Puisque l'on parle d'éthique, il est une valeur qui tient à coeur à l'ensemble des chercheurs, qu'ils travaillent dans le cadre de la recherche appliquée, de la recherche fondamentale, de la recherche clinique ou de la recherche translationnelle – tous ces types de recherches sont d'ailleurs amenés à dialoguer au bénéfice des patients et de leurs familles : l'intégrité. On ne peut pas amener un chercheur à prédire des choses qu'il ne peut pas prédire. Or, lorsque je suis arrivée dans ce ministère, après avoir examiné les appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche, je me suis aperçue que la recherche fondamentale avait été soumise à une course aux crédits annuels. On demandait aux chercheurs de nommer des « livrables » annuels – mauvaise traduction des deliverable anglais.
J'ai dialogué avec le professeur Haroche, le professeur Cohen-Tannoudji et la professeure Barré-Sinoussi et tous m'ont dit qu'on les obligeait à mentir, en inventant des livrables que l'on ne peut pas prédire, parce que, comme vous l'avez dit vous-mêmes, il existe un facteur d'imprédictibilité dans la recherche fondamentale. C'est pourquoi l'une de mes premières actions, dès le conseil d'administration de l'ANR du 14 novembre 2012, a été de demander à ce que l'on remplace, pour la recherche fondamentale, les programmes annuels par des programmes pluriannuels, avec un objectif fixé à trois ans, qui est très différent d'un livrable et de la formulation précédemment choisie – un objectif thérapeutique affirmé, validé et nommé –, parce que c'est cela qui est trompeur pour les patients et leurs familles et qui suscite de faux espoirs.
En revanche, quand on évoque les fins médicales, on montre bien que l'objet doit être médical, qu'il n'est ni cosmétique ni non plus pour la reproduction puisque c'est interdit pour ce type de recherche. En précisant que la recherche s'inscrit dans une « finalité médicale », on est honnête et l'on respecte l'intégrité des chercheurs, ce qui me paraît tout à fait essentiel. Il est impossible de rappeler sans arrêt qu'il faut que la recherche s'opère dans un cadre éthique tout en permettant en même temps des choses pas du tout éthiques et mensongères à l'égard des chercheurs.
Je tiens donc beaucoup à cette formulation parce qu'elle est intègre et respecte l'intégrité de tous les types de recherche. Il est essentiel et fondamental de l'inscrire dans la loi. Cette formulation n'est pas le fruit d'un hasard, mais le résultat de beaucoup de réflexions, de consultations et d'années de dialogue. J'ajoute qu'elle a tenu compte des travaux auxquels vous avez participé, même si, in fine, vous n'êtes pas d'accord. Je vous assure qu'elle est fondée sur la transparence et sur l'intégrité, des valeurs fondamentales de la recherche au service des patients.