance des autorisations relèverait de la compétence des autorités nationales qui pourraient prendre en compte les recommandations des organisations professionnelles reconnues et représentatives. Si les demandes d'autorisation dépassent le pourcentage défini au niveau national, des critères de priorité objectifs et non discriminatoires définis au niveau de l'Union européenne devraient s'appliquer, éventuellement complétés par des critères nationaux obéissant aux mêmes principes. Le nouveau système s'appliquerait à compter du 1er janvier 2016 pour une durée de six ans.

Ces propositions doivent maintenant être traduites dans un texte législatif européen. La présidence irlandaise de l'Union européenne a fait le choix de les intégrer dans la réforme en cours de la PAC. Un accord politique sera recherché en première lecture d'ici à la fin de ce mois. Le Conseil « Agriculture et pêche » a pris position le 19 mars dernier en faveur d'un nouveau régime d'autorisations des plantations s'inspirant des recommandations du groupe de haut niveau. Contrairement aux propositions de ce groupe, le Conseil souhaite une entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2019 pour une durée de six ans, soit jusqu'en 2024. Alors que le groupe de haut niveau n'a pas proposé de taux pour le plafond d'augmentation des plantations, le Conseil s'est prononcé en faveur d'un taux correspondant à 1 % des surfaces plantées.

La proposition de résolution européenne adoptée le 28 mai dernier par la Commission des affaires européennes de l'Assemblée, sur le rapport de Mme Catherine Quéré, répond à plusieurs objectifs.

Elle salue tout d'abord l'évolution récente du débat sur les droits de plantation au niveau de l'Union européenne.

Elle souligne ensuite les points qui devront faire l'objet d'une vigilance particulière dans les négociations. Ainsi, le dispositif devrait être applicable jusqu'en 2030 car une application jusqu'en 2021, comme le propose le groupe de haut niveau, ou jusqu'en 2024, comme le souhaite le Conseil, n'offrira pas suffisamment de stabilité et de lisibilité aux producteurs. Juridiquement, il n'est pas possible d'envisager un dispositif pérenne, mais il serait souhaitable que, par exemple, dans le cadre du bilan à mi-parcours du nouveau système, sa prolongation soit décidée au moins jusqu'en 2030. Par ailleurs, l'entrée en vigueur devrait être fixée au 1er janvier 2019, notamment pour permettre aux titulaires de droits de plantation de les exercer d'ici à cette date. Notre collègue Catherine Vautrin estimait dans son rapport de 2010 que les droits non utilisés représentaient près de 8 % environ de la surface plantée en France, ce qui correspond à la moyenne européenne. Il faudra aussi que les modalités de fixation des plafonds d'augmentation des surfaces plantées tiennent compte de critères économiques objectifs et préservent la viabilité économique de l'ensemble de la filière viticole. Les plafonds fixés par chaque État membre devront tenir compte de l'état du marché régional, national et européen. Selon les informations qui m'ont été communiquées, dans les négociations actuelles, la Commission européenne et le Conseil sont favorables à un taux de 1 % d'augmentation annuelle des surfaces plantées, tandis que le Parlement européen défend un taux de 0,5 %.

Enfin, la proposition de résolution insiste sur la nécessité de conduire la gestion des autorisations en concertation avec les organisations professionnelles viticoles, conformément à la possibilité proposée par le groupe de haut niveau.

La proposition de résolution exprime clairement la volonté d'aboutir à un nouveau système d'encadrement efficace.

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