Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre du budget, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, les deux projets de loi que nous examinons aujourd’hui traduisent une priorité qui est au coeur de l’État de Droit : renforcer l’efficacité de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale et remédier aux insuffisances de la législation en matière de lutte contre la délinquance financière. En effet, comment construire une société si les citoyens ont le sentiment qu’ils ne sont pas tous égaux devant la justice et l’impôt et si chacun pense que certains peuvent éviter sans conséquence de contribuer à la solidarité nationale à proportion de leurs facultés, voire, comme il a été dit récemment, de négocier le montant de leurs impôts avec l’administration fiscale ?En la matière, pourtant, nous revenons de loin. L’impulsion donnée par la puissance publique au cours des dix dernières années a consisté à déserter très largement une telle politique publique. Les mécanismes de prévention et de détection de la délinquance économique et financière ont été délégitimés, l’arsenal répressif a volontairement été empêché de s’adapter et les autorités d’enquête ont été réduites, voire réduites au silence. Il suffit de se souvenir de la tentative avortée de suppression des juges d’instruction, qui traitent la quasi-totalité des infractions d’atteinte à la probité, de la remise en cause de la jurisprudence sur la prescription des délits dissimulés comme les abus de biens sociaux, ou encore de la volonté affichée de dépénaliser le droit des affaires.Contre de telles évolutions, notre majorité s’efforce aujourd’hui de bâtir un corpus législatif cohérent et ambitieux. Il permettra à la justice de lutter avec plus d’efficacité contre des infractions qui causent un préjudice économique à la nation bien plus important que toutes les autres formes de criminalité et qui tarissent la confiance des citoyens à la fois en leur personnel politique, en leurs élites économiques mais aussi en la capacité de l’État à faire respecter la loi et l’égalité devant elle. La cohérence caractérise les projets de loi que nous avons examinés. Ils répondent à une même préoccupation : rénover la vie publique et promouvoir une République exemplaire et transparente.Par le projet de loi constitutionnelle réformant le Conseil supérieur de la magistrature, nous ambitionnons de renforcer les garanties d’indépendance de la nomination des procureurs et, corollairement, l’indépendance de la justice tout entière. Par le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, nous empêchons toute ingérence de l’exécutif dans le déroulement des procédures pénales afin de ne pas laisser place au soupçon qui mine la confiance des citoyens en l’institution judiciaire. Enfin, par la loi sur la transparence de la vie publique, nous mettons en place un cadre rénové de lutte contre les conflits d’intérêts. Ce texte, j’en suis convaincu, restaurera la confiance des citoyens en leurs représentants.Les deux projets de lois sur lesquels nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui s’inscrivent résolument dans la même perspective. Ils compléteront les dispositifs nouveaux et rendront plus efficace la lutte contre la fraude fiscale et contre les infractions relatives à la moralité publique. Je veux d’ores et déjà souligner les deux principales avancées qu’ils comportent à mes yeux. La première consiste à donner à certaines associations de lutte contre la corruption la possibilité de mettre en mouvement l’action publique. Il s’agit là d’une avancée fondamentale. Combien de fois avons-nous été témoins, sous l’ancienne majorité, de la révélation d’affaires par la presse sans qu’aucune enquête ne soit ouverte par le parquet ? Aujourd’hui, chacun peut s’en convaincre à la lecture de la presse, la pratique a déjà beaucoup évolué. Il convient désormais de créer un nouvel instrument juridique afin de graver les progrès dans le marbre de la République. Demain, même si le ministère public refuse d’ouvrir une enquête, les associations agréées pourront l’y contraindre. Voilà qui sera de nature à ôter tout soupçon sur la bonne marche de la justice !La seconde avancée, c’est la création d’un parquet financier qui aura vocation à centraliser toutes les affaires importantes relatives à la moralité publique et à la fraude fiscale. J’y vois la perspective d’un gain en efficacité grâce à la mobilisation de magistrats spécialisés et en rapidité grâce à la mobilisation de moyens plus importants. Confortée par la réforme du statut du parquet et l’absence d’instructions individuelles, l’action d’un tel procureur ne laissera place à aucun doute sur son indépendance et sur l’étendue de ses marges de manoeuvre.Outre ces dispositions nouvelles, le travail législatif a permis de renforcer le projet de loi. J’en veux pour preuve l’adoption par notre commission des lois d’un amendement visant à offrir plus de protection aux lanceurs d’alertes. Autrement dit, nul ne pourra faire l’objet de discrimination professionnelle pour avoir alerté les autorités sur une fraude qu’il a constatée. Comme vous le voyez, mes chers collègues, voter le texte, ce n’est rien de moins que remobiliser la puissance publique pour la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, améliorer l’état du droit et corollairement conforter l’État de droit.