Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre du budget, mes chers collègues, le Premier ministre a fait état, lors du conseil des ministres du 10 avril, de la détermination du Gouvernement en matière de transparence de la vie publique et de renforcement des moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux, conformément à la demande du Président de la République de « s’attaquer à la racine de la défiance de l’opinion, qui demande des garanties sur l’intégrité de ceux qui exercent des responsabilités politiques et une plus grande efficacité dans la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale ».C’est donc un honneur de procéder aujourd’hui à l’examen puis au vote du texte ambitieux d’un gouvernement qui a décidé de s’attaquer frontalement à l’un des plus anciens, violents et, hélas, juteux sports nationaux et internationaux. Le projet de loi, par son ampleur et par les leviers qu’il met en oeuvre, est une première historique dans la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. « Quand la fraude construit une maison, elle la détruit », dit un proverbe malinké, qui résume fortement et en peu de mots ce qu’est la fraude fiscale et ce qu’elle coûte en argent mais aussi en cohésion à notre pays, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre. Aux propos honteux de certains ministres de l’ancien gouvernement dénonçant le « cancer de l’assistanat », nous répondons aujourd’hui en nous attaquant à la fraude fiscale, à l’évasion fiscale, aux montages financiers, à la grande délinquance financière et à toute une criminalité en col blanc qui, en réalité, n’a jamais beaucoup intéressé l’ancienne majorité.En cette période si difficile de crise mondiale, ce sont les classes moyennes et les plus démunis qui ont payé les conséquences du laxisme de la droite, les Français ne l’oublieront pas. Nous voyons les choses différemment. Rappelons que notre actuel ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a mené avec Vincent Peillon une mission d’information sur le blanchiment en 2002. Il écrivait dans une tribune publiée par Le Monde en avril 2009 que « les gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ont pris appui avec une constance tout idéologique sur les paradis fiscaux pour rendre naturelle la nécessité de ne pas frapper les profits au motif qu’ils risqueraient de s’exiler… dans les paradis fiscaux. La rhétorique de l’exil fiscal n’a fait que conforter ces territoires qui ont gagné, au fil du temps, des alliés dans toute l’Europe des gouvernements libéraux. » Il poursuivait : « Ces milliards perdus par pur aveuglement idéologique, ce sont ceux qui nous manquent aujourd’hui pour financer nos plans de relance, redistribuer du pouvoir d’achat, stimuler l’investissement industriel et limiter notre dette publique. » Ces propos, prémonitoires, sont toujours vrais.La nouvelle majorité fait aujourd’hui preuve de courage. Elle n’a pas peur de prendre à bras-le-corps la fraude aux impôts de nos concitoyens. Délit de fraude fiscale en bande organisée, alignement des peines pour les personnes morales sur celles applicables aux personnes physiques, utilisation des informations d’origine illicite comme la liste HSBC, création d’un procureur national financier par une majorité qui n’entravera pas la justice mais entend au contraire lui donner plus de moyens : il y a là autant de mesures nouvelles et fortes que la France attendait depuis longtemps. Elle qui avait accumulé du retard rejoint aujourd’hui le groupe de tête des pays en lutte contre ce type de fraude.Merci, madame la ministre et monsieur le ministre, de votre travail. Merci à nos rapporteurs. Je salue également le travail des commissions qui ont renforcé et enrichi le texte en y insérant des mesures sans précédent. Des associations anti-corruption pourront se constituer partie civile plus facilement grâce à l’ajout du blanchiment et du recel de corruption dans la liste des infractions leur permettant d’ester en justice. Le montant des amendes pénales prononcées contre les personnes morales pourra être porté à 10 % de leur chiffre d’affaires moyen annuel des trois dernières années en matière correctionnelle et 20 % en matière criminelle. Les peines encourues en matière d’atteintes à la probité et de corruption seront aggravées. La règle jurisprudentielle du report du point de départ d’une infraction dissimulée au jour de son constat sera inscrite dans la loi, dans des conditions permettant l’exercice des poursuites. Le délai de prescription du délit de fraude fiscale sera porté à six ans. C’est un grand pas en avant dans ce que nous devons désormais appeler par son nom : une véritable guerre contre la fraude fiscale, contre la grande délinquance économique et financière, contre un vol continu, inlassable et répété qui gangrène notre pays.Une telle guerre ne sera pas une mince affaire. Elle n’en est pas moins essentielle. Nous ne pouvons pas demander des efforts supplémentaires à nos concitoyens en des temps de crise difficiles et anxiogènes si nous ne redoublons pas d’efforts pour récupérer les 60 à 80 milliards d’euros que nous coûte chaque année le banditisme en col blanc ! C’est insensé ! Les Français ne le comprendraient pas. Un tel montant représente environ quatre fois le déficit des retraites dont nous allons débattre prochainement. Demander toujours aux mêmes de faire des efforts est injuste. C’est aussi de cela que procèdent la défiance grandissante des Français envers leurs représentants politiques ainsi que le vote extrême. Voilà ce que le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire. Nous mènerons cette guerre avec eux !