Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 22 juillet 2013 à 17h00
Transparence de la vie publique — Présentation commune

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Votre commission des lois, qui s’est réunie le 17 juillet, a apporté des modifications qui – je le souligne d’emblée, monsieur le rapporteur – ont le soutien total du Gouvernement. Adoptant quarante amendements, la commission a rétabli l’essentiel des textes adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture, en conservant certaines avancées acquises au Sénat.

Les informations contenues dans les déclarations d’intérêts, qui seront rendues publiques par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, seront librement réutilisables : il s’agit là d’une avancée vers l’open data, auquel nous sommes favorables. La commission a par ailleurs repris la mesure introduite au Sénat, assurant la transparence de la réserve parlementaire – j’imagine que nous aurons des échanges à ce sujet.

Par ailleurs, le texte qui vous est soumis comporte à nouveau un dispositif de protection des lanceurs d’alerte en matière de conflits d’intérêts, auquel le Gouvernement est très attaché, et dont on a vu, à l’occasion d’affaires récentes – je pense notamment au Mediator – combien son rôle pouvait être utile.

Le contrôle des électeurs sur ceux à qui ils ont confié le soin de les représenter est une exigence démocratique ancienne. Ce regard citoyen est l’essence même de la démocratie représentative. S’agissant donc de la déclaration de situation patrimoniale, le dispositif a été remanié pour revenir à celui que vous aviez adopté en première lecture. Nous aurons à en débattre, car des amendements, déposés notamment par le groupe socialiste, envisagent des modifications du délit de publication non autorisée. Il faut pourtant rappeler que l’intérêt essentiel du texte réside ailleurs, puisque, pour la première fois dans notre histoire, un texte législatif va définir la notion de conflit d’intérêts et mettre en place des outils pour prévenir ce genre de situation.

Il me semble que la définition figurant à l’article 2 du texte de la commission est satisfaisante à cet égard. Notre ambition est bien de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière : dans une société démocratique avancée, les conflits d’intérêts constituent une marge grise de non droit, qu’il faut faire régresser, afin que certaines situations, aujourd’hui ignorées, soient désormais organisées par le droit.

L’ensemble des déclarations d’intérêts seront rendues obligatoires pour près de 8 000 personnes visées par ce présent projet de loi, et elles seront rendues publiques par la Haute Autorité. Je crois que l’on ne mesure pas les implications de ce dispositif.

Ces textes organisent pour la première fois un système de déport, en imposant par exemple aux membres des autorités administratives indépendantes se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts – car il ne faut pas réduire ces textes aux seuls élus – l’obligation de s’abstenir de prendre part à une affaire ou à une décision les concernant. Il s’agit là d’une traduction moderne de la maxime du droit latin selon laquelle on ne peut être juge et partie. Là encore, cette nouvelle obligation est la matrice d’un profond renouvellement des pratiques des décideurs publics. J’y reviendrai, car le Gouvernement soutient l’amendement de votre rapporteur, qui envisage la situation des ministres d’une manière plus conforme aux règles constitutionnelles applicables.

Mesdames et messieurs les députés, afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera créée. Elle disposera de pouvoirs effectifs et sera notamment dotée de l’autonomie financière et de la possibilité de fixer son organisation interne et ses procédures par un règlement général. La Haute Autorité pourra demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, ce qui constitue évidemment une avancée très importante. Le président de la Haute Autorité sera nommé par décret, selon les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Nous avons eu quelques échanges au Sénat sur la composition de ce collège. Nous nous félicitons, là encore, des travaux de votre commission, qui a rétabli le principe d’une composition ouverte à des personnalités dites qualifiées, mais dans un format qui soit compatible avec les implications d’une ratification aux trois cinquièmes, que vous aviez proposée.

L’indépendance des élus qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale est un principe constitutionnel. Il doit être garanti par l’édiction de nouvelles interdictions qui évitent la confusion de l’argent et de la démocratie.

Je tiens ici à rappeler qu’en ce qui concerne le contrôle de ces incompatibilités ainsi que les sanctions éventuelles en cas de conflit d’intérêts, le projet du Gouvernement comme le texte issu des travaux de votre commission respectent pleinement l’autonomie des assemblées car c’est et ce sera toujours le bureau des chambres qui aura le dernier mot, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne l’interdiction de toutes nouvelles activités pour les parlementaires, introduite à l’Assemblée nationale par un amendement du groupe socialiste, le Gouvernement vous proposera de la préciser et de la garantir juridiquement.

S’agissant des dispositions pénales, le Gouvernement s’est là encore rangé aux arguments de la commission.

Le projet de loi vous propose donc de mettre en oeuvre l’engagement no 49 de François Hollande en ouvrant la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité afin que l’ensemble des élus du suffrage universel et les membres du Gouvernement puissent être condamnés à une peine d’inéligibilité pouvant être portée à dix ans en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption ou la fraude fiscale.

Le Gouvernement envisage favorablement, dans cette perspective, la suppression de la modification de la prise illégale d’intérêt que le Sénat avait envisagé.

Les textes qui vous sont soumis me semblent avoir notablement été enrichis par le débat parlementaire de ces dernières semaines.

L’ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen tendent à servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence et de justice.

Montesquieu, dans De l’esprit des lois, écrivait très simplement que pour pouvoir fonctionner, « une démocratie a besoin de personnalités vertueuses ». Je suis convaincu que votre assemblée saura apporter sa pierre à l’édifice de la vertu publique.

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