Plusieurs lois visant à lutter contre la fraude fiscale en France ont été discutées dans cet hémicycle, mais elles n’ont pas réussi à mettre fin à l’inflation des boîtes aux lettres à George Town, aux îles Caïmans, ou à la nouvelle passion française pour les fondations belges. Autant dire que ces lois utiles n’ont pas, à ce stade, produit tous leurs fruits.Je veux croire, pourtant, que cette nouvelle loi sera différente, par la démonstration politique, peut-être aussi par le résultat politique que nous en attendons.La démonstration politique de cette loi contre la fraude fiscale porte un nom : puissance de l’État. Le résultat ambitieux que nous lui fixons est clair : restaurer la souveraineté de la France dans le Far West qu’est devenue la mondialisation en matière fiscale.La lutte contre la fraude fiscale relève désormais d’une guerre mondiale. Pour la première fois depuis un an, depuis quelques mois, les plus grandes instances internationales, les plus grands pays, se sont saisis de la lutte contre les paradis fiscaux. Pour reprendre les termes de Pierre Moscovici, des « pas de géants » ont été accomplis au cours des six derniers mois.Les efforts de lutte contre la fraude fiscale avaient jusqu’à présent butté contre les intérêts particuliers des États : d’un côté, des déclarations tonitruantes sur l’éradication des paradis fiscaux - y compris en France -, de l’autre le laisser-faire et le chacun pour soi, voire la tentation de profiter du système à son seul profit.C’est quand ces mêmes États ont compris qu’ils étaient en train de scier la branche sur laquelle ils étaient assis, que les choses ont enfin bougé. C’est quand ces États ont compris que se battre pour attirer à tout prix les contribuables les plus fortunés ou les entreprises les plus profitables revenait à habituer ces contribuables ou ces entreprises à ne plus trouver normal de payer l’impôt là où il est dû, que la situation a évolué.C’était les accoutumer à échapper à l’effort de financement des biens publics dont ils profitent, depuis les systèmes d’éducation jusqu’aux routes bien entretenues.Bref, la mondialisation « version Far West » a fini par se retourner contre la souveraineté même des États qui se croyaient plus malins qu’elle. La guerre est donc déclarée, et cette loi marque un tournant.Rappelons tout d’abord les mesures déjà prises avec la loi bancaire.L’offensive a été lancée lorsque nous avons décidé que les grandes multinationales devraient désormais rendre publics leur chiffre d’affaires, leurs profits, leurs bénéfices et leurs effectifs.Elle s’est poursuivie lorsque nous avons été les premiers en Europe, je dis bien les premiers, à décider que les mécanismes FATCA américains s’appliqueraient désormais dans notre pays au fur et à mesure de la conclusion des accords internationaux.Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous devons persévérer dans cette voie. Je sais que vous y avez travaillé et que vous poursuivez cet objectif.Un cinquième des filiales des plus grandes entreprises européennes sont encore implantées dans les paradis fiscaux. Autant dire que, cette fois, la guerre est déclarée et que les scandales ne s’arrêteront certainement pas à Amazon ou Starbucks.En France, le principe de la territorialité régit l’impôt pour les sociétés, celles-ci recourant parfois aux trusts ou, surtout à ce stade, aux prix de transfert pour le contourner.Nous devons aujourd’hui mener une grande bataille contre la manipulation des prix de transfert. À l’heure du tout-numérique ou du tout-brevet, tout bien ou presque peut être transformé en élément incorporel. À l’heure de l’instantané, placer ces centres de profit aux Pays-Bas ou en offshore est l’affaire de trois clics.Le groupe socialiste défendra un amendement qui vise à contraindre les grandes entreprises à prouver leurs prix de transfert par la production d’une comptabilité analytique : c’est la seule façon, la seule manière de lutter contre la manipulation des prix de transfert.