Lorsque j'ai parlé de schizophrénie, j'évoquais les arguments contradictoires. Vous n'étiez pas, à ce moment précis, personnellement visé ! Connaissant davantage l'intention de vos propos que moi, si vous vous êtes senti visé, ce dont je serais profondément désolée, je n'y serai pour rien !
Je vous rappelle simplement que l'actuel article 20 de la Constitution confie à l'exécutif la conduite de l'action publique. Lorsque j'ai, un jour, rappelé que vous étiez magistrat, monsieur Fenech, des députés de votre groupe s'en sont trouvés froissés. Je vous ai alors demandé s'il était infamant d'être magistrat ! C'est n'est pas au magistrat que vous êtes, monsieur Fenech, que je rappellerai la différence entre la politique pénale et l'action publique. La loi du 9 mars 2004 a introduit dans le code de procédure pénale la disposition selon laquelle le garde des sceaux est responsable de la conduite de l'action publique sans dire toutefois un mot de sa responsabilité en matière de politique pénale. Vous prétendez que nous clivons. Mais ce sont vos arguments qui prouvent qu'il est impossible de débattre au fond des institutions ! Il est tout de même extraordinaire de constater qu'il n'y a pas un mot dans l'actuel code de procédure pénale sur la responsabilité du gouvernement en matière de conduite de la politique pénale ! Or certains d'entre vous – et peut-être vous-même, monsieur le député Fenech – ont rappelé qu'aux termes de l'article 20, l'exécutif, donc le gouvernement, était responsable des grandes politiques publiques sur le territoire. La politique pénale est une grande politique publique de la justice et vous savez parfaitement, monsieur le député, que l'action publique est directement exercée par le procureur et par personne d'autre ! Le procureur général doit l'animer et la coordonner ! Le fait de rappeler que le garde des sceaux est responsable de la politique pénale sur l'ensemble du territoire et que, par circulaire générale et impersonnelle, il donne ses orientations sur la politique pénale prouve l'engagement du Gouvernement à ce que la politique pénale soit la même sur tous les territoires. Les procureurs généraux doivent y veiller !
Nous savons aussi que, sur le territoire, il y a des situations différenciées, avec parfois des contentieux particuliers justifiant que l'on donne des orientations particulières. Lorsque nous sommes confrontés par exemple à de la criminalité organisée, à du grand banditisme ou à de la corruption, il y a lieu de définir une politique pénale territoriale, de donner des orientations sur les options possibles en matière d'enquête. C'est ce que nous avons fait sur certains territoires en indiquant par exemple que, chaque fois que c'était possible, il fallait privilégier la cosaisine, et nous commençons à avoir des résultats significatifs sur la saisie des avoirs criminels. Tous les territoires ne sont pas concernés par ce type de contentieux. Sur un territoire où ce type de contentieux est structuré, structurel et durable, il y a lieu d'avoir une politique pénale territoriale particulière. Le procureur général n'a pas un pouvoir discrétionnaire, il a des obligations et des devoirs, il a la responsabilité de s'assurer de la politique pénale menée sur le territoire qui relève de son ressort.
Vous me demandez de vous citer un seul exemple, mais la réponse est venue de vos rangs. C'est M. Jean-Frédéric Poisson qui vous répond que la question n'est pas de savoir comment nous organisons l'institution judiciaire et son fonctionnement. Il ne s'agit pas d'aller piocher un exemple. On peut s'amuser à ce jeu-là, je n'ai pas envie d'y jouer lorsqu'il s'agit des institutions.