En tout état de cause, il était nécessaire, comme l’ont rappelé les précédents orateurs, d’amender la législation actuelle du fait de la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012. Tel est l’objet de la proposition de loi.
Nous ne sommes pas, à ce stade, persuadés que la rédaction retenue soit la plus adaptée, en particulier pour les garanties à apporter aux programmes de soins ambulatoires sans consentement, les modalités d’admission en unités pour malades difficiles, ainsi que leur contrôle juridictionnel. Les explications du Gouvernement à cet égard seront les bienvenues.
Néanmoins, notre groupe, constamment soucieux de séparer le bon grain de l’ivraie, salue l’évolution d’autres aspects de la législation que l’on doit, une fois n’est pas coutume, à l’écoute des usagers, des professionnels de la psychiatrie et des fédérations hospitalières concernées par cette responsabilité de service public très particulière.
Nous apprécions ainsi la tenue des audiences dans les établissements de santé et la gradation améliorée du régime des sorties.
Des interrogations demeurent cependant, mais nous espérons que les débats permettront d’y répondre.
Notre première question concerne la référence explicite au ministère d’avocat. Nous ne sommes pas opposés à cette mention, mais elle nous paraît superfétatoire. Le principe des droits de la défense est en effet soigneusement défendu en droit français et européen. La mention au ministère d’avocat va de soi dans le cadre d’une procédure de soins en psychiatrie sans consentement, comme dans tous les autres domaines de la vie où des décisions peuvent faire grief.
Ne prenez-vous pas le risque de créer un précédent législatif ? Qu’en ira-t-il demain d’autres domaines où le ministère d’avocat n’aura pas été prévu par la loi alors qu’il s’impose de droit ?
Nous nous posons par ailleurs la question de ces situations où une personne peut être confinée, sans son consentement, dans une chambre d’hospitalisation ou un établissement social et médico-social, en dehors de tout régime légal spécifique de protection du droit des personnes.
Une personne âgée désorientée peut ainsi être admise en maison de retraite ou dans une unité de soins de longue durée sans y avoir véritablement consenti, en dehors de tout cadre légal et sans qu’il soit prévu le moindre contrôle.
Le même problème se pose pour le confinement, dans une chambre ou une unité, de personnes handicapées, notamment celles présentant des troubles des fonctions intellectuelles, cognitives ou psychiques. Selon l’avis rendu par la commission nationale consultative des droits de l’homme le 27 juin dernier, ces secteurs devraient également relever du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Qu’en pense le Gouvernement ?
Par ailleurs, et de la manière la plus anarchique qui soit, de plus en plus de dispositifs de géolocalisation sont proposés en vente libre sur internet alors qu’ils peuvent porter gravement atteinte au droit et à la dignité des personnes vulnérables. Certains pendentifs ou ceintures comportent ainsi des serrures pour contraindre leur utilisateur. La charte de bonnes pratiques pour les dispositifs de géolocalisation est une excellente initiative de la ministre déléguée aux personnes âgées, d’autant plus qu’elle associe le milieu industriel et la communauté médico-sociale des usagers et des professionnels responsables. Mais qu’en est-il du secteur sanitaire des unités de soins de longue durée, de la psychiatrie ou encore du secteur du handicap ?
Vous comprenez le sens de notre interrogation. Nous réfléchissons pour la psychiatrie dans un périmètre législatif étroit qui date de la loi de 1838, amendée en 1990 puis en 2011, mais les mêmes questions se posent pour le jardin voisin, celui du secteur social et médico-social, en établissement ou à domicile, qui touche le droit des personnes vulnérables.
Il serait nécessaire de se pencher sur la situation de ces personnes déficientes intellectuellement, désorientées ou confuses pour lesquelles se pose la question de la qualité et de la constance du consentement, en particulier dans le secteur sanitaire, social et médico-social. C’est d’ailleurs une recommandation de la conférence nationale de santé, énoncée avec raison dans un avis unanime le 18 juin. Qu’en pense le Gouvernement ?
Ma troisième question concerne les admissions en unités pour malades difficiles – UMD. Notre pays ne compte que onze structures de ce type pour près de 450 lits, ce qui signifie que le transfert dans une UMD est synonyme de déplacement dans une autre région, parfois lointaine. Un patient suivi à Sainte-Anne, à Paris, peut ainsi être admis à Aix. À cet égard, le cadre juridique issu de la proposition de loi n’est-il pas insuffisant par rapport aux enjeux de liberté individuelle ?
Enfin, parce que nous sommes aussi attachés aux libertés individuelles qu’à l’ordre et à la tranquillité publics, nous nous interrogeons sur le peu d’attention porté aux conditions de réintégration des patients qui n’observent plus leur traitement et leur programme de soins mais qui ne sont plus hospitalisés à temps plein.
Les soignants diligentés auprès d’eux pour rétablir l’indispensable observance des soins ne peuvent pas intervenir à domicile. Comment leur garantir le concours indispensable de la gendarmerie ou des pompiers dans ces situations sans doute rares mais à hauts risques, où aucune perte de temps n’est admise ?
Un décret d’application de la loi de juillet 2011 devait apporter des réponses, mais il n’est malheureusement pas encore paru. Cette proposition de loi ne fait plus référence à ce décret, mais ce n’est pas en brisant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre ! Que comptez-vous faire ?
En conclusion, parce que cette proposition de loi répond à une nécessité, le groupe UDI la votera, mais nous vous saurions gré de bien vouloir répondre aux questions qu’il laisse néanmoins en suspend.