Le second objectif est clairement un objectif de rendement. Il concerne l’équilibre des comptes publics et la résorption de la dette pour redonner de l’air à l’économie et créer de l’emploi, puisque toutes nos actions vont dans cette direction. Dans la mesure où le taux de l’impôt ne pourra pas beaucoup augmenter, où la baisse de la dépense publique devra être mesurée pour ne pas s’exposer à l’austérité, nous ne devons pas manquer l’occasion.Cette loi peut être notre ultime planche de salut, en assurant un meilleur rendement de l’impôt existant. Il suffit, pour en mesurer l’enjeu, de mettre en parallèle les 50 milliards d’impôts manquant tous les ans – entre 30 et 80 selon les estimations, dont les deux tiers liés aux entreprises – avec les 50 milliards que notre pays doit économiser à l’échéance de 2017-2018 pour rééquilibrer ses comptes. Plus d’évasion fiscale : plus de dette ! Je ne veux pas exonérer totalement les États des efforts d’économie qu’ils ont à réaliser, mais il revient à celles et ceux qui portent une grande part de responsabilité dans l’aggravation de la dette d’y remédier.Très concrètement, le projet de loi doit assiéger les fraudeurs. Il doit contraindre les fuyards, lesquels doivent se sentir encerclés, cernés, au point d’y réfléchir à deux fois avant d’embarquer pour des aventures exotiques ou de refuser de quitter ces pays exotiques.L’ampleur des peines constitue le premier signal : sept ans de prison et 500 000 euros d’amendes.Surtout, ce sont toutes les mesures qui rendront possible et probable l’application de ces peines qui donneront à la loi toute sa force dissuasive et toute sa crédibilité. Je le dis à cet instant, car l’enjeu est bien de contraindre chacun à payer ses impôts pour, je le répète, rééquilibrer les comptes publics. C’est sur ce critère que l’efficacité de la loi devra être évaluée.Le renforcement des moyens d’investigation de la brigade nationale de répression de la délinquance, les sanctions frappant l’incitation des conseillers fiscaux, la transparence imposée aux montages financiers opaques, l’épée de Damoclès des révélations d’un repenti, les différents dispositifs de saisie des avoirs, la protection des lanceurs d’alerte, l’allongement du délai de prescription, la déclaration de non-détention de compte à l’étranger – que je proposerai en défendant un amendement à ce sujet – : toutes ces dispositions ont une fonction de dissuasion et d’encouragement au retour, à condition que l’administration dispose des moyens adaptés. Je pense, notamment, à l’administration fiscale, qui a, malheureusement, perdu beaucoup de moyens ces dernières années, au point que l’on peut se demander s’il n’y aurait pas une collusion – involontaire, dirons-nous – entre celles et ceux qui prônent, à travers le libéralisme, la réduction de la dépense publique, donc des moyens de contrôle, pour que chacun puisse vaquer à ses occupations sans être dérangé.J’insisterai sur deux points.Premier point : les lanceurs d’alerte. L’objectif est précisément de protéger les personnes informant les autorités de l’existence d’une fraude dont ils ont été les témoins dans le cadre de leur activité professionnelle. Il convient, toutefois, d’éviter deux écueils. Le premier serait de galvauder ce statut. Il faut s’en tenir à cet objectif premier, qui est la protection des salariés, afin qu’ils ne subissent pas de discrimination ou de sanctions professionnelles. Le second écueil serait d’assimiler le témoignage des lanceurs d’alerte à une délation. Bien entendu, on pourra jouer avec les mots, selon qu’on a l’objectif de soutenir ou, au contraire, d’empêcher leur exercice. Mais invoquer la délation paraît, en l’espèce, totalement déplacé. En effet, ce statut de lanceur d’alerte ne fait qu’étendre l’obligation déjà imposée aux fonctionnaires par l’article 40 du code de procédure pénale, qui dispose que « tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République. »Il faut se rappeler que nous parlons de délinquants fiscaux, qui participent ou organisent, qui plus est en bande organisée, la dissimulation et la soustraction à l’impôt de sommes parfois énormes, qui mettent en danger le pacte républicain, qui contribuent à l’avilissement de certaines élites égoïstes, au dénigrement d’élus complaisants, au déséquilibre des comptes publics. Il n’est donc pas sérieux – permettez-moi de vous le dire, chers collègues de l’opposition – de ramener ce qui constitue un acte civique de salut public à un acte de délation. Je trouve votre attitude pour le moins inappropriée, voire irresponsable, alors que, là où ils sont au pouvoir en Europe, vos amis politiques s’engagent de manière déterminée contre l’évasion fiscale. Il revient donc au législateur de requalifier certaines pratiques, dont celles des conseillers fiscaux.Second point : les trusts. Nous devons décrypter les montages complexes destinés à effacer les traces, alors que fleurissent les sociétés cachées dans des pays cachés, selon l’adage : « Pour vivre heureux vivons cachés ». Nous devons mettre ces opérations au grand jour. Nous débattrons de ce point lors de l’examen de quelques amendements du groupe écologiste.Cette affaire des trusts est un sujet important sur lequel le G8 s’est d’ailleurs penché avec attention, lorsqu’a été évoqué l’échange automatique d’informations. Personne ne doit plus pouvoir se cacher derrière ces montages opaques permettant la fraude fiscale et la dilution de la responsabilité.Sur l’ensemble de ces sujets, cette loi sera l’occasion de réaliser de grandes avancées, dans le même mouvement que l’Union européenne ou le G8, ce week-end.Nous abordons ce débat de manière sereine et déterminée, conscients de la gravité des actes que cette loi veut éradiquer et certains d’aller dans la bonne direction.Je veux, pour conclure, témoigner de notre confiance au début de ce débat et souligner la qualité de notre collaboration avec Mme la garde des sceaux, M. le ministre Mme la rapporteure pour avis, Sandrine Mazetier, et M. le rapporteur Yann Galut, ainsi qu’avec les services de M. le ministre des finances, avec lesquels nous avons pu travailler de façon très précise pour donner encore plus de puissance à cette loi.Pour sauver les comptes publics, pour renouer avec les citoyens, nous avons rendez-vous avec la justice fiscale !