Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 25 juillet 2013 à 9h35
Soins sans consentement en psychiatrie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

…améliorer le dispositif, prévoir une meilleure graduation du suivi spécifique. Or vous le supprimez au profit d’une approche expéditive : cela ne constitue pas du bon travail législatif.

J’ajoute, monsieur le rapporteur, que non seulement vous supprimez la référence aux UMD, mais surtout vous réservez la procédure sécurisée à des malades passés à l’acte et, de surcroît, ayant commis des actes particulièrement graves. En effet, aux termes de la proposition de loi dont nous discutons, seuls seront concernés les malades ayant commis des violences sur les personnes passibles de cinq ans de prison ou des atteintes aux biens passibles de dix ans de prison, et ayant été déclarés irresponsables.

Ce choix particulièrement discutable emporte au moins deux graves conséquences. D’abord, le dispositif ne s’appliquera que très rarement puisque, fort heureusement pour les malades eux-mêmes et pour la société, de tels passages à l’acte sont fort rares. Mais surtout, vous videz de toute portée préventive l’accès au dispositif des UMD : vous en excluez le contingent ultra-majoritaire en nombre de malades, dont l’évaluation médicale établit la dangerosité pour eux et pour les autres. Au passage, vous excluez le facteur aggravant déclenchant considérable des addictions concomitantes à une psychopathie grave.

À titre d’exemple, des violences ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail supérieure à huit jours sont passibles de trois ans d’emprisonnement : elles échappent donc au champ de votre proposition de loi. Avec votre texte, ne relèveraient des UMD que des violences sur les personnes passibles de cinq ans d’emprisonnement avec circonstances aggravantes – par exemple, des violences sur des mineurs, sur des personnes vulnérables, sur des ascendants ou sur magistrat, ou avec l’usage d’une arme. De même, l’acquisition, la cession ou la détention d’une ou plusieurs armes de catégorie C en l’absence de déclaration prévue est punie de deux ans d’emprisonnement : de telles initiatives de la part de psychopathes dangereux échapperaient donc à votre dispositif.

La suppression de la définition légale des UMD est donc préoccupante ; elle exposera à la création d’UMD sauvages. Mieux vaudrait réfléchir à distinguer les unités de soins intensifs – les USIT – des UMD. Actuellement, les praticiens placés devant des malades à l’évidence cliniquement très dangereux disposent de commissions de suivi pour partager et confronter leurs décisions face à des difficultés et à des responsabilités majeures. Qu’en sera-t-il demain ? Supprimer le dispositif, c’est méconnaître une bonne part de la clinique, tout autant que les effets aggravants de certaines addictions concomitantes.

Tout cela, la loi de 2011 l’a pris en compte mais vous l’écartez, de même que vous écartez des soins renforcés le plus grand nombre de ceux qui pourraient bénéficier du dispositif des UMD. Je vous propose donc, faute du temps indispensable à un bon travail législatif et à une large concertation, de réintégrer par amendement ce dispositif de suivi spécifique tout en précisant les conditions d’admission ou de sortie dans ces unités, tel que le Conseil constitutionnel le recommande. Faute de quoi, nous ne pourrons que nous opposer à l’adoption de ce texte qui supprime plusieurs des avancées de la réforme de 2011 pour les droits et la sécurité des malades psychiatriques dangereux, pour eux-mêmes et pour les autres.

Surtout, madame la ministre, redoutant les effets préoccupants des dispositions de cette proposition de loi, je vous demande instamment de prévoir dès maintenant la mise en place d’une mission transpartisane largement ouverte…

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